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A deux pour la vie, le dernier épisode du feuilleton de Carine-Laure Desguin

Publié le par christine brunet /aloys

A deux pour la vie, le dernier épisode du feuilleton de Carine-Laure Desguin

Episode 4 : Dans la galerie d’art…

— Monsieur Leclerc ? Ah oui, monsieur Leclerc a pris son repas très tôt ce matin, je suis désolé mademoiselle ! affirma le garçon de salle en s’affairant pour réassortir le buffet.

— Bien, bien…

— Déposez le livre à la réception ou attendez jusqu’à ce soir, monsieur Leclerc passera encore une nuit ou deux dans cet hôtel !

— Ah, très bien alors !

Une grosse pelote couverte d’aiguilles lui traversait la gorge. Son cœur était meurtri et un grand vide lui signalait qu’elle, Estelle Debierge, venait de sombrer dans un romantisme qui ne lui ressemblait guère, et c’est bien cela qui la tracassait. Le visage de Medhi Leclerc s’était imprimé devant ses yeux et son sourire ne cessait de la regarder. Il lui semblait qu’elle le voyait partout, sur les trottoirs, dans le métro, sur les façades des immeubles, partout.

Au cimetière de Montmartre, elle prit de nouveaux clichés mais ne découvrit plus rien de palpitant. Elle semblait porter moins d’intérêt à la tombe de « La Goulue », et à tous ces artistes que l’on enterrait la nuit. Est-ce vraiment ces balivernes qui attireraient l’attention des adolescents ? Toute la journée, elle traîna les pieds sur le boulevard de Clichy, et c’est avec toutes les peines du monde qu’elle grimpa vers le haut de la butte. Dans la rue Gabrielle, une rue assez calme, elle vit qu’on débarquait d’un camion de très grandes fresques et ce déménagement attira son regard. Elle s’approcha et, à travers une des larges fenêtres, elle s’aperçut qu’une nouvelle galerie d’art prenait ses quartiers. A l’intérieur, deux hommes s’affairaient, ils calculaient des hauteurs, se passaient des cimaises, discutaient en montrant les fenêtres, sans doute des discussions par rapport à la luminosité. Cela distrayait Estelle mais soudain, sa respiration se coupa net. Était-ce possible ? Là, entre les tableaux, les rouleaux de papiers et toutes sortes d’outils, l’étreinte d’un homme et d’une jeune femme. Cette chevelure, ce dos, cette silhouette…Le couple se retourna et elle ne pouvait se tromper ! Cet homme qui embrassait goulument cette gamine, c’était …Medhi Leclercq ! Elle vit les yeux de braise de l’homme qui lui avait fait la cour toute une soirée ! Elle ne reconnut pas sa veste de tweed mais qu’importe. C’était donc ça, les quelques jours à Paris, chaque mois ! Monsieur ouvrait une galerie d’art et monsieur n’était pas libre !

Estelle pleurait de rage. Au lieu de grimper jusqu’à la butte, elle dévala quatre à quatre les petites rues et tous leurs escaliers, elle ne voyait plus rien, sa vue se brouillait. Essoufflée et en pleurs, elle rentra au café des Deux Moulins. Et ne s’assit pas ! Sous le regard consterné des clients, elle s’éclipsa et déambula presque toute la nuit dans les rues de Montmartre, aveuglée par ses sanglots et toutes sortes d’autres sentiments qui lui passaient par la tête. Vers trois heures du matin, elle s’écroula sur son lit et prit l’oreiller à témoin. Elle pleurait encore et s’en voulait d’être tombée dans le panneau, dans cette fameuse comédie qu’était l’amour. Elle, une fille intelligente et carriériste, pourquoi avait-elle dérogé de sa ligne de conduite ? Elle regarda le stylo que ce malhonnête avait eut l’audace de lui rendre, la veille au soir. Elle se souvint que ce matin encore, elle avait embrassé le stylo, cet objet qui avait frôlé la main et sans doute une partie du corps de Medhi Leclerc. Elle passa de longues heures à pleurer de rage et le lendemain matin, le miroir lui renvoya l’image d’une fille au visage déconfit qui n’avait pas fermé l’œil de la nuit.

