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TEXTE 1 concours "ma première dédicace"

Publié le par christine brunet /aloys

Séance de dédicaces

Ils m’ont placée juste devant les toilettes, en me disant qu’au moins on me verrait de loin et que je ne serais pas sur le chemin des chariots. Je me suis imaginée sur la piste de Santa Fe avec un défilé de chariots bâchés suivis de vaches et chevaux, et moi assise à l’ombre d’un cactus, attendant de vendre ma biographie de Kit Carson.

Mon livre, mon premier-né encore relié à moi par un cordon maternel, est dressé sur un présentoir, comme un brave petit soldat dans sa guérite. Rien encore comme article de presse pour appuyer le sérieux de mon travail. Pire encore… l’affiche que le supermarché a imprimée pour déplacer les lecteurs mentionne qu’il s’agit de mon tout premier livre, et ils ont choisi une photo de moi dans mon album Facebook, j’y ai 25 ans, une robe hippie et une monstrueuse fleur d’hibiscus dans les cheveux.

Une dame myope et pressée m’a déposé 50 centimes sur la table avant de pousser la porte étiquetée « Dames », me reprochant peinée « oh, vous n’avez pas une petite assiette ? ». Le gérant du supermarché passe de temps à autre avec l’air d’un souteneur qui vérifie le compteur, me souriant d’un air tout va bien dans mon monde en redressant le menton avant de retourner aux choses sérieuses.

Un homme âgé s’approche… enfin, il doit avoir mon âge mais je trouve que lui le porte mal avec ses rares cheveux blancs teints en blond Barbie noués derrière la nuque, comme une queue de rat blond qu’on lui aurait greffée. Il fait aussi trop de banc solaire et est tacheté comme une banane agonisante. Il regarde l’affiche devant ma table, fronce les sourcils, s’approche, enlève et remet ses lunettes, inspecte la hippie et puis moi, la bourgeoise respectable que je suis devenue, et sa bouche se contorsionne pour exprimer le doute. « Vous tenez le fortin pour votre fille ? ». Il expose des dents récemment blanchies et si régulières que je frissonne comme si la mort elle-même me souriait. Il prend mon livre chéri dans sa vieille main tannée, et me demande, d’un air qu’il croit absolument charmeur « Si je vous les achète tous… viendrait-elle me les dédicacer à domicile ? »

Je lui offre mon air le plus bourge, avec élégance mais la saine distance que l’on met entre soi et un homme trop séduisant pour que la tentation ne fasse aucun dommage, et sans sourciller lui dis : « Mais naturellement, elle s’en fera un plaisir ! Il est rare de rencontrer un lecteur qui d’emblée sait identifier la bonne écriture… donnez-moi donc votre adresse et votre numéro de GSM par précaution, voici le sien d’ailleurs » et je lui griffonne un numéro sorti de mon imagination que la sienne le fait empocher avec la vivacité d’une langue de caméléon.

Il s’éloigne et revient avec un chariot non bâché, et le remplit, avec un clin d’œil complice, de la quarantaine d’exemplaires de mon tout premier livre.

Comment a marché votre première séance de dédicaces ? J’ai tout vendu en une heure !

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Concours "Les petits papiers de Chloé" texte 9

Publié le par christine brunet /aloys

Combat de l’une, combat de l’autre

Au troisième étage d’une tour qui en compte nonante-neuf, une mère et sa fille. Toutes deux regardent par la fenêtre. La mère, debout, tient dans sa main droite une tasse de café. La fille est assise, faussement reelax, sur l’appui de fenêtre, tantôt elle se tourne vers sa mère (elle cherche chez elle une quelconque réaction), tantôt elle jette un regard victorieux sur la foule en délire.

La mère. Ces manifs me tuent. La ville est en sang. Les gens sont fous. Ecoute-les ! Regarde-les !

La fille (moqueuse). Demain, la loi sera votée. Ce progrès, c’est le tien.

La mère. La loi sera votée…

La fille. Comment ? Tu n’as pas l’air de te réjouir de cette réussite ? Ma réussite. C’est moi, ta fille, c’est moi qui ai concocté dans ma propre cervelle cette petite trouvaille…Tu vois, tu as eu raison de t’investir dans mes études ! Le jeu en valait la chandelle ! Je suis le fruit de ton éducation, maman…A quoi penses-tu donc à l’instant, là, tout de suite?

La mère (nostalgique). Le jour de ta naissance. Le plus beau jour de ma vie. Je pense à toutes ces femmes qui désormais ne connaîtront pas cet instant. Par ta faute. Par la mienne aussi, en quelque sorte…J’étais si fière de ton intelligence, de tes années d’université, de tes réussites, de tes succès dans cette biologie expérimentale, de ces bourses que les états du monde entier accordaient à ta fondation, de tous ces chercheurs qui bossaient des heures et des heures, pour toi, pour tes travaux. J’étais si fière de tout ça…

La fille (avec sarcasme). Je ne comprends pas pourquoi aujourd’hui, tu remets tout ce travail en question. C’est un grand pas en avant pour la cause féministe, maman ! Le féminisme, le combat de ta vie !

