Texte 8 du concours "Les petits papiers de chloé" sur le thème de la magie

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Les sorcières, le chasseur et la petite fille



 

  La Forêt sentait les fleurs sauvages, les champignons et la rosée matinale.  Elle sentait également les ennuis.

  Sous les ombres mouvantes d’un arbre, se cachait une commère.  Elle attendait, son balai à la main, le chapeau vissé sur la tête, ses gros godillots enfoncés dans la terre moussue.

  Un chasseur vint à passer, qui reniflait le sanglier.  Il passa, sa vieille pétoire sous le bras, en faisant plus de bruit qu’un rat dans une bibliothèque et la commère songea que les sangliers étaient à l’abri, cette fois encore.

  Le temps passa et une gamine haute comme trois pommes, enjolivée d’un chaperon de couleur éclatante, s’en vint crapahuter sur le chemin.  Elle avait les mains embarrassées d’un petit pot de beurre, sans doute un cadeau pour quelque mère-grand.  La fillette s’éloigna en sautillant et le temps se remit à passer.

  Enfin, au détour du sentier, apparut une mégère flanquée d’un balai au profil élancé.  Chaussée de bottines aux talons un peu trop hauts, emballée dans une robe un peu trop seyante, le chapeau encombré de fleurs et rubans, elle marchait néanmoins du pas que lui enviait le garde champêtre du village.  De son panier dépassaient feuilles et fleurs en abondance. 

  La commère sortit de sa cachette et la mégère s’arrêta.  Entre elles, l’hostilité était palpable et si la conversation débuta dans une froide politesse, elle sombra promptement dans le crépage de chignon.  La commère reprocha à la mégère de médire d’elle au village et la mégère reprocha à la commère de faire peur aux enfants.  La commère enchérit en dénonçant le manque de respect de la mégère, ce à quoi la mégère répondit en dénonçant les idées archaïques de la commère.

  Les noms d’oiseaux s’envolèrent, faisant taire leurs modèles qui se réfugièrent sous les frondaisons, les sangliers s’enfuirent à toutes pattes, piétinant au passage un ahuri nanti d’une pétoire, et une fillette sous un joli chaperon tira si fort une chevillette que la bobinette fit un malaise et chut.

  Sous un coin de ciel orageux, deux balais se firent face, leurs brindilles griffant rageusement le sol en soulevant une tonne de poussière.  C’est alors que survint un troisième, l’allure inédite, tout de métal incrusté.  En descendit une sorcière, qui remonta sur un chapeau fort décoré une paire de lunettes de cuir.  Sa robe noire, curieusement nantie d’un corset à boucles de métal, s’ouvrait sur le devant, laissant apparaître un pantalon moulant enfoncé dans de hautes bottes.  

  Elle se présenta comme étant la nouvelle, se dit ravie de rencontrer ses chères consœurs et souhaita qu’elles lui fournissent rapidement le calendrier des convents.  Puis elle remit ses lunettes, enfourcha son balai et décolla sur les chapeaux de roue.  Ébahies, les chères consœurs la regardèrent disparaître au loin puis s’en allèrent, bras dessus, bras dessous, chuchotements et ricanements sinuant dans leur sillage.

  Le bois regagna sa sérénité, arrachant au chasseur tapi dans les buissons un long soupir de soulagement… aussitôt transformé en cri d’effroi !  Derrière lui, venait de surgir la petite fille au joli chaperon.  Elle lui fit un grand sourire, puis gagna le chemin où la poussière finissait de retomber.

  ‒ Ces femmes sont terrifiantes, gémit le chasseur en rejoignant rapidement la petiote.

  Il jetait des coups d’œil furtif derrière lui et tenait son tromblon d’une main frémissante.

  ‒ Oh ! Elles font beaucoup de bruit quand elles se querellent, mais c’est tout.  Celle avec les affreux godillots, elle soigne les rhumatismes de ma mamie et parfois elle l’aide à faire son ménage, quant à l’autre, la grande, elle a aidé mon papou à soigner son cheval.

  ‒ N’empêche…  je crois que ce sont des sorcières, chuchota le chasseur en roulant des yeux.

  ‒ Nooon, vous croyez ? répondit la fillette, amusée.

  Alors qu’ils atteignaient le village, la petiote alla d’un bon pas trouver la mamie du benêt qui l’accompagnait et la pria de rappeler ses copines à l’ordre lors du prochain convent puis, sautillante, elle s’en retourna chez son papou en rêvant au splendide balai rouge vif qui serait le sien quand elle serait grande.

 

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A
Je me demande si quelqu'un a pensé à ranimer la bobinette ?
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M
Très amusant ! Bravo !
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P
Très joli et rempli d'humour 👍
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J
Joli conte plein d'humour et très rafraichissant. J'aime beaucoup. :)
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M
On fait le plein de bonne humeur en revisitant les contes et on se demande où est passé le loup. Peut-être parti patte dessus, patte dessous, avec le sanglier ?
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P
Perrault et Grimm doivent être jaloux de ce conte...
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