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Concours "Les petits papiers" n°3

Publié le par christine brunet /aloys

Si je gagnais le pactole ?

N’imaginez pas que ça changerait une autre vie que la mienne, en tout cas pour ce qui est de changer en bien.

Pour commencer, je ne devrais pas marchander sur le tarif du tueur à gage qui enfin me débarrasserait proprement de Fulbert, mon beau-frère. Proprement, j’entends par là sans traces de pas, gluantes et rouges, conduisant au manoir, car pour le reste… ça peut-être une boucherie pire que le massacre des dauphins aux îles Féroé. Et plus sonore qu’une rave party. Au moins sa voix ne dira pas comme d’habitude Mais je n’ai fait que vous l’annoncer, Oswald, que votre femme vous tromperait. Je vous avais prévenu dès que vous l’avez amenée à la maison… je vous ai dit qu’il y avait quelque chose de louche dans cette femme-glaçon, un peu comme une Grace Kelly distante qui devient une bayadère aux sens enflammés dès qu’on enlève ses lunettes et déboutonne son tailleur… souvenez-vous Oswald… Vous n’avez que ce que vous méritez, pauvre sot. Je vous avais averti ! Ce qui m’horripile le plus c’est ce pauvre sot dont il couronne régulièrement mon nom. Oswald, pauvre sot. Pauvre sot.

Car ma femme Drusilla… mais bien sûr qu’elle me trompe. Et finalement ça m’arrange plutôt. Qui m’avait prévenu qu’elle avait des seins plus velus que ceux d’une femelle orang-outang ? Regarder mais pas toucher, m’avait-on bien recommandé. C’est une jeune fille de très bonne famille, de ce genre de famille où on ne touche rien du tout avant le mariage. Un baiser sur la joue, éventuellement l’œil peut se poser plus longuement sur le genou, mais patience, après l’autel l’hôtel et les délices nocturnes. Sauf que là… j’ai compris qu’on ne pouvait m’avoir menti en me garantissant sa virginité. On pouvait faire des nattes sous ses aisselles, et un peigne à carder la laine aurait perdu ses dents dans les bouloches de son ventre. La rusée demoiselle avait attiré l’intérêt de ma mère par ses tenues modestes, ses chemisiers fermés à la base du cou, ses jupes au-dessus du mollet, ne révélant la pointe du genou qu’en position assise. En-dessous, je ne le compris que trop tard, le rasoir n’avait dénudé la chair que jusqu’à mi-cuisses. Ça coûte un pont en mousse à raser, m’expliqua-t-elle alors en souriant, et demandant si désormais on pourrait partager la mienne. Elle crût bon d’ajouter que cette pilosité hirsute et indomptable était un héritage génétique ayant traversé les âges qui ne touchait que les femmes, et qui leur avait mérité le surnom de peaux de velours. J’aurais trouvé Tapis-brosse mieux adapté…

Et donc si j’avais le pactole, eh bien le tueur à gage pourrait aussi me débarrasser de Drusilla. Je suppose qu’il me ferait un prix de gros. Car je pourrais très bien lui faciliter la tâche en organisant un rendez-vous clandestin entre mon beau-frère et Drusilla. Il ignore tout de l’effroyable secret pileux et comme les autres… se demande ce que cachent tailleurs, chemisiers boutonnés, bas opaques et le refus paisible d’aller à la plage en famille. Et comme les amants sont tétanisés après une seule rencontre et ne se représentent pas, la légende de la dévoreuse insatiable tient bon. Et oui… j’ai encore des cauchemars au sujet de ma nuit de noces, dont je suis sorti vierge, oui, mais pas indemne psychologiquement. Moi qui aimais tant les films d’horreur, je ne savais si je venais d’épouser la femme araignée, Queen Kong, ou un alien de la planète Pantène. Je me suis évanoui, tout comme mon érection, dieu merci, et elle a bien dû me libérer. Souriante. Je suis votre femme, Oswald. Pour la vie.

Il me resterait des sous… beaucoup de sous puisqu’il s’agirait d’un pactole. Je pourrais ensuite faire une croisière, peut-être. On y rencontre des femmes seules qui veulent se marier. Je serais veuf, on voudrait me consoler, je me ferais consoler le plus ardemment possible et puis le lendemain je dirais que non… je ne peux oublier ma Drusilla de velours. Et ce serait le tour d’une autre. Et d’une autre encore. Je pourrais d’ailleurs en faire deux ou trois, de ces croisières, puisque je ne devrais plus aller travailler. J’aurais quitté mon bureau avec superbe, marchant comme d’Artagnan vers la porte, sans épée bien entendu mais j’aurais sans doute pu faire tournoyer mon béret alpin dans un geste très élégant, pour marquer un petit temps d’arrêt plein de panache devant la porte. « Et maintenant, Monsieur Ducon, vous taillerez vos crayons vous-même, et vous alignerez les photos de votre hideuse femme et de vos enfants qui ressemblent à des gorets malades vous-même. Je me tire. Je suis riche. Adieu, Ducon ! ». Oh, je souris rien que d’y penser…

Maintenant, la première chose est de trouver un tueur à gages. Pas un de ces pauvres hères qui tuent pour 1000 € seulement par tête de pipe – et 500 € en période de soldes - mais qui ensuite vont les boire au premier café venu, se mettent à pleurer, à implorer le pardon de toute leur clique de saints et dieux, de leur mère surtout, qu’ils viennent de déshonorer, et pensent reblanchir la réputation maternelle en se ruant au poste de police. Je pourrai m’offrir la crème de la crème des tueurs, genre Robert Duvall ou Leonardo Di Caprio, en costard, discret, fignoleur… Je lui proposerais bien de violer Drusilla au passage mais là… je crains fort qu’il ne retourne son arme contre moi, ou ne soit pris de convulsions hallucinatoires.