La mère (ne répond pas à sa fille, ne tourne pas la tête vers elle non plus, son regard est fixé vers la foule). Je pense à toutes ces familles qui seront plongées dans des discussions sans fin…Il y aura des séparations, des amours avortés. Des femmes seront privées de ça, donner la vie…

La fille. Les hommes sont demandeurs ! C’est pour eux que ces recherches ont abouti !

La mère (haussant le ton). Il y a des massacres en bas de nos fenêtres ! Le sang éclabousse les murs de la ville ! Et tu restes sur ta position ! Combien de morts as-tu provoquées depuis l’annonce de cette « découverte » ? Des gens se sont entretués pour ne pas que cette loi soit votée ! Et ces enfants nés dans de tels utérus seront-ils encore normaux dans cinquante ans ? Et ces enfants-là, comment enfanteront-ils, eux ?

La fille. Mes résultats sont infaillibles, c’est certain. Et d’autres chercheurs prendront la relève. Moi, basta.

La mère. Tu m’effraies, ma fille, tu m’effraies. Tout m’effraie en toi. Ton assurance. Ta détermination.

La fille. Mon assurance, ma détermination ! Justement des qualités, d’après toi ! De belles qualités pour une femme, disais-tu ! Désormais, je vivrai ma vie. Et pas la tienne.

La mère (toujours le regard rivé vers la foule en délire). Je voulais que tu sois indépendante, que tu ne dépendes pas d’un mari…

La fille. Aujourd’hui, avec ce progrès gigantesque et cette loi votée, c’est une guerre que les femmes ont gagné ! TA guerre ! Les demandes affluent déjà dans les cliniques ! Dans neuf mois exactement les premiers enfants issus de ces utérus verront le jour. En fait, chère mère, c’est TA réussite. Tu ne voulais pas une fille, tu voulais un cerveau !

La mère (résignée, laissant tomber sa tasse de café et ne la ramassant même pas). J’avais lu Huxley, lorsque j’étais adolescente. Tous ces enfants dans des tubes, cela m’attristait. Ce matin, des manifestants se tuent sous mes fenêtres. Parce que les recherches scientifiques de ma fille ont abouti. Des embryons grandiront dans des utérus implantés chez… des hommes. Dans neuf mois, des hommes accoucheront d’un enfant. A cause de moi…

La fille (se croise les bras et regarde sa mère, avec de la moquerie dans la voix). Je hais la médecine. Je voulais être une artiste. Je voulais être une femme. Avec des dentelles et du mascara sur les cils. Je voulais chanter, danser, écrire. Une artiste, maman, je voulais être une artiste. Demain, des hommes accoucheront. Moi, je tire ma révérence, je ferme ces rideaux-là et je pars. Pour en ouvrir d’autres. Une artiste, maman, je veux être une artiste.

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Concours "Les petits papiers de Chloé" texte 8

Publié le par christine brunet /aloys

La vengeance est un plat qui se mange froid…

L’offense sera lavée, je rumine, remâche et mûris un banquet punitif à faire froid dans le dos.

Au rythme lent d’une alléchante élaboration d’agapes gargantuesques, j’ai dressé les petits plats dans les grands: tous ont déserté le vaisselier.

Pas de platée de purée pour cette épopée épicée, j’ai échafaudé un somptueux buffet froid.

Œil pour œil, dent pour dent, que les réjouissances vengeresses laissent à plat cette engeance ! Sans aucunement lui faire du plat, j’ai crié ma vengeance dans une opulente bombance.

Au diapason de la réparation, j’ai médité de bons petits plats, abondants, à l’égal de mon ressentiment.

Entrées, plats de résistance, entremets, desserts participent à la fête savoureuse.

Viandes, crustacés et poissons jouxtent fruits pulpeux et légumes colorés dans cette

vendetta délectable.

Tout a été accommodé, assaisonné longuement, à petit feu, puis sagement refroidi pour le châtiment.

Les saveurs de la terre, de la mer et du ciel dansent élégamment dans ce ballet culinaire.

Mille et une sauces, chacune relevée d’un brin de courroux, d’une pincée de rancune aromatisent mon éventaire gastronomique.

Devant l’étalage revanchard de ces victuailles, je hume, avec délectation, le bouquet vengeur qu’elles

diffusent, fragrance qui me pénètre délicieusement.

Or, dans la gourmande attente de mon offenseur, un doute s’insinue et exhale soudain un parfum aigre et âpre qui s’obstine farouchement…

J’ai perdu le fil de mes desseins dans ce dédale culinaire, mais je garde la tête froide. Assurément, le gifleur n’est pas à la hauteur de ces délicatesses.

