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Didier Fond nous propose un nouvel extrait de son roman "La maison-Dieu"

Publié le par christine brunet /aloys

Didier Fond nous propose un nouvel extrait de son roman "La maison-Dieu"

Cette nuit-là, l'appréhension et le désir irrépressible de voir David l'empêchèrent de fermer l'œil. Au bout de deux heures d'infructueux essais, elle se leva et, rasant les murs, sortit silencieusement. La Maison-Dieu l'attendait.

C'était une nuit sans lune. De lourds nuages noirs avaient envahi le ciel au moment du crépuscule ; pas un souffle de vent. Mais une chaleur lourde, orageuse. Le tonnerre grondait au loin. Là-bas, sur les contreforts des montagnes, des éclairs sillonnaient l'horizon. La route était plongée dans l'obscurité. Camille connaissait le chemin par cœur. Elle avançait à grands pas, soucieuse d'arriver en haut de la falaise avant le déchaînement qui s'annonçait. Elle n'avait pas peur de l'orage. Au pire, s'il éclatait pendant qu'elle était encore à la Maison-Dieu, elle se réfugierait sous l'auvent que les précédents propriétaires avaient eu la bonne idée d'installer au-dessus de la porte. La perspective de voir David méritait bien qu'on supportât une tempête, fût-elle celle qui annonçait la fin du monde.

La Maison-Dieu, comme à son habitude, était silencieuse et noire. Elle en fit lentement le tour, tendant l'oreille pour percevoir le plus léger son, le plus petit signe de vie. Les roulements de tonnerre se rapprochaient. Rien ne bougeait. La grille du parc était fermée à clef. Inutile de rester là, à attendre de se faire foudroyer par l'orage qui arrivait à toute vitesse. Un vent violent s'était levé, les arbres gémissaient, les taillis ployaient sous l'assaut des bourrasques chaudes et humides, porteuses des premières gouttes de pluie. Elle leva un instant les mains devant son visage, pour se protéger des rafales. Vite. Il faut redescendre. Vite.

Elle s'était plaquée contre le mur de l'ancien couvent. Des gémissements lugubres éclatèrent tout à coup, venus de nulle part. Elle frissonna de peur. Puis il y eut un bruit de lutte... Les gémissements reprirent, plaintifs, atroces... et se transformèrent bientôt en sanglots. Un rire s'éleva, terrible, d'une tristesse si singulière qu'il en devenait sinistre ; des chuchotements, à nouveau des sanglots, comme ceux d'un enfant... David ? David ? Elle répétait ce nom, sans oser élever la voix. Un coup de tonnerre, d'une force inouïe, éclata sur sa tête. Le ciel ouvrit ses écluses et des trombes d'eau s'abattirent sur la falaise.

Didier Fond nous propose un nouvel extrait de son roman "La maison-Dieu"Didier Fond nous propose un nouvel extrait de son roman "La maison-Dieu"

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Didier Fond nous propose un nouvel extrait de son nouveau roman "La Maison-Dieu"

Publié le par christine brunet /aloys

Didier Fond nous propose un nouvel extrait de son nouveau roman "La Maison-Dieu"

C'est avant-hier qu'a retenti la sonnette d'alarme. Pendant le dîner. « Est-ce que j'ai habité la Maison-Dieu lorsque j'étais petite ? » a-t-elle tout à coup demandé. J'en ai eu le souffle coupé. Heureusement, j'étais en train de récupérer ma serviette qui avait glissé à terre. Je ne me suis redressée que lorsque mes mains ont cessé de trembler. Et j'ai essayé de ne pas répondre.

« Tu devrais le savoir, ai-je dit sans la regarder. Tu as quand même des souvenirs de ton enfance, non ? »

« Oui, bien sûr. Mais je me rappelle uniquement les années passées ici, dans cette maison. Je veux dire, je ne me souviens pas de ma toute petite enfance, quand j'avais un ou deux ans. Nous avons toujours habité la villa ? »

« Evidemment », ai-je affirmé en haussant les épaules. Le mensonge ne m'avait rien coûté. Et je me suis dit que, dans ces cas-là, l'offensive était la meilleure défense. « D'où te vient cette lubie ? »

J'avais pris le ton sévère de la gouvernante réprimandant son élève parce qu'elle vient de dire une énorme ânerie. Ca n'a pas eu l'air de traumatiser Camille. Elle m'a dévisagée en fronçant les sourcils.

« Pourquoi t'énerves­-tu ? Réponds-moi oui ou non, c'est tout. »

J'ai immédiatement baissé le ton et fait marche arrière.

« Mais je ne m'énerve pas, ma chérie. Je m'interroge simplement sur les motifs de cette étrange question. »

Elle a poussé un soupir.

« Tu vas me trouver complètement stupide, mais... Chaque fois que je monte à la Maison-Dieu, j'ai l'impression de voir un paysage déjà connu. Je veux dire, le parc, la maison, l'entrée sur le côté... Tout cela me rappelle vaguement, très vaguement des images lointaines, floues... Comme si... comme si j'avais déjà vu tout cela... »

Je me suis mise à rire. Un rire un peu forcé, mais j'étais soulagée. Elle venait de me fournir elle-même une explication imparable.

