Beaudour Allala : J’écris les silences que je ne peux taire, quand ils me parlent trop fort.
Beaudour Allala, c'est d'abord un nom et un prénom peu communs et une première de couverture qui ne peut laisser indifférent. C'est ensuite un univers et une présentation sur le blog aloys, alléchante.
Je lui ai proposé un interview mais je dois avouer qu'au départ, elle n'était guère partante, son référencement encore éloigné. Et puis... elle a enfin accepté de répondre aux questions qui se bousculaient dans ma tête ! Et je l'en remercie...
Tu veux bien te présenter, stp ?
Je suis une autodidacte qui a toujours étudié, lu et rencontré les autres… Mon prénom est perse et je suis originaire de la Tunisie. Une femme « entre deux », deux cultures, deux pays, dichotomique mais entière…
Depuis quand écris-tu ? Une passion ? Une vocation ? Un hobby ?
D’aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours écris poèmes et histoires…
Ma passion est d’exprimer de manière métaphorique, sens et émotion. Autrement dit, écrire et traduire en image. Je réalise court-métrages et documentaires. Je sculpte également des pièces figuratives et des bustes (enfants et adultes).
Définis le mot écriture
J’écris les silences que je ne peux taire, quand ils me parlent trop fort.
Magnifique définition ! Définis ton style ?
On dit que mon style est métaphorique et poétique. Voici un court extrait de mon livre :
« La mort n’est pas celle que l’on croit ! Elle est tapie dans la lâcheté, bien plus mordante que celle qui ensevelit les corps, grignotant seulement une partie de nous-mêmes. Il existe des corps éteints, muets dans leur respiration conformiste, des corps qui s’éloignent de vous et dont le deuil est plus difficile à faire parce que ces derniers sont encore bien vivants. »
Parle-moi de ton bouquin ? Quel genre ?
C’est un genre « roman/nouvelles » avec 12 histoires courtes qui s’articulent, les unes aux autres, grâce à un narrateur omniscient. 12 couples intergénérationnels se frôlent dans une soirée dansante où l’on célèbre les 50 ans de mariage d’un vieux couple… 12 histoires d’amour, impossibles, infidèles, passionnés…
Comment voit-on ton travail d'écriture autour de toi ?
Addicte, jusqu’à l’overdose…
Tiens, ça me dit quelque chose... Facile ou compliqué d'être lu ? de mettre le point final ?
Je suis une adepte du roman n’excédant pas 200 pages… Il faut savoir donner l’essentiel aux autres… Le pavé a tendance à me faire fuir… Les histoires courtes comme les courts métrages gagneraient à être reconnus… Stephan Zweig, mon maître incontesté, comme Maupassant, étaient des nouvellistes, avant de passer à plus long.
As-tu déjà publié tes poésies ?
Oui, à compte d’auteur. Le recueil s’intitule « L’éveil de la sensualité » est a reçu un prix modeste en 1995 en Tunisie.
Dans quel genre littéraire te sens-tu le plus à l'aise ?
Je me sens à l’aise tant dans la mélodie que peut revêtir la poésie, que l’intrigue qu’offre la nouvelle ou le scénario jusqu’au roman qui nous permet un plus long voyage… En bref, tout ce qui est mot pour embellir les maux…
Comment es-tu arrivée chez CDL ? Quand as-tu signé ton contrat ?
C’est la journaliste et critique littéraire Savina de Jamblinne qui m’a conseillé d’envoyer à 10 éditeurs, «La valse des infidèles »… Elle a très bien ciblé, car parmi les dix à qui j’ai envoyé mon manuscrit, un d’entre eux m’a répondu positivement : « CDL ».
J’ai signé mon contrat en juin 2012 et le référencement dans le réseau des libraires est prévue pour avril 2013. Ainsi la promotion du livre pourra débuter.
Tu écris des nouvelles. Parle-moi de tes personnages ? Ta relation avec eux ? Comment les crées-tu ?
Mes personnages m’habitent, corps et âmes… Immanquablement, ils ressemblent à ceux qui se cherchent sur notre planète sans jamais parfois se rencontrer, alors par la magie de l’écriture, je rends la chose possible. Je les crée mes personnages comme je le fais avec la terre glaise pour mes bustes, un peu de terre de mots, de phrases pour en former les contours et faire en sorte qu’ils soient palpables …
Facile d'être lue ? Crois-tu qu'un auteur se livre un peu dans ses textes ?
