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Concours 2 - Amour à mort - Texte 4

Publié le par christine brunet /aloys

LA UNE DU JOURNAL

 

"Suicide, accident ou crime ? L'enquête le dira, mais elle ne fait que commencer. Laura Dupont laisse deux enfants et un mari désarçonnés…" Tels étaient le titre et le début de l'article du journaliste dans la gazette locale de la cité balnéaire où je suis chargé de mission. 

Laura et Thierry Dupont. Le couple faisait souvent la une du journal local. Ils étaient amoureux, riches, beaux, dynamiques, cultivés, sympathiques, plutôt charismatiques. Comédiens, ils étaient à la tête du théâtre du Sentier où se jouaient aussi bien des comédies musicales que des pièces classiques ou contemporaines, où se produisaient durant l'été aussi bien des chanteurs que des humoristes.  Leur vie n'était pourtant pas un long fleuve tranquille. Laura et Thierry avaient cédé l'un et l'autre à la tentation de fort éphémères infidélités qui selon eux ne remettaient aucunement en question l'amour qu'ils se portaient. "Nous sommes ouverts, nous nous aimons et nous savons fermer les yeux sur des erreurs ponctuelles", répondaient-ils quand quelqu'un de leur entourage immédiat osait aborder le sujet.

Et pourtant, je sais que tout n'était pas si simple. Moi l'abbé Maxime Gillemin, j'ai reçu Thierry en confession. Il m'a tout avoué. Lors de leur promenade nocturne, il a poussé Laura du haut de la falaise, car il ne supportait pas qu'elle envisagea de le quitter pour un bellâtre fortuné, acteur lui aussi, de dix ans son cadet. Il n'avait rien prémédité. Cela avait été une sorte de réflexe consécutif à l'aveu de son épouse quand, après la pause durant laquelle Laura s'était confiée, ils avaient repris leur marche et avaient atteint le haut de la falaise, là où vingt-deux ans plus tôt ils s'étaient juré un amour éternel. Après le drame, il avait agi dans un état second. Il avait fait de longs détours avant de regagner à pied son domicile. Il n'avait rencontré personne et ce soir-là, les deux garçons dormaient chez des amis.  Maintenant, il regrette son geste, il pleure, mais refuse de se dénoncer pour protéger ses enfants. Il avait dans un premier temps maîtrisé ses émotions lorsque Laura lui avait fait part de sa décision, lui demandant juste d'attendre le début des grandes vacances avant d'annoncer la fâcheuse nouvelle aux enfants et à la famille. Je suis tenu au secret de la confession. Je suis torturé. Thierry refuse de se dénoncer pour protéger ses deux fils. Il a déjà prévu le scénario qu'il fournira aux enquêteurs pour les convaincre de son innocence. Il promet de soutenir du mieux qu'il le pourra sa belle-famille face à cette catastrophe. Je perçois en lui une telle souffrance !  Il répète :"Si je pouvais faire marche arrière. Si, oui, si seulement c'était possible…"

Après enquête, il s'avère que la thèse de l'accident a été retenue. Un an et demi après, Thierry Dupont a publié un livre qui connaît un beau succès. "Mes lèvres sur ton cercueil" se vend comme jamais encore un ouvrage ne s'est vendu dans la région. Nous avons tous de près ou de loin, vécu des tragédies, pour la plupart nous sommes curieux de prendre connaissance de  l'émerveillement amoureux qu'ont connu des couples de vedettes. "Mes lèvres sur ton cercueil" est un mélange de prose et de poésie, il contient l'expression de sentiments douloureux et de passions profondes. N'est-ce pas la transparence du ressenti  et la clarté des confidences que l'on cherche dans ce genre de notes biographiques ?  Comme il est écrit dans l'Ecclésiaste "il est un moment pour tout et un temps pour toute activité sous le ciel".

Thierry a pris grand soin de sa belle-mère qui a été victime d'un AVC peu après le décès de sa fille. C'est un gendre idéal comme il est un père idéal et fut le plus souvent un mari idéal, soutenant Laura, l'aidant, la conseillant, la choyant. 

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Concours 2 - Amour à mort - Texte 3

Publié le par christine brunet /aloys

Avec elle, j’ai dormi à la belle étoile, visité villes et villages, avant de m’arrêter dans cette belle cité où nicher.  Avec elle, je me suis fait des amis, si différents de moi mais si intéressants.  Avec elle, j’ai simplement rêvé en regardant les étoiles.

Dans un instant, je vais mourir.

Peut-être l’ai-je trop aimée ? 

Mais peut-on aimer trop ?

Peu importe, car je l’aime encore et ne regrette rien.

Même si la culpabilité me ronge de n’avoir pas écouté ceux qui m’avaient prévenu, ceux qui voyaient ce qui nous arrivait.  Mais j’ai choisi de regarder ailleurs ; par bêtise ; par insouciance ; par facilité.

Par peur surtout.

