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Concours pour le hors-série de la Revue, Les petits papiers de Chloé dans le sous-thème "" : "On a changé mon mari/ma femme" Texte 2"...

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

UN DOCTEUR A CHANGÉ MA FEMME



 

Ma femme n'était pas vraiment belle, mais je lui trouvais, beaucoup de charme. Selon moi, il y a dans ce que j'appelle le charme une sorte de délicat équilibre entre des imperfections, parfois tellement mineures.  

Ma femme se plaisait à dire que ses  lèvres étaient trop minces, sa poitrine un peu trop volumineuse, ses fesses trop imposantes, ses oreilles légèrement décollées et ses paupières tombantes Ces petits défauts physiques, c'est elle qui les pointait. Pour les amis, que j'avais interrogés sans avoir l'air d'accorder une grande importance à leur réponse, elle semblait aussi jolie que la plupart des femmes de son âge. 

Quoi qu'il en soit, ma femme était douce, intelligente et bienveillante. N'étaient-ce pas là des qualités plus importantes que des attraits physiques ? Entre nous, cela avait été un coup de foudre lors de notre première rencontre à un stage de yoga. Plus de six ans après, je continuais de brûler de la même passion. 

Ma femme occupait un poste de secrétaire dans l'entreprise de son oncle. Quant à moi, ingénieur dans une entreprise d'électronique, j'étais souvent en déplacement à l'autre bout du monde. 

Ma femme jouait régulièrement au loto. Il lui était arrivé de me dire : "Si un jour, je gagne au loto, je me ferai refaire les seins, les lèvres et les oreilles." Je ne prenais pas vraiment ses propos au sérieux, car il me semblait qu'elle n'aurait pu se montrer aussi facile à vivre qu'elle l'était si elle avait été un tant soit peu mal dans sa peau. 

Aussi à mon retour d'un séjour professionnel de plusieurs mois aux États-Unis, le choc que je vécus fut phénoménal. 

Ma femme, accompagnée de sa sœur, était venue m'accueillir à l'aéroport.  Sa sœur était telle que je l'avais toujours connue, vêtue et coiffée de manière extravagante, mais ma femme, oui ma femme,  m'apparut sous un jour tellement neuf ! Elle était ravissante. Pour être franc, je crois bien que si je l'avais croisée en rue, je ne l'aurais pas reconnue.  Habillée d'un élégant tailleur rose, arborant un chignon banane, elle ressemblait à une actrice. Son visage était habilement et discrètement maquillé. Sa posture altière traduisait une évidente confiance en soi. Sa voix me parut plus grave que d'habitude. Elle aurait pu plaire à un homme jeune, à un homme plus distingué que moi, voire envoûter un réalisateur de cinéma. 

Rentré chez nous, j'appris que le docteur Lemoinet, chirurgien esthétique, avait mis toutes ses compétences au service des desiderata de ma femme. Elle était ainsi devenue une très séduisante trentenaire. 

Au fil des jours, je me rendis compte qu'elle avait beaucoup changé. Elle aimait sortir, s'affirmait davantage, me rabrouait quand, fatigué par une journée de travail, je rechignais à l'accompagner au restaurant. Elle reprit une formation, renonça à travailler chez son oncle, fut engagée par une société de marketing, puis en vint à suivre des cours de théâtre et tenta de me persuader de consulter le docteur Lemoinet pour une rhinoplastie esthétique.  

Adieu les bons petits plats qui m'attendaient jadis ! Adieu les réunions de famille sans chichi organisées pour les fêtes ! Adieu les fous rires pour des riens !

Je pris conscience que nous formions dorénavant un couple mal assorti. Je commençai à maudire le docteur Lemoinet bien qu'à la réflexion s'il avait refusé d'intervenir un de ses confrères l'aurait sans doute fait avec le même résultat. Je méditai longuement sur le rapport entre la beauté du corps et la délicatesse du caractère. Je ne tirai toutefois aucune conclusion de mes cogitations.   

J'en viens, à présent, à me demander si ma femme acceptera de faire encore un bout de route avec moi et si notre vie conjugale ne risque pas de se transformer en un chemin de croix.

 

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Concours pour le hors série. Thème "on a changé mon mari/ma femme"... Texte 1

Publié le par christine brunet /aloys

 

Maniac Man.

 

Elise soupire en ramassant les chaussettes de Marcel au pied du lit : un geste qui, même s’il n’est pas quotidien, est répétitif. Cet homme semble incapable d’assimiler l’utilité de la corbeille à linge en attente dans la salle de bain. Elle renifle de dédain en manipulant les deux couvre-pieds boulottés et moites de transpiration. 

La découverte du tube de dentifrice dépourvu de son capuchon et jeté sur le rebord du lavabo attise sa colère. La savonnette encore mousseuse qui trône par terre sur l’émail de la douche ne fait qu’amplifier son ressentiment.

   ─ Mais, c’est qu’il m’emmerde…  Il est pire qu’un gosse ! 

Après 40 ans de mariage, Marcel est toujours aussi désordonné et les objets du quotidien sont éparpillés au fur et à mesure de son passage. Elise, par contre, est une adepte du rangement structuré : chaque chose à sa place. L’indifférence de son mari dans ce domaine l’insupporte de plus en plus et les disputes fusent régulièrement à ce propos. Avant même de pénétrer dans le living, elle imagine déjà le spectacle que son regard va devoir affronter : une tasse de café abandonnée sur des journaux étalés sur la table, un sachet de biscuits entamé ou des emballages de pralines à la liqueur chiffonnés.