Au risque de tomber à plat et sans y mettre les pieds, je savourerai seule ces succulentes représailles !

Bon appétit ! Justice est ainsi faite !

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Concours "Les petits papiers de Chloé" texte 7

Publié le par christine brunet /aloys

Revanche éternelle

L’après-midi touche à sa fin. La Riviera italienne se caractérise, notamment, par cette lumière exceptionnelle qui accentue, si besoin est, la fascinante beauté des alentours. Le long de la strada, une propriété attire le regard. Elle habille tout le flanc d’une colline avant d’être brutalement interrompue, quelque cent mètres en contrebas, par la Méditerranée. Une moitié est couverte de maquis et l’autre plantée de pins et de palmiers imposants ainsi que de cyprès filiformes.

Parmi cette nature exubérante, dont plus aucun jardinier ne freine les ardeurs, se dresse une demeure inoccupée : un magnifique palazzo d’autrefois aux tons ocre (jaune pour les murs et rouge pour les tuiles) rehaussés par l’émeraude des volets à claire-voie.

Une terrasse ceinture l’édifice. Elle est surmontée d’une galerie en pierre blanche soutenue par des colonnes construites dans le même matériau et semble inviter à la contemplation de l’incomparable vue qu’elle offre sur la baie.

Le vent du large fait frémir le feuillage d’un olivier quasi millénaire et repousse, pour quelques instants encore, les assauts du crépuscule. C’est ce moment précis où la frontière entre le jour et la nuit devient floue et que, parfois, on appelle « entre chien et loup ».

Si les vivants ont déserté l’endroit – cette belle villa est en vente depuis des lustres – il est, pourtant, toujours habité par les souvenirs de ceux qui y vécurent heureux, certes mais aussi, sans doute, par leurs fantômes.

Rien n’a vraiment changé depuis la mort des derniers propriétaires. Dans le petit salon, chaque meuble se pare d’un drap blanc tandis que le parquet est saupoudré d’une fine couche de poussière. Aux murs, des peintures de paysages et d’animaux. Et, sur un guéridon en acajou, mystérieusement dépouillé de son linceul, un cadre en bois cérusé protège la photo d’un couple. Elle, la quarantaine, les cheveux noirs, les yeux marron clair, la bouche gourmande et le sourire prometteur, ne peut cacher ses origines de fille du Sud. Lui, par contre, plus âgé et moins spontané (quoique son regard espiègle démente ce jugement trop hâtif) donne l’impression de venir d’un pays où le soleil est moins présent.

Si l’on prenait la peine de retourner cet instantané de bonheur, on découvrirait une suite de mots, couchés d’une écriture féminine élégante, confirmant ce sentiment : « Le jour où nous avons su que nous étions des âmes jumelles… »

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Ils s’étaient rencontrés tardivement comme si le temps avait voulu se jouer d’eux. Mal lui en avait pris car, dès lors, ils avaient mis tout leur cœur à le rattraper et s’étaient aimés avec la passion de ceux qui n’ont plus rien à perdre mais, au contraire, tout à gagner.

Ensuite, il avait pris sa revanche… En partie, du moins puisqu’ils avaient décidé de partir ensemble.

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Le ciel est dégagé. La lune est pleine et sa lumière irréelle inonde la pièce par les seules fenêtres de la maison qui, étrangement, ne sont pas obturées par les contrevents. La tapisserie défraîchie faisant office d’écran, les ombres distillées par les arbres complices, piégés depuis tant d’années dans le parc, ont pris la forme de deux corps enlacés.

Ainsi en va-t-il des amants à jamais conjugués et du temps assassin qui, inlassablement, en décousent sans donner l’impression de pouvoir se départager… Et pourtant, celui qui régit les heures, les minutes et les secondes n’a que sa solitude à opposer à la gémellité célébrée par ces doubles parfaits et qui est, au final, la plus belle des victoires !

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Concours "Les petits papiers de Chloé" : texte 6

Publié le par christine brunet /aloys

« La vengeance est un plat qui se mange froid »

Jour de la Saint Valentin, deux jeunes hommes, Pierre et John, sont attablés dans un grand restaurant parisien étoilé. La nuit vient de tomber, les bougies ont été allumées sur leur petite table ronde. La commande est déjà passée ; ils sont en grande conversation quand un serveur apporte un vin millésimé…

Précisons que, la veille encore, ils s’étaient disputés pour une histoire de factures. Il est à savoir que Pierre, venant d’un milieu simple, s’était hissé au poste de directeur de publicité dans une firme importante de la capitale tandis que John, un danseur d’origine anglaise, végétait dans une boutique de luxe ce qui ne l’empêchait pas, depuis trois ans au moins, de dépenser sans compter l’argent de son compagnon de vie…

Pierre : Trinquons à… à la paix entre nous, John ! Humm, le vin est à bonne température. Et dire que la vengeance est un plat qui se mange froid, nous dit l’adage populaire.