Je pensais que rien de mal ne pouvait nous arriver, que notre bonheur était immuable… comme je me trompais.  Et quand elle a commencé à devenir de plus en plus silencieuse, à cacher ses bleus sous un sourire sans éclat, je n’ai rien compris, sot que je suis !

Il a fallu qu’elle me quitte définitivement pour qu’enfin je me réveille.  L’absence et son silence assourdissant étant plus efficaces que n’importe quel discours pour que j’ouvre les yeux sur un monde vide, sur un cauchemar sans fin.

Car il me l’a enlevée, l’a violée et asservie, pensant être le seul à avoir le droit d’en jouir ! Le triste sire, qui se croit si important alors qu’il est si petit.

Je vais mourir.

Cela ne m’inquiète pas, sans elle quelle raison ai-je de vivre ?

Mon réveil a pris trop de temps, un temps que je n’avais pas, un temps qui s’est enfui avec elle, avant de m’engluer, puis s’arrêter.

Quand je me suis redressé, que j’ai voulu me battre pour la récupérer, il était bien trop tard.  Enfermée dans une sombre forteresse, elle m’était devenue inaccessible.  Peut-être, un jour, quelqu’un abattra-t-il ces murs ?  En attendant, je ne peux que rêver d’elle, sa douceur, sa joie, sa lumière.

La mort a eu moins de difficulté à me trouver.  Tant mieux, je ne me cachais pas.

Mais comment ai-je pu laisser faire cela ?  Comment ai-je pu être aussi aveugle ?

Il est trop tard pour se poser ces questions et vain de vouloir y répondre.

Aucun retour en arrière n’est possible.

Je vais mourir.

Pas elle.

Je le sais.

Elle, elle courbera l’échine, un temps, puis se redressera et il ne pourra rien faire pour l’arrêter.    

Elle prendra son temps et nombre d’amants et il ne pourra rien faire, que trembler sous son souffle.

Puis elle prendra son envol et il disparaîtra, comme bien d’autres avant lui.

Car, tel le phénix, elle renaît de ses cendres et, d’un battement d’aile, embrase le cœur des hommes en leur offrant le droit au choix.

Elle est d’une essence rêvée, celle de la dignité.

Elle est la liberté.

Et je l’aime à en mourir.

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Concours 2 - Amour à mort - Texte 2

Publié le par christine brunet /aloys

DOMINIQUE ET MARIE-LOUISE

 

Dans leur jardin, Dominique  et Marie-Louise aimaient à la belle saison, passer de longues heures à bavarder chacun allongé dans un transat sous un grand parasol. Ils n'étaient jamais à court de sujets de conversation. Ils ne s'ennuyaient jamais quand ils étaient ensemble. Dominique  trouvait toujours les sourires de Marie-Louise aussi charmants que durant leur jeunesse. Il la trouvait toujours aussi jolie même si elle avait un peu grossi et avait le visage un peu ridé. Marie-Louise appréciait toujours autant la belle voix grave de son époux.

Tous deux, adoraient danser des slows sur une musique douce qui datait de leur jeunesse. Enlacés, ils tanguaient pareils à de jeunes amoureux à l'occasion de fêtes familiales, de mariages, de réveillons. Les mains de Dominique posées tendrement sur ses épaules, Marie-Louise ne s'en lassait jamais. Les balades dominicales main dans la main le long du chemin de halage, tous deux en raffolaient.   Leurs journées se dépliaient dans une suite de clins d'œil, de sourires, de caresses, d'effleurements, de corvées partagées, de loisirs communs. Quand ils étaient deux, ils redevenaient un peu des adolescents.  

Cela faisait près de cinquante ans qu'ils s'étaient mariés. Ils avaient un fils, une belle-fille, deux petits-fils, beaucoup d'amis. Tous deux avaient fait carrière dans l'enseignement, c'était d'ailleurs lors d'un intérim dans une école de la ville que Dominique  avait vu Marie-Louise pour la première. 

Soudain, la mort vint de manière inattendue et brutale. À soixante-quinze ans, Marie-Louise, qui était apparemment en bonne santé, décéda subitement d'un arrêt cardiaque. Dominique fut beaucoup entouré par sa petite famille, ses voisins et ses amis. Il commença néanmoins à s'abandonner de plus en plus au chagrin et à la mélancolie. Lorsqu'un oncle et une tante de Marie-Louise, tous deux octogénaires étaient décédés à deux heures d'intervalle dans un accident à leur retour de vacances passées au bord du Lac de Garde, Dominique et Marie-Louise avaient tous deux  jugé que c'était une mort idéale pour un couple tellement uni même si la tristesse de leurs enfants, beaux-enfants et petits-enfants avait été immense et que cela restait pour eux un réel traumatisme.

Quelques mois après la disparition de Marie-Louise, Dominique  fit, m'avoua-t-il, un rêve étrange. Dans ce rêve Marie-Louise tout de blanc vêtue lui tendait la main et l'invitait à la rejoindre pour danser. Ils tournoyaient lentement, elle chuchotait des paroles inaudibles… Ils étaient collés l'un à l'autre, elle disait "reste", c'était là le seul mot qu'il saisissait parfaitement. 

