Le chevalier noir, le feuilleton de Christian Van Moer. Episode 6
feuilleton par Christian VAN MOER
Au temps des heaumes et des hauberts, il était une fois la forêt du Mauroi…
épisode 6 : Le Nain des Dents-la-Lune
En suivant Beau aux Dents-la-Lune, le repaire du nain Andros, le Chevalier Noir se remémore la mise en garde de Myrrha la nymphe.
« Myrrha a vu juste. En me désignant le nain comme cible, Sargasse ne m’a pas dévoilé toute la vérité. Certes, Andros demeure bien aux Dents-la-Lune ; certes, il a bien trois yeux, dont le central, dépourvu de paupières et donc toujours en éveil, lui permet de localiser et de surveiller le plus imperceptible mouvement, même la nuit. Certes, ce monstre est pourvu de deux crochets de cobra mortifères ; certes, il se déplace par bonds déroutants, rapides et impressionnants, qui le rendent pratiquement insaisissable. Mais la sorcière s’est bien gardée de me révéler qu’Andros est son propre fils ! Qu’elle l’a eu de Polyandre, le cyclope, ce qui explique ce troisième œil. Elle m’a caché qu’éperdument éprise de Polyandre et folle de jalousie, Létha, la vouivre, a fait mordre sa rivale par ses serpents durant sa gestation. D’où les crochets de cobra. Et elle s’est surtout bien gardée de me dire que, dans un accès de démence, elle a tenté d’étouffer sa monstrueuse progéniture dans son berceau, provocant la colère de Polyandre, qui l’en a empêchée et l’a alors quittée pour mettre leur rejeton hors d’atteinte et l’élever lui-même aux Dents-la-Lune. D’où la haine féroce que le nain nourrit pour sa mère. Oui, le véritable dessein de Sargasse apparaît de plus en plus clairement. La haine entre la mère et le fils, la rancœur irrépressible qui oppose la sorcière et la vouivre prouvent à l’évidence que Sargasse veut nettoyer le Mauroi de ses hôtes démoniaques pour y régner seule et sans crainte. Et moi, Gilles de Valembourg, je suis forcé de faire son jeu ! Maudite soit cette créature infernale ! »
Ravalant son exaspération, le Chevalier Noir atteint l’alignement semi-concentrique des menhirs que les bûcherons et les charbonniers de la forêt du Mauroi prétendent être des dents titanesques tombées de la Lune. En chemin, pour affronter Andros, il a mis au point une stratégie toute simple.
« Etant donné que je ne peux approcher le nabot sans me faire repérer et que de toute façon ses bonds de sauterelle le rendent insaisissable, au lieu d’aller à lui, je le fais venir à moi. Par la ruse. En louvoyant entre les pierres dressées, je simule un malaise soudain et je tombe de cheval. Feignant l’évanouissement, j’attends l’attaque du monstre sans remuer un seul muscle. Mon haubert me protègera, et dès qu’il relève le ventail de mon heaume pour me planter ses crochets de serpent dans la figure, avant qu’il ait le temps de me mordre, je le saisis à la gorge. Mes gantelets ne lâcheront pas leur prise, ils l’étrangleront et lui briseront la nuque. Et je n’ai plus qu’à lui trancher le col pour m’emparer de son amulette. »
Ainsi dit, ainsi fait.
« Exécution sans bavures, rapide, facile même. Bien, j’ai deux jours devant moi. Si j’allais rendre compte du succès de ce combat éclair à la belle Myrrha ?... Pour la remercier de m’avoir si bien renseigné… Plus que deux, sorcière ! » |
[ © Christian Van Moer & Chloé des Lys ]
à suivre épisode 7 : Le Pertuis maudit
|