« Ma chérie, tu habites le village depuis ta naissance et la Maison-Dieu fait partie du décor depuis bien plus longtemps que toi et moi. Nous y sommes même deux ou trois fois montées ensemble toutes les deux quand tu étais adolescente, tu t'en souviens, j'espère ? Tu ne crois pas qu'il est normal que tu ressentes cette impression de « déjà vu » ? » Elle mordillait une mèche de cheveux et ne paraissait pas très convaincue. « Voyons, ai-je dit doucement, si je te jure que tu n'as aucun rapport avec la Maison-Dieu, me croiras-tu ? »

« Oui, bien sûr, a-­t-elle murmuré après un instant d'hésitation. Mais... Oh et puis, tu as raison. Je suis folle. »

Il y a eu un instant de silence. Je me suis tout à coup rendu compte qu'il me manquait des éléments pour comprendre ses réelles motivations.

« Dis-moi, cela t'a pris par l'opération du Saint Esprit ? Depuis que les autres sont arrivés, tu t'y es rendue un certain nombre de fois. Et c'est maintenant que tu ressens cette impression ? »

Je l'ai vue rougir ; elle a détourné son regard. Visiblement, elle cherchait une réponse qui me satisfît sans la trahir.

« C'est vrai, a-t-elle admis. C'est bizarre, ça aussi. Je ne comprends pas moi-même. »

Réponse astucieuse, mais qui ne m'a pas trompée. J'ai ouvert la bouche pour lui demander si elle était entrée dans la Maison­-Dieu ; elle m'a devancée, et la foudre est tombée à mes pieds.

« Quand je suis devant cette porte close, j'imagine ce qu'il y a derrière. Et je vois un long couloir, sombre, et au fond, dans un recoin, un escalier qui monte à l'étage. Et il y a plein de portes qui s'ouvrent sur le couloir. Je ne suis jamais rentrée à l'intérieur. Et pourtant, je sens que la disposition des pièces est identique à ce que je vois dans mon esprit. Henriette, est-ce que je me trompe, dis ? »

J'étais pétrifiée. J'ai avalé ma salive, plusieurs fois. Elle fixait son assiette. J'ai attendu d'être certaine que ma voix aurait son timbre habituel pour répondre, consciente du piège qu’elle venait –involontairement ou non ?- de me tendre.

« Comment veux-tu que je le sache, Camille ? Je n'ai jamais mis les pieds dans la Maison-Dieu. De ma vie. »

Elle a relevé la tête, l'air à la fois soulagé et déçu.

« C'est vrai, ma question est idiote. Pardonne-moi d'insister mais... tu es sûre qu'aucun membre de la famille n'a habité là-haut ? Pas même mes grands-parents ? »

« Oui, j'en suis sûre. La famille a toujours habité cette maison, et nulle part ailleurs. »

« Alors, je ne comprends pas », a-t-elle dit à voix basse.

J’ai essayé de sourire, de détendre une atmosphère devenue affreusement lourde.

« Il n'y a rien à comprendre. C'est une impression fausse, voilà tout. Et puis, même si tu ne te trompais pas ? Un couloir, un escalier... Cela se voit dans toutes les maisons de ce style. Et j'imagine qu'on ne monte pas au premier étage avec une corde à nœuds. »

« Oui, évidemment. Mais... »

« Mais ? »

Elle m'a regardée fixement et puis elle a détourné les yeux.

« Rien. Rien d'important. » Elle mentait. Elle ne m'avait pas tout dit. « Et si je demandais à Madame Walter ? » a-t-elle repris après un instant de silence.

« C'est ça. Si tu tiens à ce que tout le village fasse des gorges chaudes à ton sujet, tu n'as qu'à lui en parler. On dirait que tu ne la connais pas. Crois-moi, ai-je continué du ton le plus convaincu que j'ai pu trouver, oublie tout ça. Cela ne veut rien dire. On a parfois l'impression d'avoir déjà vu un paysage ou vécu une scène. Il paraît que cela n'a rien d'extraordinaire. »

Elle a acquiescé d'un mouvement de tête, s'est levée et a commencé à débarrasser la table.

Je me souviens bien de la disposition des pièces de la Maison-Dieu. C'est exactement ce qu'elle m'a décrit. Elle y est rentrée, j'en mettrai ma main au feu. Mais pourquoi ne veut-elle pas me l'avouer ?...

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Triste parapluie, un texte d'Albert Niko

Publié le par christine brunet /aloys

Triste parapluie, un texte d'Albert Niko

Triste parapluie

Parfois, pour la balade, il m’arrive de revenir sur les lieux de mon enfance, comme le Chemin de la Comtesse, rebaptisé depuis “ Chemin ENTRE les MURS ”. À l’image du temps passé la comtesse s’en est allée, et les murs ont gagné. Je ne sais pas combien de temps cela prenait au juste d’en faire le tour – l’après-midi, je dirais. Aujourd’hui, même en marchant le plus lentement du monde, il ne faut pas compter plus d’une demi-heure. Le talus surplombant l’allée à mi-parcours n’est plus cette montagne dominant le reste du monde. Et les chevaux du domaine voisin ont beau hennir, jamais je ne les vois courir. Si quelqu’un les monte, ce n’est que dans l’imagination d’un enfant disparu à ce jour.