   ─ J’en ai plus que marre, Marcel et crois-moi, je serais bien plus tranquille si je vivais seule. Si cela continue, je vais divorcer.

Cette remarque qui jaillit régulièrement attriste son mari quelques instants. Ses yeux voyagent dans la pièce, une moue navrée s’affiche sur ses lèvres et puis, il la rassure. 

   ─ T’as raison Elise ! Demain, je trie la paperasse et je range… C’est promis !

Il se lève pour l’embrasser tout en lançant négligemment son plaid molletonné sur le parquet.

Le teint de son épouse vire au rouge et elle lui tourne le dos en grommelant intérieurement :

   ─ Je vais le tuer, c’est sûr ! Un  jour, il y aura un meurtre dans cette maison.

Un couteau bien aiguisé trône sur des épluchures de pommes. Ne semble-t-il pas proposer son aide à la ménagère désespérée ? Elise, prête à supprimer le démon qui partage sa vie, empoigne l’objet avec rage, la poitrine haletante… le geste tremblant.

   ─ Il va me rendre folle !!

Marcel sursaute en entendant la porte d’entrée claquer. La sonnerie de son smartphone bipe aussitôt pour lui annoncer un message : JE TE QUITTE SINON JE TE TUE. JE NE SUPPORTE PLUS TON DESORDRE.

Elise est bel et bien partie.

Un mois est passé et Elise soupire d’aise. Cela fait 2 jours qu’elle a réintégré sa maison et retrouvé sa vie conjugale. L’éloignement a ranimé la flamme de son couple : ces 40 ans de mariage n’ont finalement pas effacé leur ardeur sexuelle… Seules, quelques courbatures par ci par là rappellent à son corps que certaines étreintes endiablées réclament la souplesse de la jeunesse. 

Elle rêvasse dans le salon tout en sirotant une tisane de verveine. Ses yeux caressent la grande table en chêne dépouillée de tout courrier ou revues. Elle observe ensuite avec satisfaction chaque dessus de meubles : les napperons sont bien plats, les chandeliers et les vases sont alignés. Aucun vêtement oublié n’encombre les chaises, les tapis recouvrent le parquet de façon symétrique. Elle pose son mug vide sur un guéridon en bois de rose.

Marcel replie aussitôt son journal avec soin, il le range dans le tiroir de la commode et s’approche à petits pas saccadés pour enlever la tasse. Pas un mot… Pas une émotion apparente mais tel un robot, il continue sa mission jusqu’au lave-vaisselle.

Elise sourit d’un air contrit : son contentement est nuancé d’un étrange sentiment. 

Quel changement chez Marcel !!

La semaine s’écoule sereinement : l’ambiance est d’un calme plat. Chaque chose est à sa place comme vissée sur un socle invisible. La maison prend même des allures de musée : tout est catalogué et étiqueté. Marcel se déplace comme une ombre silencieuse pour ranger, classifier, structurer… Et Elise s’ennuie.

Elle observe souvent son mari à la dérobée et s’interroge ? Est-ce bien l’homme qu’elle a épousé ?

Elle a l’impression de vivre avec un extra-terrestre qui ressemble à un humain programmé dans la maniaquerie. Et la perfection, c’est tellement morne que cela en devient mortel. Elle aspire même la venue du facteur qui n’apporte aucun soin au courrier quand il le glisse dans la boîte aux lettres.

Tiens ! Justement celle-ci déborde de publicités et d’enveloppes ! L’une d’elle, destinée à Marcel, attire son attention car elle semble provenir d’un centre médicalisé.

Curieuse, Elise ne peut s’empêcher de la décacheter pour s’informer du contenu. La missive provient d’une psychologue comportementaliste : «  Monsieur, suite au succès de votre thérapie intensive en troubles du comportement, nous vous proposons de participer à une formation complémentaire  qui vous permettra d’incruster définitivement  vos nouveaux acquis. L’ordre et le rangement feront alors partie intégrante de votre personnalité… »

Elise marmonne tout haut en chiffonnant la lettre :

   ─ Ah non ! Pas question ! Rendez-moi mon Marcel ! Vous avez changé mon mari en Maniac Man…

 

 

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Concours pour le hors-série de la Revue, Les petits papiers de Chloé dans le thème "Catastrophe !" : "vous vous réveillez dans la peau d'un autre"... Résultats !

Publié le par christine brunet /aloys

Pour le hors-série de la revue et le thème Catastrophe ! et un premier sous-thème "Vous vous réveillez dans la peau d'un autre", cinq auteurs ont été inspirés !

Texte 1 : Chloé Derasse

Texte 2 : Edmée de Xhavée     => 2 votes 

Texte 3 : Brigitte Hanappe      =>  1 vote

Texte 4 : Micheline Boland

Texte 5 : Carine-Laure Desguin

Texte 6 : Séverine Baaziz        => 1 vote

Texte 7 : Philippe Desterbecq

Texte 8 : Christian Eychloma   => 1 vote

Texte 9 : Antonia Iliescu          => 1 vote

 

Le texte qui a emporté le plus de voix est celui de... Edmée de Xhavée !!! 

 

Bravo !!!! Un grand merci à tous ! Rendez-vous mi-juin pour deux autres concours... Je vous rappelle que pour l'un des thèmes, vous avez encore quelques jours pour m'envoyer votre texte. 

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Concours pour le hors-série de la Revue, Les petits papiers de Chloé dans le thème "Catastrophe !" : "vous vous réveillez dans la peau d'un autre"... Texte 9... C'est le dernier ! Votes jusqu'à 20h !

