"Et si 2012 voyait la fin de l'humanité ?" ... Texte 5
Un jour ordinaire de la fin du monde
Vendredi 21 décembre 2012, 7h45 du matin, le réveil n’a pas sonné. J’avais pourtant changé les piles la semaine dernière ! Quitte à être en retard, je vérifie toutes celles qui restent dans le blister avec le contrôleur de batteries : aucune ne fonctionne !
Entre midi et deux, quand les lumières du bureau auront été éteintes après le départ de mes collègues, et que je pourrais enfin consulter mes messages, je rédigerai rapidement une bafouille pour me plaindre !
Après m’être tordu le pied dans les escaliers, je monte dans ma voiture qui peine à démarrer. La batterie que le mécanicien m’a changée juste avant le début de l’hiver, doit être du made in pas fiable !
Encore un qui va m’entendre. Mon horoscope m’avait bien prévenu : rien ne va tourner dans le bon sens cette semaine - Ce qui m’a le plus surpris en le lisant d’un air détaché est la similitude des avertissements quels que soient les signes du zodiaque !
Le contrat n’est pas arrivé, je vais encore perdre la journée à lancer des bordées, à paraître de mauvaise humeur. Je vais de plus tacher ma cravate au resto d’entreprise : c’est toujours ainsi quand je prends de la purée au jus, seul aliment qui réussi à traverser mon gosier quand je suis énervé.
Ce matin, en apprenant que la tour de Shanghai a été décapitée par une météorite, j’ai cassé deux crayons, bousillé l’écouteur de mon smartphone qui m’annonçait la nouvelle et j’ai laissé mon chocolat-crème valser sur mes chaussures. Je devais justement les amener chez le cordonnier afin de les ressemeler pour la troisième fois. Bon, demain je mettrai des baskets !... mais est-ce que je me réveillerai demain – si mon réveil ne marche pas ?
Le contrat arrive, il est en serbo-croate ! Encore obligé d’appeler une traductrice du tribunal de commerce de Trabuc-les-oies pour le comprendre. Je n’aurais jamais fini pour 18h00 !
Qui sont ces stagiaires ? Personne ne m’a prévenu ! Ils sentent la soupe froide et parlent fort, ça me donne mal à la tête. Expliquer pour la millième fois les arrangements commerciaux internationaux des nations désunies me fiche la migraine et fini par me fatiguer les yeux – Je n’ai même pas emporté mon collyre !
L’alarme retentit, une alerte à la bombe au 12ème étage. Je saute dans le premier ascenseur ultra-rapide, plantant là mes élèves ennuyeux. Quand il ralenti, je sens que je vais me retrouver pour sûr au 12ème, mais lorsque la porte s’ouvre, il fait noir et ça sent plutôt le moisi !
Les caves de l’immeuble, c’est sûrement mon point de chute. Il n’y a personne, il fait froid, je n’ai pas pris ma veste ! Sont-ce des rats que je sens grouiller sur mes pieds ? Il y en a des centaines, ils quittent le navire – mauvaise augure ! J’aurais mieux fait de rester couché ce matin !
Quelle galère ! Comme tous les jours d’ailleurs, rien ne change et tout va de travers. La crise n’en finit plus de déglinguer ce qui reste encore debout. Que donnerais-je pour un petit voyage tranquille au Mexique, chez les Mayas qui savaient si bien vivre en symbiose avec la nature et ne se laissait pas embêter par tous des malotrus ! Un petit coup de hache, et hop une tête de plus qui roule !
La lumière vacille mais me permet enfin de me diriger vers une porte de sortie. Pourquoi y a-t-il des pots de peinture derrière ? Je vais finir mes chaussures en pataugeant dans ces flaques roses et caca d’oie qui suintent. Une autre porte là-bas, elle est ouverte !
Derrière il y a une grille et des cascades d’eau sale m’éclaboussent en frappant le sous-sol. Cette cataracte vient de si haut que j’ai l’impression que tout l’océan est en train de se déverser dans les froides fondations de la prestigieuse Fondation qui m’emploie !
J’entends au loin des hélicoptères, des sirènes, je vois des faisceaux de lumière qui semblent chercher quelqu’un – le monde entier sauf moi ! Quelle idée d’avoir fuis ainsi, je me retrouve coincé au 25ème sous-sol où personne évidemment ne viendra me chercher.
Il faut que je pense à décommander le restaurant où j’avais rendez-vous… oui, dans 20 minutes à présent mais je réalise que j’ai laissé mon téléphone si intelligent à sécher sur le radiateur. Allez, je crie !
Là en face de moi, au bout du couloir ruisselant, derrière les rats, il y a des gens ! Ils ne me voient ni ne m’entendent, ils s’enfuient eux !
Et toujours cette foutue grille ! Les hommes, les femmes, les enfants ont été emportés par la chute vertigineuse des eaux dont on n’entend plus que le fracas !
Sur un clou dans cette prison humide et inhospitalière, il y a pourtant une bâche dont je me devrais me couvrir pour ne pas mourir (sûrement) de froid !
Que puis-je faire à présent ? Quelle est donc cette journée (pourtant une fin de semaine… ça m’arrangeait bien) …Quel est donc ce jour d’avant Noël où tout-fout-le camp et, qui cependant me fait penser qu’enfin, je serais dispensé de passer des plombes sur Internet à choisir des cadeaux pour mes petits neveux ?
Pourtant, cette soirée au restaurant avec Yvette, ça m’aurait changé les idées ! Elle est chouette Yvette et elle a toujours de la chance, elle !
Mais je n’ai pas le temps de toutes façons, il faut que rédige au moins 3 lettres de réclamations, que je répare l’aspirateur et que je retrouve l’endroit où j’ai placé ces satanées baskets.
Tiens je vais être élégant demain en baskets au bureau ! Heureusement qu’elles sont noires, ça passera plus inaperçu.
J’ai un peu faim, il n’y a plus personne, aucune lumière qui tournoie au dessus du grand trou où s’abattent ces nouvelles chutes du Niagara. Je suis crevé, je vais m’installer dans cet espèce de hamac laissé par les ouvriers, me couvrir de la bâche et attendre.
J’ai trop peur de m’aventurer dans ces couloirs sombres pour chercher une issue.
Le sommeil me gagne, mon esprit s’apaise et ces tracas habituels laissent place à un silence reposant et agréable. Je vais m’endormir !
Demain, sera le samedi 22 décembre 2012, il fera jour et je pourrai découvrir un nouveau monde !