Peu importe. Je fais mon tour et cela me dégourdit les jambes.

Au bout je retrouve le pavé, et les voitures. En remontant le vieux village, je sais que lui aussi sera au rendez-vous. Fidèle au poste, il garde l’entrée de la maison. En appui contre la porte, le parapluie me regarde. Je le sais parce que c’est quelque chose que l’on sent quand on passe devant une petite maison où il n’y a rien d’autre qu’un parapluie contre la porte d’entrée.

Il y a une école en face et la cour est pleine d’enfants qui courent dans tous les sens, c’en est une débauche d’énergie telle que je préfère me tourner vers la maison, et ce qui paraît être son unique occupant. Il n’y a pas d’habitant chien, pas d’habitant fleur, et la maison est tout à fait calme.

Pluie ou pas pluie, le parapluie se tient là et regarde vers l’école. J’essaie de me mettre à la place d’un parapluie. Comment un parapluie fait-il pour en finir ? Sa morphologie le lui interdit.

La pluie, le froid et l’école…

Sur le chemin, je pense toujours à mon ami parapluie. Le sort de ce parapluie me rend triste. Et puis je pense à ma vie, ma propre vie, et à tout un tas d’autres vies, et je vous assure qu’il n’y a pas de quoi rire. Au fond nous ne valons guère mieux, attendant comme ce parapluie, sur le pas de notre porte, que quelqu’un vienne à passer. Quelque chose ou quelqu’un.

Aujourd’hui, l’Ombre de l’Aigle Noir a dénombré 168 voitures, 18 vieillards, 37 enfants, pour un total de 97 personnes dont l’une, hésitante, a marqué un temps d’arrêt, avant de poursuivre sa route.

ALBERT NIKO

L'homme au grand chapeau

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Alexandra Coenraets vous propose un extrait de son roman "Naissance"

Publié le par christine brunet /aloys

Alexandra Coenraets vous propose un extrait de son roman "Naissance"

Laurence croyait s’en être sortie, avoir fait le deuil de cette enfance terrible et damnée ; or, un homme ne cessait de l’y confronter jour après jour, rendant la plus mince possibilité de fuite vaine et inutile.

Finalement, tous deux étaient mis face à des craintes très similaires.

Elle lisait dans le bleu clair de ses yeux, troublait le halo mystérieux dont il s’entourait, et en faisait transparaître la vérité intérieure. Ni l’un ni l’autre n’étaient prêts à mettre en contact leurs deux vérités. Ils devaient apprendre auparavant à gérer les profondeurs de leurs âmes respectives, empêcher que le flot de leurs émotions ne les submerge et les entraîne hors de raison, comme cela avait été le cas jusqu’à présent.

Si les sentiments tirent leur extrême beauté d’échapper à l’emprise du rationnel lorsqu’ils sont à leur paroxysme, il est utile de savoir que l’analyse logique et l’observation des faits peuvent aussi débloquer une situation embourbée dans la douleur.

Eloignés physiquement l’un de l’autre, ils allaient pouvoir donner libre cours à leur intuition, s’offrir le luxe de mener leur vie telle qu’ils l’entendaient et déployer leurs ailes dans leur totalité.

Allaient-ils se retrouver par après ?

Pour l’instant, ce n’était pas la question.

C’est sûr, Laurence se serait perdue dans la relation. Elle en était convaincue.

Déjà, parfois, elle se perdait dans le monde extérieur. La faute à l’inceste.

Merde !, s’entendit-elle crier.

©Alexandra Coenraets - 2013

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SacréS "Charlie", un texte de Marie-Noëlle Fargier

Publié le par christine brunet /aloys

SacréS "Charlie", un texte de Marie-Noëlle Fargier

SacréS « Charlie »

Comme la plupart d'entre nous ou même comme tout le monde (dans le large sens du terme), je pense que Charlie a fait un sacré chamboulement.

Tiens, tiens « Charlie »... « sacré » ça me renvoie à un certain Charlemagne, on peut penser aussi à « Charlie Chaplin », d'ailleurs je crois que ce dernier rapprochement lui plairait bien à « Hebdo » car comme lui, il adoptait un langage universel si je puis dire, eh oui « la caricature gestuelle » :) Bel outil pour crier, dénoncer les injustices par ce qu'il y a de meilleur chez l'homme : le rire. Charlie Chaplin a été un des premiers comédiens à être connu internationalement, bon c'est vrai la célébrité maintenant mondiale de Charlie Hebdo l'a largement dépassé mais « le dictateur » n'est pas mort sur scène. Quant à Charlemagne, je crois me souvenir qu'il était « père de l'Europe, « papa de l'école » et d'une certaine politique religieuse....Ah ces sacrés Charlie !

Savez-vous que Charlemagne et Charlie Chaplin sont nés tous les deux en avril !!! Mais qu'est-ce que je raconte ? aucun intérêt...Quoique si on se réfère à l'astrologie, au destin qui n'en est pas un ou qui en est un (je sais plus), au joueur de flûte, à un dieu, ou à plusieurs... eh bien ça peut être important !