John : J’aime le vin mais je n’aime pas le populaire.

Pierre : Alors, tu ne m’aimes pas.

John : Qu’est-ce à dire ? Il faudra un peu plus que des mots pour ne plus t’aimer.

Pierre : Et que te faudrait-il donc ?

John : Que tu te venges de moi ?

Pierre : Et pourquoi le ferais-je ?

Arrive le plat de résistance. Une fois servi, John réagit :

John : Parce que je t’ai trompé.

Pierre : Tiens, tiens. Tu es en train de me dire que si je me venge tu ne m’aimeras plus, et à côté de cela tu me demandes de me venger de toi, mais tu as trop bu ? De toute façon, je ne te crois pas.

John : Tu as tort car je suis très sérieux.

Pierre : Et si je n’ai pas envie de te croire.

John : C’est ton problème, mais le fait est là.

Pierre : Peux-tu m’en dire plus ?

John : C’est simple, la semaine dernière lorsque le pépiniériste est venu nous livrer les deux arbres pour notre terrasse j’ai cru bon de lui offrir une ou deux bières. Nous nous sommes assis dans le canapé pour les déguster et avons discuté longtemps… de fil en aiguille, il m’a paru de plus en plus séduisant ; croyant comprendre que je lui plaisais aussi il m’a attrapé la main, l’a baisée et je me suis laissé faire.

Pierre : Pfff ! Pour un peu tu serais une victime. Essaie plutôt d’être convaincant, je doute encore.
John : J’étais consentant malgré avoir bu trois bières d’un coup. Bref, on a fini par s’enlacer, et tu devines la suite…

Pierre : Tu sais bien que je n’ai aucune imagination.

A présent, les deux hommes tout gais se sourient pendant que les autres mets défilent.

John : Tu le fais exprès, Pierre ? Dois-je te dire que nous avons fini par aller dans la chambre à coucher ? Eh oui, c’est là où nous nous sommes accouplés.

Pierre : Ah ah , tu dis accouplés ; n’est-ce pas un peu désuet, voire précieux, de présenter les choses ainsi ? Dis, j’espère qu’il ne t’a pas mis enceint(e). Ah, ahahhh…

John : Pierre, je ne te permets pas de te moquer.

Pierre : Holà, tu ne veux pas que je me moque mais tu me demandes de me venger, et pire encore.

John : Pourquoi ne prends-tu rien au sérieux, pas même moi ?

Pierre : Pour ne pas être déçu, pardi !

John : Moi, je t’aime, je t’aime. Dis-moi, et toi tu m’aimes ?

Pierre qui mangeait les mots de son ami se garde bien de répondre. Inquiet mais non confus, John redemande avec un accent anglais délicieux :

John: Tu m’aimes, dis ?

Pierre : Après ce que tu viens de m’avouer tu voudrais que je t’aime encore plus.

John : Un peu, oui, car la preuve d’amour je viens de te la donner en te racontant mon infidélité et surtout en étant ici ce soir avec toi.

Pierre : Il est vrai que tu aurais pu décommander… quoique tu es si gourmand, et c’est moi qui t’invite. Bon, bon, admettons que je te crois.

John : Donc, il n’y a plus de problème.

Pierre : Oui et non ! A tout considérer, mon problème est comment vais-je me venger puisque tu m’y obliges ?

John : Attends que nos plats refroidissent.

Pierre : Très drôle !

Le dessert fut exceptionnel, les deux complices se lèchent encore les babines…

John : Merci de m’avoir régalé, Pierre, tu es un amour.

Pierre : Comme toujours.

Vint l’heure de l’addition, laquelle arrive sur un plateau d’argent. John montre du doigt la note, ce qui fait dire à Pierre sur un ton sec :

Pierre : Attends ! Hors de question que je paie, je te laisse cet honneur.

John : Oups ! Mais tu as vu tous les chiffres qu’il y a sur la note, c’est beaucoup trop cher pour ma bourse, tu sais bien que je suis toujours à découvert.

Pierre : Holà, très cher, c’est ton problème. Et puis, tu voulais que je me venge, voilà c’est fait !

John : Je t’ai menti tout à l’heure, je ne t’ai pas trompé avec le pépiniériste….

Pierre : Blablabla, je ne te crois toujours pas. Maintenant je te laisse, on se retrouve à l’appartement. N’oublie pas le pourboire et sois généreux ! Ah ah, je me demande bien quelle sera ta vengeance, sera-t-elle froide, sera-t-elle tiède ? Bye bye, moi, je t’aime bien quand même !

La vengeance serait-elle un plat qui se mange vraiment ?

