Concours texte 2 : un conte à dormir debout
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Je ne sais plus quand j’ai attrapé cette maladie : j’achète des livres sans arrêt ! Je les entasse dans ma bibliothèque et je les oublie pendant des mois voire des années.
De temps en temps, j’en sors un de son rayonnage et je le lis. En fait, je m’adonne à cet acte solitaire tous les jours, mais ma pile de livres à lire est tellement impressionnante que jamais elle ne diminue. Il ne se passe pas une semaine où un livre ou deux viennent rejoindre la pile déjà chancelante de bouquins en attente de lecture. Comme j’en achète plus que ce que je peux lire sur une semaine, les derniers arrivés ne trouvent plus de place dans les rayonnages et sont rangés en piles au-dessus du meuble, prêts à atteindre le plafond.
Il m’arrive de sortir un roman de son emplacement et de me demander ce qu’il faisait là. Je n’ai aucun souvenir de l’avoir acheté ou de l’avoir reçu en cadeau. Parfois, le bouquin ne fait même pas partie de mon genre de prédilection.
Ces derniers temps, cela m’est arrivé plusieurs fois. J’en ai parlé à ma femme qui m’a répété, une fois de plus, qu’elle n’y était pour rien ! Il ne lui viendrait pas à l’idée de m’acheter un livre alors que je n’arriverai jamais à lire tous ceux que j’ai en stock !
J’ai donc décidé d’en avoir le cœur net. Pas de femme de ménage chez moi qui me ferait une surprise, pas de copains en vacances à la maison, pas d’enfants de retour au bercail ; il devait se passer quelque chose d’extraordinaire.
Une nuit, j’ai décidé, au grand dam de ma femme, de dormir dans l’ancienne chambre de mon fils, pièce que j’ai transformée, dès son départ de la maison, en bibliothèque. J’ai placé un matelas par terre et je me suis couché après avoir branché une petite veilleuse qui me permettait de voir des ombres.
J’ai fini par m’assoupir. Dans mon sommeil, j’ai cru entendre un bruit qui m’a réveillé. Les yeux encore à moitié fermés, j’ai aperçu un petit bonhomme haut comme trop pommes qui s’enfuyait. Je me suis levé précipitamment ; j’ai failli tomber en me prenant un pied dans la carpette et je suis arrivé trop tard sur le palier. Le petit être avait disparu ! Par où était-il passé ? Aucune porte n’était ouverte ; les volets étaient fermés empêchant tout intrus de rentrer dans la maison, mais aussi d’en sortir. J’ai cru avoir rêvé.
J’ai allumé le plafonnier et je me suis recouché sur le matelas. Tout à coup, mon œil a été attiré par un livre à la couverture rouge. J’étais sûr qu’il n’était pas là quelques minutes plus tôt ! Je me suis relevé ; j’ai pris le bouquin et j’ai lu le titre « Le seigneur des anneaux, l’intégrale ». Je n’ai jamais lu Tolkien contrairement à mon fils. J’ai donc pensé que ce livre était un oubli de sa part et que je ne l’avais jamais remarqué perdu au milieu de centaines d’autres bouquins.
Le lendemain, j’ai fâché très fort mon épouse en me recouchant dans la bibliothèque. Cette fois, j’ai gardé les yeux ouverts plus longtemps et j’ai nettement vu un petit être, un lutin sans doute, déposer sur une étagère un livre à la couverture noire. Ebahi, je n’ai pas osé bouger avant qu’il ne disparaisse de ma vue. Je me suis ensuite levé pour prendre ce fameux bouquin intitulé « Depuis l’au-delà » de Bernard Werber. De cet auteur, j’ai lu « Les fourmis », un livre que je n’ai pas aimé du tout et donc, il n’était pas possible que j’aie eu une hallucination et que j’aie, moi-même acheté ce bouquin !
Ce phénomène s’est reproduit plusieurs nuits de suite. J’ai tenté d’appréhender mon farfadet libraire, mais jamais je n’ai réussi à attraper ne fut-ce que le bout de son chapeau.
Aujourd’hui encore, ma femme pense que je délire, mais je suis la preuve vivante que les contes à dormir debout, ça existe !