D'ailleurs en parlant de plusieurs dieux, je me dis que finalement ils n'étaient pas si cons ces égyptiens, chacun avait son dieu en cas besoin. Je m'explique. Par exemple, une femme ne pouvait pas avoir d'enfant, ben tac, elle s'adressait à Hathor, déesse de la fertilité, un paysan manquait d'eau dans son champ, ben tac, il s'adressait à Tefnout, déesse de l'eau, un autre exemple : un homme était malade, ben tac, il s'adressait à Itzamna, ah non je me trompe c'est Imhotep, Itzamna est dans la mythologie maya. Mon dieu que c'est compliqué ! Tellement de noms de dieux dans toutes ces mythologies... mais par contre je remarque qu'ils avaient tous les mêmes fonctions ! En résumé, adoucir la vie des gens...

Bon c'est vrai, il y avait les sacrifices des animaux et des humains, mais finalement je me demande si ça a bien changé, n'est-ce pas les loups ? N'est-ce pas Charlie ? On est toujours dans la même galère avec tous ces dieux différents même avec le regroupement, je veux dire un nom comme « monothéisme » qui ne comporte pourtant que trois groupes ! Ça devrait être moins compliqué mais pourquoi faire simple ? Eh oui, le problème est que chaque « groupe » pense qu'il possède le meilleur dieu....

Savez-vous que dieu en latin se dit « Deus » rappel de « Zeus » (avec la majuscule) qui signifie le soleil. Du coup, je me pose une question : sur terre y aurait-il plusieurs soleils.... ? Merci de m'éclairer car il y a beaucoup de lourds nuages aujourd'hui, d'autant plus lourds qu'ils me paraissent très ancrés dans le ciel...

Marie-Noëlle FARGIER

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Didier Fond nous propose un extrait de "La maison-Dieu"

Publié le par christine brunet /aloys

Didier Fond nous propose un extrait de "La maison-Dieu"

Valérie avait posé son fardeau sur le trottoir et paraissait de plus en plus ennuyée.

« Eh bien, dit tout à coup Camille en s'arrêtant près d'elle, vous êtes drôlement chargée, aujourd'hui. »

Valérie, qui ne l'avait pas entendue arriver, sursauta et se tourna vers elle. « Oui », dit-elle d'un ton bref. Elle jeta un regard perçant à la jeune factrice. « Et comme une imbécile, je suis descendue à pied, continua-t-elle. Maintenant, il va falloir que je remonte avec ça.»

Jamais elle n'avait été aussi loquace. Camille, ravie, en profita.

« Voulez-vous que je vous emmène à la Maison-Dieu ? Je suis garée sur la place, là, à dix mètres. » Elle désignait de la main la voiture jaune de la poste. Elle vit nettement l'hésitation se dessiner sur le visage de la jeune fille. « Ça ne me prendra que dix minutes, vous savez », poursuivit Camille avec un sourire. Et, en bonne tentatrice, elle ajouta : « La pente est raide et avec cette chaleur, vous allez être en nage. »

Valérie hésitait toujours. Assurément, elle n'avait aucune envie que qui que ce soit, Camille comme les autres, se mêle de ses affaires et vienne rôder autour de la Maison-Dieu. Qu'ont­-ils donc tant à cacher ? se demanda soudain Camille. Valérie continuait de la dévisager, silencieuse, les yeux mi-clos. Camille joua sa dernière carte.

« Comme vous voulez », dit-elle avec un haussement d'épaules. Elle se détourna et fit mine de traverser la rue.

« Attendez ! » La voix de Valérie sonna à ses oreilles comme les trompettes de la victoire. Elle s'arrêta. « Ecoutez, je suis désolée, j'ai l'air d'être très impolie, mais... Oh, et puis zut ! Je ne vais pas m'éreinter à cause de ses ordres stupides. J'accepte votre offre, c'est très gentil à vous. »

Camille se retourna. « Venez », dit-elle. Elle était incapable de dissimuler le sourire radieux qui lui était monté aux lèvres en entendant cette capitulation. A peine installée dans la voiture, Valérie se répondit à nouveau en excuses.

« Ne m'en veuillez pas, mais je fais partie d'une famille de sauvages et je n'ai pas trop l'habitude de demander l'aide des autres. »

Le sourire qui accompagnait ce mea culpa était aussi sincère qu'éblouissant. Camille était trop contente pour ressentir une quelconque rancune.

« Aucune importance, répondit-elle. Je comprends très bien. Moi aussi, il m'arrive de ne pas avoir envie de subir une autre présence que la mienne. »

Elle fit lentement le tour de la place, s'arrêtant tous les trois mètres pour laisser passer un piéton, puis s'engagea dans la rue de la Poste. La distance était assez courte, il ne fallait pas aller trop vite si elle voulait tirer de sa passagère les renseignements désirés. Comment faire pour aborder ce sujet sans paraître trop curieuse ?

« Vous ne vous ennuyez pas trop, là-haut ? »

Comme entrée en matière, on faisait mieux. Mais c'était tout ce qu'elle avait trouvé. Valérie hocha négativement la tête.