Publié le par christine brunet /aloys

Quand la physique s’en mêle

 

L’énergie se conserve, sans aucun doute. J’ai moi-même vérifié ce fameux principe qui dit que "lorsqu'une certaine forme d'énergie disparaît, une quantité équivalente d'énergie apparaît sous une autre forme». 

Je dormais paisiblement entre les bras de Morphée et ceux de Luc quand le malheur est arrivé. Une apnée de sommeil et hop, j’atterris dans les bras de Mort-fée, venue pour me prendre. Dans le brouillard épais que j’étais en train de traverser je me demandais pourquoi ai-je dû quitter mon corps et liquider mes affaires terrestres à la vitesse de l’éclair ? Et pourquoi ai-je dû changer un si gentil mari contre un veuf morose et inconsolable ? Aidez-moi à comprendre… Mon âme, cette bulle de lumière pas plus grande qu’un noyau de cerise, flotta quelques secondes au-dessus du lit et s’envola ensuite par la fenêtre de la chambre. A partir de là j’ai perdu tout contrôle et, plus vite qu’on ne s’imagine, j’ai atterri dans le ventre d’une splendide femelle Papillon-dog. Un an après mon départ, Luc - dont l’humeur précaire avait suscité la magnanimité de son voisin - a reçu en cadeau un petit chiot Papillon. C’était moi, ravie de revenir à la vie, béate de retrouver ma maison et l’homme que j’aimais. Dès que je l’ai vu, mes oreilles-papillon frémirent d’émoi, tandis que ma truffe luisante murmurait sans relâche des « je t’aime » en code canin : « je te wouf, wouf ». Et pourtant nos retrouvailles m’ont attristée plus que je ne le pensais. Amère désillusion… il ne m’a pas reconnue. Je lui léchais sans cesse le visage en lui jappant à l’oreille: « Luc chéri, c’est moi, ta Lucie potelée ». En vain. Me faire ça après 45 ans de mariage… Quand il m’a vue, il m’a dit du bout des lèvres « cucciolona mia », m’a prise sous le bras (pas dans ses bras, ô, quelle humiliation…) et nous sommes rentrés à la maison, où il m'a quand même donné une place d’honneur sur le canapé du salon. Maigre consolation… Au fil des jours j’ai dû avaler encore une pilule amère : son sentiment pour sa femme morte mettait en sourdine l’amour pour moi, vivante. Il parlait jour et nuit avec sa photo sur l’étagère et maintes fois je l’ai surpris pleurnichant dans son mouchoir: « Lucie si tu savais... J'ai besoin de quelqu'un pour repasser mes pantalons, pour nettoyer la maison et pour me gratter le dos ». Après ces instants de faiblesse il sortait prendre l’air. Un jour, porté par ses pas qui arpentaient les rues à la dérive, il arriva au cinéma "Phoenix". Et l’inévitable s’est produit : il y rencontra Mireille, la veuve idéale. « Mon chou, ça te va notre nid d’amour? » « Tout est merveilleux, Luc chéri, sauf ce cabot ». Impossible d’accommoder sa haine furibonde avec la mienne, encore plus enragée. Partager notre cher Luc comme un repas entre amies, c’était tout aussi inconcevable. En un mot, ma vie était devenue une véritable torture. Et pour cause, la jalousie m’emportait souvent en me donnant du fil à retordre et de l’ardeur à mordre. Les quatre ans qui ont suivi furent très durs pour nous trois, ainsi ai-je dû laisser quelques poils sur l’autel de ma fierté canine (sinon pas de léké-léké au petit-déj). Mais le pire est à venir… Un jour d'hiver Luc fut fauché par une grippe. Catastrophe ! Perdre d’un seul coup mon mari et mon maître c’était comme si je devais croquer un os à moelle cyanurée. Pire, demeurer aux côtés de cette chipie qui m’a oubliée nombre de fois tantôt liée à un poteau, tantôt au pied d’un banc, supporter son odeur matinale de lavande, toutes ces choses accablantes me rendaient la vie âcre et l’âme de goudron. Mais le pire est à venir… Un an après la mort de Luc, elle a acheté à la foire de vendredi Mitzou, un matou blanc et mal élevé. Je ne supporte pas les chats, je l’avoue, alors comment aurais-je pu cohabiter avec cet animal hypocrite qui voulait saper mon prestige dans le quartier et qui plus est me faisait la cour ? Je le haïssais d’une haine viscérale ; mais lui, pas. Et le pire est à venir… Qui pouvait s’imaginer que la fringante physique s’immisçât une fois de plus dans notre famille ? Incroyable coïncidence… Six mois après la mort de Luc, son âme s’est blottie chez ce vilain Mitzou. Et me voilà mariée avec un chat. Le temps de comprendre sa vraie identité, je l’ai pourchassé des mois et des mois dans tous les recoins de la maison. Et, paradoxalement, plus il me montrait de la tendresse, plus j’aiguisais mes dents. Comment aurais-je pu oublier la frivolité de cet « homme » qui m’a blessée au plus profond de moi, trois fois moi : épouse, femme et chienne ? Mais surtout comment supporter son succès casanovien auprès de toutes ces putains de minettes qui ronronnaient sous nos fenêtres toutes les nuits à la pleine lune ? Jour après jour une haine sauvage me ravageait les entrailles, vaporisant ainsi la moindre goutte de sentiment pour mon ex. En vain me miaulait-il des mots doux, comme au temps de notre jeunesse « ma Lucie adorée, sfrrr, sfrrr, je t’aimiaouuu ». Je faisais la sourde oreille et lui répondais en grognant dans mon coin « je t’emmmmrrr, mrrr ! »

"Voilà ce qui reste de notre grand amour…", piaulait Mitzou du haut de la clôture haute de trois mètres.
Pas toujours beau la vie, hélas… Au lieu des sentiments exaltants, tout ce que nous avons aujourd’hui en commun ce sont nos puces. Néanmoins, mon histoire a un mérite non négligeable quant à la contribution au progrès de la physique moderne. Elle a fourni la pièce manquante à la formulation du principe de la conservation de l’amour conjugal qui dit que l'amour entre les époux ne disparaît pas. Il se transforme en haine !

