La petite fée, troisième partie de la nouvelle de Noëlle Fargier
3ème partie et fin
La petite fée s'envole vers cette forêt qui cache tous les siens. Elle redoute ce qu'elle va découvrir et l'accueil qui lui sera réservé. Des arbres gigantesques ouvrent l'entrée de ce lieu magique et dès son arrivée, une multitude de petites fées l'entourent en se donnant la main et en lui chantant la bienvenue. La petite fée se reconnaît dans chacune d'elle. Elle est enfin chez elle. Les petites fées sont si bienveillantes, elles lui offrent un logis dissimulé dans le creux d'un arbre, tapissé de pétales de fleurs, elles lui font visiter chacun de leurs petits abris, tous plus douillets les uns que les autres et si jolis. La petite fée apprend son histoire, l'histoire des petites fées, elle apprend à les connaître et ainsi à « se » connaître. Les petites fées sont très gentilles avec elle, pourtant la petite fée se sent seule. Elle ne partage pas leurs souvenirs, et puis elles sont toujours tellement joyeuses, elles sont toujours ensemble et la petite fée est bouleversée, elle qui ne connaît que la solitude. Ne supportant plus cette morosité, elle décide de suivre l'exemple du lys et s'envole vers des horizons inconnus. Ses amies lui confient les endroits du monde où vivent encore d'autres petites fées. Elle part donc à la rencontre de nouvelles terres. La petite fée vit de voyages en voyages, et plus elle voyage, plus elle comprend les petites fées, mais aussi la flore, la faune, les êtres humains. Elle apprend à aller vers les autres, à leur parler, les écouter. Riche de son expérience, elle décide de retourner chez elle, maintenant elle se sent prête. Comme elle arrive dans sa forêt, elle voit une dame qui arpente le bois, l'air perdu. La petite fée s'approche et lui demande :
- Puis-je vous aider ?
- Oh oui, je me suis égarée, pouvez-vous m'indiquer la première maison afin que je demande de l'aide ?
La première maison est celle de l'homme, pense la petite fée, mais aujourd'hui la petite fée a disparu : elle est forte et a appris à dire « non ». Elle répond donc à cette dame :
- La maison n'est pas très loin, je vous accompagne.
Sur le chemin, la petite fée, qui sait mettre les gens à l'aise, raconte à la dame ses différents voyages. Celle-ci est très intéressée car elle aussi parcourt le monde. Toutes deux arrivent enfin à la maison, que la petite fée reconnaît difficilement , tant elle a changé. Le jardin a disparu pour laisser place à une terre sèche : plus une seule fleur, plus un arbre, pas la moindre trace d'herbe. La petite fée remarque que même les oiseaux ont délaissé le ciel. Il n'y a plus... de vie. La petite fée et la dame s'approchent de la maison, la porte est ouverte et laisse apparaître un désordre complet dans une odeur nauséabonde. L'homme arrive, voûté, le visage pâle, les yeux éteints. A la vue de la petite fée, il s'écrie :
- Petite fée !
- Mais qu'est-ce qu'il est arrivé ici ? demande la petite fée d'une voix sûre.
- Quand tu as disparu, j'ai chassé et tué beaucoup d'animaux, j'ai déraciné les plantes, les arbres, et tous ont décidé de ne plus revenir. Depuis je suis seul, comme tu l'étais quand tu vivais ici.
La dame qui assistait à la scène sans rien dire, prend la parole :
- Monsieur, j'ai bien discuté avec la petite fée. Je voyage actuellement et je vous propose de partager ce voyage avec moi, voulez-vous ?
- Je ne suis jamais parti d'ici, j'ai peur de ne pas en être capable.
- Oui quand on part, on a toujours peur, mais on revient plus fort et la peur disparaît, intervient la petite fée.
Tous trois repartent, ferment la maison. La petite fée , elle, s'envole rejoindre sa famille dans sa forêt, et fait un signe d'adieu aux deux voyageurs.