Mais la première des premières choses à faire serait d’acheter un billet de loterie… si je veux mon pactole. Voyons…

Tiens, revoici l’abruti avec son béret alpin et son air ébahi. Je ne comprendrai jamais comment il a fait pour épouser cette sorte de Jessica Rabbit en tenue de pensionnaire… même si on dit qu’au château elle consomme tous les domestiques l’un après l’autre, qu’ils sont sur les rotules et rendent leur tablier en proie à des malaises étranges. Celui-ci n’est pas bien fringant mais bon… s’il la contente encore au bout de 5 ans… il doit avoir des ressources insoupçonnées. Sa sœur lui ressemble – moustache comprise - et on l’appelle Javotte dans le village. Comment ils ont réussi à la faire épouser par Fulbert… il faut bien qu’ils aient eu des arguments. Sonnants et trébuchants. Car oui, l’abruti ne sait même pas qu’ils sont riches à millions – d’Euros – et travaille comme range-bureau chez Ducon et Compagnie pour quelques sous. Javotte ignore tout elle aussi… les vieux parents ont toujours dit que l’argent polluait les âmes simples et ne faisait pas le bonheur…

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Concours "Les petits papiers" texte n°2

Publié le par christine brunet /aloys

Et si vous gagniez le pactole ?

Le pactole ...

C’est quoi le pactole ?

Surement pas un gage de bonheur.

Je n’aime pas les frimeurs, les grosses bagnoles, les bijoux clinquants, les demeures luxueuses.

Etaler ses richesses quand d’autres s’épuisent pour un salaire de misère, je trouve cela indécent.

Ce qui fait mon bonheur est gratuit. L’amour, le partage, le soirées entre amis (es).

La nature, les livres, la musique.

Mais je le prendrai quand même ce pactole ! Pour l’employer à bon escient.

Surement pas cacher le billet gagnant dans une armoire, comme l’héroïne du livre “ La liste de mes envies”.

Si il peut servir à répandre du bonheur autour de moi ... Pourquoi pas ?

Et le regard des gens ...

Il parait que d’un coup, on attrape plein d’amis. Riche, on vous admire, on vous respecte !

On est toujours le même pourtant. L’intelligence, le courage, le talent, ce n’est pas une affaire d’argent.

Il y a pourtant des aspects positifs :

- La sécurité, une certaine insouciance, face aux aléas de la vie, il y a au moins cette béquille.

- Voyager, prendre une année sabbatique.

- Adopter tous les chiens d’un refuge.

- Engager un poète et un violoniste pour les soirs d’hiver. L’un jouerait et l’autre réciterait du Prévert.

- Diriger un journal “ Les ailes du monde”. – Il ne publierait que des articles positifs, relatant des actes généreux, valorisant le courage,

la générosité, l’altruisme, la solidarité.

Avec des photos des plus beaux paysages.

Un envol d’oiseaux, des collines bleues, des rivières miroitantes, les montagnes enneigées, et les vertes vallées.

Des pages entières consacrées à toutes les disciplines artistiques, elles transcendent la vie !

- Pouvoir engager un tueur à gages pour éliminer son pire ennemi ... Je rigole !

Et si le pactole, c’était toi mon amour ?

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Concours "les petits papiers" n°1

Publié le par christine brunet /aloys

Tout a commencé dans mon appart. Un samedi soir.

J’étais tranquille-peinard au fond de mon canapé tout neuf Troc En Stock, je tenais mon ticket du Loto, et puis les boules sont sorties. Une par une. Enfin, comme d’hab quoi. Sauf que là, j’avais tous les numéros. Tous !

Celle qui emportait le pactole, ce soir-là, c’était moi.

Je vous dis pas : encore un peu je clamsais sur place. Un peu con. Alors, je me suis reprise, j’ai bondi de mon canapé tout neuf Troc En Stock et, je sais pas, comme un cri de mes entrailles, j’ai poussé des youyous que même la mère Kumba, dernier étage du dernier immeuble au fond du quartier, elle a dû m’entendre. Même dure de la feuille comme elle est avec sa musique zouk à donf. Un truc de fou !

J’habite la tour Flaubert depuis toujours. Et depuis deux ans, l’appart juste en dessous de chez mes darons. Franchement pratique.

Je m’appelle Aïcha Bouchacour, c’est pas trop loin de la vérité mais je préfère garder l’anonymat.

J’ai vingt-cinq ans, je suis animatrice de quartier et j’ai toutes mes dents. Bon, le dernier détail, c’est un truc entre mon père et ma mère. Ils m’ont refilé le virus. Ca fait bien trois piges qu’il a son dentier et à chaque fois qu’y se prennent le bec, elle lui lance : « Moi au moins j’ai toutes mes dents. » Ca le rend dingue. La porte elle claque. Direction le café du coin, cinq ou six parties de cartes entre potes retraités, ça picole un peu, ça refait le monde, et puis y rentre plus léger de quelques biffetons. C’est pas très muslim tout ça mais bon, à l’âge qu’il a, je vais pas essayer de le changer. Ma doyenne, elle, même si elle râle tout le temps, y’a pas une prière sans bénédiction pour lui. C’est bizarre de le dire, mais ça crève les yeux qu’y sont tout l’un pour l’autre.

Faudrait peut-être que je revienne à nos moutons, non ? Le pactole.

Bon, alors, ce samedi soir, dans mon canapé tout neuf Troc En Stock, après les youyous, j’ai eu comme un blanc. Je me suis rassise comme une masse et je me suis dit : je fais quoi maintenant ? Eh ben, franchement, j’ai pas trouvé. Ma vie, elle était ici, je me voyais pas déménager. Une grosse voiture : j’avais déjà du mal à garer ma vieille Clio. Voyager : sans mec, le kiffe, il est moyen.

Toute la nuit, j’ai pas dormi. L’impression que la terre s’était arrêtée de tourner. Mon crâne, c’était un chalutier perdu en pleine mer. Plus de fuel. Plus de boussole. La loose quoi.

Heureusement, le lendemain, je suis allée manger chez mes darons.