Ce rêve revint les deux nuits suivantes et poursuivit ensuite Dominique du matin jusqu'au soir une semaine durant. Un dimanche après-midi alors que sa belle-fille et son fils venaient lui apporter deux sacs de course, ils découvrirent Dominique allongé sur le canapé du salon. Il avait revêtu son costume bleu foncé, une chemise blanche, une cravate bordeaux. Il avait chaussé ses mocassins noirs. Il avait rendu son dernier souffle, laissé une lettre dans laquelle il faisait part de son désespoir et avouait avoir eu recours à un surdosage d'antidépresseurs pour mettre fin à ses jours. Il avait obéi à la supplication de Marie-Louise, il était resté avec elle dans un rêve interminable…

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Concours 2 : Amour à mort -Texte 1

Publié le par christine brunet /aloys

Amour à mort 

 

  • Il vous faut encore un sac, ou tout rentrera dans celui-là  ?
  • Je vais découper la main pour la séparer du bras, elle prendra moins de place, ça ira merci…

 

Épouse numéro deux (MarieSo) et ex-épouse (MarieTè) se hâtent. Dans quatre heures le jour se lèvera, il faudra avoir chargé les sacs dans la 4x4 et puis en avoir distribué le contenu avant 5 heures de matin dans l’auge à cochons de l’élevage bio « Le joli goret » et le reste chez le trafiquant de Pitbulls. Ensuite, il faudra replier les protections de plastique, nettoyer les éventuelles traces, remettre le désordre habituel dans le garage, nettoyer l’égoïne et la scie circulaire puis les utiliser pour découper de vieux meubles, histoire de recouvrir les lames de débris. Et puis se séparer et reprendre les routines : MarieTè fera ses brasses matinales dans la piscine et MarieSo se laissera réveiller par Mme Sotillo avec son petit déjeuner à 9h30.

Antoine lui avait pourtant donné l’illusion d’enfin-l’amour-vrai ! Entre MarieTè et lui, il ne restait que sa compassion à lui pour une épouse à la traine, épousée malgré lui (ah, les trucs innombrables des jeunes filles de bonne famille pour se caser… ). Il ne pouvait la quitter, elle serait perdue. Et pourtant, combien il se sentait exploser d’énergie et de projets dans cet amour renaissance avec MarieSo ! Ses enfants étaient grands – tiens, ils avaient plus ou moins l’âge de MarieSo, à un poil près…- et au fond, pourquoi pas, pourquoi ne pas expliquer à MarieTè que ce serait plus raisonnable, qu’elle pourrait aussi refaire sa vie une fois remise en selle, il ne l’abandonnerait jamais, et être grand-mère la tiendrait occupée, au fond… MarieSo le trouvait éblouissant, décidé, convaincant, ça ne pouvait être qu’une histoire de quelques semaines, ou un mois ou deux.

Il avait bien divorcé, oui, mais uniquement parce que MarieTè l’avait prié de s’en aller. Il avait presque lacéré le tapis d’entrée en s’y accrochant avec les ongles, et MarieSo qui attendait dans la voiture l’avait entendu bêler, puis il était sorti rubicond et haletant de ce qui avait été son foyer, MarieTè faisant de joyeux signes de la main à MarieSo et lançant d’une voix cristalline : Merci, merci, et courage !

Ils s’étaient mariés, elle n’avait plus osé dire non, après tout « il avait tout fichu en l’air pour elle, et si plus aucun de ses enfants ne lui parlait plus, c’était pour elle qu’il supportait ça. Tout comme le fait que les petits-enfants le surnommaient désormais Ne me quitte pas. » Quand elle ne semblait pas heureuse de son nouveau statut d’épouse, il ricanait : elle n’était qu’une petite gourgandine qui cherchait un homme marié pour s’envoyer en l’air, sans aucune intention sérieuse, et l’avait manipulé. Il passait son temps à espionner MarieTè, rodant devant son ancienne maison, relevant les kilométrages sur son compteur de voiture, et lui envoyant de constants messages « urgents » auxquels elle ne répondait pas. Suivant ses visiteurs mâles et notant leurs numéros de plaque.

C’est autour de muffins aux myrtilles et d’un thé de chrysanthèmes qu’elles se sont organisées. MarieTè les inviterait un soir, MarieSo le convaincrait de s’y rendre à pied, ainsi le problème de sa voiture ne se posait plus. Un bonne longe de porc de l’élevage local Au joli goret serait son dernier repas, un coup de batte de base-ball sa dernière sensation – avoir des poisons dans la maison n’était jamais une bonne idée en cas de perquisition. On ferait ça dans 6 mois, le temps d’accumuler les sacs poubelles, les protection de plastique et de voir arriver la belle saison. « C’est quand même rare de bien s’entendre aussi bien entre ex et nouvelle épouse, non ? ». Elles se sourirent avec une sincérité rayonnante.

