Le chevalier noir, le feuilleton de Christian Van Moer. Episode 5

Publié le par christine brunet /aloys

 

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LE CHEVALIER NOIR

 feuilleton par Christian VAN MOER

 

http://christianvanmoer.skynetblogs.be/


 

Au temps des heaumes et des hauberts,

il était une fois la forêt du Mauroi…

 

 

 

épisode 5 : La Nymphe de la source

 

         A en croire la fée Sargasse, la nymphe Myrrha, qu’elle désigne comme nouvelle adversaire au Chevalier Noir, est bien, malgré les apparences, une créature démoniaque.

 

          − Ses pouvoirs sortent de l’ordinaire, Baron. Elle commande à la végétation qu’elle plante de ses propres mains ! Ses graines germent en une nuit, ses plants croissent en quelques jours à peine.

         − En quoi faut-il redouter pareil pouvoir, sorcière ?

         − Ses arbres sont ses gardes du corps et son armée. Ces géants sont capables d’étreindre et d’étouffer une tour jusqu’à ce qu’elle s’écroule. A son incantation, ses plantes épineuses vous injectent un venin paralysant, ses plus jolies fleurs diffusent un parfum létal. Ne vous laissez pas prendre au charme de sa beauté et de ses manières avenantes, Baron ! Myrrha est une enchanteresse dévoreuse d’hommes !

         − Je me tiendrai sur mes gardes, sorcière. Vous pouvez lâcher Beau.

 

* * *

 

         « Diantre ! s’émerveille le Chevalier Noir, je ne m’attendais pas du tout à découvrir un lieu aussi charmant dans cette sinistre forêt ! Myrrha règne sur un vrai jardin d’Eden ! Ce frais nymphée, cette eau cristalline qui sourd de la faille en chantonnant, ces arbres majestueux, cette herbe grasse, ces fleurs au divin parfum... Est-ce bien là le séjour d’un esprit maléfique ? J’ai peine à le croire. »

 

         Gilles ne le sait pas encore, mais il est déjà prisonnier du site enchanteur.

         Lorsqu’il aperçoit la nymphe descendre la colline pour regagner son domaine idyllique, il pense à s’éloigner et à s’embusquer. Mais l’accueillant saule pleureur, dont il a choisi l’ombre pour se protéger de l’ardeur du soleil, se met aussitôt à frémir. Avec la force inattendue des plus sauvages lianes, les tiges grêles de la ramée tombante s’étirent encore et encore pour agripper l’intrus et le garrotter.

         La jeune femme qui apparaît a la beauté de Vénus. Avec un sourire enjôleur, un tantinet narquois, elle s’adresse à sa capture.

 

         − Inutile de vous débattre, fier paladin, vous ne réussiriez qu’à vous étouffer davantage. Quel mauvais  vent nous amène donc le Chevalier Noir dans ces parages, dites-moi ?

         − Ce n’est pas nécessairement un vent mauvais, Dame Myrrha.

         − Attention à vos paroles, paladin. Au premier mensonge, mon saule préféré vous étrangle et vous broie.

 

         Gilles sent alors instinctivement qu’il doit jouer la carte de la franchise et lui apprend qu’il doit s’emparer de son amulette pour sauver son enfant.

 

         − L’amulette d’Abraxas, que je porte au cou ?...  Eh ! rien que ça ?... Ma foi, tout compte fait, je me sens disposée à vous accorder une chance de la gagner, paladin. A trois conditions.

         − Lesquelles, Dame Myrrha ?

         − Sine qua non, paladin. La première ? Que vous me contiez tout depuis le début, par le menu, sans omettre un seul détail. N’oubliez pas, je peux me montrer impitoyable.

          − Soit. Au point où j’en suis, pourquoi vous cacherais-je la vérité ?

 

         La nymphe écoute le récit du Chevalier Noir sans l’interrompre. A la fin, après quelques minutes de silence, elle lui fait part de sa réflexion.