Comme tous les dimanches, couscous. Mais attention le couscous. The best couscous of the world ! Et c’est là que la bouche pleine de semoule, j’ai eu une révélation. A la télé, d’un coup, ça s’est mis à parler flouze. J’entends que wonder beau gosse (Cristiano Ronaldo) vient de filer 75.000 euros pour l’opération du cerveau d’un môme. Je me dis « Putain, ça c’est de la générosité » mais en une phrase ma mère elle va décider du destin de mon pactole :

  • Donner ce qu’on a en trop c’est pas de la générosité ! C’est besiff !

Dit autrement : c’est obligé, normal quoi. Franchement, j’ai trouvé qu’elle avait pas tort. On était tous, là, autour de la table, darons, frangins, frangines, et chacun donnait son avis, et moi, j’ai commencé à partir en live. J’ai imaginé recevoir des lettres d’insultes (Nall Dine Oumouck, sale riche !), qu’on cracherait sur le trottoir en me croisant (Arrr pouhh !), qu’on m’enverrait les doigts de mon petit frère en morceaux par la poste pour demande de rançon. Je vous jure, j’ai flippé ma race.

Ma décision était prise : rester incognito. Libre d’être généreuse ou pas. Quand je veux. Avec qui je veux. Et puis, comme ça, je pouvais rester ici et ne rien changer à qui je suis aux yeux des gens.

Depuis que je suis gosse, on m’appelle Pique-assiette, ça a l’air péjoratif comme ça, mais, franchement, j’assume. J’ai toujours été fourrée chez les voisins à l’heure du goûter ou du repas. Pas que je manquais de quoi que ce soit chez moi, non, c’est juste que j’aimais bien manger chez les autres. D’autres trucs. D’autres ambiances. Comme si j’avais plein de familles adoptives. Et, ça m’est resté. Y’a pas un jour où je cuisine. Soit je monte chez mes darons, soit je me laisse guider par l’odeur, comme un poisson qui mort à l’hameçon. N’importe qui dans l’immeuble sait que si ça toque à l’heure du repas, c’est moi. Bon, faut quand même dire ce qui est : je suis pas juste celle qui s’incruste pour bouffer. Je suis aussi celle qui remplit les papiers de l’administration ou qui chiale comme un corbeau avec madame Béranger parce que tous ses enfants ont quitté le nid trop vite.

Nos moutons ! Wouah, pardon.

Donc, je disais que ma décision était prise. La générosité incognito.

Le premier kiff de ma nouvelle double vie, je m’en souviens encore. J’ai filé mille euros dans toutes les boîtes aux lettres du quartier. Quatre-vingts quinze au total. Avec juste un mot du maire dans l’enveloppe : « Prime à la consommation ».

Le lendemain, c’était l’Aïd et Noël en même temps.

Un défilé de traineaux jaunes et bleus, tous chargés à ras bords. J’étais par la fenêtre, le sourire jusqu’aux oreilles. Un truc de fou ! Ecrans plats, ordi, Xbox. Des salons, des frigos, des cuisinières. De tout quoi. Même madame Béranger, elle s’est fait plaisir. Un fauteuil relax télécommandé dernier cri.

Ma parole, les livreurs de Darty, ils ont eu du taf à plus savoir où donner de la tête.

Ca, c’était ma première bonne action. Chez nous, on dit Dieu te le rendra en double. Franchement, là, si ça arrive, je saurais pas quoi en faire.

Et puis, je me suis dit, maintenant, faut quand même la jouer sérieux. Alors, je me suis lancée dans une opération : list and do.

Priorité number one.

En top du top, j’ai inscrit Leila. Impossible autrement.

Internet et mon nouvel ordi allaient m’aider. J’ai cherché le meilleur chirurgien plastique de la planète. Quoi que ça coûte, Leila y avait le droit. Plus que personne. Et j’ai trouvé.

650 000 euros pour une réparation complète du visage. C’était du sérieux. J’ai contacté le pro du bistouri, à New York, ma veine c’est qu’il parlait aussi français, et je lui ai tout raconté. Les brûlures. Les cicatrices. Même les circonstances. Putain, fait chier. Mais je me suis pas démontée. J’ai super bien tout goupillé. Une semaine plus tard, j’allais voir Leila chez ses parents et on a réussi à la convaincre. Tout était pris en charge par un fond exceptionnel de la Sécurité Sociale. C’est ce que le chi a écrit sur la lettre.

Pendant un mois, j’ai prié le bon Dieu pour que ça marche. Ma mère a prié le bon Dieu. Peut-être même tout le quartier. Et au bout d’un mois, Leila est rentrée au bercail.

Elle était à l’arrière de la 407 de son père. Ma face par la fenêtre y voyait que dalle.

Et puis, elle est sortie de la voiture.

J’ai pas chialé comme un corbeau mais comme tous les corbeaux du ciel. Elle était belle comme avant, je vous jure. Sa peau de miel. Ses yeux de méditerranée. Mon Dieu protégeait toutes les filles du monde qui sont si belles qu’elles rendent fous les hommes.

Ce soir-là, ma prière elle a duré des plombes. J’ai remercié le bon Dieu, le chi, et la française des jeux. Et encore le bon Dieu.

Priorité number two.

Bon, là, j’ai pas été très réglo. Dans le quartier, les gazeaux et les gazelles, y passent leur temps à tenir les murs. Y’en a qui déconnent un max mais y’en à d’autres, et pas qu’un peu croyez-moi, qui se verraient bien taffer comme tout le monde. Quitter l’appart des darons, un petit toit, des mômes qui tapent du ballon dans le jardin, un plan télé après le boulot. Comme tout le monde quoi. Alors, j’ai pris le taureau par les cornes. Avec ma vieille Clio, je me suis pointée partout : restos, garages, hôpitaux, boutiques, bureaux, entrepôts… J’ai tout ratissé. En un mois, les murs du quartier tenaient presque tout seuls. Un truc de ouf ! Bon, faut quand même que j’avoue un petit détail : j’avais un complice. Monsieur le Maire. Pour sa défense, c’est un peu à son insu, vu qu’il a Alzheimer. Chaque fois que je lui demande un certificat, un cachet de la mairie, il me le file. Enfin, il le file à Corinne. La petite fille du compagnon d’escadrille pendant la guerre d’Algérie qui lui a sauvé la vie. Alors, il peut rien me refuser. Voilà comment j’ai graissé la patte aux recruteurs potentiels. Une prime à l’embauche de quatre mille euros avec interdiction de licenciement pendant cinq ans sous peine de remboursement de la prime.