 

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Concours pour le hors-série de la Revue, Les petits papiers de Chloé dans le thème "Catastrophe !" : "vous vous réveillez dans la peau d'un autre"... Texte 8

Publié le par christine brunet /aloys

Morne plaine

 

Tiens, j’ai dû m’assoupir... Pas étonnant. Combien d’heures de sommeil depuis trois jours ? Éreinté, je suis éreinté…

Et merde, ce que j’ai mal au cul ! Trop de temps à cheval… Ces saloperies d’hémorroïdes m’empêcheront pratiquement de monter en selle ! Qui va bien pouvoir observer à ma place les manœuvres de ces foutus anglais ? Si seulement je n’avais pas à être partout… 

Ce sang dans le vase de nuit… En plus, ça recommence, je peux à peine pisser… Quelle poisse !

« Marchand ! 

- Oui Sire…

- Apporte-moi mon  laudanum !

- Je… oui, Sire ! Mais vous savez que les médecins vous le déconseillent à cause de votre problème de… heu… 

- Je sais, je sais, mais aujourd’hui, je me fous de leur avis ! Je vais devoir tenir toute la journée, la journée peut-être la plus décisive pour l’Empire ! Alors les médecins, je les consulterai demain à Bruxelles, quand j’aurai battu Wellington ! »

Ne cessera-t-il jamais de pleuvoir ? Foutu pays… On se croirait en Pologne  ! 

« Oui, messieurs ?

- Sire, il pleut beaucoup trop pour que nous puissions engager une bataille ce matin. L’artillerie s’embourbera.

-  Bon, on verra… Pluie ou pas, l’armée devra être prête à attaquer à neuf heures. Allez me cherchez Soult, que je lui dicte mes ordres ! »

Pourvu que le temps s’améliore ! 

« Bertrand !

- Sire ?

- Je vais vous dicter une dépêche à faire parvenir à Grouchy. Il devra cesser de talonner les  prussiens pour se rapprocher de nous, son avant-garde devrait suffire à tenir Blücher à distance. Sa cavalerie pourrait ne pas être de trop pour coincer Wellington quand j’aurai percé ses lignes…

- Bien, Sire ! 

- Je vais demander à Jérôme de diriger une attaque de diversion sur le flanc droit des anglais et lancerai ensuite toutes nos forces contre leur centre que j’espère avoir enfoncé en fin de matinée. Messieurs, si la pluie cesse enfin et que mes ordres sont respectés à la lettre, nous coucherons ce soir à Bruxelles ! 

- Vous pouvez compter sur nous, Sire ! »

Espérons…

L’attaque contre le centre du dispositif ennemi… À qui d’autre qu’à Ney puis-je confier la première charge ? Ney… Ce con n’a pas vraiment été à la hauteur ces deux derniers jours, et je suis gentil ! Pourquoi ce retard à exécuter mes ordres et s’emparer du carrefour des Quatre-Bras alors à peine défendu ? Je ne reconnais plus le bonhomme. Il n’est assurément plus le même. J’aurais mieux fait de refuser ses services, comme j’ai refusé ceux de Murat ! Après tout, il a bien trahi les Bourbons, pourquoi pas moi ? Puis-je encore lui faire confiance ? 

 Pfff… ai-je le choix, de toute façon ? Soult non plus n’a pas été avare de conneries… Ah, si j’avais encore Berthier ! Et les autres, Suchet, Brune, Jourdan, Davout,  sont-ils encore ce qu’ils étaient ? 

Bon Dieu, mon estomac, maintenant ! Appuyer le poing dessus. Ça va passer, ça va passer… Et ces hémorroïdes qui brûlent ! Bon, moi non plus ne suis-je sans doute plus ce que j’étais… Il faut que ceci soit mon ultime bataille et que ma victoire soit éclatante afin que les Alliés comprennent une fois pour toutes qui est le maître ! La bataille qui affermira durablement l’Empire.

J’ai mal au ventre. Je vais essayer à nouveau d’uriner, j’espère que ça va aller mieux… 

Tiens, mes douleurs deviendraient-elles plus supportables ? Le laudanum, bien sûr… Et voilà que  j’ai sommeil. Dormir un peu ? Non, non, pas maintenant ! 

«  Bertrand, quelle heure est-il ? On dirait que la pluie cesse et que le soleil s’annonce…

- Tout à fait, Sire. Une bénédiction ! Il est huit heures, Sire !

- Nous déménageons ! La ferme du Caillou n’est pas idéale pour observer le champ de bataille. Je vais m’installer sur le petit mamelon que nous avons repéré hier soir, pas très loin d’ici.   

- À vos ordres, Sire !

- Je prendrai un peu de repos là-bas en attendant que tout soit prêt pour attaquer. Quel dommage de n’avoir pas pu le faire à l’aube… Vous m’y faites dresser ma tente et porter mon lit de camp ! Et mes cartes, bien évidemment…

- Je n’y aurais pas manqué, Sire ! »

Merde, que m’arrive-t-il encore ? On dirait que mes jambes ne me portent plus. Je crois que je suis en train de perdre connaissance... Marchand ! Marchand !

