L’étrange chapelle de Donstiennes-le-Château, une nouvelle en deux parties signée Carine-laure Desguin
Excellente nouvelle, mon texte L’ETRANGE CHAPELLE DE DONSTIENNES-LE-CHÂTEAU, a été sélectionné et figure dans le recueil VOYAGES DANS LE TEMPS. Ce concours était organisé par l’ASBL PLAY AGAIN https://www.play-again.be/
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Merci à toute l’équipe de PLAY AGAIN !
L’étrange chapelle de Donstiennes-le-Château
Cela faisait des plombes que Steven, mon fiston de 16 ans, me harcelait quasi chaque semaine. « Alors p’pa, cette fois, go, ok ? me lâcha-t-il, souriant, tout en ouvrant avec vigueur la porte du bureau et en s’excusant de m’avoir fait sursauter.
- Explique-moi de quoi il s’agit exactement, je lui répondis, prêt ce soir-là à écouter son projet, un désir plus que fou de passer au moins deux nuits à la belle étoile je ne sais plus sous quelles latitudes ni même pour quelle raison particulière. Parce que oui, trépigner de pareille façon pour aller dans un endroit précis occultait à coup sûr un truc plein de mystères qui s’amplifiaient de semaine en semaine.
- Extra, alors c’est ok ? »
Steven, comme la plupart des ados, répercutait plus de mille idées à la minute, des idées plus folles les unes que les autres. Impossible donc pour moi de tout emmagasiner et de retenir le dixième de ce que mon fils me racontait. Surtout que ces histoires étaient plus abracadabrantes les unes que les autres. La faute sans doute à cette J.K. Rolling et son magicien, Harry Potter. Mais entre le monde magique de Poudlard et la violence que vivent les héros des jeux vidéo actuels, y’a pas photo, je votais Poudlard, ses baguettes magiques, et ses tours de passe-passe. « Steven, je te demande de m’expliquer calmement en deux ou trois mots pourquoi cette obstination, pourquoi tu te focalises sur cet endroit de la Terre et pas un autre. Et puis surtout, où se trouve ce lieu ? Écoute la question quand même. Assieds-toi là, je lui dis en montrant de mon index droit le fauteuil vintage près de la fenêtre et raconte-moi tout ça. Steven s’affala sur la vieille bête et, par bribes de phrases, me « raconta », en ne quittant pas son GSM des yeux, la petite histoire de la petite histoire …
- C’est un truc de délire que j’ai lu … dans un livre … y’a pas si longtemps …
- Avec de pareils détails, je suis fixé, oh ça oui ! Quel livre ? Et quel truc ? C’était le récit d’un explorateur inconnu ? Je lui ai demandé sur un ton ironique.
- Oh ben, le prends pas mal hein, p’pa !
- Non, tout va bien ! Écoute-moi bien, Steven, je suis décidé mais alors là, super décidé à fond la caisse pour t’accompagner sur ton île mystérieuse mais j’ai besoin de connaître l’endroit exact et quelques autres détails. C’est légitime, tu crois pas ?
- Le livre ? Disparu !
- On dira perdu … soit, je t’écoute, j’ai rétorqué tout en pensant que tout cela démarrait mal, très mal. Cependant, cette disparition livresque aiguisa ma curiosité.
- Non, disparu, insista-t-il. Je me doutais que tu ne me croirais pas. Le nom de l’auteur … s’est échappé de ma mémoire. Par chance, j’avais noté le lieu. Donstiennes-le-Château.
- Donstiennes ?
- Le-Château. Donstiennes-le-Château. Tu connais ?
- Je connais Donstiennes, un charmant petit village à quelques kilomètres de Beaumont.
- Non, c’est pas le même Donstiennes, certain de ça. Dans le livre, il est question d’étranges disparitions. Des filles et des garçons se sont volatilisés. Et sont réapparus des années plus tard, complètement amnésiques. D’autres sont toujours dans les méandres spatio-temporels. Je trouve tout ça passionnant, voilà.
- Les méandres spatio-temporels ? Et ?
- Eh bien, rien. Je voudrais visiter cet endroit-là, voilà tout. Peut-être même découvrir un vortex ou quelque chose comme ça.
- Un vortex ou quelque chose comme ça ?
- Oui, un vortex, p’pa, c’est français quand même, et c’est un mot qui figure au dictionnaire, rassure-toi. Un vortex, voilà.
- Tout va bien, Steven, tout va bien. Nous irons à Donstiennes-le-Château. Parce que tu as lu un livre qui aujourd’hui a été avalé par une entité supranormale invisible, livre dont tu as oublié le titre et le nom de l’auteur. Dans ce livre, on relate la disparition mystérieuse de jeunes filles et de garçons, peut-être ont-ils été aspirés par un quelconque vortex. C’est bien ça ? j’ai demandé d’un air assez dégagé qui prouvait toute ma bonne volonté.
- Oui p’pa, t’as tout pigé. Et Donstiennes-le-Château, tu situes ?
- Non, mais toi oui, je suppose …
- Yes ! J’ai lu le livre en entier et son scan vivote entre mes neurones !