La cerise sur le gâteau, c’est que les gens ici ont commencé à croire aux politiques. Avec tout le fric que le maire mettait sur la table pour eux, sans parler de la sécurité sociale, des aides gouvernementales, y se sont tous mis à glisser le bulletin dans l’urne en se disant que ça valait quelque chose.

Je pourrai vous citer tous les tripes qui ont suivis mais, franchement, un bouquin suffirait pas.

C’est fou ce que le fric, ça donne des ailes aux initiatives.

Ca fait trois ans que ça dure et y’a pas un jour où je m’endors pas avec la banane. Je sais pas si les vrais riches savourent comme moi le pouvoir de rendre les gens heureux. Moi, en tout cas, je prends un pied de malade, et c’est pas juste une histoire de Hassanates, vous savez les bons points pour le paradis. Non. Franchement, pas seulement.

Distribuer le bonheur, ça vaut tout l’or du monde.

Encore un truc. Voilà, j’ai rencontré quelqu’un. Un garçon quoi. Je crois que c’est le mektoub qui me l’envoie. Vraiment. Hier, l’air de rien, je lui demande ce qu’il ferait s’il gagnait le pactole. Il m’a répondu : « Je filerais tout à Emmaüs ». Ouais, bon, il est catho, tout le monde peut pas être parfait, mais sa réponse, elle m’a sciée. Je crois franchement qu’il était sincère. Il est presque aussi beau que Cristiano Ronaldo et en plus, je crois que c’est un signe, il s’appelle Robin. Comme Robin des Bois quoi.

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Texte n° 9 Concours

Publié le par christine brunet /aloys

Samedi dernier 14h. Une petite galerie marchande.

Moi, une table, une chaise, vingt et un livres.

J’étais persuadée que les heures à venir allaient toute se ressembler. Creuses, longues, prévisibles. Non seulement j’en étais persuadée mais l’idée même me rassurait. Pour une première séance de dédicaces, faire simplement face au temps qui s’étire et vous laisse dans ce bain de solitude en pleine foule me contentait amplement.

Sauf que le cours des choses décida pour moi d’une toute autre tournure.

15h03, je revois la disposition de mes livres.

Enfin, pour être plus exacte, je les déplace pour pouvoir les replacer à nouveau. Je les pousse un peu par ici, les décale par là, j’essaie une présentation sur deux niveaux, puis trois, pour enfin revenir à l’identique de départ. Sous les lumières artificiels, mes petits bleus resplendissent…

C’est pas tout, en attendant mon prochain remaniement absurde, il va falloir faire preuve d’un peu de contenance. Mmmm, je réfléchis… Ah mais oui, je sais ! Je vais sourire. Voilà, c’est une bonne idée. Sourire. Quoi de plus avenant. Oui, mais comment. Discrètement, continuellement, joyeusement, pudiquement ; le regard franc, fuyant, appuyé, serein, pétillant. C’est comme en cuisine, il faut savoir doser. Bon, je laisse tomber.

Ah, mon dieu, un homme approche.

Un jean un peu trop large, les mains dans les poches. Le genre décontracté. Il y a des personnes comme ça qui provoque au premier coup d’œil un élan de sympathie. Ca y est, il prend un de mes petits bleus en main. Le premier dans le coin droit de la pile.

  • C’est gratuit ?

Comment ça, c’est gratuit !? Ca se voit pas, c’est un bouquin, pas le dépliant alimentaire du supermarché ! Je fais non de la tête.

  • Pfff !

15h26, une petite grand-mère me sourit. Elle s’approche.

  • C’est vous qui l’avez écrit ?
  • Oui. C’est mon premier roman.
  • La couverture est vraiment jolie. Tout ce bleu, c’est poétique.

— Merci beaucoup. Et l’histoire est sympa ! (petit clin d’œil presque naturel). Au dos, vous avez un petit aperçu. Prenez-le en main n’hésitez pas, ils sont là pour ça.

Ma première lectrice inconnue. Là, j’y crois. Vraiment. Je vais imprimer son visage dans ma mémoire. La toute première personne à…

  • Dommage que je sois incapable de lire depuis mon cancer de la cornée.

Oui, dommage.

Je regarde mon ex-première lectrice inconnue malvoyante s’en allait.

15h56, je soupire.

Odeurs de café et croissants chauds. J’ai le salon de thé en pleine ligne de mire. Non, non, non et non. Dans une heure je ne suis plus là, pas question de céder, je ne quitterai pas mon poste.

Entre ma chaise et l’étal sucré, la porte tambour. On rentre, on sort. Aucun visage connu finalement aujourd’hui. Je suis restée une inconnue au milieu de parfaits inconnus.

Jusqu’à cette minute fatidique. Celle que je n’oublierai jamais.

16h03, il entre. Il a mis le pull que je lui ai offert pour son anniversaire. Rouge vif.

Il me fait un grand geste de la main.

Ca y est, je vais perdre tous mes moyens. Je le connais, il va en faire des tas, essayer d’attirer du monde, crier à tout vas que je suis plus talentueuse que Musso et Levy réunis, que mon petit bleu est le plus merveilleux des livres… Ah, bizarre, il va s’asseoir. Il prend un café. Je ne comprends pas.

Rapidement, quatre hommes le rejoignent. Puis deux femmes. Trois couples. Un adolescent…

Je les connais tous.

Comme des grains de sable portés par le vent, ils viennent à ma rencontre. M’embrassent. S’intéressent. Le plus sincèrement du monde. Tous me prendront un petit bleu. Parce qu’ils me connaissent. Parce qu’ils sont curieux de découvrir mes mots. Les grains de sable se dispersent mais le souffle a pris.

Les inconnus s’approchent. Echangent. Simplement.

17h00, il ne me reste que deux petits bleus. Merci papa.