« Vous avez un problème, Majesté ? Majesté ! »

 « Monsieur… Monsieur ! » 

On me secoue. La salle est brillamment éclairée et je peine à ouvrir les yeux. Deux assistants en blouse blanche s’affairent à me retirer mon casque, une espèce d’enveloppe très souple hérissée d’un nombre impressionnant d’électrodes, toutes reliées à un appareillage compliqué. 

« Alors, monsieur, vos impressions ? Nous attendons impatiemment que vous nous disiez ce que vous avez ressenti ! »

Le directeur de l’agence me met sous le nez le catalogue que j’avais longtemps feuilleté avant de me décider. Désorienté, je relis le titre accrocheur. « Partagez un instant de la vie d’un de vos héros favoris ! »

J’avoue que je n’y avais pas vraiment cru, à leurs histoires d’Archives Akashiques, et à la découverte toute récente permettant de me retrouver brièvement, à une date choisie par moi, dans la peau d’un personnage depuis bien longtemps disparu. 

Et c’est un peu par défit que j’avais choisi l’incarnation de Napoléon à Waterloo, le matin du 18 juin 1815…

Je me lève précipitamment.

« Attendez, monsieur ! Que vous arrive-t-il ?

- J’ai envie de pisser ! »

 

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Concours pour le hors-série de la Revue, Les petits papiers de Chloé dans le thème "Catastrophe !" : "vous vous réveillez dans la peau d'un autre"... texte 7

Publié le par christine brunet /aloys

 

« Et guili guili, et que je te caresse la tête, que je te gratouille derrière les oreilles ! Qu’est-ce qui lui prend à bobonne aujourd’hui. Voilà un siècle et demi qu’elle ne m’a plus touché ! Quant à moi, toutes mes tentatives d’approche se sont soldées par des échecs cuisants. Mes mains en brûlent encore ! J’ai vite abandonné pour me donner vers d’autres plaisirs solitaires. Quoi ? Non ! N’allez pas imaginer des choses ! Des plaisirs solitaires, j’en connais des masses comme la lecture, par exemple. Ma vie est un roman que je n’écrirai jamais, donc, je lis la vie des autres, même si ce ne sont que des personnages fictifs, parfois sortis d’un cerveau malade. Et voilà que ça  recommence : les gratouilles, les chatouilles, les papouilles,… Ah ! J’avais oublié ces sensations ! Je m’étire, je bâille, je miaule.
Quoi ? Je miaule ? Qu’est-ce qui m’a pris ? J’ouvre les yeux. Où suis-je ? Dans les bras de bobonne carrément ! Comment peut-elle me tenir ainsi sur sa poitrine, une poitrine qui m’a fait tant fantasmer pendant des années et que je n’ai plus vue depuis des lustres ?

Mais c’est pas possible ! En une nuit, je suis devenu aussi poilu que… que… mais oui que ce satané matou qui dort, chaque nuit, au pied de notre lit, quand ce n’est pas sous les draps, côté bobonne évidemment ! Dites-moi que je rêve ? Et qui est cet homme qui dort dans le lit conjugal ? Il ronfle comme un cochon, la bouche ouverte. Mais qu’il est laid ! Mais c’est moi ! Ce n’est pas possible ! Je ne peux pas me voir couché dans le lit ! Où est le miroir ? Je rêve. C’est ça, je dors et je rêve que…que je suis un chat ! Il faut que j’en aie le cœur net ! Je dors ou je suis réveillé. Je vais me pincer. Mais je n’ai plus de doigts. Mes membres (je n’ose pas dire mes pattes) sont terminés par des coussinets tout doux et des griffes rétractiles. Je m’amuse à les faire sortir de leurs cavités et de les rentrer. Ce sera un peu ma gym du matin. Tiens, si j’essayais ça ? Allez, il y a longtemps que j’en rêve ! J’y vais ? Vous le feriez, vous ? Peut-être pas, mais vous ne dormez pas avec une mégère à vos côtés depuis un deux siècles, si ? Allez, je sors mes griffes et je les enfonce bien profondément dans le cou bien gras de Louise-Marie. 

Ah ! Quelle jouissance, ce cri d’horreur ! J’avais oublié qu’on pouvait jouir de cette façon ! Bon, ce qui suit ne me fait pas jouir, car me voilà projeté en l’air comme une crêpe le jour de la chandeleur. Un chat retombe toujours sur ses pattes, vous le savez, donc non, je ne subis aucun dommage. Je m’examine. Tout est intact, je suis entier. Louise-Marie m’insulte, mais ça j’en ai l’habitude, pas sous ce costume, mais avec elle, les noms d’oiseaux volent. Tiens, parlant d’oiseaux, j’m’en ferais bien un pour mon déjeuner. Coco, dans sa cage dorée recouverte d’un drap qui le tient au chaud dans une douce obscurité n’a qu’à bien se tenir. Faire disparaître cet idiot de perroquet que bobonne adule autant que ce félin débile, j’en rêve depuis un siècle ! Oui, ça vit longtemps, les psittaciformes (répétez-moi ce terme cent fois de plus en plus vite) ! Qu’est-ce que j’ai souhaité lui tordre le cou à cet imitateur de mes deux ! 