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Concours "Les petits papiers de Chloé" : Texte 5

Publié le par christine brunet /aloys

L’amitié avant les liens du sang

Vengeance. C’était le seul mot qui me venait à l’idée. Si on reprenait depuis le début ? Ma meilleure amie Anabelle cherchait désespérément à séduire mon frère. Seulement voilà, Camille, la petite copine de Bastien (mon frère), faisait tout pour l’en empêcher. Jusque-là, c’est compréhensible. C’est la base, mais venons-en au fait. Un jour, j’étais au parc avec Anabelle et Bastien nous a surprises par derrière :

- Ana (belle) ! Je peux te parler ?

- Ben oui… B… Bien sûr ! dit Ana dont le teint virait au rouge écarlate.

Alors voilà que mon mon frère et ma meilleure amie se retrouvaient seuls dans l’endroit le plus romantique qui soit. En bonne amie qui se respecte, même si j’avais confiance en mon frère, je les suivis. Au bout d’une grosse demi-heure, ils s’embrassèrent langoureusement. Ainsi mon frère avait-il fini par craquer ? Il avait dû se passer quelque chose avec Camille.

Vous n’êtes pas encore au bout de vos surprises, une semaine après, je vis Anabelle s’effondrer en larmes devant moi. Il l’avait quittée. Une semaine pas plus. Quel imbécile ! Je lui en toucherai deux mots ce soir. Il ne s’agissait que d’un pari idiot avec trois copains mais ce pari idiot avait détruit ma meilleure amie.

Vengeance Bastien, vengeance. L’amitié avant les liens du sang.

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Concours "Les petits papiers de Chloé": texte 4

Publié le par christine brunet /aloys

LE PARFUM DE CLAUDETTE

La chose qui m'irritait le plus quand je travaillais au centre de rééducation, c'était la voix haute perchée de Claudette, la secrétaire. Cette voix retentissait jusque dans les bureaux des orthophonistes et des kinés. Claudette était capable de propager une rumeur à une vitesse inouïe, comme un athlète l'aurait fait avec un javelot. De plus, elle avait le rire facile et inextinguible. Comment pouvait-elle s'amuser pareillement d'une banale faute d'orthographe dans un de nos rapports, du défaut de prononciation de l'un de nos petits patients ou de la démarche hésitante d'une mère intimidée ? Claudette aimait parler et rire, je veux dire parler pour ne rien dire de positif et rire pour seulement se moquer. Elle avait le don de claironner dans tout le service qu'un tel était arrivé en retard, qu'il avait oublié de rédiger un rapport ou avait commis en lapsus. Bref, Claudette ne ratait aucune occasion de persifler, de distiller son venin, bref, de toucher là où cela faisait mal.

Cette année-là, je sortais avec Stéphane R. le fils d'une de mes collègues. Stéphane et moi mettions tout en œuvre pour notre liaison ne s'ébruite pas. Hélas, un dimanche, Claudette nous surprit tendrement enlacés dans un bistrot situé à la Côte ! Dès le lundi, je l'entendis raconter que j'avais rougi comme une gamine et que nous paraissions gênés comme deux adolescents. Si je me hérissais souvent qu'elle s'amuse du comportement d'étrangers, qu'elle le fasse à mon détriment me fut insupportable et attisa en moi un désir de vengeance. Le temps passait. Un fond de rancune continuait d'encombrer mon cœur… Je réfléchissais, réfléchissais… Pour me venger, j'allais jouer sur l'un ou l'autre de ses points faibles ! Et elle en avait des points faibles !

Claudette était d'une coquetterie tapageuse, elle portait toujours des vêtements colorés, des bijoux en toc et se parfumait avec une eau de toilette bon marché qui, croyait-elle, fleurait bon la lavande. À l'évidence, elle attachait une grande importance aux apparences. Je remarquai deux de ses habitudes qu'il me semblait pouvoir exploiter pour assurer ma vengeance. Son bureau paraissait toujours en ordre, pourtant c'était loin d'être le cas des tiroirs ! Comme j'arrivais fréquemment la première, je pensai donc semer du désordre dans son bureau. Après analyse, je me dis que c'était là une attitude puérile. J'observai aussi qu'il lui arrivait souvent d'utiliser un vaporisateur de désodorisant dès qu'elle décelait un effluve de transpiration ou la moindre odeur de tabac froid dans la salle d'attente.

Une réflexion de ma mère : "Comment peux-tu aimer tous ces fromages qui puent et qui continuent à empester la maison après qu'on les ait mangés ?", fit naître en moi une idée… Un lundi matin, j'arrivai plus tôt encore et, à grand-peine, j'enlevai le tiroir de Claudette. Sous la planche inférieure, je fixai le papier d'emballage d'un Vieux Lille et je remis tout en place. Ni vu, ni connu…

Au fil des heures, mes efforts furent récompensés, car la mauvaise odeur envahit le secrétariat ! Et Claudette vaporisa, vaporisa de plus belle. Je riais sous cape ! "Ce sont tes chaussures, Claudette ?", demanda Corinne avec une pointe d'humour.