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Texte n° 8 Concours

Publié le par christine brunet /aloys

L'organisateur désigne une table couverte d'un drap blanc coincée entre deux planches :

– Vous aurez assez de place ?

C'est le premier salon de mon premier roman. Jusqu'à présent, je l'ai vendu sous le manteau principalement à des amies de ma mère. Evidemment, j'ai assez de place.

Je me suis réveillée contente, un peu inquiète aussi. J'ai réfléchi à la tenue adéquate. Un jeans. Associé à un chemisier blanc, il souligne le côté sérieux de l'auteur. Et lorsque j'enfile un blouson de cuir, souffle un vent d'irrévérence. Je porte donc un jeans le seul jour de l’année où il ne faudrait pas, comme l’histoire nous le dira.

La manifestation littéraire bretonne est installée sous une haute verrière transparente. Disposés en piles bien ordonnées, mes exemplaires ont l'air un peu perdu sur la grande table. Mon voisin de droite propose des romans policiers. Dès qu'un un visiteur s'approche, il se lève d'un bond et questionne, livre en main :

– Vous aimez les enquêtes mystérieuses ?

Si la réponse est oui, il enchaîne sur un argumentaire bien rodé. Si le futur acheteur n'apprécie pas les thrillers, il rétorque invariablement :

– Laissez-moi être votre première fois !

A ma gauche, l'auteur a posé entre ses livres un bocal contenant ce qui ressemble à un cerveau en plastique flottant dans un liquide indéterminé. Il se penche vers moi et murmure avec un air complice :

– J'ai placé mes neurones dans le formol. Je vais pouvoir raconter n'importe quoi toute la journée !

Je lance discrètement une recherche sur mon téléphone concernant le pourcentage d'écrivains ayant effectué des séjours en services psychiatriques.

Puis, j'avance ma pile de C'est quoi ton stage ? de trois millimètres. Et je souris. Je dis bonjour. J'arrête de dire bonjour parce que je crois que ce salut fait fuir les rares curieux qui s'approche de ma couverture bleue. Je renseigne :

– C'est un adolescent qui effectue un stage en maison de retraite. Non, il ne s'agit pas d'un récit autobiographique. Oui, c'est bien difficile de trouver un stage pour les jeunes. C'est sûr, le gouvernement n'aide pas. Vous ne voudriez pas plutôt qu'on parle du livre ?

Midi passe. Selon un rite immuable, le soleil tourne et chauffe mon dos. C’est un peu le principe de la serre tropicale. Mon tee-shirt se liquéfie, mon jeans semble découpé dans une toile de fourrure polaire. Les visiteurs grimacent : vous avez l’air d’avoir chaud, vous n’êtes pas très bien placée. J'ai la tête d’un gant de toilette après usage. Mon voisin, en bras de chemise, ne lâche pas son stylo et enchaîne les ventes tandis que je dessine des fleurs sur la nappe.

– Au moins, vous avez le temps de réfléchir à votre prochain ouvrage, ironise-t-il.


Le miracle aux cheveux blonds arrive peu avant la fermeture. Elle s'approche, examine la quatrième de couverture et s'exclame avec enthousiasme :

– J'en ai entendu parler à la radio. Ils disaient que c'était très réussi.

Evidemment je n'ai accordé aucune interview à la presse, évidemment aucun journaliste n'a vanté mon roman mais je repousse une mèche collée sur mon front moite et propose sur un ton détaché, comme si je ne rencontrais pas ma toute première lectrice de la journée :

– Souhaitez-vous que je vous dédicace un exemplaire ?

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Texte n°7 concours

Publié le par christine brunet /aloys

Ça y est, c'est le grand jour ! Le grand jour, c'est moi qui l'interprète ainsi ! Parce que vraiment je ne pensais pas que ça allait se passer comme ça et pour prédire l'avenir je ne m'appelais pas Mme Irma. Ils m'ont installé dans le sas du grand magasin. Le premier supermarché de la ville. Le plus proche. Systématiquement le coin des habitués pour les courses de tout les instants et surtout le rendez-vous des petits vieux du quartier qui s'y retrouvent lorsqu'ils ont décidé de s'acheter le kilo de farine ou de sucre en poudre manquant à la maison.

J'étais glacé ! L'ouverture et la fermeture automatique des portes devenaient ma hantise. La petite table de camping qu'on m'avait prêté pour m'installer moi et ma pile de livres était mal équilibrée et j'avais trouvé l'astuce pour la caler avec un des flyers plié en quatre que j'avais réalisé et illustré par mes propres moyens parce que l'imprimerie restait chère. Même avec mes gants en polaire, mes doigts gourds étaient désormais blancs. Avec cette foutue maladie de Raynaud je me demandais alors comment je ferai pour dédicacer mon livre au premier admirateur qui daignera s'intéresser à moi et emprunter ma plus belle écriture avec fierté ? J'avais mal.

Dehors il faisait un froid de canard, je n'allais pas commencer à me plaindre car j'étais à l'abri, aussi j'avais remarqué la caissière à l'entrée du magasin engoncée dans son gilet remonté jusqu'au cou. Je l'imaginais grelottante entourée d'articles de bouffes à scanner et de bips intempestifs comme marquant une montée d'enchère au passage du laser rouge de sa caisse enregistreuse. De temps en temps on se lançait quelques coups d'œil. Mais jamais trop longtemps parce qu'on avait pas que ça à faire. On était chacun là pour autre chose. En l'occurrence, elle pour encaisser et moi pour déballer ma littérature. À mon grand dam il n'y avait pas énormément de monde qui s'arrêtait à mon stand de fortune. Je ne désespérais pourtant pas d'offrir quelques signatures.