Louise-Marie se lève tout en continuant à m’invectiver ! C’est la première fois que son chat lui fait un coup pareil ! Alors que moi, la griffer, la faire saigner, sucer son sang, j’en rêve depuis - oui, vous le savez- un siècle et demi ! C’est chose faite par l’intermédiaire de l’idiot de matou. 

Mais j’y pense, si j’ai, par je ne sais quel miracle, intégré le corps du félin, lui doit être dans le mien. Justement voilà l’homme, moi, enfin le corps humain couché dans le lit, qui se réveille. Tu parles ! Comment aurait-il pu continuer à dormir avec les cris de goret qu’on égorge de ma chère épouse ? Le voilà qui se lève d’un bond et se dirige vers la salle de bains. Il se précipite sur le miroir. Il a compris ! Je le vois dans son regard effaré. Eh eh ! C’est à lui à partir au boulot, à subir les remontrances d’un chef de service de mauvais poil, les moqueries de collègues tous plus cons les uns que les autres et à retrouver une femme frigide en rentrant exténué par un travail bêtifiant ! Eh oui, sale bête, c’est à toi à faire bouillir la marmite maintenant. Quant à moi, je vais ronronner, dormir au coin du feu, manger mes croquettes au poulet et … regarder comment ouvrir cette fameuse cage qui encombre le living. J’en salive déjà…

 

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Concours pour le hors-série de la Revue, Les petits papiers de Chloé dans le thème "Catastrophe !" : "vous vous réveillez dans la peau d'un autre"... Texte 6

Publié le par christine brunet /aloys

 

Il était une fois une petite fille qui s’appelait Camille. Une drôle de petite fille née avec une fleur à la place du cœur. Comme le jour triomphe de la nuit, dès les premiers rayons du soleil, la frêle tige renaissait immanquablement en pleine poitrine. Minuscule, presque inexistante, dépourvue de feuilles et de pétales, jusqu’à ce que sa mère et ses deux sœurs déposent les baisers du matin sur ses joues. Une rosée de tendresse. Et puis, le soleil. La pluie. Le vent. La vie. Le rire des amies en récréation. Les louanges de la maîtresse. Alors forcément, la fleur ne pouvait s'empêcher de se faire vaillante. A nouveau. Belle comme une étoile aux mille promesses. 

Belle, mais fragile. Si fragile dans le noir.

A l’heure où la plupart des paupières sont closes, dans sa chambre, seule, Camille voudrait s’évanouir. Laisser la nuit à d’autres. Ne vivre que le jour. A quoi sert l’obscurité quand on a une fleur à la place du cœur ? Mais déjà, dans le couloir, des bruits de pas. La porte qui s’entrouve. Un homme à l’amour fétide. Une main sur la bouche. Puis partout. Les larmes qui coulent. Les pétales qui tombent. En silence, la belle et délicate fane, disparaît, pour n’être plus qu’une minuscule graine tapie dans une terre d’effroi. La porte se referme et Camille finit par s’endormir. 

A la lueur de l’aube, elle se réveillera. Doucement. Et laissera sa peau de nuit au fond de son lit.

 

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Concours pour le hors-série de la Revue, Les petits papiers de Chloé dans le thème "Catastrophe !" : "vous vous réveillez dans la peau d'un autre"... Texte 5

Publié le par christine brunet /aloys

Emoji point d’interrogation

 

Vous pouvez pas imaginer ce qui m’arrive. Moi-même, j’hésite. Je me pince. Suis-je moi, je me demande parfois. Combien de temps je resterai ici, aucune idée. Jamais je n’ai bossé autant. Les horaires, je les connais pas. À chaque heure du jour ou de la nuit, je suis appelé. À croire que les fuseaux horaires ont dégouliné à cause du réchauffement climatique, et dans quelles gouttières, ça je sais pas, parce qu’ici… C’est dans une espèce de chambre noire que je crèche à présent, appelons un chat, un chat. Ça clignote sans cesse et des lumières de toutes les couleurs me brouillent la vue, je demanderais bien pitié, parfois. Vous croyez que j’ai l’air cool comme ça. Pas du tout. Que voulez-vous que je fasse ? Je sais même pas pourquoi j’ai atterri dans cette embrouille de merde. Oui, j’ai un contrat de travail. Aucune importance de toute façon, je ne vois personne à part ces emojis. J’oubliais de vous dire, je suis lanceur d’emojis pour un seul réseau, Facebook. Vous comprenez le boulot et les horaires ? Parce que là derrière votre clavier, c’est fastoche. Mais moi ? Vous imaginez ? C’est là, derrière votre azerty que je survis depuis, depuis…, je sais même plus. Non, je ne circule pas sur toute la planète du Net. C’est uniquement un contrat de travail lié à Facebook, vous captez ? Oui c’est ça, de jour comme de nuit et sur toute la planète Terre. Ah à certaines heures, c’est l’embouteillage total. Y’a des cons qui postent pour un oui ou un non et les autres qui commentent. Une déception amoureuse, hop, on poste. Le chien qui pisse de travers, hop, on poste. Le voisin gueule trop fort, hop, on poste. Ah, la meuf revient, hop, on reposte. Alors pour moi le boulot démarre. Emoji clin d’œil, emoji cœur rouge, emoji ceci, emoji cela. Et quand nous vivons une période préélectorale, vas-y les emojis verts, rouges, bleus. Orange ! Oh c’est pas toujours si facile, on croit que mais non non. Vous, vous cliquez sur un emoji que vous avez choisi. Mais ici c’est tout un boulot. Imaginez, des tas d’imbéciles caressent en même temps le même emoji. Vous voyez l’embrouille ? Ben oui des centaines de commentaires sont postés en même temps. Et qui n’a pas envie d’un petit emoji pour appuyer ses dires hein MDR ? Comptez les phrases qui se terminent normalement par un point, un point d’interrogation ou un point d’exclamation, LOL. Je vous le dis, dix pour cent à peine. Et donc nonante pour cent demandent leur petit emoji emoji clin d’œil. J’ai l’air de rire comme ça, mais non emoji clown. Je vis l’enfer moi ici emoji bouche qui dégueule du vomi tout vert. Et comment retrouver une vie normale à présent emoji mine triste ? Alors je bosse emoji tête qui dégouline de sueur. Et j’attends la panne de courant qui me sauvera emoji paire d’yeux exorbités.