Quelques années plus tard, l'homme et la dame, après avoir traversé beaucoup de pays, rentrent à la maison. Arrivés à sa proximité, l'homme est surpris de voir sa demeure bariolée de toutes les couleurs. Autour de cette dernière : des lys, des roses, des coquelicots recouvrent le sol, les arbres ont repris leur place, le ciel est zébré d'oiseaux. La mésange, fière, perchée sur le rebord de la lucarne, fait son concert, entourée de petites fées qui chantent et dansent, barbouillées de peinture. L'homme et la dame entrent dans la maison, la porte ne grince plus, l'homme ne porte plus de chapeau. Il a envie de retrouver son jardin, il s'assoit dans l'herbe en faisant attention de ne pas écraser une seule fleur. La petite fée vient le rejoindre. L'homme la regarde d'un air solennel et d'une voix posée lui déclare :
- Tu sais petite fée, j'ai beaucoup appris lors de mon voyage. J'ai rencontré des animaux, des fleurs, des arbres, des hommes, des femmes, des enfants, des petites fées et je les ai regardés, puis écoutés, puis j'ai parlé avec chacun d'eux. Certains d'entre eux étaient libres, d'autres se croyaient libres, d'autres étaient esclaves. J'ai rencontré une famille de petites fées, sans ailes : l'homme les avait coupées afin qu'elles ne s'enfuient pas, et j'ai pensé à toi, petite fée. Moi, je ne t'ai pas coupé les ailes, peut être ai-je fait pire : je t'ai amputé de ta confiance, je t'ai inculqué la peur des autres....
- NON, tu n'es pas le seul responsable. Moi aussi, j'ai voyagé, moi aussi j'ai vu tous ces êtres, j'ai vu aussi des petites fées qui se sont révoltées, qui n'ont pas cédé et sont parvenues à être libres. Je t'ai laissé me dire les pires mots, je t'ai laissé m'emprisonner, j'aurais dû parler plus fort, j'aurais dû m'envoler dès le premier jour, mais j'avais peur...
- Moi aussi j'avais peur, j'avais peur … de la VIE, si belle, si magique. J'avais peur que si tu la connaissais, si tu la rencontrais, tu ne me quittes. OUI, petite fée j'avais peur.
- La peur, la peur... moi j'avais peur de la mort...
- Tu sais petite fée, en voyant ces peuples heureux, je me suis interrogé. Je crois qu'ils ont accepté dès leur naissance qu'un jour ils partiraient, ou devraient partir.. De cette fatalité, ils en ont fait leur force. Ils vivent, sans cette peur, se disant qu'on doit profiter au maximum de chaque moment passé. Vivre dans l'ici et le maintenant . Le temps n'a plus d'importance. Ils vivent chaque jour simplement, sans se projeter dans le futur, sans s'empoisonner par un passé douloureux. Ils profitent de la différence de chacun, faisant de cette différence une complémentarité et non une adversité. La mort n'est pas omniprésente puisqu'ils vivent.
- Merci, tes pensées sont tellement vraies et me parlent , t'ont-elles appris à aimer la vie ?
- OUI petite fée, mes pensées ont fait écho puisqu'en arrivant ici, le retour des fleurs, des arbres, et le tien m'ont fait comprendre que j'avais une autre chance. Mais ne m'en veux- tu pas trop pour le mal que je t'ai fait ?
- NON. Nous nous sommes fait du mal tous les deux puisque ni l'un ni l'autre n'étions heureux. Crois-tu que nous pouvons l'être maintenant et faire partager ce bonheur ?
- OUI, car je n'ai plus peur de la vie et toi, tu n'as plus peur de la mort.
- Nous allons être heureux, nous allons vivre avec tous nos amis, la terre, les animaux, le ciel, la lune, le soleil, le vent, la pluie, nous n'avons pas besoin d'autre chose et nous vivronsnos rêves.
- C'est cela petite fée, nous allons VIVRE nos rêves, dit l'homme regardant d'un air tendre la petite fée aux yeux couleur d'émeraude, sa meilleure amie.
La dame qui les écoutait leur sourit d'un beau sourire plein, heureux, sage, …
… avant de repartir vers un autre voyage...