 

         − Ainsi, c’est la vieille Sargasse qui est l’instigatrice de tout. Sept éliminations à mener à bien, dites-vous ? Sept travaux d’Hercule ! Et moi, Myrrha, je suis la quatrième cible de la liste !... La cinquième a déjà été désignée : c’est Garin, le Mauleu… Voyons, les deux dernières ne peuvent être qu’Andros, le nain et Létha, la vouivre.

Mais Sargasse vous ment depuis le début, paladin. Les amulettes ne sont qu’un prétexte. Elles ne nous sont pas indispensables pour avoir le droit de voter lors de nos sabbats ! Ce sont des amulettes protectrices. Comme toute amulette ; et c’est le signe d’appartenance à notre section. En réalité, Sargasse espère que vous allez nous anéantir tous les sept pour être la maîtresse absolue du Mauroi.

Personnellement, les exécutions de Gargan, Noxdies et Tarpéa ne me font ni chaud ni froid ; celles d’Andros, de Létha, de Garin, pas davantage. Mais vous comprendrez aisément, paladin, que je ne tiens pas à faire partie du lot !

         − Cependant, vous parliez de m’accorder une chance, Dame Myrrha…

         − Oui. Sargasse l’ignore, mais je détiens deux amulettes d’Abraxas. Car lorsque le cyclope Polyandre, son amant, lassé des rivalités et des guéguerres incessantes entre les esprits de la forêt, a résolu de s’exiler sous d’autres cieux, il m’a laissé la sienne. Je pourrais donc vous en céder une, pourvu que Sargasse croie que vous avez réussi à me la dérober par ruse, sans être obligé de m’occire. Elle sera forcément déçue de me savoir toujours en vie, mais vous remettra la précieuse ampoule sans rechigner, vu qu’elle a encore besoin de vos services pour être débarrassée des trois autres.

         − Quelle est votre seconde condition ?

         − Que vous me juriez sur la tête de la petite Sarah que vous ne tenterez plus jamais rien contre moi.

         − Je vous le jure, Dame Myrrha. Et la troisième ?

         − Vous êtes tellement mignon, paladin, que je veux vous avoir à dîner ce soir et qu’ensuite nous passions ensemble une torride nuit d’amour. Acceptez-vous ?

 

         Eberlué par cette proposition inattendue, Gilles ne peut que bredouiller :

 

         − Bien volontiers.

         − Mon saule desserre son étreinte et vous libère, beau paladin ! C’est que vous avez répondu sincèrement à toutes mes questions : l’arbre ne se trompe jamais. Prenez mon bras, voulez-vous ? Je vous emmène boire un rafraîchissement sous la tonnelle. Demain matin, vous pourrez ôter cette amulette de mon cou sans être forcé de me l’arracher.

 

* * *

 

         − Et de quatre, sorcière ! crie le Chevalier Noir en jetant l’amulette de la nymphe sur la table de Sargasse.

         − Myrrha est morte ?

         − Non, il ne m’a pas été nécessaire de la tuer. L’ampoule d’antidote, je vous prie.

         − La voilà, Baron, maugrée la vieille, suspicieuse. A bientôt.

 

[ ©  Christian Van Moer  & Chloé des Lys ]

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à suivre demain 

épisode 6 : Le Nain des Dents-la-Lune

 

 

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P
Dame Myrrha , imprévisible, comme toutes les femmes ...
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A
Ah ! les femmes !, les femmes ! Christian, ensorceleuses...
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S
je vais tenter le coup avec le tilleul de mon jardin....
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C
Une fée démoniaque! Ses arbres sont ses gardes du corps! J'adore l'imagination déployée pour écrire ce texte!
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C
Ah... ah ! nouveau tournant, peut-être, de ce conte...
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J
Quelles surprises dans ce bondissant épisode ! Renversement de vapeur ! Passionnant.<br /> <br /> Et c'est que Dame Myrrha est chaude coquine de vouloir en sa couche le Chevalier Noir !<br /> <br /> Mais que nous prépare Sargasse en retour ? <br /> <br /> J'ai bien aimé aussi la joliesse des mots : &quot; Avec la force inattendue des plus sauvages lianes, les tiges grêles de la ramée tombante s’étirent encore et encore pour agripper l’intrus et le garrotter. &quot;
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