— Bonjour Estelle, je vous ai attendue, hier soir…

Estelle mordillait dans son croissant, buvait une gorgée de café, elle se demandait ce qu’elle allait pouvoir répondre à ce Medhi Leclerc. Elle avait envie de le gifler et d’envoyer valdinguer dans son visage café, lait et confiture. Mais il lui sembla tellement irrésistible, là, debout devant elle, dans son beau costume de tweed et elle vit une telle interrogation au fond de ses yeux – presque du désarroi –, qu’elle se décida :

— J’ai pensé qu’après une journée comme celle que vous avez subie hier, vous aviez bien mérité votre repos…

— Permettez-moi, dit-il d’un air consterné et en prenant place juste en face d’Estelle, je ne comprends pas….Hier….Hier…

— Oui, hier, interrompit-elle et, reprenant ses esprits, hier, vous étiez tellement occupé dans cette galerie d’art, rue Gabrielle, que…

— Oui, hier ! J’ai passé la journée à enlever d’un gigantesque camion des peintures de toutes les grandeurs afin d’accélérer la mise en place de la nouvelle galerie d’art de mon frère…

— Votre frère ?

— Oui, mon frère jumeau, Joachim ! Il est artiste peintre et le vernissage de sa nouvelle galerie aura lieu la semaine prochaine ! Et j’ai l’impression d’être le seul à travailler, je viens plusieurs jours par mois à Paris, pour l’aider ! J’en délaisse même ma propre galerie de Lille ! Et le gredin, pendant que je m’affole avec toutes ses toiles, il passe tout son temps à courtiser sa nouvelle compagne ! Sous mes yeux !

— Oh, je comprends tout à présent ! Si vous voulez, asseyez-vous donc ici… ….Nous avons pas mal de choses à nous raconter…

Medhi caressa la main d’Estelle pendant tout le temps que celle-ci lui raconta, soulagée, la vérité sur ce voyage à Paris.

Rue Gabrielle, quelques jours plus tard…

Dans la grande salle, les invités embrassaient de leurs regards émerveillés les peintures signées Joachim Leclerq, de grandes fresques aux paysages surnaturels. Les portes étaient ouvertes et s’infiltrait à travers la foule un léger et délicieux vent printanier.

— Et si on rentrait à l’hôtel ? murmura la voix sensuelle de Medhi.

— Oui, répondit Estelle, avec de jolies flammes très coquines au fond des yeux…

Ce soir-là, arrivés devant les portes de l’ascenseur, les amoureux se blottirent dans les bras l’un de l’autre. En espérant prolonger cet instant pour l’éternité.

Carine-Laure Desguin

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A deux pour la vie, le feuilleton signé Carine-Laure Desguin

Publié le par christine brunet /aloys

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Episode 3 : La déception

Dans le cimetière de Montmartre, Estelle n’eut aucune peine à renifler des idées pour son article. Elle se sentait pousser des ailes et l’inspiration précédait ses pas. Son appareil-photos lâchait des « clic clac clic clac » au coin de chaque allée. Elle rencontra même un employé fort bavard qui, entre la tombe de « La Goulue », cette danseuse de French cancan et celle de Francis Lopez, le compositeur d’opérettes, lui raconta l’époque où les artistes étaient enterrés durant la nuit, bien à l’abri de tous les regards ! Estelle était ravie, elle avait hâte de renter à l’hôtel et de laisser ses doigts parcourir son clavier, elle tenait son article ! Elle raconterait l’enterrement d’un comédien ou d’un musicien, en pleine nuit…Elle imaginait déjà la tête du boss lorsqu’il annoncerait que les ventes de ce nouveau magazine dépasseraient de loin les chiffres espérés et que, par la même occasion, les promotions pleuvraient parmi le personnel. Diable – un mot qu’il s’agissait d’utiliser à tort et à travers lorsqu’on dirigeait un mag qui s’appelle Gothics ados – que ce printemps était beau, grand et plein de promesses !

Elle passa la soirée dans le café des Deux Moulins, café dans lequel Amélie Poulain exerça le métier de serveuse et, durant deux ou trois heures, elle pianota sur son pc. Les mots se bousculaient et les idées s’enchaînaient les unes sur les autres. Elle se sentait tellement heureuse lorsque le visage de d’Artagnan s’infiltrait entre les allées parfois morbides de ce cimetière ! Elle s’aperçut alors que son cœur battait bien plus vite que de coutume et elle espérait que le lendemain matin, au petit déjeuner, elle pourrait croiser de nouveau ce prince charmant.