Claudette accusa la femme de ménage de mal faire son boulot. Elle nettoya elle-même sa poubelle ! Elle chercha la source du désagrément. Elle se mit en quête d'une éventuelle souris crevée… Cette mauvaise odeur lui gâchait littéralement la vie. Elle se mit à déprimer. Le rire et le bavardage qui lui étaient propres avaient quasiment disparu, mais le problème de Claudette devenait le problème de tous au centre de rééducation. J'y étais allée vraiment trop fort !

Un soir enfin, je profitai d'un problème de santé de la femme de ménage pour enlever le fameux papier d'emballage. Les relents s'estompèrent peu à peu et Claudette ne sut pas ce qui s'était passé. Pourtant, elle retrouva son bagout et son rire.

Il y a huit ans, Claudette a pris sa retraite. Stéphane et moi étions ensemble à la petite fête organisée pour l'occasion. Juste avant de la quitter, je lui révélai mon secret. Elle s'esclaffa de manière théâtrale. Bien entendu, cela me crispa et je dus me faire violence pour sourire…. "T'as gagné ! T'es plus rusée que moi !" finit-elle par dire. Aujourd'hui quand j'y repense, tout cela me semble tellement ridicule. Oui, les choses changent et le point de vue que l'on porte sur elles change aussi. Avec le recul et au fil du temps, les vieilles rancunes deviennent ainsi parfois d'innocents fantômes.

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Concours "Les petits papiers de Chloé" : texte 3

Publié le par christine brunet /aloys

VINGT ANS PLUS TARD

J'avais onze ans. J'étais assez timide, mal dans mon corps et mal dans ma tête. J'étais moyenne dans la plupart des matières et n'excellais en rien. J'enviais mon cousin Claude, mon aîné de quatre mois. Claude réussissait ce qu'il entreprenait et s'en vantait. Impossible d'ignorer que c'était un as ! Le malheur voulut qu'il fréquentât la même classe que moi et que, nos parents travaillant ensemble dans l'entreprise familiale, nous nous côtoyions quasiment chaque jour.

Un grand concours de dessins "magnifique nature" fut organisé par le journal local. Je vis bientôt Claude, installé dans le bureau de la secrétaire. Il réalisait un superbe paysage représentant une forêt exotique et des animaux bizarres. Le premier prix ne pouvait être que pour lui, me semblait-il. Je l'enviais de plus belle… Cependant, au fil des minutes, par je ne sais quel miracle, je me dis qu'une compétition n'est jamais perdue d'avance et je me mis, moi aussi à la tâche. J'allai montrer mon œuvre à Bernard, mon voisin de quatorze ans que je savais amoureux de moi. Et sans que je le lui aie demandé, Bernard m'aida ! En quelques coups de crayon décisifs, il transforma mes arbres on ne peut plus banals en petits chefs d'œuvre d'originalité. Ma production avait vraiment de la gueule et je remportai le premier prix.

Désormais, forte de mon succès, j'eus recours à Bernard pour préparer mes rédactions et mes travaux de recherche, voire pour corriger certains devoirs. C'est ainsi que j'en vins à briller dans le domaine littéraire. "Le travail paie et les efforts de Bénédicte portent leurs fruits. Attention Claude, ta cousine va te dépasser…", annonça notre instituteur. C'était très maladroit, mais le résultat était là : Claude se renfrogna. Son ego accusait le coup !

À d'autres occasions, j'eus encore recours à Bernard. C'est ainsi que je terminai l'année scolaire avec un petit point de plus que mon cousin. Claude, qui était avide de succès, perdit de sa superbe. Je remarquai alors qu'il prenait de plus en plus de risques dans la pratique de sports… Durant les vacances d'hiver, Claude fit du ski hors-piste. Il s'aventura seul dans les bois avec son vélo tout terrain et comble de la désobéissance, il emprunta la mobylette de son frère alors qu'il n'avait même pas l'âge de la conduire !

Je n'étais finalement qu'une gamine quand j'avais commencé à tricher et cela était resté un secret entre Bernard et moi ! C'était de simples malices d'enfants, elles avaient pourtant eu un effet dévastateur sur Claude !

Vingt ans ont passé et un matin de juin, Claude est mort au volant de son coupé rouge. Il a raté un virage d'une petite route de campagne.

Le soir même de son décès, en rentrant du travail, j'ai découvert une petite photo de Claude dans ma boîte aux lettres. C'était une photo d'identité qui semblait récente. J'avais autre chose à faire que de me soucier de ce qui avait pu la déposer là. C'était la période d'examens et plus de cent copies attendaient que je les corrige.

Les jours suivants, j'ai trouvé des dizaines de photos identiques, un peu partout chez moi. Dans la poche de mon anorak, sous ma tasse, dans ma trousse de maquillage et même dans mon agenda !