Ma patience ayant des limites elle fut néanmoins récompensée par une petite dame qui s'approcha de moi à pas lents. Je distinguais à peine ses yeux aux travers des verres épais de ses lunettes qu'elle repoussait aussitôt à chaque fois qu'elles glissaient sur son nez. En dépit de tout son sourire ne m'échappa pas. Elle saisissait un prospectus dans le petit paquet de flyers entreposé devant moi et sans aucun doute je devinais qu'elle en déchiffrait le contenu. Elle m'envoya un autre regard qui était encore plus agréable que le précédent. Cette dame avait l'art de communiquer son engouement tout simplement et avec beaucoup de naturel que je ne pus que m'en satisfaire. Après un certain nombre de politesse j'étais ravi de cette rencontre. Quant à la dame, elle se doutait bien que j'allais lui caser un de mes bouquins. Et c'est sans aucune réticence qu'elle accepta un exemplaire. Elle me confia ensuite qu'elle était amateur de poésie et qu'elle en connaissait un rayon. Elle voulait me présenter à un de ses amis qui en connaissait un autre qui en connaissait un autre, ce dernier avait des relations ayant des assentiments identiques. Le bouche à oreille à ce qu'on m'a dit marchait bien... Si j'osais, à mon tour, j'aurai pu lui confier que j'étais aux anges, et je me voyais déjà en haut de l'affiche.

Le moment de la dédicace était propice. Je questionnais cette sympathique dame histoire de construire une citation rapidement, une maxime, un sentiment approprié, ou de surcroît une pensée de bon aloi. J'en avais justement une sous la main qui n'attendait qu'à être distribuée gracieusement. Machinalement j'attrapais d'une main l'exemplaire qu'elle me tendait et l'autre que je tentais de réchauffer par mon souffle tiède, mon sang circulait difficilement aux extrémités. Le froid et le stress ne m'aidait pas. La dame trépignait un peu. Le courant d'air transformait l'endroit en un gouffre glacial avec le passage incessant des clients qui maintenant faisaient affluence à cette heure. Elle s'arrangea correctement une large écharpe de laine rouge lui couvrant aussi les épaules. J'entrouvris la couverture neuve avec délicatesse pour ne pas la casser par un plis disgracieux et mon stylo glissait sur la première page encore vierge, absorbant ces mots personnels : « Si les gens ne revendiquent pas d'être différents on finit par se satisfaire de tout ».

Et « À ma première admiratrice » signé SOPHIE PORCHETIERE le 8 janvier 2008. La petite dame me saluait et repartit comme elle était arrivée, discrètement. En s'éloignant je devinais qu'une confiance illuminait son regard qu'elle partagea une dernière fois en se retournant. Une amitié s'était improvisée. Enfin un attroupement de badauds animés par la curiosité avait formé autour de ma petite table un paravent d'humains qui me protégeaient du froid et me réchauffaient le cœur. J'étais content de moi.

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Texte n°6 concours

Publié le par christine brunet /aloys

PREMIERE SEANCE DE DEDICACES

Après avoir triomphé de multiples épreuves, surmonté bien des obstacles, vaincu les doutes et les critiques, me voilà en haut de la montagne, contemplant fièrement le chemin parcouru, défiant ceux qui n’avaient pas cru en moi et souriant à la foule des lecteurs qui allaient se presser devant le stand où je me tiens, bien droit, derrière une pile de livres tout frais sortis de presse. Devant moi, un écriteau arbore mon nom en lettres dorées.
Je suis enfin présent à la Foire du Livre !
Pendant des années je m’y suis promené avec des airs gourmands, plus intéressé par les écrivains que par leurs œuvres.
Je me disais « Un jour, ce sera moi qui serai là, et les visiteurs feront la file devant ma table ». Mission accomplie ! Enfin, en partie, car voilà une heure que je me suis installé et aucun futur lecteur ne s’est présenté.
Pour ne pas avoir l’air de guetter le client, je fais mine de griffonner dans un carnet, je feuillette un de mes livres, j’en dispose un debout pour que l’on voie bien le titre… quelle jolie couverture ! Comment est-il possible qu’elle ne capte pas tous les regards ?
Je consulte mon gsm, je prépare mon stylo, j’imagine le texte des dédicaces… bref je deviens nerveux.
Oups, voilà un homme qui s’approche. Je lui souris le plus naturellement possible et mon sourire reste coincé sur son « Où se trouvent les toilettes ? ».
Je réponds que je l’ignore et il se barre.
Ah, voilà une vieille dame qui ralentit. Je m’enhardis et lui demande ce qu’elle aime lire. Elle balaie la table d’un regard dédaigneux et me lance, lèvres pincées : « Je ne lis que les grands auteurs ». Re-gloups.
Les gens continuent de parcourir l’allée devant moi, certains sans un regard, d’autres dégoûtés comme s’ils découvraient des boudins graisseux dans ce temple du Livre. Où est l’erreur ? C’est moi qui n’ai pas l’air d’un vrai écrivain ? C’est mon livre qui n’est pas assez gros ? C’est le titre ? La couverture ? Le nom de l’auteur ? De la maison d’édition ?
Devant mon air dépité, ma voisine, une jolie jeune femme que je n’avais pas remarquée, n’ayant d’yeux que pour ma merveille, se penche vers moi et murmure : - C’est votre première fois ?
- Heu, oui. Et vous ?
- Oh moi, j’ai l’habitude. C’est mon dixième ouvrage.
- Ah bon ? Et vous vendez bien ?
- Pas plus que vous. Faudra vous y faire.
- Et pourquoi certains dédicacent à tour de bras ? Regardez, là, il y a foule devant une table.
Ma consoeur rit en haussant les épaules.
- Evidemment ! C’est Amélie Nothomb !
Nous avons sympathisé, et pendant que nous parlions, des passants prenaient nos livres en mains, les jaugeaient, et puis s’en allaient pour ne pas nous déranger.
Je n’ai rien vendu mais j’ai rendez-vous demain avec Isabelle.

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Texte N°5 concours

Publié le par christine brunet /aloys

CONFIDENCES SECRÈTES…

Cela se passait il y a plus de dix ans, au salon du livre de X. Je m'y étais préparée à cette séance de dédicaces ! J'avais imprimé des signets pastel sur lesquels figuraient d'un côté un de mes poèmes apprécié d'un ami conteur, de l'autre les coordonnées de mon site et de mon blog. J'avais revêtu un nouveau chemisier blanc, un boléro fuchsia et une écharpe en soie assortie.