Le jour commençait à replier ses paupières. Estelle déambulait dans les rues de Montmartre, revenant parfois sur ses pas, et traversant deux ou trois fois la même rue. Place du Tertre, un peintre lui demanda pour poser. Ce qu’elle fit. Vous êtes lumineuse, lui dit-il, remontez le col de votre blouson bordeaux, voilà comme ça, et inclinez-vous de trois-quarts vers la gauche, en direction de ce restaurant… C’est vrai qu’Estelle était une jolie fille. Grande et brune. Des rondeurs, juste ce qu’il fallait pour que les hommes se retournent sur elle, et mises en valeur par des tenues très mode et colorées. Des yeux verts dans lesquels ondulait un bleu azur lorsque les reflets de la lumière le permettaient.

Il était tard lorsqu’Estelle rentra à l’hôtel et elle n’eut le temps d’appeler l’ascenseur que le réceptionniste lui signala qu’elle était attendue depuis une heure déjà, au bar.

La surprise n’en fut pas une. Ce moment, elle l’attendait. Oh, bien sûr, elle aurait préféré se doucher, se parfumer et liquider ce sac encombrant et cet ordinateur qui avait pesé lourd sur ses épaules…

D’Artagnan était là, relax et souriant, assis devant un verre, les yeux rivés vers Estelle qui s’approchait de lui.

— C’est vous qui m’attendez ? dit-elle en prenant un air dégagé, tout en se débarrassant de la large bandoulière de son sac.

— Vous voyez quelqu’un d’autre ici ? demanda Medhi Leclercq sur un ton badin, presque moqueur.

— Voyons, ce pourrait être cet homme, là, sur la peinture murale !

— Ah, ah, ah, et pleine d’humour avec ça ! Jeune, jolie, et pleine d’humour ! Je vous attendais…Ce matin, vous avez oublié ceci, dit-il en avançant sur la table un stylo doré d’une marque connue et en la priant de s’asseoir d’un geste de la main.

— Oh, ça alors, je pensais qu’il s’était perdu …dans mon sac !

— Jeune, jolie, pleine d’humour…et distraite ! Vous prendrez bien un verre avec moi, s’enquit-il d’une voix de velours.

— Volontiers, un jus d’oranges pressées s’il vous plaît, répondit-elle en s’asseyant sur le fauteuil en cuir noir juste en face de cet homme au regard de feu, tout en rangeant à côté d’elle sac et ordinateur.

Estelle rageait quand même. Elle aurait voulu se recoiffer, se maquiller un peu, se mettre au mieux. Le regard de braise ne la quittait pas, ça la rendait presque mal à l’aise. Un groupe de touristes débarqua, des chinois. Ça jacassait dans le hall de l’hôtel qui soudain se transforma en une fourmilière.

— Vous êtes ici pour quelques jours ? demanda d’Artagnan.

— Je suis ici pour affaires, répondit Estelle, d’un air sérieux, presqu’intellectuel.

En réalité, elle sentait un grand frisson lui parcourir tout le corps et pour lâcher cette phrase, elle avait rassemblé ses esprits au maximum. Elle ne voulait pas dévoiler au premier venu la raison réelle de ce voyage à Paris. Estelle sentait bien qu’il se passait quelque chose entre ce Medhi Leclerc et elle. Elle aurait voulu rester assise là toute la nuit. Dans le silence, dans le bruit, qu’importe. Ce type dégageait une sérénité peu commune tout en remplissant l’atmosphère d’une énergie envoûtante. Elle aurait voulu lutter, extirper de sa tête le visage et la silhouette de cet intrus. Sa volonté disait non et son cœur disait oui, lourd dilemme.

— Ça ne va pas ? Vous êtes contrariée ?

— Non, non, aucunement, je….Je réfléchissais !

— Oui, les affaires, toujours les affaires. C’est sérieux, n’est-ce pas ?

— Oui, je suis étudiante en architecture et je visite d’anciens sites industriels reconvertis en lofts. En lofts ou …tout autre logement.