Je ne me souviens pas souvent de mes rêves et pourtant depuis le décès de Claude, le même cauchemar revient chaque nuit et j'en revois chaque détail : Claude est au volant de son bolide rouge, il cherche à dépasser ma petite auto blanche. Je suis au volant, Bernard est à mes côtés. Il me presse : "Vas-y, accélère !" Et puis, il y a ce virage que Claude verra trop tard… Oui, chaque nuit, le même drame se reproduit. Oui, chaque jour, je trouve une photo. Et cette fois, toutes les belles paroles et tous les conseils de Bernard sont inefficaces.

Claude, dégage ! Fous-moi la paix ! Arrête de me harceler ! On n'est plus des gosses quand même !

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Concours "Les petits papiers de Chloé" : texte 2

Publié le par christine brunet /aloys

La vengeance est un plat qui se mange froid.

Mon pays, c’est l’Albanie, et à l’âge de vingt-cinq ans je n’avais encore jamais quitté mon petit village où je vivais parfaitement heureux. Il en a été ainsi jusqu’au jour où ma sœur Alasina a décidé d’épouser un chrétien. Vous vous rendez compte du scandale ? Non seulement ce gars n’était pas originaire de nos montagnes et il habitait à cinquante kilomètres d’ici, dans la plaine, mais en plus il était chrétien ! Si elle avait eu un peu de décence, ma sœur aurait renoncé d’elle-même à cet amour, mais elle s’est entêtée. Notre mère a bien fait une ou deux remarques, pour la forme, mais elle ne s’est pas vraiment opposée à ce mariage. Je la soupçonne au contraire d’avoir admiré Alasina pour son courage, comme si c’était un honneur pour une fille de braver l’opinion publique. De plus, en agissant ainsi, la mère semblait dire qu’elle n’avait pas été heureuse en se soumettant à nos traditions et en acceptant pour époux le garçon que ses parents avaient choisi pour elle. Ce n’était vraiment pas gentil pour mon père ! Lui, au contraire, il s’était montré beaucoup plus énergique et il avait crié et hurlé plusieurs fois, en frappant du poing sur la table. Il avait même crié si fort que dans sa colère il avait fini par gifler Alasina de toutes ses forces. Du coup, elle était partie sans se retourner, elle avait épousé son chrétien et on ne l’avait plus revue.

Pendant plus d’un an on n’a pas eu de nouvelles d’elle. La maison semblait morte maintenant, car Alasina était comme un petit oiseau plein de vie qui chantait tout le temps. La mère préparait seule les repas et je voyais de la tristesse dans ses yeux. Quant au père, du jour où sa fille était partie avec cet énergumène, il n’avait plus fréquenté le café où il aimait tant jouer aux dés ou aux échecs avec les autres hommes du village, après la prière à la mosquée. En été, il ne s’était plus assis sous le tilleul centenaire de la grande place, pour discuter tranquillement à l’ombre avec les voisins. Il n’osait plus se montrer, c’était clair. Moi-même, quand j’allais abattre les arbres dans la forêt et que je croisais les jeunes du village, ils me lançaient des méchancetés incroyables. Certains crachaient même par terre en me croisant. Fichue Alasina, elle avait bien gâché notre vie !

Puis un jour on a reçu une lettre d’elle. Elle annonçait qu’elle attendait un enfant et elle demandait la permission de nous rendre visite. La mère a regardé le père craintivement et lui, il lui a répondu qu’elle n’avait qu’à agir comme elle l’entendait puisqu’après tout c’était sa fille. Elle a vu dans cette réponse un accord tacite, alors que si elle avait analysé les paroles du père, elle aurait compris qu’il lui disait : « Fais ce que tu veux, c’est ta fille, ce n’est plus la mienne. »

Ils sont arrivés en calèche un dimanche, jour de repos des chrétiens. Alasina était enceinte de sept mois, ça ne pouvait pas se cacher, c’est sûr ! A table, (c’était un repas froid, avec des tranches de veau et de la salade au yoghourt, je m’en souviens très bien) tout le monde semblait heureux de se retrouver et de faire connaissance avec l’étranger, mais moi, à part quelques mots, je n’ai rien dit. Vers la fin de l’après-midi, comme tout cela me tapait sur les nerfs, j’ai attrapé mon fusil et j’ai dit que j’allais tirer quelques lapins, mais ce n’était qu’un prétexte pour pouvoir m’éclipser. J’en avais assez supporté ! La mère a semblé déçue à cause de mon attitude, mais le père m’a regardé longuement dans les yeux. J’en ai déduit que j’avais son accord.