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Texte 6 du concours : c'est le dernier ! Votez sur ce post jusqu'à ce soir 20h

Publié le par christine brunet /aloys

Drôle d’époque

 

  • Jason, les enfants ont joué à cache-cache-density. Ils sont à présent introuvables. J’ai cherché partout dans notre alvéole, partout. Disparus tous les deux !

Natty avoue ça avec des trémolos dans la voix. La culpabilité lui déchire ses entrailles. Elle craint la réaction de Jason, son compagnon.

  • C’est toujours la même chose, réplique Jason, l’air excédé. Ils sont pourtant prévenus que ce jeu n’est pas sans risque. Ils croient tout savoir de cette hyper-physique et ils n’en connaissent qu’à peine le quart du dixième, malgré leur supra-intelligence ! Vers quelle heure de notre temps ont-ils disparu ? demande-t-il, l’air soudain inquiet.
  • Vers quatorze ou quinze heures. Tu sais, ne te fâche pas, mais lorsque tu racontes avec enthousiasme les aventures que tu vis au boulot, ils rêvent eux aussi à tout ça. Ils sont curieux eux aussi des autres mondes et des autres époques. Tu comprends, Jason ?
  • Ça c’est un autre problème, Natty. Je dois travailler pour le Comité et ce job était adapté à mes capacités extra-sensorielles, voilà. Mes enfants, eux aussi, développent ce don. Et dans l’avenir, crois-moi, ce sera pire. Les prochaines décennies ne seront pas les plus belles de l’Humanité. Nos super-capacités seront exploitées un maximum par les Malsains.
  • Tais-toi, on nous entend.
  • Certainement pas, je viens de déployer une bulle macro-quantique. Tu ne vois donc pas que tes mouvements ralentissent ?
  • Je n’entends presque pas.
  • Concentre-toi, Natty, concentre-toi. Après tout ce que j’ai encore vécu ce jour, concentre-toi et surtout, accroche-toi.
  • Jason, les enfants ont disparu. C’est le plus important pour moi …
  • C’est la troisième livraison d’enfants que nous perdons. Je soupçonne le Comité d’exercer des actions ténébreuses, des espèces d’enlèvement par changement de densité provoquée. Les enfants réapparaitront quelque part. Dans une autre époque. Peut-être même sur une autre planète. Ils se redensifieront, rien ne se perd jamais. La seule chose qui m’effraie, c’est qu’ils atterrissent dans une de ces sectes bouffeuses d’adrénochrome.
  • Ne dis pas de sottises, Jason.
  • Des sottises ? Tu veux que je t’explique ce que j’ai vu de mes propres globes oculaires ces dernières heures ? Tu veux savoir où j’étais ce matin encore ?
  • Oh, Jason, ce travail …
  • Voyager dans le temps, c’est toute ma vie, Natty. Ce matin j’étais en 4024. Oui, dans deux mille ans. Tous les Hybrido-Terriens de cette époque-là sont dotés de capacités … incroyables. Les mots ont disparu, le langage n’existe plus, et donc l’écriture par symboles est anéantie. Ils communiquent uniquement par leurs pensées. Et puis, oh non, je préfère me taire, dit-il en se cachant le visage entre les mains.
  • Tu avais combien de chrono-touristes avec toi ?
  • Comme d’hab, une centaine.
  • Ça fera une centaine de désaxés de plus. Ils finiront comme les incurables, dans les souterrains de phase terminale. Autoriser ces chrono-voyages, c’est inhumain. Le Comité a connaissance des dégâts post-chrono-voyages sur les interfaces de nos cerveaux. Nous sommes incapables de vivre dans notre présent après la vision de tels chocs. Une façon comme une autre d’éliminer des gens … Je me demande même comment tu supportes tout ça, toi.

À ce moment précis, une énorme boule de lumière apparaît tout au bout de l’alvéole. En sortent deux adultes à l’air hébété et recroquevillés dans une position fœtale. Ils roulent ensemble vers Jason.

 

  • Les enfants ! s’écrie Natty à la fois soulagée et stupéfaite.
  • Natty, ce sont les enfants de la deuxième livraison, ceux qui ont disparu voici une dizaine d’années. Vise la couleur de leurs écailles qui recouvrent leur peau … Et tu les reconnaîtras.

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Texte 5 du concours

Publié le par christine brunet /aloys

 

Argumentum ad nauseam

 

 

Je me souviens de ce film : dans le futur, les singes étaient devenus tellement intelligents, avaient tellement évolué, jusqu’à apprendre à parler, qu’ils avaient réduit la race humaine tout entière à l’esclavage, l’enfermant dans les cages des zoos destinés à les distraire.

(Oui… mais non, merci !)

Je me souviens également de celui-ci : nous étions les cibles de cyborgs meurtriers, sans pitié et tout en muscles.

Dans les arts, c’est un fait, le futur est rarement dépeint de façon ‘‘idyllique’’. C’est plutôt toujours ‘‘catastrophique’’, pathétique et patatras… Et que penser du brusque développement de l’intelligence artificielle ? Ça en fait sourire certains, aujourd’hui, mais qui peut prétendre que cette chose, un jour, ne sera pas utilisée, par exemple, pour copier les voix des ‘‘puissants’’ de ce monde ? Déclencher des conflits et des guerres ? Et si l’intelligence artificielle, un jour, prenait le contrôle des mallettes nucléaires ? Improbable, vraiment ? Espérons !

