Un texte d'Edmée de Xhavée, "l'attente"
L’attente…
Il descend le chemin vers la vallée, ses cheveux blonds bondissant autour de sa tête, et je l’attends déjà. L’attente brûle mon cœur, cet écureuil enfoui sous mon sein comme il dit. Il reviendra pour la noce, dans trois jours. Plus que trois jours pour que notre bonheur ne fasse qu’une seule chair.
Sur les marches de l’église je l’attends, retarde le prêtre, retarde les heures. Il va venir, je l’attends, je souris au chemin qui me l’apportera, essoufflé mais épris.
L’Octavie est morte, et le Gaston veut m’épouser. Il lui faut une mère pour les trois petits et une femme pour chauffer sa couette. Mais moi, j’attends mon Louis… comme chaque jour je guette l’or de ses cheveux au bout du chemin.
Hier quelques promeneurs sont arrivés de la vallée, avec des sacs à dos et deux chiens. Ils m’ont demandé si le chemin les mènerait bien au refuge des trois ours, et j’ai dit oui. Pendant qu’ils s’éloignaient j’ai entendu une des jeunes filles dire que je marchais encore bien vite et bien droite … pour mon âge.
La maison des parents de Louis vient d’être achetée par des citadins. Elle tombait en ruine, abandonnée depuis que son frère ainé est mort d’un coup de sabot. Je l’attends, patiente. Quand il reviendra le temps de la chair sera peut-être passé, mais pas celui du cœur.
Je me fais bien vieille. J’ai demandé que l’on m’enterre dans ma robe d’épousée, qu’on la découse un peu à la taille et aux manches pour la faire passer. Et qu’on mette Louis près de moi lorsqu’il reviendra. Mais surtout qu’il ne monte pas avec cette tempête, et attende que le vent soit tombé.
L’avalanche a emporté quelques chalets et une partie du plateau, mettant à nu un corps congelé. A bout de souffle deux gendarmes ont couru vers la maison d’où la vieille Elodie ne sort plus… Le Louis… il était là, à deux pas, Elodie. Elle a souri, fermé les yeux et acquiescé de la tête.
Edmée de Xhavée
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