Concours "Les petits papiers de Chloé" Texte 7

Publié le par christine brunet /aloys

Le bonheur n'est-il pas toujours ailleurs ?




 

Assise sur cette banquette, j'observe les paysages qui s'effilochent au fil des kilomètres.
Je suis pensive, comme envoûtée par le tangage et la musique du train. Je rêve d'un ailleurs, de m'évader jusqu'au bout d'un long trajet ferroviaire, jusqu'à voir se dessiner les faubourgs de Paris, de Luxembourg ou encore de Vienne. Je rêve, mais je n'agis pas. Chaque jour sauf le dimanche, j'emprunte le train et je descends à la gare située à cinq cents mètres de la librairie où je travaille. Un réel hiatus entre mon rêve et la réalité. 


Un dimanche, le jour de l'anniversaire de mes vingt-cinq ans, je décide de me rendre à Paris. Me voici sur le quai, j'attends le TGV. Me voici qui monte dans le wagon. Me voici assise en face d'un bel homme brun qui représente pour moi l'élégance parisienne. L'homme me sourit, j'ai l'audace de me noyer un instant dans le bleu de ses yeux. Je suis troublée. 


Tout à l'heure, oui tout à l'heure, le bonheur me réchauffera. Je verrai Paris. J'invente des images plus belles encore que celles des guides touristiques. Je me souviens d'un voyage scolaire là-bas au terme de mes études secondaires…

 

J'entends des voyageurs qui palabrent à propos du petit appartement qu'ils occupent à Paris. Ils aspirent à en trouver un autre, car le leur ne dispose même pas d'un petit balcon. Ils bavardent, mais leurs propos ne m'atteignent pas… Il me semble que les gens parlent rarement de la lumière qui enjolive leur quotidien, ils parlent plutôt des ombres. Ils ne saisissent pas la chance de disposer du cadre de vie exceptionnel qui est parfois le leur.

 

Les minutes filent. Le train roule. Je monte vers Paris. S'ouvre à moi la certitude de toucher bientôt au bonheur éphémère en appréhendant la beauté de la ville, en mangeant dans une brasserie, en marchant dans un parc, en visitant un musée. Peut-être un jour trouverai-je les ressources nécessaires pour m'établir à Paris et m'y enraciner dans un bonheur durable ?  

 

Voici que j'aperçois les abords de la gare. Voici que le wagon s'arrête. Voici que la porte s'ouvre. Voici que je descends et marche sur le quai. Voici que je sors de la gare. Voici que j'aperçois un miséreux. Voici que je suis rappelée à la réalité. J'ai les pieds sur terre comme je les ai quand je travaille, quand j'aperçois les fumées des usines.

 

Ce soir, je rentrerai chez moi et je penserai que le bonheur est ailleurs, qu'il est peut-être au bord d'une plage ou sur un sentier de montagne. Le bonheur n'est-il pas toujours ailleurs ?  

 

Publié dans concours

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P
Il est vrai que les gens parlent le plus souvent de l'ombre...
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E
Oh c'est un peu triste, ce bonheur de train. Comme le dit Séverine, le train est propice aux rêveries, on en oublierait de descendre...
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S
Oh, une nouvelle histoire de train ! C'est vrai que les quais et les banquettes prêtent bien au romanesque et aux échappées belles... mais au bonheur, rien n'est moins sûr ;)
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