Mais l’être humain inventeur est un enfant souvent arrogant et idiot.

Le futur, je voudrais pourtant l’imaginer beau comme les printemps de nos jeunes années, quand nous avions encore de véritables printemps sur terre. Je voudrais l’imaginer gai et coloré, chaleureux et convivial. Je voudrais l’imaginer simple, débarrassé de toutes ces technologies qui ont vampirisé les êtres humains, ainsi que leur QI… Toutes ces technologies invasives qui nous éloignent de plus en plus de l’essentiel : notre humanité. La beauté de regarder et de voir disparaît… Pire : la bonté disparaît. L’honnêteté aussi.

L’être humain n’est peut-être pas ‘‘encore’’ sur l’autoroute de l’Enfer, mais il perd un peu plus chaque jour la notion du respect. Le respect de l’autre et le respect de lui-même. D’ailleurs, c’est quoi toutes ces filles de quelqu’un et fils de quelqu’un qui s’affichent à poil et s’adonnent à de la pornographie monnayée sur Internet depuis quelques années ? C’était ‘‘ça’’, leur rêve du futur, enfants ? J’aurais aimé ne pas savoir cela, mais je suis assailli, comme beaucoup, de demandes ‘‘amicales’’ de p. en chaleur sur mes réseaux sociaux. Sur X, anciennement Twitter, je dois avoir bloqué pas moins de 300 de ces ‘‘suce-miel’’, comme ma grand-mère appelait ces femmes de son vivant.

Les réseaux sociaux n’ont de social que le nom et deviennent de plus en plus pourris. Je crois aussi que les smartphones sont une laisse et que nous sommes devenus des chiens. Oui, des chiens. Encore plus cons qu’un Rantanplan. Des chiens obéissants qui frétillent de la queue et qui bavent devant la plus débile des dernières applications.

Ce que je vois du futur ? Mais ce futur a déjà commencé. Avec la téléréalité. L’être humain sera de plus en plus un esclave, un déviant, parce qu’il a perdu, depuis fort longtemps, le sens du beau, le sens du vrai.

Finalement, le Terminator imaginaire du film de Cameron peut s’incarner et venir tous nous éliminer.  Ce ne sera pas une grosse perte. Ou alors, Seigneur, envoyez-nous un nouveau Déluge pour nettoyer toute notre merde. Ce présent ne peut être notre futur.

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Texte 4 du concours

Publié le par christine brunet /aloys

 

Un futur rêvé

 

  Mémé me serra dans ses bras, me reprocha mon manque de rondeurs et se félicita de m’avoir concocté un copieux repas !  Comme toujours, sa cuisine m’avait laissé le ventre plein et le cerveau noyé dans la béatitude.  Je lui promis de revenir dans quinze jours et m’en allai en lui faisant des signes de la main.  Je suivis le chemin habituel et lorsque le sentier forma une fourche, je pris le chemin qui devait m’éloigner du cœur de la forêt.  Le sous-bois vibrait de vie et je laissai courir mon imagination en avisant quelques champignons qui pointaient leurs jolis chapeaux parmi l’émeraude des mousses et des fougères.  Des akènes aux plumets blancs, comme de petites fées auréolées de lumière, jouaient à cache-cache parmi les troncs écailleux des arbres.  Des oiseaux pépiaient dans les frondaisons et je me pris à siffloter.  Les rayons du soleil s’infiltrant dans la canopée créaient sous mes pas une mosaïque mouvante, qui s’élargit alors que l’orée approchait.  Au-delà, champs et vergers formaient un patchwork coloré que je me plus à contempler un instant avant de continuer mon chemin.

  Bientôt, je parvins à la station T-transport, une petite tourelle au joli toit pointu et au charme désuet devant laquelle patientait une vielle dame.  Elle me sourit et pointa du doigt une portion du magnifique rosier qui grimpait à l’assaut de la tour de pierre.  Parmi les velouteux pétales un verdier faisait son nid. Je rendis son sourire à la vielle dame et lui souhaitai une bonne journée alors qu’elle pénétrait dans la tour.  Rapidement, je glissai ma carte de destination sous le lecteur : une coquette boîte aux lettres assortie au décor.  Quelques instants plus tard, je pénétrai dans la tourelle et sentis le léger picotement de la translation parcourir ma peau alors qu’elle m’emportait vers la ville.