 

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Concours pour le hors-série de la Revue, Les petits papiers de Chloé dans le thème "Catastrophe !" : "vous vous réveillez dans la peau d'un autre"... Texte 4

Publié le par christine brunet /aloys

EFFETS INDÉSIRABLES



 

Sushi et champagne, quoi rêver de mieux pour passer le cap ? J'avais bu du champagne, un peu trop de champagne, sans doute. J'avais mangé des sushi, un peu trop aussi sans doute, mais pourquoi m'en serais-je privée ?  Pas plus que mon invité, je ne devais pas reprendre la route. Cela se passait dans mon kot, situé dans le même immeuble que celui de mon hôte. Je n'avais pas à tricher, je pouvais être moi-même, exprimer ce qui me passait par la tête. Ce n'était pas l'une ou l'autre plaisanterie de mauvais goût qui aurait pu gâcher l'atmosphère. 

Pour arroser mes vingt ans, j'étais seule avec Pierre-Antoine, un copain de la faculté, un garçon très cultivé, aux habitudes assez désuètes avec lequel je partageais volontiers mes impressions les plus intimes et révisais à l'occasion certaines matières. Il faisait des études de biologie, quant à moi je me consacrais à la sociologie. Nous étions simplement des amis. Il n'y avait pas de sentiments amoureux entre nous. Nous avions l'habitude de partager nos soucis, nos joies, nos réflexions, de nous entraider. 

C'était un mercredi. Il m'était impossible de fêter mes vingt ans en famille. La grande réjouissance familiale  était prévue pour le vendredi soir, le samedi  étant consacré à la soirée avec les copains. Il avait donc été convenu avec Pierre-Antoine que nous célébrerions l'événement en tête-à-tête. 

Pierre-Antoine me dit : "Je t'ai offert du champagne parce que je sais que tu adores ça. Je crois aussi que tu apprécies le kir royal. Je t'invite à goûter ceci si tu le permets, c'est meilleur que l'habituelle crème de cassis et à peine plus alcoolisé. Tu m'en diras quelque chose." Pierre-Antoine sortit une petite fiole de la poche intérieure de sa veste et demanda : "Je peux ?" J'acceptai. Il versa quelques gouttes d'un liquide rose dans mon verre ainsi que dans le sien. J'y goûtai. C'était d'une saveur fort comparable à celle d'un kir. 

Nous nous mîmes au travail. Je relus le brouillon d'une analyse réalisée pour mon cours d'anthropologie. Pierre-Antoine fit quelques commentaires et j'apportai les corrections utiles. 

Pierre-Antoine s'en alla, me laissant la bouteille de champagne aux deux tiers vide et la petite fiole. Après son départ, je bus encore un fond de champagne puis rangeai bouteille et fiole dans le frigo. 

Bientôt, je me couchai. Mon sommeil fut plutôt agité. J'avais très chaud. J'attribuai cela à l'excès d'alcool. Mais lorsque je me levai pour me rendre aux toilettes, je me sentis vaseuse. Je constatai que mon corps était recouvert de quelques poils blancs. Je pensai que ma couette, dont l'intérieur contenait des plumes, était peut-être trouée et ne m'en inquiétai pas. La fatigue était telle que je replongeai rapidement dans les bras de Morphée.

Je connus plusieurs phases de réveil qui ne durèrent que quelques secondes. Chaque fois, j'éprouvai de légères douleurs, courbatures et élancements un peu désagréables sans plus. Il me sembla aussi qu'au fil des heures je rapetissais de plus en plus. Progressivement j'occupais moins de place dans mon lit et ma couette vint à me recouvrir entièrement. Quand mon réveil sonna et que je m'étirai, je dus me rendre à l'évidence : mes mains n'étaient plus des mains, elles étaient de simples et insignifiants doigts. Difficile d'éteindre mon réveil, je n'eus d'autre solution pour l'arrêter que de le faire tomber d'un coup de patte. Mon corps avait nettement moins de volume. J'étais devenue une petite chose ! 

Je voulus passer la main sur mon visage, mon tronc, mes membres. Cela me fut impossible. Je tentai de me rassurer. Je conclus d'abord que je faisais une sorte d'allergie qui perturbait mes sens. Par la suite j'envisageai que j'avais probablement été droguée et que tout cela n'était qu'illusion.  Peut-être aussi étais-je en proie à une crise de delirium tremens ? 

Je sortis du lit : dans le miroir de ma garde-robe, je vis un chat, un chat sacré de Birmanie, à la robe blanche, gracieux, très beau. Je bougeai une patte et le mouvement se refléta dans le miroir. Ce chat, c'était moi…

J'avais deux oreilles, deux yeux, un nez, quatre pattes, une queue, un corps dodu. J'avais de joies courbes, mais je n'étais plus celle que j'avais été. J'aurais voulu savoir ce qu'il s'était passé. J'aurais voulu me rendre chez Pierre-Antoine. Quand je me trouvai devant la porte d'entrée de mon kot, je remarquai qu'elle n'était pas tout à fait fermée. J'aurais donc pu me déplacer dans l'immeuble. Mais soudain j'avais honte, honte d'être ce que j'étais. J'étais aussi terrorisée. Une idée s'imposa à moi : un chat vit moins d'années qu'une femme, allais-je bientôt mourir ? 