« On lit, on se repose. Ma mère est venue chercher le calme, ici, et je dois avouer qu'elle l'a trouvé. »

Camille se jeta à l'eau.

« L'autre jour, lorsque j’ai monté le courrier, j'ai vu en repartant un jeune homme dans le parc, près de la grille. »

Instantanément, le visage souriant de Valérie se ferma. Le regard qu'elle posa sur Camille n'avait plus rien d'aimable.

« Où l'avez-vous vu ? »

Le ton était sec. Camille se troubla.

« Près de la grille, il regardait à l'extérieur. »

« Sûrement pas. Il ne s'approche jamais de la grille. Alors je le répète, où l'avez-vous vu ? » La voix était devenue plus coupante que le fil d'un rasoir. Camille s'empourpra et fixa la route avec une intensité que rien ne justifiait. L'aveu ne parvenait pas à franchir ses lèvres. « Eh bien ? » s'impatienta Valérie.

« Je... bafouilla Camille, dont la rougeur du visage eût rendu des points à une écrevisse. En fait, je... Je me suis arrêtée un moment et j'ai regardé à travers la grille. C'est comme ça que je l'ai vu. »

« Arrêtez de mentir. Il ne se montre jamais aux regards des autres. Vous êtes entrée dans le parc, n'est-ce pas ? »

« Oui, avoua Camille avec un soupir de soulagement. Mais pas bien loin, s'empressa-t-elle d'ajouter. Juste vers la petite fontaine... »

Valérie se rejeta en arrière. Son regard abandonna Camille et se posa sur la falaise qui se rapprochait à chaque tour de roue.

« Vous voudrez bien ne pas recommencer, lança-t-elle tout à coup d'un ton cinglant. Nous avons horreur des indiscrets. La prochaine fois, demandez la permission avant d'entrer. Je ne vous garantis pas qu'on vous la donnera mais ce sera quand même plus poli. »

Jamais personne n'avait remis Camille à sa place d'une façon aussi discourtoise. Elle en perdit le souffle et l'esprit de répartie. Son teint devint encore plus rouge qu'il n'était.

« Je... » Elle bredouillait lamentablement. « Je... Excusez-moi, je vous assure que je ne voulais pas... » Elle jeta un coup d'œil à Valérie. La jeune fille se détendait et son visage perdait peu à peu sa dureté.

« Ne nous disputons pas pour des bêtises, dit Valérie en posant la main sur le bras de sa compagne. A mon tour de m'excuser, je suis allée trop loin. Ma mère m'a particulièrement énervée ce matin et c'est vous qui recevez à sa place. N'en parlons plus. »

Elle souriait de nouveau. Camille esquissa à son tour un sourire confus.

« Je ne le referai plus, je vous le promets. »

« En fait, le garçon que vous avez vu, c'est mon frère. Plus sauvage que lui, c'est impossible à trouver. Il ne veut voir personne. D'ailleurs, ça m'étonnerait beaucoup qu'il vous ait adressé la parole. »

« Dès qu'il m'a vue, il a poussé un cri et il est parti en courant. »

« Oui, ça ne m'étonne pas de David, dit Valérie avec un rire bref. C'est tout à fait lui de s'enfuir devant une inconnue. »

Le sourire de Camille s'accentua. Je connais enfin son prénom. « Il m'a semblé bien jeune », murmura-t-elle en ralentissant pour passer le petit pont. La voiture allait attaquer la montée vers la Maison-Dieu. Le but se rapprochait, bien trop vite au gré de Camille.

« Il n'est pas si jeune que ça. Il a vingt-cinq ans. »

« En tous cas, il est vraiment très beau… »

« On dirait qu'il a frappé votre imagination. Auriez-vous eu le coup de foudre pour lui ? »

Valérie s'était tournée vers elle et la dévisageait d'un air narquois. L'ironie de la voix était si flagrante que Camille eut l'impression d'avoir reçu une gifle. Aussitôt, elle se rebiffa.

« Non, pas du tout, assura-t-elle. Cela m'a simplement sauté aux yeux. N'en déduisez pas pour autant... »

« Allons, allons ! » La main de Valérie s'était de nouveau posée sur son bras. « Inutile de vous énerver. Je vous taquinais. De toutes façons, mieux vaut ne pas vous amouracher de lui. Il est bien trop bizarre pour s'intéresser à une femme. »

« Rassurez-vous. Je ne rêve pas de lui. »

Le mensonge était si flagrant qu'elle se demanda si Valérie n'allait pas éclater de rire. Mais la jeune fille n'avait pas le don de lire dans les pensées et Camille, pour une fois, avait menti sans devenir écarlate.

« Tant mieux. » Valérie s'étira discrètement, avec une grâce féline. « La fille qui le tiendra dans ses bras n'est pas encore née, croyez-moi. »

Elles étaient arrivées en haut de la falaise. Camille s'arrêta devant la porte de la Maison-Dieu. Valérie descendit, récupéra ses paniers. « Merci beaucoup. » Elle referma la portière. « A bientôt peut-être. » Camille avait espéré qu'elle lui proposerait d'entrer un instant. Mais Valérie montait les quelques marches qui conduisaient à la porte et entra sans se retourner. Dépitée, Camille fit demi-tour et reprit le chemin du village. Passant devant le parc, elle se garda bien de tourner la tête. Ne nous soumettons pas à la tentation.