  Sous son dôme à l’architecture ultramoderne, chef d’œuvre de Merlin Primus, le terminal de T-port-Centre accueillit mon arrivée dans un joyeux brouhaha de conversations.  Je quittai le plot d’arrivée et me dirigeai vers la sortie.  Comme souvent, lorsque je revenais de la charmante campagne où vivait ma mamie, je trouvai remarquable de ne pas me sentir oppressé par la ville.  J’observai ses bâtiments, tout en hauteur mais suffisamment espacés pour laisser la lumière envahir ses trottoirs, leurs formes, parfois fort originales, et leurs nombreuses terrasses déversant des flots de verdure, entourer les nombreux parcs qui l’émaillaient, comme autant d’oasis, ou encore les carrés de jardins fleuris entretenu avec amour par quelque main verte.  Je continuai mon chemin et m’arrêtai en bordure de trottoir alors que passait le tram à propulsion magnétique.  Il ralentit et je pus apercevoir mon amie Lison me faire de grands signes depuis sa place.  Je fis de même tandis que le tram reprenait de la vitesse et s’éloignait.  Je traversai la rue en même temps qu’un groupe d’étudiants et me dirigeai vers les bureaux de mon journal non pas pour m’y rendre, alors que cette journée n’appartenait qu’à moi, mais poussé par la curiosité qu’avait éveillé l’installation, juste en face, d’un synthétiseur de nourriture.  L’idée n’était pas neuve et la ville avait déjà vu ce genre d’initiative être mise en place, mais cette fois, l’appareil profitait des dernières évolutions de l’I.A. ce qui le rendait plus intuitif et efficace que les versions précédentes.

  Dès que ma curiosité fut assouvie, je repris ma balade à travers des rues d’une propreté irréprochable, dans une ville où les décibels avaient baissé en même temps que la pollution et je me demandai ce qui serait advenu de l’humanité si les modules à fusion nucléaire n’avaient pas vu le jour.  Il avait fallu que l’Homme crapahute dangereusement au bord du gouffre pour prendre enfin conscience de ce qui était important, révise ses priorités et gagne en maturité.  Oh, les conflits n'avaient pas cessé du jour au lendemain et, de temps en temps, quelque individu aimant s’écouter parler tentait encore d’imposer sa seule volonté, comme ce petit dictateur qui venait de décéder de mort naturelle dans la résidence où il était assigné depuis plusieurs années… depuis que ceux qui l’avaient élu s’étaient rendu compte de leur erreur.

  Je le savais, l’humanité ne serait jamais parfaite, le monde ne serait jamais parfait et bien des problèmes devraient encore être résolus, mais c’est confiant que je rentrai chez moi.

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Texte 3 du concours

Publié le par christine brunet /aloys

Un futur cauchemardé

 

  ‒ Monsieur Pépin Felix, vous êtes accusé d’avoir ôté votre masque avant d’être sorti d’un lieu public.

  ‒ C’est faux ! Je… Votre Intelligence, j’étais à l’extérieur quand j’ai enlevé mon masque, je m’en souviens très bien.

  ‒ Les images des caméras de surveillance prouvent le contraire.  Veuillez observer l’écran numéro trois, section 325.  On y voit l’arrière du talon de votre pied gauche être nettement placé à l’intérieur du bâtiment et l’élastique de votre masque dégagé de votre oreille gauche.

  ‒ Mais…

  ‒ Cette image est la preuve incontestable de votre culpabilité.  En conséquence et vu la gravité des faits, vous êtes condamné à prester 87600 heures d’intérêt général dans les mines de cobalt du Consortium Gouvernemental U-Nique.  Vous rejoindrez votre aire d’embarquement dès cette séance levée. Gardes, emmenez monsieur Pépin Félix.

  ‒ Non ! Votre Intelligence, s’il-vous-plaît… ma femme, mes enfants…

  ‒ Il seront prévenu de votre absence.  Cette séance est levée.  Accusé suivant.

  « Séance ouverte.  Madame Grosjean Cassandre, vous êtes accusée d’avoir quitté votre domicile après le couvre-feu.

  ‒ Votre Intelligence, si vous permettez…

  ‒ Votre voix est écoutée, Maître.

  ‒ Madame Grosjean ne nie pas être sortie de sa maison, mais un instant seulement pour récupérer le sac de courses oublié sur le seuil par son mari.  C’est pourquoi nous demandons votre indulgence, Votre Intelligence.

  ‒ Veuillez observer l’écran numéro deux, section 452.  Le chronomètre indique que madame Grosjean Cassandre est restée sept secondes, huit dixième à l’extérieur de son domicile, 30 minutes après le début du couvre-feu.  Ceci est preuve de culpabilité.  Ayant entendu votre remarque, Maître, madame Grosjean Cassandre n’est condamnée à prester que 61320 heures d’intérêt général dans la brigade volante des services d’entretien du Consortium Gouvernemental U-Nique.  Le cas de Grosjean Sébastien sera traité ultérieurement.  Gardes, escortez madame Grosjean Cassandre.  Cette séance est levée.  Accusé suivant.

  « Séance ouverte.  Monsieur Petitpas François, vous êtes accusé d’avoir collé des affiches incitant au désordre et à la désobéissance.

  ‒ …

  ‒ Les mots : dictateur de m… lèche botte de l’I.A. et consortium esclavagiste ont été relevés.

  ‒ Je suis sûr que vous en appréciez la précision.