Il est facile d’être lu lorsqu’on a la chance d’être repéré parmi des millions de manuscrits qui sont expédiés pour espérer une réponse positive d’un éditeur… J’ai eu cette chance et combien même, ce n’est pas Gallimard qui a répondu mais une maison d’édition modeste comme CDL à laquelle, à jamais, je serai reconnaissante, l’important c’est d’être lu, de croire en soi et aux autres, pour continuer à créer et à donner…
Le livre a ceci d’extraordinaire qu’il permet de se livrer « déguisé »… Je suis un vieil homme, septuagénaire et, à travers sa sagesse, je m’apaise face à la lucidité trop piquante de la vie ou bien, je suis cet enfant qui dévoile, avec innocence, ses sentiments et, croque la vie par méconnaissance de son goût amer…
Reparlons un peu de ta façon d'écrire : tu dis ne pas vouloir dépasser les 200 pages pour créer un texte resserré. Retravailles-tu beaucoup tes textes ?
Ma quête du nombre de pages pas trop importantes, n’est pas tant pour construire un texte resserré que pour permettre une lecture qui ne soit pas de l’ordre de l’effort, mais du plaisir…
Les longues descriptions d’un paysage ou d’un appartement m’ennuient profondément… Mes seuls décors sont mes personnages… c'est-à-dire, les mettre en situation avec les objets de l’appartement ou de la nature environnante, au fur et à mesure des évènements qu’ils vivent.
J’ai eu pour habitude, comme pour mes sculptures de ne jamais retravailler la matière, seulement j’ai compris que c’était une erreur. Oui, pour aboutir à une profondeur de pensée juste, il faut creuser l’âme jusqu’à sa moelle, comme pour mes pièces sculptées, elles méritent d’être retouchées jusqu’à obtenir la courbe maîtrisée.
Facile ou compliqué de mettre le point final ?
Le point final n’est jamais final, je crois. Il doit laisser toujours libre l’imagination du lecteur … Ainsi, il s’accapare mon personnage pour lui donner une autre vie… Une forme d’écriture participative, en quelque sorte, avec mes lecteurs…
Y a-t-il, selon toi, interaction entre l'écriture et la réalisation d'un court métrage ?... ou même le travail de sculpture que tu fais ? Puis-je avoir quelques photos de tes réalisations ? N'y a-t-il pas contradiction entre la sculpture, figée (une image à un moment donné d'un sujet) et l'écriture qui évolue tout le temps ?
Oui, bien sûr, il y a une véritable interaction entre l’écriture et la réalisation d’un film quel qu’il soit, car l’écriture est avant tout représentée dans le mental des lecteurs sous forme imagée… Nos lecteurs ont une salle de projection personnelle à l’intérieur du crâne et, c’est heureux. A nous, écrivain de leur donner à voir les plus belles ou terribles images pour leur transmettre de l’émotion… Tout livre peut être adapté au cinéma…
La sculpture, par contre, est pour moi une complémentarité pour me permettre après l’imagination qui passe par le visuel et l’auditif, d’accéder au kinesthésique…
Crois-tu que l'écriture s'inscrit dans le mouvement ? ou penses-tu comme beaucoup de poètes qu'elle est plus proche de la sculpture dans la dimension cisèlement des mots ?
J’ai parfois l’impression que mes neurones sont au bout de mes doigts et que je ne peux écrire qu’en laissant ma main se mouvoir… Oui, pour moi l’écriture est un mouvement imperceptible qui se passe de l’intérieur, sans que rien ne soit visible sur le corps, sauf si la main écrit.
Bien sûr, ensuite le ciselage des mots, après, est possible avec le raisonnement. Pas trop dans la poésie, mais dans les nouvelles et romans cela est indispensable de raisonner, pour apporter de la structure, comme l’ossature qui maintient la matière d’une sculpture…
Peux-tu écrire dans n'importe quel environnement , dans n'importe quel étât d'âme? Un/des rituel(s) ? Crois-tu que ton écriture (et p.e aussi ta sculpture) est le reflet d'un état d'esprit ponctuel ?
Oui, j’écris mieux lorsque je suis dans un état « naissant », c’est-à-dire proche de celui où l’on est prêt à tomber amoureux. En fait, je préserve cela en moi, j’essaye de regarder le monde avec un regard neuf qui redécouvre les choses et les êtres…
Je crois avoir fait le tour de ce que je voulais te demander. Je vais te laisser le soin de conclure à ta guise l'interview.
Je voudrais conclure par ce « merci » que l’on oublie de dire, à toute chose ou tout être, à tout ce qui nous paraît usuel ou acquis… Alors merci, Christine et à Chloe des Lys qui m’a fait confiance.
Merci à toi !
Christine Brunet
www.christine-brunet.com