Texte 1 "Lâcheté(s)" concours "les petits papiers"
Freesia, vous avez dit Freesia ?
Estébanne et moi, on se donne des rendez-vous en ville trois fois par semaine. Au moins trois fois. Les semaines de soldes ou celles avant une fête ou celles après une fête, on se voit chaque jour. Et parfois matin et après-midi car une promotion est vite zappée. Ou dans mon miroir, une fois rentrée chez moi, je vois un défaut que j’avais loupé dans la boutique, un petit accroc, un pli mal placé, ou j’aimais le truc deux heures avant et plus maintenant. Avec Estébanne, c’est toujours génial. Les idées, c’est elle qui les lance, Alors Nab, demain 14 heures au café du Pont ? Oh yes, justement, Estébanne, je m’ennuyais. Du coup voilà que ma bonne humeur rejaillit sur tout et sur rien, le bol de Minou-le-chat, l’assiette de Franckie, mon mec, et aussi celle de Freesia, sa mère.
Je ne cesse de le clamer à Franckie, Un enfant ? t’es pas un peu barge, toi ? Et qui s’occupera de Minou-le-chat, de Freesia et puis surtout de toi, mon amour d’amour ? Ou alors tu engageras une bonne pour allaiter le baby, changer ses couches, lessiver, et que sais-je moi ? Un enfant c’est pas rien, mon amour d’amour ! C’est un engagement de chaque seconde. Je pense bien, oui, je pense bien que mon amour d’amour a bien mesuré tout ça et qu’il préfère ne pas engager de bonne à tout faire et aussi à tout penser. Aujourd’hui, la vie est tellement coûteuse. Et, d’après les infos, ne parlons pas du prix de l’énergie. Ça, moi je sais pas trop. C’est Franckie qui me raconte.
Donc au café du Pont, Estébanne m’attend. Oh mais tu as déjà shoppingné (Estébanne et moi on a des mots rien qu’à nous), je lui dis en comptant tous les sacs autour d’elle, deux de chez Primark, trois de chez H&M et puis des autres dont les noms me sont inconnus. Je ne peux quand même pas tout connaître !
Tu sais, Nab, je comprends ta situation. Tu as parfois de ces yeux tellement cernés, tellement cernés. Alors j’ai shoppingné quelques minutes avant de t’attendre ici. Avant-hier ton visage était dévasté. Et cette Freesia qui ne dégage pas. Tu n’as jamais pensé à une adoption ou quelque chose comme ça ?
Freesia, je l’ai enfermée. À 10 mètres de la maison, je l’entendais encore tambouriner à la porte. Je m’en fous. Si je la libérais, elle allait encore laper le bol de Minou-le-chat. C’est pas possible, ça. Une adoption tu dis ? J’en parlerai à Franckie. La situation doit changer, je suis débordée. Et jamais tranquille avec ça. Je suis ici avec toi, je pourrais être reelax. Ben non, il me semble que d’ici, je l’entends défoncer la porte. Ça ne peut plus durer. T’as pas une autre idée que l’adoption, dis ? Des fois que Franckie ne serait pas d’accord …