  ‒ Veuillez observer l’écran numéro cinq, section 186.  On y voit Monsieur Petitpas François, appliquer sur la façade d’une succursale du Consortium Gouvernemental U-Nique un document exposant des propos séditieux.  Faits aggravés par l’horaire : le chronomètre indique que l’infraction a été commise deux heures, trente-sept secondes, cinq dixième, après le début du couvre-feu.

  ‒ Importantes les trente-sept secondes, cinq dixième, n’est-ce pas… Votre Intelligence !?

  ‒ La preuve de la culpabilité ayant été faite, et compte tenu de l’extrême gravité des faits, Monsieur Petitpas François est condamné, pour la plus grande gloire de son Président Éternel, à servir la médecine au sein de la section transgénèse du Consortium Gouvernemental U-Nique.  Cette séance est levée.

  « Séance ouverte.  Martin Kevin, vous êtes accusé d’avoir tenté d’escroquer vingt Goldens à l’État en ne prestant pas toutes les heures de travail dues…

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Texte 2 concours revue

Publié le par christine brunet /aloys

Le futur 

 

Elle ne sort plus de chez elle que pour les absolues nécessités. Comme se refournir en vivres sûrs, voir son rebouteux, retrouver son cercle de Vestales Invincibles pour les incantations hebdomadaires.

 

Là, assise sur le trottoir, une silhouette recroquevillée allaite un bébé hydrocéphale suspendu à son sein flasque et couvert d’une toison luxuriante,  en psalmodiant « s’il-vous-plait, Madame. S’il-vous-plaît Madame.». La voix n’indique pas clairement la classification des chromosomes de la créature, pas plus que ses vêtements, il y a juste ce torse velu et l’ombre d’une barbe qui font pencher vers « un » et puis le sein fripé et les faux cils qui la ramènent vers « une ». Ce genre de question ou discussions est désormais interdit, et finalement, elle s’en fiche. Elle, c’est une elle, au moins de ça elle ne doute pas.

 

Elle a le temps de déposer ses trésors alimentaires chez elle. Bio, c’est pas sûr, mais en tout cas du vrai. Les filières officielles ne distribuent plus, désormais, que de la viande de carton recyclé, des farines de mouches et de fientes d’oiseaux, des légumes faits sur le modèle des surimi dont la couleur ne cherche même plus à ressembler à celle qu’elle devrait avoir. Broccoli et carottes fluo, raisins bleus, fraises rose thé sont supposés mettre l’eau à la bouche. Certes, c’est bon marché, et le Gouvernement l’affirme : tout est contrôlé, testé, sans danger et rempli de vitamines ajoutées. La terre est enchantée, ainsi que Greta (qui est devenue dingo et a hurlé, lors de sa dernière apparition, qu’on lui avait volé ses vieux jours sereins…). Par la filière officieuse, on trouve encore le produit de la terre, des vrais poulets (maigrichons et chers, mais délicieux), des légumes frais aux couleurs honnêtes, parfois - très rarement - un morceau de viande comme dans les vieux films. Du vin maison, de l’huile maison, du lait – rarissime. Les bouilleurs de cru ont resurgi, à la grande joie de beaucoup. Ainsi que les rebouteux qui enfin sont à nouveau considérés et prospères autant qu’on puisse l’être quand on doit vivre sans se faire remarquer. On a redécouvert la succulence des ragondins en sauce et du pâté de merles. On fait secrètement pousser endives et champignons dans les caves.

 

Ensuite elle ira à la séance des Vestales Invincibles, où en cercle et la tête couronnée de coquilles d’œufs, d’épis de blé et de maïs secs, de plumes de geais, et de pinces de crabes entrelacés, on chante des hymnes clamant que les beaux jours d’antan reviendront en force, que le monde opulent de la bonne nature reviendra, n’étant qu’endormi pour 100 ans comme le fut la Belle au Bois autrefois. Il suffit de ne jamais abandonner l’espoir.

 

Des rumeurs révoltantes circulent, mettant le feu de la rage aux joues si on n’y prend garde : on aurait vu des ministres se gaver de foie gras, se saouler de champagne, faire des bagarres de croissants aux réunions, s’écraser des tartes à la vraie crème de vraie vache sur le museau quand les sujets deviennent trop épineux. On aurait vu les écolos faire des courses de voitures sur les autoroutes crevassées et presque désertes – mais on dit aussi que le circuit de Francorchamps a été refait pour le plaisir de ces … on ne peut plus dire Messieurs-Dames, on dira donc choses. Le roi et sa famille ont été exilés et le palais est occupé par « la présidence », (on ne peut pas dire si c’était un ou une au départ, c’est interdit), un couple qui dit incarner la liberté dans sa gloire : les deux sexes de la présidence ont été changés par leur décision après mûre réflexion alors qu’ils avaient cinq ans, et ils sont amicalement surnommés Mint and Pink pour la couleur de leurs extensions respectives. On a pu assister en direct à la mise en bocal des embryons de leur future progéniture, et chaque mois on publie la photo officielle de toute la fratrie : autant les faire tous d’un coup. Il paraît qu’on peut déjà savoir par télépathie quel sexe ils ont choisi, un seul sur les quatre veut être hermaphrodite…

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Vive la rentrée ! ET voici le premier texte du concours "Décrivez un futur tel que vous le rêvez ou le cauchemardez"

Publié le par christine brunet /aloys

DES CAUCHEMARS JUSQU'À LA FIN DE LA VIE DE MARIE-LAURE

 

Le matin, à son réveil, Marie-Laure est souvent imprégnée de ce cauchemar prévisible et matinal qui la questionne  tant et qui ne va sûrement pas tarder à se manifester de nouveau.