Didier FOND

Didier Fond nous propose un extrait de "La maison-Dieu"Didier Fond nous propose un extrait de "La maison-Dieu"

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Janna Rehault nous propose un nouvel extrait de son roman "La vie en jeux"

Publié le par christine brunet /aloys

Janna Rehault nous propose un nouvel extrait de son roman "La vie en jeux"

Chapitre : Nécrophilie sociale

En fait, tout ce qui sort du cadre mièvre sentimentaliste et des passions "décoratives" ne trouve plus sa place dans nos cerveaux formatés. La vie se voit aplatie jusqu’au kitch à deux balles. Les sentiments ont reculé devant la marche triomphale de la virtualité, le vivant s’est laissé emprisonner par l’inanimé. Voilà comment nous nous sommes transformés en esclaves... pas les esclaves « de nos passions » comme on disait avant, mais ceux de substituts racoleurs du genre : jeux vidéo, télé réalité, feuilletons, et compagnie. L’autre jour, j’ai fait part de mes réflexions à Max :

- Que reste-t-il de la vie réelle ? Plus grand-chose...

- Mais à quoi elle sert, ta fameuse vie réelle ? répliqua-t-il, comme toujours prompt à la riposte. Qu’est-ce qu’elle peut donner à l’homme ? Toute l’histoire de l’espèce humaine prouve que la vie réelle ne peut qu’être déficiente. De tout temps les gens se sont inventé des occupations pour se protéger du réel. Pourquoi, à ton avis, avaient-ils besoin des guerres et du théâtre ? Du pain et des jeux ! Dans ce sens, la virtualité est une panacée pour l’espèce humaine. Enlève-la aux gens et tu les verras repartir pour de nouvelles croisades. Tu sais que l’invention du soap opéra aux Etats-Unis a stoppé à son époque une vague de suicides chez les femmes au foyer. Et le foot ? Que tu saches, pour la population masculine, est aussi nécessaire que la castration des taureaux à la ferme. Accepte, enfin, que la réalité est insuffisante. Alors on est obligé de combler cette insuffisance, remplir ce vide éternel, rapiécer ces trous. L’homme fuit la vie comme la peste. Et tout ça parce qu’elle est insipide, futile et fastidieuse.

- Mais non ! Ce n’est pas la vie qui est défaillante mais l’homme ! Il est si stupide qu’il ne sait qu'en faire.

- Si tu veux. Mais qu’est-ce que ça change ? L’homme est tel qu’il est.

- Il peut évoluer. On peut faire développer son intelligence, l’initier à la culture, stimuler sa créativité…

- Et qu’est-ce que la créativité ? Si ce n’est pas un moyen de combler le vide ? Rien que par définition l’art en tant que sommet de tout ce qui est artificiel s'oppose à tout ce qui est naturel. Et c’est bien à l’art qu’aspirent les plus grands esprits. Ils aspirent à créer une autre réalité, pour fuir la trivialité de la vie.

- Oui, mais au moins, en la fuyant ils ne tombent pas dans la vulgarité.

- Mais écoute, ce n’est pas donné à tout le monde de peindre les jocondes ou composer les neuvièmes symphonies. C’est pour ça qu’il nous faut des jeux. Que chacun crée dans la mesure de ses capacités. Grâce aux jeux vidéo, les gens, peuvent gagner un championnat de Formule 1, conquérir un empire ou accomplir une mission d’agent secret. Tout le monde n'est pas Rembrandt.

- Et pourquoi pas ? Chacun de nous a un potentiel énorme, il faut juste lui donner de l'essor.

- J'ai l'impression que t’es déjà bien partie pour tomber dans le piège nietzschéen du surhomme.

- Et toi Max, dans quel délire tu pars ? La technolâtrie et l’apologie du virtuel ?

- Pour peu que cela serve au bien-être des gens, pourquoi pas ? Quel que soit l’homme, il mérite le bonheur. Pour moi le but essentiel, consiste à rendre heureuse l’humanité.

- Mais l’univers artificiel que tu proposes n’est qu’une illusion !

- Mais tout est illusion Alexandra, tout ! Regarde le monde avec les yeux d'un Bouddha et tu verras... Qui dit que la réalité est moins illusoire que la virtualité ? (…) Si tu regardes bien, l’homme ne s’arrête jamais devant l’expérience. Au cours de son histoire, il a testé des dizaines de régimes politiques et économiques, et des milliers de fois changé son échelle de valeurs. De par sa nature l’homo sapiens est un homme expérimental. Il est une nouvelle étape qualitative de la vie. Donc, l’artificiel et le virtuel en tant que produit de l’humanité sont de nouvelles formes de réalité. La réalité, n’est pas une donnée définitive, elle évolue aussi.

- Tout en nous transformant en crétins finis au passage, ajoutai-je d’un ton maussade.