— Ah, c’est donc cela, vos affaires…

Estelle aurait voulu reprendre ses paroles mais c’était trop tard. Ce mensonge était sorti tout de go. Pour Estelle, étudier l’architecture était plus glorieux que de chercher des sujets pour un article de presse dans un cimetière parisien, tout cela afin d’intéresser de jeunes glandeurs gothiques.

Medhi Leclerc était si élégant dans son veston de tweed qu’Estelle l’imaginait à un poste valorisant. Elle ne comprenait même pas comment, hier soir dans ce taxi, elle n’avait rien perçu du charisme de ce type. Dieu comme je suis bête, pensa-t-elle.

Le dialogue était entrecoupé de longs silences. Estelle Debierge ne savait où déposer son regard tandis que Medhi Leclerc, lui, n’hésitait aucunement. Il détaillait le corps de son invitée et il devait se rendre à l’évidence, Estelle Debierge était une fille vraiment bien roulée, dont il venait de tomber amoureux. Dans ses veines, il sentait crépiter mille feux et il aurait voulu passer la main dans ces jolies boucles brunes et puis déposer un baiser sur ces délicieuses lèvres. La veille, il avait tellement aimé partager ce taxi avec cette jeune femme sûre d’elle et armée d’une pareille répartie. Ça l’avait beaucoup amusé.

— Vous n’avez donc pas soif ?

— Oh oui bien sûr, je ne me souvenais même pas que j’avais commandé un jus d’oranges ! dit-elle en balayant d’un geste quelques mèches de cheveux.

— L’air de Paris, sans doute ! Cette ville-lumière est …est…

— Suffocante !

— Suffocante ? Vous étouffez ?

— Non, je voulais dire…énivrante, c’est ça, énivrante !

Et ils eurent tous deux un terrible fou rire.

— Excusez-moi mais je dois vous laisser, je…

— Oui, je comprends, vos affaires…

— C’est ça, des dossiers m’attendent encore et vous savez, l’architecture, c’est…c’est…

— C’est l’architecture !

— Oui, c’est bien ça !

Medhi Leclerc se sentit tellement malheureux lorsqu’il regarda s’éloigner la silhouette presque parfaite de cette jeune étudiante en architecture qu’il se demandait pourquoi il ne lui proposait pas, là, tout de suite, un peu plus si …affinités. Il essaya de deviner son âge et se dit que si Estelle Debierge était encore étudiante, elle ne devait avoir qu’une vingtaine d’années. Et lorsqu’il lui annoncerait que lui en avait une quinzaine de plus…

Estelle monta dans l’ascenseur et lorsqu’elle voulu appeler son étage, une main d’homme recouvrit la sienne. Les lèvres de Medhi se rapprochèrent de celles d’Estelle et ils échangèrent dans l’ascenseur un long et tendre baiser. Medhi appuya plusieurs fois sur les boutons afin de prolonger le voyage. Estelle se sentit saisie d’un vertige au fur et à mesure que l’étreinte se prolongeait. Quant à Medhi, l’enthousiasme de la jeune femme l’excitait de plus en plus et il imaginait très bien leurs deux corps, nus sur une couverture de velours, devant un feu ouvert dont les flammes rouges et jaunes crépiteraient et illumineraient leurs beaux visages aux lèvres gourmandes.

Cette nuit-là, Estelle ne dormit pas. Elle avait beau chasser de son esprit le profond regard de Medhi Leclerc et s’en vouloir de s’amouracher du premier venu, les battements de son cœur parlaient pour elle et ses joues en feu lui donnaient l’impression d’un volcan sur le point de cracher sa lave. Lutter contre sa volonté était vain et elle aurait aimé accélérer le temps et se retrouver, en un seul clic du doigt, le lendemain matin devant le buffet du petit déjeuner. Et, à proximité d’elle, Medhi Leclercq.

Mais le mercredi matin, personne. Estelle attendit et resta à table jusqu’à presque dix heures. En vain. A chaque claquement de portes, chaque éclat de voix, elle pensait apercevoir le chevalier d’Artagnan. Personne. Les chinois ne cessaient de la saluer en passant à côté d’elle et ça commençait à l’agacer. Elle se décida enfin :

— Excusez-moi mais hier, monsieur Leclerc m’a prêté un livre et je pensais lui remettre ce matin mais…

Carine-Laure Desguin

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A deux pour la vie, un feuilleton signé Carine-Laure Desguin

Publié le par christine brunet /aloys

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Episode 2 : L’hôtel

 

Estelle, distraite, n’avait pas encore regardé toutes les fiches transmises par Claudine. Elle fouilla durant de longues minutes dans son sac, retira l’enveloppe grise et chercha le nom de son hôtel.