Après avoir salué Laurent, mon éditeur, j'avais disposé mes livres et des signets sur la table. Tout était en place. Je me suis assise. Il suffisait d'attendre un peu… Et tout s'était passé sans anicroche. J'avais plutôt bien assumé. Dès qu'un visiteur marquait son intérêt pour mes textes, je me levais, j'entamais la conversation. J'avais vendu un premier recueil aux parents d'une petite fille qui avait été attirée par la couverture très colorée et les titres des contes. Je prenais de l'assurance.

Il était aux environs de treize heures lorsque l'homme s'était approché du stand et avait feuilleté mon livre. Il devait avoir la quarantaine. Plutôt grand et robuste, il avait les cheveux châtains coupés court, un visage aux joues roses et des yeux bruns. Il était habillé d'un imperméable "à la Colombo". Je me suis levée, je l'ai salué comme je l'avais fait pour d'autres. J'ai expliqué : "les contes, ce n'est pas seulement pour les enfants, ce n'est pas seulement du merveilleux non plus." Il a eu un sourire énigmatique. Il a dit : "Mes parents sont en vacances en Savoie. Je surveille leur propriété. Ils comptent sur moi. Je m'occupe du parc." Il s'est penché vers moi : "Il ne faut surtout pas dire que je suis seul. Personne ne le sait." Il a ajouté quelques phrases à propos de ses activités de bricolage et de rangement avant de confier : "Je suis parfois violent." Je vis alors que son regard avait changé, que ses joues étaient devenues plus roses.

Mon mari parcourait la foire. Il s'était intéressé à un calligraphe et à diverses activités, mais revenait régulièrement vers le stand. Il m'y photographiait en conversation avec des visiteurs. Lorsque l'homme l'a vu viser et pousser le bouton de son appareil, il s'est approché davantage de moi et a dit d'un air suspicieux : "Je ne veux pas qu'on me photographie. J'ai horreur des photographies…" Dans son ton, la colère et la détermination se mariaient et formaient un cocktail inquiétant. La bulle de sécurité vous connaissez ? Eh bien, elle avait été violée, cette bulle et je n'en menais pas large.

Je me suis souvenue des quatre mots : "Je suis parfois violent". Je me suis reculée un peu en m'évertuant à banaliser les choses. "C'est juste pour avoir des souvenirs… On ne garde que celles où personne ne peut être identifié sauf moi et l'éditeur." L'homme parla encore de la nécessité de ses protéger des intrus, puis s'éloigna après m'avoir assuré qu'il allait repasser.

La grande salle continuait de bourdonner de conversations, mais pour moi tout avait changé. J'avais perdu ma sérénité, ma confiance, Mon imagination prenait le dessus, j'envisageais plusieurs issues et je me sentais impuissante à réagir. Je me suis mise à transpirer. Avait-il emporté un de mes signets ? Ne risquait-il pas de s'en prendre à mon mari ? N'allait-il pas casser notre appareil photo ? Heureusement après quelques minutes, je le vis repasser de l'autre côté de l'allée sans même jeter un coup d'œil au stand de Chloé des Lys. Peu à peu, je retrouvai mon calme.

Le soir, chez des amis, je racontai mon étrange rencontre. Nos amis me demandèrent de décrire l'homme, car, affirmaient-ils, le fils d'un riche industriel de la région avait déjà séjourné en hôpital psychiatrique pour paranoïa ! L'année suivante j'ai revu l'homme à ce même salon. Mais il ne fit que passer et je baissai la tête. Vous comprendrez dès lors pourquoi je reste assez floue à propos de l'endroit où cela est arrivé.

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Texte 4 ma première dédicace

Publié le par christine brunet /aloys

Déjà le vendredi, au travail, je n'étais plus capable de concentration. "Demain", me disais-je, "demain c'est ma première séance de dédicaces : comment cela va-t-il se passer ?". Alors évidemment, au retour à l'appartement, je n'ai plus pensé qu'à ça. La nuit, je n'ai plus pensé qu'à ça. Pas le temps de dormir : mon cerveau, ou plutôt ce qu'il me restait encore de neurones, ne pouvait plus que travailler à ce sujet, et de la manière la plus stérile qu'il soit. Pendant que ma pensée tournait en rond, mon corps dont déjà je ne sais que faire en temps normal se tournait et retournait entre les draps.

"Venez pour neuf heures trente" m'avait dit le libraire. A six heures déjà, j'avais bu deux tasses de café, et depuis le lever du soleil je m'étais posé à peu près quinze fois les mêmes questions : "ai-je commandé assez d'exemplaires ? vais-je trouver l'inspiration pour les innombrables dédicaces qu'on me demandera ?". Ah, boule de cristal, si je t'avais trouvée, si tu existais, capable de me rassurer, de me guider... Mais voilà, pour seules boules de cristal, je n'avais que les yeux de verre de mon écureuil et de mon canard empaillés, vestiges de mon passé laissé dans la commune voisine.

Quelle inconnue, dont l'équation m'est si étrangère, celle qui résulte d'avoir choisi dans mon tout nouveau quartier un libraire de moi tout aussi parfaitement inconnu, simplement parce qu'il avait osé une vitrine d'auteurs belges, et simplement parce que je n'avais pas encore découvert le quartier au-delà de trois cent mètres à la ronde... J'étais entré, avais acheté un magazine et un billet à gratter. Puis, dominant ma timidité, je lui avais parlé de mon livre, tout récemment publié, lui avais parlé de son étalage au travers duquel j'avais reconnu "un homme qui croyait en la littérature de son pays", lui avais proposé, en sorte de complément, de trôner comme un Saint-Nicolas de fin de printemps, dans un coin de sa boutique, sans qu'il eût à investir un cent, pour attirer la foule des lecteurs avides de "petits nouveaux" dans le monde des Grands, et il n'avait, sans doute, simplement pas osé refuser.