J’ai manqué le premier lapin, car ma main tremblait, mais les deux autres, je les ai bien eus. Ensuite, je me suis assis sur une pierre au bord de la route, pour me reposer. C’est alors que la calèche est arrivée comme prévu. Aussitôt, j’ai bondi en brandissant les deux lapins par les oreilles. La calèche s’est arrêtée et le mari d’Alasina m’a souri : « Une belle prise, vraiment ! » « Oui, une belle prise, un coup double, même ! » ai-je répondu en riant aussi. Puis j’ai laissé tomber les lapins, j’ai saisi mon fusil qui était chargé et je lui ai tiré dessus en plein visage. Alasina a hurlé. Alors j’ai braqué le fusil sur son ventre de femme et j’ai tiré trois coups. Comme elle ouvrait la bouche de stupéfaction ou de douleur, je lui ai enfoncé le canon du fusil dans le gosier et j’ai encore tiré un coup. Ca lui apprendra à ne pas respecter les traditions et à se comporter comme une trainée ! Non, mais…

Depuis, je vis dans la montagne. On dit que les gendarmes me recherchent, c’est bien possible. Mais je les connais, ils ne vont pas faire beaucoup de zèle pour une histoire d’honneur vengé. Dans quelques mois l’affaire sera oubliée. En attendant, pour manger, je tire sur tous les lapins qui ont le malheur de croiser ma route.

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Concours "Les petits papiers de Chloé" : Texte 1

Publié le par christine brunet /aloys

Comme un p’tit coqu’licot…

« Attends la fin, tu comprendras :
Un autr' l'aimait qu'elle n'aimait pas !

Et le lend'main, quand je l’ai r’vue,
Elle dormait, à moitié nue,
Dans la lumière de l'été
Au beau milieu du champ de blé... » *

Elle s’appelait Marguerite. La belle, la superbe Marguerite qui peuplait nos fantasmes d’adolescents. Lui, Maurice, un grand gaillard aux larges épaules et à la démarche conquérante, un « para » qui rentrait d’Algérie. À l’époque de mes treize ou quatorze ans, on ne disait pas « revenir de la guerre ». On « rentrait d’Algérie » comme, peu avant, on était « rentré d’Indochine ». Enfin, pour ceux qui en étaient revenus…

Avec son béret rouge et sa fourragère, tout auréolé du prestige dont jouissaient ces militaires auprès de la population, pour nous, il était un héro. Pas moins. Un modèle de virilité auquel nous rêvions de pouvoir un jour nous identifier.

Un an plus tôt, lors de sa seule et unique permission, nous les avions aperçus, Marguerite et lui. Étroitement enlacés, je les vois encore lentement s’éloigner sur le chemin de terre qui se perdait au milieu des blés dont la blondeur s’égayait de bleuets et de coquelicots.

Un an, ça peut paraître long ou ça peut paraître court. Tout dépend de la période de sa vie où l’on se trouve. Marguerite, elle, commençait à penser à son avenir et n’avait pas attendu son beau militaire. Elle était tombée, à ce que l’on disait, éperdument amoureuse d’un avocat parisien venu passer ses vacances dans ce coin de campagne. Ils s’étaient très vite fiancés et elle s’apprêtait à aller le rejoindre à Paris lorsque Maurice avait fait sa réapparition.

Lui aussi avait changé. D’une façon indéfinissable. Un regard plus dur, si je me souviens bien. Un peu inquiétant, même. Un demi-sourire narquois figé en permanence au coin des lèvres. Comme pour bien afficher le peu que nous représentions pour lui. Comme un avertissement muet destiné à faire comprendre que rien ni personne n’était plus en mesure de s’opposer à sa volonté.

Et surtout pas Marguerite qu’il considérait comme sa propriété. Ne lui avais-je pas entendu grincer « qu’elle ne l’emporterait pas au paradis » ?

Je ne sais plus combien de temps exactement après son retour le drame se produisit. C’était vers la fin d’une chaude journée d’été. Je rentrais à la maison, à vélo, la serviette de bain pliée sur le porte-bagages, accompagné de quelques copains avec qui j’avais passé l’après-midi à me baigner dans l’étang voisin. Un attroupement inattendu nous incita à nous arrêter et à abandonner nos bicyclettes sur le bord de la route. Des badauds, des gendarmes, des pompiers. Et une civière posée près du fossé.

Je n’oublierai jamais la pâleur de son visage, ses lèvres décolorées, son cou violacé. Ni son regard éteint, aux prunelles étrangement immobiles. Ses yeux grands ouverts sur une vision qu’elle seule avait contemplée et qu’elle avait emportée dans la mort.

Nous eûmes juste le temps d’entendre quelqu’un dire que le « salaud », encore en uniforme, s’était livré à la police. On nous fit prestement déguerpir en nous précisant sévèrement qu’il ne s’agissait pas là d’un spectacle pour des enfants. Pour les enfants que nous étions encore…

Oui, ce devait être l’année de mes quatorze ans. L’année où je perdis mon innocence.

« Mais sur le corsage blanc,
Juste à la place du cœur,

Y’avait trois gouttes de sang
Qui faisaient comme une fleur :
Comme un p'tit coqu'licot, mon âme !
Un tout p'tit coqu'licot... » *

* « Comme un p’tit coqu’licot », paroles de Raymond Asso, chanté par Mouloudji.

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