- Alors nous partirons demain matin, ai-je annoncé, abasourdi par les connaissances subites de mon fils et sa capacité à absorber un bouquin entier. Ta mère prolonge son séjour chez ta grand-mère, une belle occasion pour nous deux de nous évader. Prépare ton baluchon, je prépare le mien et tout le matos pour dormir à la belle étoile, si j’ai bien compris. Pas d’hôtel à Donstiennes-le-Château ?
- En effet P’pa, nous serons au milieu des bois. Oh, j’avais zappé … On peut dormir dans une petite chapelle située dans le bois … C’est même idéal pour identifier ce vortex, tu comprends ?
- Oh oui, j’ai tout capté, sois en certain, Steven ! »
Nous roulions depuis presqu’une heure. Steven était dans un état de surexcitation incroyable, c’est tout juste s’il ne se tortillait pas sur le siège tellement il était énervé. Il avait cherché le fameux livre durant une partie de la soirée. En vain. Cette disparition le tracassait. Il était certain de l’avoir rangé dans sa table de nuit. Il ne se souvenait toujours pas du titre du livre ni du nom de l’auteur. Par contre, l’itinéraire et le lieu précis, ça, tout était clair dans sa mémoire. Steven semblait en connaître plus sur cette histoire de vortex et de disparitions inquiétantes qu’il voulait le laisser entendre. « Voilà, p’pa, sur la droite, là plus loin, tu tournes.
- On dirait que tu es déjà passé par ici. Tu connais le chemin par cœur. Comment savais-tu que ce panneau s’annonçait là ?
- J’sais pas ! L’instinct ! C’est quand même étrange, ce parcours ne m’est pas inconnu. Sans rire, je supposais vraiment que ce panneau, « Chapelle » serait visible. À présent c’est tout droit pendant cinq ou six kilomètres, à travers ces bois. Ensuite nous devrions atteindre une grande clairière située en hauteur.
- Eh bien, tu m’épates ! »
Trente minutes plus tard, nous étions face à cette petite chapelle qui ne payait pas de mine. Elle était toute délabrée, pas entretenue depuis des lustres. Cette grande clairière permettait à la lumière du jour de lui donner un semblant de clarté, voire de fraîcheur. Oublions le mot beauté … « C’est assez lugubre, tu ne trouves pas ?
- Bof, il ne pleut pas, c’est déjà ça ! Viens, allons direct visiter cette chapelle ! »
Steven était très à l’aise, comme s’il avait arpenté les lieux depuis toujours. Je ne reconnaissais pas mon fils, lui si timide d’habitude, pas une once de témérité et là, il était comme un poisson dans l’eau, très sûr de lui. Nous étions seuls tous les deux au milieu de nulle part dans un bled qui se nommait Donstiennes-le-Château, un endroit inconnu au bataillon par mon GPS. Sur la route, une fois passé ce panneau, « Chapelle », nous n’avons pas croisé une âme, même pas un oiseau, rien, aucun animal. Le soleil était toujours bien à sa place et ça, ça me rassurait. Steven, lui, était enchanté. « Waouh, géniale cette chapelle ! Allez viens voir ça, p’pa !
- Un nid de poussières mais à part ça, rien de spécial pour moi, j’ai répondu, mille fois moins enthousiasmé que mon fils. Qu’est-ce que tu trouves de si génial que ça ici ? Je lui ai demandé.
- Ben tout, absolument tout !
- Je ne vois qu’une chapelle en ruine. À l’intérieur, tous les objets religieux sont absents. Pas d’autel, pas de jubé, nada. Les vitraux ressemblent à ceux de certaines églises ou cathédrales, ça oui. Si on regarde de plus près, sur ces vitraux, des scènes bibliques, dirait-on. Mais comme je ne suis pas spécialiste en la matière … Et puis là, une dalle sculptée avec dessus une inscription illisible.
- Qu’est-ce que tu peux être rabat-joie, p’pa ! Mais ce lieu est magique, tu ne ressens donc rien en toi ?
- Ben non, rien, que dalle ! À part une grande fatigue, rien.
- Une grande fatigue ? Eh bien moi, c’est tout le contraire, je suis submergé par une énergie incroyable ! J’ai envie d’inspecter chaque dalle, chaque vitrail.
- Je ne voudrais pas casser l’ambiance mais d’après moi, une chapelle est toujours dédiée à un saint, non ? Et ici, où est le nom du saint ? Ou de la Vierge ?
- Ben justement, p’pa, c’est à nous de percer le mystère ! rétorqua-t-il, comme transporté par ce lieu.
- Ouais, ouais. Et si on installait les sacs de couchage et notre matos ? Le jour décline et il commence à faire frisquet. Ces dernières heures ont défilé à une vitesse inimaginable.
- Ah bon ? Il n’est que dix-neuf heures, marmonna Steven.
- Ta montre retarde, fiston. Il est vingt-deux heures ! D’ailleurs regarde, il fait presque nuit !
- Ok, tu as sans doute raison. »
On s’est alors engouffrés dans nos sacs de couchage. J’ai voulu envoyé un SMS à mon épouse afin de la rassurer mais bien sûr, réseau néant. J’ai même pensé que c’était étrange, Steven qui d’habitude ne quittait pas son GSM, là, il l’avait presque zappé. Bonne affaire ai-je pensé, que cet oubli perdure, alléluia.