Je savais qu'il ouvrait tôt, même le samedi. Neuf heures et demie, c'est une éternité qu'il m'aurait fallu attendre pour les atteindre ; éteindre la lumière, étreindre ma caisse pleine de mes ouvrages et étendre le pas pour rejoindre sa boutique, là était l'unique apaisement possible de mes tensions, la seule issue à mon angoisse. Il était huit heures trente environ lorsque je le vis abasourdi de me voir arrivé tant à l'avance, à une heure où de rares clientes emperruquées et de braves vieux messieurs cachant leur calvitie sortaient quelques pièces de leur porte-monnaie dans l'espoir de millions gagnés le soir même, après que les boules auraient tambouriné durant des tours et des tours dans l'écran de la télé avant de s'évader dans un détour, trop lentement à leur goût mais dévoilant si vite leur numéro pas choisi d'eux...

J'avais l'air fin, ma caisse de livres sous le bras, dans ce réduit où je voyais, du coin de l'œil, la table pliante dans l'angle, au fond, la chaise pliante aussi, derrière encore, proprement coincée, où je sentais que je devrais me faufiler, moi qui n'avais pas épuisé l'hiver dernier les réserves accumulées dans les fesses et le ventre. De nappe, il n'en avait pas plus que moi prévue. La table était par ailleurs si petite qu'une pile de bouquins m'aurait empêché d'apposer correctement les quelques mots dédiés à chacun sur la page vierge qui n'attendait que ça depuis le sortir de l'imprimerie. La pile mise à ma gauche, la page à écrire eût été en porte-à-faux ; mise à ma droite, il m'eût fallu recourir à des contorsions hors de mes compétences pour tracer deux jambages.

Je me suis donc résigné à exposer trois exemplaires, bien à plat sur le devant, côte à côte, montrant ainsi sur leur couvertures six yeux (les miens) qui semblaient épier le chaland, plus un autre livre prêt à recevoir son endossement, sa dédicace cocasse, et enfin la caisse encore presque pleine à mes pieds, tels deux pilons déjà prêts à fouler les invendus.

A dix-huit heures, j'ai quitté mon libraire, le remerciant de m'avoir supporté dans le coin, affamé parce que j'avais oublié de me pourvoir d'un en-cas. Un seul livre dédicacé, je m'en souviendrai toujours je crois, à Julie, une brave dame qui avait toute une vie à me raconter.

Sans doute aurais-je dû, auparavant, m'aviser que l'étalage belge avait pris la poussière...

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Texte N°3 concours

Publié le par christine brunet /aloys

Ma première séance de dédicaces

Je suis une mamie, donc plus toute jeune de sa personne, en revanche jeune auteur inexpérimentée et très gaffeuse comme vous pourrez le constater…

Ce mois d’octobre dernier en 2015, suite au référencement de mon recueil de contes, je me retrouve devant mon lot de livres dont je dois faire la promotion… J’ai du mal avec cette idée et je me demande d’ailleurs quoi faire ?

Je retourne sur le forum "Chloé des Lys" pour y relire les conseils. Il y est renseigné, et même fortement conseillé de faire soi-même sa promo.

Connaissant la foire aux livres mensuelle à Le Roeulx, je me propose de contacter l’organisateur de cette manifestation.

Le numéro de téléphonne renseigné a un préfixe 02 et cela me déçoit car j’espérais une proximité qui me permettrait une prompte rencontre en vis-à vis. J'appelle et tombe sur un répondeur sur lequel je laisse un message… une semaine passe et me laisse sans réponse.

Je contacte alors directement le centre culturel par messagerie internet, la secrétaire me confirme qu’il est trop tard pour programmer quoi que ce soit en novembre, ce à quoi je m’attendais.

Nous convenons d’un rendez-vous, faisons connaissance, cernons le sujet et me voilà inscrite pour le dimanche 13 décembre, sachant que cette charmante personne sera mon intermédiaire avec l’organisateur « Mr Injoignable ».

Le Jour J, me voici toute émotionnée à l’idée de ma première séance de dédicaces. Je suis accueillie par le préposé au bar, un employé de centre culturel. Ce monsieur m’indique l’emplacement prévu, répond à mes questions et me donne quelques renseignements utiles.

J’installe mes livres, mes signets et l’affiche. Ensuite, je fais le tour de la salle et je salue un ou l’autre exposant de ma connaissance, car il s’agit également d’une bourse aux livres.

Un homme grand, fort, avec cheveux blancs et barbe en broussaille, me jette à plusieurs reprise un regard interrogateur. Non, me dis-je, ça ne peut pas déjà être le père Noël… il est trop tôt !

Quelque chose le dérange-t-il à mon sujet ? Je me sens observée et le trouve assez impressionant.

Arrive le public, des personne se présentent à mon stand et j’ai la chance de vendre mon premier livre à une mamie qui veut en faire cadeau à sa petite-fille.

Un peu plus tard je commande un café et m’informe au sujet de cet observateur inconnu… Et bien c’est tout simplement l’organisateur du salon !

Honte à moi, car je ne m’étais pas présentée et comment aurais-je pu, ignorant son rôle ? Je file à son stand pour corriger mon impolitesse et lui relate ma tentative ratée de contact par téléphonne…

Il me répond gentiment qu’il rappelle toujours les auteurs qui veulent participer… à condition de lui transmettre un numéro de téléphonne !!!

Et là, un ange passe et je réalise en rougissant que je l’ai appelé de mon poste fixe et que je n’ai effectivement pas laissé de numéro…

Bah, la glace est néanmoins brisée et les choses sont claires.

Je retourne à mon poste j’y fais de nouvelles rencontres, de nouveaux échanges qui me font prendre conscience que si j’ai effectivement offert des signets illustrés et renseigné mes coordonnées lors de la vente de mes deux livres ce matin, j’ai cependant oublié de les dédicacer !!!

Et personne ne m’a rien demandé !

Me voici donc la reine de la dédicace qui, pour sa première séance officielle, a finalement réussi à n’en faire aucune !

En revanche, un projet "d’animation famille" avec lecture de contes est prévu pour un dimanche après-midi du printemps prochain, la matinée se solde donc par du positif !

L’aventure aura donc été instructive et j’espère dorénavant me souvenir que lors d’une séance de dédicaces et bien il est permis et même conseillé d'en rédiger.

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