Concours pour les petits papiers de Chloé : racontez un rêve. Deux textes en lice. A vous de choisir !
TEXTE 1
Si le doute m’était conté…
Chaque nuit, il me renvient, plus vrai que jamais. Aucune de mes pensées du jour ne sont à la hauteur de mes songes bercés par l’obscurité. Aucun souvenir éveillé ne vaut nos retrouvailles nocturnes. Je couche mon corps courbaturé, je ferme les yeux, il m’est rendu. Sa voix me parvient, son odeur m’enivre et me voilà à nouveau amoureuse. Mon tendre mari. Je me retrouve dans ses bras, lovée, sécurisée. Et pourtant je sais qu’il n’est plus. Je décompte ces heures sombres, à la joie éphémère, fragile. Il est là, grand, rieur, charmant. Il me semble pouvoir le toucher, fondue dans sa peau. Mais au matin, il n’est plus. Mon rêve en joue. Il me balade dans notre temps, me fait fouler les espaces de ma vie dont il ne me reste que des clichés ternes.
Mes yeux lâchent, mes pensées se taisent, enfin, et je m’évade. Mon corps semble soudain plus léger, perd tous ses maux de vieille femme et me fait courir sur la plage, sauter dans un bois et mieux que gravir les escaliers d’une maison que je ne reconnais pas, je les survole. Vivre et rire ; le temps s’est figé à mes trente ans. J’embrasse mon mari. Seul mon rêve me délivre d’un présent auquel je n’appartiens plus. Pourtant, son visage aux traits flous me perturbe, mais je sais que c’est lui. Je n’ai aucun doute. Je ne veux pas douter de ce passé. Mon rêve me semble maintenant le seul moment qui m’épargne de doutes. Mon doux mari. Il me parle, mais je ne le comprends pas. Je ne peux lui répondre, mais qu’importe… Parler est illusoire. Je veux juste l’aimer. Puis, il me quitte. Encore. Mon rêve ne m’épargne pas. Jamais. S’il ne faisait que me prendre mon mari… Il en fait un être torturé par mes remords, mué en amas d’une vie confuse. Mon mari. Il va vers cet homme, l’enserre et me délaisse. Les oiseaux chantent, la lumière s’invite ; j’ouvre les yeux, seule dans notre lit. Je me tourne vers ma table de chevet, regarde tendrement mes photos et découvre, un jour de plus, que je suis veuve et mère d’un homme qui en aime un autre…