Janna Rehault

"La vie en jeux"

Janna Rehault nous propose un nouvel extrait de son roman "La vie en jeux"

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Didier Fond nous propose un extrait de "La maison-Dieu"

Publié le par christine brunet /aloys

Didier Fond nous propose un extrait de "La maison-Dieu"

Camille raconte sa première rencontre avec les habitants de la Maison-Dieu. On ne peut pas dire qu'elle ait été accueillie avec un tapis rouge. Je ne sais pas ce qu'elle s'imaginait, mais le journal est très explicite : mademoiselle a été déçue et froissée de la réception qu'on lui a réservée. Elle pensait sans doute qu'on allait lui dire d'entrer et lui offrir un café, comme cela se fait dans les fermes isolées des alentours. Ma chérie, si tu évitais de mélanger les torchons et les serviettes ? Tu n'as pas affaire à des paysans mais à des gens de la ville. Et en ville, on n'offre pas de café au facteur. Tout au plus, dans les moments de grande civilité, lui dit-on bonjour.

On l'a reçue sur le seuil de la Maison-Dieu, on a pris le courrier, on lui a dit merci et fin de l'entrevue. La porte s'est refermée, la jeune fille a disparu. Camille n'a rien pu dire, rien pu voir. J'aurais pourtant aimé qu'elle fasse une description détaillée de l'intérieur de la maison. Je suis sûre que tout a été transformé depuis le drame. Dire que Laurence a dû la vendre pour une bouchée de pain... Bien contente, à l'époque, de trouver un acquéreur. Ce bonhomme adipeux et mou suait la malhonnêteté par tous les pores de la peau. J'ai supplié Laurence de tenir bon, de ne pas lui céder la Maison-Dieu à un prix aussi dérisoire. Elle n'a pas voulu m'écouter. Dans un sens, elle avait raison. Elle ne désirait qu'une seule chose : se débarrasser de cette baraque, oublier, recommencer une nouvelle vie. Elle n'a rien recommencé, hélas. Elle n'a pu que continuer, vaille que vaille, jusqu'à son décès. Certains souvenirs sont tenaces. Et la mémoire peut devenir votre pire ennemie. Ce n'est pas un hasard si ce cancer l'a détruite si jeune. Il n'a pas fallu à la mort plus de dix ans pour l'abattre à son tour. D'eux, il ne reste que Camille et moi. Bientôt, elle sera seule. Et tout sera terminé.

Comme tu deviens morose, ma pauvre Henriette ! A ton âge, l'avenir, le passé, la vie, la mort, quelle importance tout cela peut-il bien encore avoir ? Il est fini, le temps où tu pouvais te demander à quoi rime cette absurdité. C'est à trente ans qu'on s'interroge sur le sens de la vie. A partir de cinquante, on se contente d'en jouir, du mieux qu'on peut. Quand on a acquis un peu de sagesse, bien sûr. Au mien, on attend. Ou du moins, on prend conscience que la vie n'est rien d'autre : une attente interminable. Et le plus souvent inutile.

Au fond, heureusement que Camille et ses élucubrations sont là pour me distraire. Quand je lis son journal, je me dis que vieillir n'est pas une malédiction. Avoir son âge et être dans cet état d'esprit, quelle pitié ! Je ne prétends pas avoir eu une existence passionnante et particulièrement réussie, mais quand même... Au moins ai-je eu une jeunesse.

J'ai relevé aujourd'hui dans son journal quelques informations intéressantes. Sa dernière indiscrétion concerne la jeune fille de la Maison-Dieu. Cette dernière a eu la malheureuse idée de confier un courrier à la poste de ce village. Comment aurait-elle pu savoir, l'innocente, que la factrice s'amusait à ouvrir la plupart des lettres qui lui passent entre les mains ? L'état d'excitation dans lequel se trouvait Camille au moment où elle a rédigé cette prose édifiante est manifeste. Elle s'extasie sur le prénom de cette fille : Valérie. Le contenu de la lettre donne lieu à moins de commentaires et à mon avis, il est nettement plus révélateur. C'est une lettre d'amour destinée à un homme habitant Paris, sans doute plus âgé qu'elle d'après Camille. (Est-ce dit clairement dans la lettre ou est-ce une déduction de ma petite-nièce ? Je me méfie beaucoup des raisonnements de Camille, en général complètement illogiques.) Il semble être marié. Amour sans espoir ou amour réciproque ? Je penche pour la seconde solution, vu ce que raconte le journal. Quant à Camille... L'occasion était trop belle pour qu'elle ne se lance pas dans un nouveau délire. Concernant Damien, bien entendu. Elle n'a rien trouvé de mieux que d'établir un parallèle entre sa situation et celle de Valérie. Et la voilà repartie dans ses rêves. Puisque Valérie a réussi à se faire aimer d'un homme marié, pourquoi pas elle ? Je suis aussi jolie qu'elle, affirme-t-elle, et sans doute pas plus bête. Il suffit d'être patiente et de ne pas le lâcher.