Chaque matin à dix heures précises, le téléphone sonne. Elle décroche, reconnaît la voix et les formulations de Pierre. Pourtant, elle sait que cela est impossible puisque Pierre, son époux, est mort voici plus de dix ans. Elle est certaine que c'est par la magie et le pouvoir de l'intelligence artificielle, que cet homme, qui n'en est pas un, glisse des mots tendres puis des conseils, des petits reproches ou souvenirs au creux de son oreille. Cependant, qui peut l'appeler encore "mon petit canard", qui d'autre que lui peut avoir ce rire qui se prolonge et remet le couvert après s'être presque éteint, qui d'autre peut lui reprocher des faits si précis et la complimenter pour d'anodines réussites, qui d'autres peut évoquer des anecdotes tellement intimes ? Alors, elle se contente d'acquiescer et de contenir sa colère. 

Marie-Laure continue de vivre à une époque qui ne lui convient pas, voilà son sort et son tort, se dit-elle au fil des heures, des jours, des semaines, des mois. Plus le temps passe, plus elle regrette de vivre encore. Elle aurait dû s'en aller avant ses quatre-vingt-quinze ans ainsi que l'a fait Pierre. Elle se dit qu'elle devrait peut-être hâter sa fin.

Si elle avait rejoint les étoiles voici dix ans, elle n'aurait pas eu droit à ce coussin de massage qui remplace les mains de Kévin, le gentil kinésithérapeute qui s'occupait de Pierre. Le coussin n'a pas une voix d'ange, le coussin ne prononce pas des paroles réconfortantes, parfois maladroites mais réconfortantes parce que sincères, il ne bredouille pas, il n'hésite pas, il n'éternue pas, il n'appuie pas trop fort ou pas assez fort, il ne boit pas de café, il ne sent pas la lavande. Elle ne devrait pas non plus porter un casque d'immersion virtuelle pour vivre des moments de soi-disant vacances au bord de sa plage préférée, pour visiter le musée des beaux-arts où elle est tant allée.

Elle tape sur le bras de son fauteuil : "Vous êtes tous des tricheurs, des paresseux, vous qui avez fait de machines vos esclaves !"

L'autre jour, un drone avait déposé un cadeau sur la terrasse. L'autre jour, elle a regardé une émission de télévision datant de quelques années durant laquelle Pierre participait à un débat. Ce n'était pas Pierre, bien sûr. Pierre n'aurait jamais porté une chemise bleue pour ce genre d'intervention, il n'aurait jamais tenu les propos qu'on lui attribuait !

"Pierre, mon pauvre Pierre, on te fait mentir ! On refuse d'assumer ton départ ! On t'utilise à des fins publicitaires, politiques, mercantiles, toi qui a vingt ans manifestait avec d'autres étudiants dans les rues de la capitale. On te fait dire n'importe quoi. Tu pourrais faire une déclaration d'amour à une actrice décédée ! Tu pourrais être l'auteur de textes dont tu n'aurais pas voulu écrire une seule ligne."

Marie-Laure pleure. Le robot aspirateur, elle n'en veut plus. Un jour, oui un jour, elle le détruira.  

Marie-Laure a conscience de vivre dans un monde où on trompe la confiance des gens. Quand elle est accueillie par un robot dans le hall d'entrée de la résidence où vit sa belle-sœur, elle a envie de crier : "Ça suffit. Je préférerais être accueillie par une personne moche, un peu idiote mais souriante que par toi espèce d'usurpateur." Des espions sont partout. Nous sommes épiés, prisonniers de caméras, sous l'emprise de drones, songe-t-elle. Le smartphone de Marie-Laure sonne. Elle décroche. C'est la voix de sa sœur aînée, décédée elle aussi. Elle l'appelle choupette, elle dit : "Reprends-toi, choupette. Mange un bout de chocolat…"Dans ce monde connecté, on lit même dans ses pensées.  Elle raccroche et pleure de nouveau.

Demain, oui demain, le pourcentage de messages réels sera inférieur à celui des messages mensongers, l'intelligence artificielle décidera à sa place, choisira pour elle où elle doit vivre, à quels loisirs elle doit se livrer, comment elle doit placer son argent, quelles décisions difficiles elle doit prendre dans l'urgence. Un jour, elle parlera à sa place, lui attribuera des notes de savoir-faire et de savoir-vivre, lui ordonnera de se suicider ou pas.

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