Paniquée, je voulus boire et manger un peu, pour tenter de réparer le mal qui m'avait été fait et qui en première analyse pouvait sans doute avoir été causé par le kir royal et les sushis. Dans un premier temps, je bougeai dans tous les sens pour rétablir un semblant de normalité. Cela fut sans effet. Ensuite, je cherchai de quoi me restaurer.

Je lapai un fond de café resté dans un bol près de l'évier. J'avalai quelques chips. Je bondis sur le canapé et m'y allongeai. Je m'y rendormis. À mon réveil, je sortis de mon kot pour me rendre chez Pierre-Antoine. C'est alors que, sur le palier, je vis un autre chat sacré de Birmanie. Il miaula en m'observant… Je crûs saisir dans les sons qu'il émit un mot qui revint plusieurs fois : "dea…ler, dea…ler".  Je choisis de rentrer chez moi et l'autre chat me suivit. 

Deux jours plus tard, on affichait des avis de recherche concernant ma disparition et celle de Pierre-Antoine. Bien malin qui aurait pu nous retrouver !

 

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"Si aucun éditeur n'accepte ton manuscrit, c'est que quelque chose cloche vraiment. Cesse de t'acharner", me dit Jean-Marc lorsque je lus à haute voix la lettre des Éditions Hardiesses m'annonçant que mon manuscrit ne correspondait pas à leur ligne éditoriale. Ce n’est qu’au bout de la quatrième réflexion de Jean-Paul, que j'avais deviné qu'il ne cherchait qu'à me décourager, à m'empêcher de faire ce à quoi j'aspirais le plus et que m'était revenue en mémoire une des phrases favorites de Papa." "Un pas à la fois, un jour après l'autre, on construit son savoir, son succès, on approche du but.".

 

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Concours pour le hors-série de la Revue, Les petits papiers de Chloé dans le thème "Catastrophe !" : "vous vous réveillez dans la peau d'un autre"... Texte 3

Publié le par christine brunet /aloys

Réveil sans retour !

 

Tap ! Tap ! Tatatap…

Des coups sourds résonnent dans mes oreilles, m’obligeant à entrouvrir les paupières. A travers les tentures, le jour filtre à peine et je me rends compte qu’on frappe à la porte.

   ─ Qui essaie de m’extirper de mon sommeil à cette heure matinale ?

Pieds nus et chancelante, je me précipite pour ouvrir à l’impatient qui tambourine à présent avec fracas. Inutile de réveiller toute la maisonnée !

D’étranges soldats m’empoignent aussitôt en m’intimant l’ordre de les suivre. Un curé en soutane se tient en retrait et me tend une bible, en se signant.

   ─ C’est aujourd’hui, Madame, que vous devez expier vos fautes et Dieu vous accompagne dans cette épreuve.

Je balbutie, hébétée et mon regard affolé balaie les hommes qui me menottent. Leur uniforme me semble incongru avec leurs tricornes, leurs bottes hautes et leurs vestes à queue de pie bleues et blanches.

Des hurlements montent en crescendo de la rue, des mots chargés de haine et de colère :

   ─ A mort l’Autrichienne ! Bon voyage avec le diable, madame Déficit !

Je marche en titubant entre mes kidnappeurs, éberluée de me voir attifée d’une longue chemise de nuit en coton blanc. 

   ─ Ne m’étais-je pas endormie dans une tenue plus sexy : nuisette de satin rose coquin ?

Des bras puissants me hissent sur une charrette et les cahotements me donnent le vertige.

Des bouches hideuses m’invectivent tout au long du trajet. Des femmes, les cheveux enserrés par une coiffe blanche me dévisagent avec mépris, des hommes vêtus de pantalons moulants et chaussés de sabots crachent sur mon passage.

Et puis, je la vois !... Une horrible machine à tuer sortie de l’histoire ! Une guillotine trônant sur un échafaud !

Aucun son ne sort de mes lèvres mais le bourreau cagoulé de noir me prend la main en murmurant :

   ─ Ce sera rapide, votre Majesté !

Une image me gifle soudain en explosant dans ma mémoire.

Ne me suis-je pas endormie dans une chambre d’hôtel consacrée à Marie-Antoinette, la dernière reine de France, épouse du roi Louis XVI ?

En quête d’originalité, mon mari m’avait offert un week-end dans un ancien château décoré selon les critères du 18ème siècle. Notre chambre « l’autrichienne » était dédiée à cette malheureuse monarque au destin tragique et je me revois un verre de champagne à la main… un verre de trop… narguer le portrait emprunté de cette gente dame. 

Déjà détestée par ses sujets à cause de ses origines germaniques et de ses excès financiers, elle n’a pas apprécié ma fanfaronnade.

Avant de m’abandonner à l’étreinte du sommeil, j’ai lancé un dernier clin d’œil à la royale silhouette. Ses lèvres affichaient un rictus moqueur et ses yeux me fixaient sournoisement. 

Mes paupières engourdies se sont fermées jusqu’à ce martèlement sur ma porte.

Marie-Antoinette s’est bel et bien vengée en m’aspirant dans son époque.

 

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