Petite sotte ! Quand vas-tu enfin comprendre que Damien n'en a rien à faire de toi ? Il t'apprécie, c'est tout. De temps en temps. Sa «tendresse» à ton égard ne va pas au-delà de ces quelques marques d'amitié dont il te fait l'aumône à intervalles irréguliers. Qu'espères-tu ? Que Patricia va mourir d'une crise cardiaque ou dans un accident de voiture ? Tu ne l'aurais pas pour autant, va. Il ne t'aime pas. Et quand bien même ? Prendre la place d'une morte, lutter contre son souvenir, contre une ombre chère... Lutter sans cesse pour l'effacer de sa mémoire... Le combat est perdu d'avance, je le sais par expérience. Et encore, moi, je n'avais pas ce poids à porter. Ils s'étaient simplement quittés. Non, ma chère, nous, les secondes, nous n'avons aucune chance de devenir un jour les premières dans le cœur de ces hommes. Autant t'en convaincre tout de suite.

Didier Fond

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Les morts marchent ! un extrait du roman de Delphine Schmitz...

Publié le par christine brunet /aloys

Les morts marchent ! un extrait du roman de Delphine Schmitz...

Andrea prit congé de son père. En refermant la porte du cabinet, elle fit un bond en découvrant son frère qui rôdait dans le couloir avec la discrétion d’un fantôme. Il faisait déjà sombre et il n’avait pas de bougie. Il semblait tapi dans l’obscurité à dessein.

– Que voulait Père ? s’enquit-il. Tu sors de son cabinet, vous vous entreteniez donc d’affaires concernant le royaume. Affaires assez importantes pour qu’il remette les pieds dans cette pièce.

Andrea, toujours bouleversée par l’entrevue qu’elle venait d’avoir avec son père, n’avait pas le courage d’annoncer à son frère qu’elle régnerait à sa place. Cette nuit, promettant moult ruminations, s’annonçait suffisamment pénible. Elle n’était pas prête à supporter le fardeau de la confession d’un crime dont elle se sentait tant victime que coupable.

– Il voulait… il voulait m’annoncer que je vais me marier à la fin du mois. Mon fiancé viendra s’installer au château demain.

– Eh bien… Félicitations, ma sœur.

Il l’embrassa sur les deux joues avec une minutie insupportable puis resta debout à la regarder, semblant la défier. Il n’avait que onze ans, mais était toujours extrêmement petit et maigre. Il semblait tenir debout par miracle. Pourtant ce soir, sa présence avait quelque chose de terrifiant. Andrea le contourna pour rejoindre sa chambre, son cœur battant à tout rompre.

Il attendit qu’elle s’éloignât un peu avant de tourner les talons à son tour. Elle entendait le frôlement des pas de son frère s’éloignant à l’autre bout du couloir. Il glissait plus qu’il ne marchait, ce devait être tout juste si ses pieds foulaient le sol. Sachant qu’il entendait également ses pas, elle s’efforça de maintenir un rythme régulier, pour ne pas éveiller sa suspicion. Enfin, elle vira à droite pour s’enfoncer dans un petit couloir, et courut jusqu’à sa chambre.

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"Le « on » rencontre un « on » et se mettent à discuter", un texte de Noëlle Fargier

Publié le par christine brunet /aloys

"Le « on » rencontre un « on » et se mettent à discuter", un texte de Noëlle Fargier

Le « on » rencontre un « on » et se mettent à discuter :

  • Ils ne peuvent pas continuer, nous...Ils devraient réagir.....Ils ont encore augmenté.....
  • Mais, dis-moi, qui sont ces « ils » qui défilent à tout bout de champ, responsables de tous les mauvais sangs ?
  • Mais oui, qui sont-ils ?
  • Déjà à priori masculins
  • Quoique, vu que le masculin l'emporte sur le féminin, pas certain...
  • Mais enfin ! Comment trois petits caractères seraient responsables de tant de misère ? pas malin...A moins que derrière se cachent tous les déterminants réunis, tu vois les tous puissants, les tous pas marrants, les tous qu'on ne connaît pas
  • D'accord, on ne les connaît pas mais ils existent bien, où peuvent-ils être ?
  • Ben...tu n'as jamais entendu parlé de l'île des géants
  • Tu veux dire cette petite île où le seul accès est en navette ?
  • Oui. Mais en même temps, elle est bien trop petite pour loger des géants !
  • Oh tu sais, je crois qu'ils sont peu nombreux par rapport à nous, les « on »
  • Mais c'est pas possible, en navette....sur une île...Tu délires !
  • Pas tant que ça, ça expliquerait qu'ils ne comprennent pas nos soucis ! Qu'est ce que tu veux, ils n'ont pas de problème de bagnoles, pas de problème de logements, pas de problème de travail et en plus ils sont grands donc ils ne peuvent pas nous voir et en plus ils sont loin de nous...
  • Pas de problème de travail, tu veux dire qu'ils ont tous du boulot, eux...y'a encore des usines, des magasins, des fermes sur leur île ?
  • Oui, mais ils ont mis tout ça dans un attaché caisse, je crois, ah ils sont forts !
  • Mais que pouvons-nous faire ?
  • Ben... à part changer d'article, je ne vois pas....

Noëlle Fargier

"Le « on » rencontre un « on » et se mettent à discuter", un texte de Noëlle Fargier

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