— Je ne vous entends pas, pesta le taximan d’une voix exaspérée, doublée d’un lourd accent maghrébin.

— Boulevard de Caulaincourt…..Hôtel Mercure, lança Estelle, soulagée de n’avoir pas cafouillé plus longtemps.

— Nous sommes donc dans le même hôtel vous et moi !

— Ah oui ? s’exclama Estelle.

— Oui, je viens de signaler au chauffeur le nom et l’adresse de mon hôtel…

— Excusez-moi, je suis dans les nuages, répondit-elle en regardant innocemment par la vitre de la voiture.

— Vous êtes deux étourdis, intervint le chauffeur de taxi, le monsieur ne m’avait pas donné l’adresse de son hôtel ! Dans mon pays on dit que de l’étourderie peut naître le grand amour !

— Et ici, interrompit Estelle, on dit que de l’étourderie peut naître de grandes catastrophes !

— Oui, c’est plus ou moins la même chose, continua le chauffeur de taxi, en pouffant de rire.

Tout en consultant la messagerie de son pc, l’inconnu écoutait d’une oreille attentive la conversation. Plusieurs fois, la sonnerie de son gsm retentit mais il ne répondit pas. A la première sonnerie déjà, Estelle sursauta car la musique ressemblait au bruit d’un bateau en train de couler, un « sploutch » qui n’en finissait pas. « Encore un drôle de gars », avait-elle pensé.

La jeune femme s’émerveillait de voir à cette heure les artères de la capitale grouillantes de vie. Paris, une ville qui ne s’éteignait jamais. Estelle aurait aimé visiter tellement de choses ! Pourquoi ce boss ne lui avait-t-il pas proposé de piétiner les ruelles souterraines des catacombes ? C’est un sujet original qui aurait bien collé avec le style de ce nouveau magazine !

La promenade Georges Ulmer, éclairée par les enseignes fluorescentes du quartier de Pigalle, était encore envahie de promeneurs, d’étudiants, d’amoureux, et de vagabonds. C’est vrai que l’air était encore doux et que nous étions dans les premiers jours du printemps. Les gens avaient hâte de respirer et de caresser ces belles soirées aux couleurs lumineuses. Pour un peu, Estelle oublierait que c’était pour extirper de l’inédit d’un cimetière connu pour ses curiosités funéraires qu’elle se trouvait là, coincée contre cet inconnu qui l’aborda de façon si grossière dès son arrivée dans la ville-lumière.

— Voilà, nous sommes devant vos appartements, les tourtereaux !

Le chauffeur jeta un œil sur son compteur et demanda son dû :

— Vingt-deux euros, s’il vous plaît monsieur !

— Onze euros chacun, si je compte bien ! interrompit l’inconnu, sur un ton glacial.

Sans discuter, Estelle tendit de suite la somme exacte et s’empressa de quitter ce taxi, après avoir souhaité une bonne soirée aux deux hommes.

Derrière elle, le chauffeur de taxi grommelait, il n’avait pas de monnaie, et l’inconnu s’étonnait de ne pouvoir utiliser sa carte bancaire…

— Estelle Debierge, de la société Simon S.A., bonsoir monsieur, une chambre devrait être retenue à mon nom, dit-elle d’une voix lasse en donnant sa fiche de réservation et en lâchant, par mégarde, son sac.

Le réceptionniste pianota sur le pc, imprima un document qu’Estelle signa au plus vite, et donna à sa cliente la carte de la chambre 211. Ce n’est pas la première fois qu’Estelle débarquait dans cette chaîne d’hôtel. Elle s’y sentait comme chez elle, à l’aise.

 

Le lendemain matin, Estelle avait déjà entamé de dix minutes le petit déjeuner que l’inconnu entra dans la salle. Il balaya de son regard vif et profond les quelques tables déjà occupées malgré cette heure matinale. Entre un couple d’anglais qui devant une carte de la capitale cherchait la place Vendôme, et deux étudiantes belges qui discutaient des heures d’ouverture du Louvre. Estelle jouait à la femme d’affaires surbookée. A aucun prix elle ne désirait parler avec cet inconnu. Le premier contact de la veille au soir lui avait suffit, Dieu merci. Elle grignotait son croissant tout en rivant son regard sur le pc et ensuite elle fit semblant d’envoyer un sms. L’inconnu piétinait devant le buffet, il prenait son temps et remplissait sa corbeille au maximum : des viennoiseries, des croissants, des petits pains au chocolat, du beurre, du miel... Il s’assit un peu plus loin qu’Estelle et il ne lui fallut que quelques secondes pour que sa table ressemble plus à un capharnaüm qu’à autre chose. A tel point qu’autour de lui, les visages prenaient un air ébahi. De temps en temps il jetait un regard furtif en direction de cette jeune rebelle, détaillant une fois ses seins rebondis sous le corsage d’une robe girly et une autre fois son visage de poupée, maquillé juste ce qu’il fallait pour laisser son teint naturel s’exprimer. Tout à coup n’y tenant plus, il se leva d’un bond ou presque, et regarda Estelle d’une façon très intensive. Celle-ci ne releva pas la tête, elle feignait d’être absorbée par la messagerie de son gsm tout en s’enroulant les doigts dans les boucles brunes de sa chevelure. Néanmoins lorsque la silhouette de ce garçon frôla sa table, elle se sentit observée avec intensité.

— Bonjour monsieur Leclerc ! dit le garçon de salle, les bras chargé d’une corbeille débordante de petits pains au chocolat.

— Ah, bonjour, toujours fidèle au poste !

— Merci monsieur et bon séjour parmi nous ! répondit le jeune homme sur un ton enthousiaste.

— Aucun problème, je reviens ici tous les mois, comme vous voyez ! Tout est parfait ici, il manque quelque chose et hop, vous accourez ! Que demander de plus ? répondit-il, tout en se servant un grand verre de jus d’oranges, l’air faussement décontracté.

Estelle n’avait rien perdu de la conversation et fut surprise de comprendre que son inconnu n’était pas un inconnu du tout pour le personnel de cet hôtel. Tempérament de journaliste oblige, elle commença à se demander pourquoi ce monsieur Leclerc venait dans cet hôtel chaque mois. Le boulot sans doute conclut-elle, et elle s’aperçut de son erreur, elle venait d’envoyer un message à Hugo, son frère, au lieu de l’envoyer à son amie Marielle. Estelle pesta, elle se sentait troublée et ce, bien malgré elle. Lorsque l’inconnu qui n’en était vraiment plus un regagna sa table, Estelle ne put s’empêcher de le regarder s’installer. Il était grand, portait une veste chic en tweed gris et, même de dos, il dégageait une certaine élégance. Les cheveux châtains clairs mi-longs la firent sourire et de suite le visage de d’Artagnan lui apparut devant les yeux. Peut-être « belle gueule » se dit-elle en laissant son imagination s’emballer mais « sale caractère », c’est sûr à cent pour cent conclut-elle, en se remémorant les paroles autoritaires entendues la veille. Estelle ne détacha pas les yeux de ce monsieur Leclerc. Elle trouvait délicieux d’observer tous les gestes de cet homme qui lui tournait le dos. Sa façon de ranger ses petits pains était irrésistible et elle se prit à imaginer les mille et une raisons de cette visite mensuelle dans la ville-lumière. Un antiquaire ? Chaque mois, il venait aux puces, pêchant l’un ou l’autre objet rarissime. Un conférencier ? Elle voyait ce monsieur Leclerc devant un écran lumineux, étalant son savoir de mathématicien devant des universitaires binoclards. Et puis elle s’en voulut. Rêvasser au sujet de situations idiotes lui avait déjà joué des tours et les désillusions avaient cloué au sol de bien belles images.

Par la grande fenêtre juste à sa gauche, Paris s’étalait et, quoique son séjour avait une destination obligatoire – ce fameux cimetière de Montmartre –, les paroles de Claudine, la secrétaire sexy, refirent surface. Tout à coup, Paris lui paraissait immense et très belle, un peu comme une grande scène de théâtre sur laquelle des dizaines de comédiens et comédiennes tenaient un rôle. Un grand souffle de liberté lui parcourut le corps et elle avait à présent une envie folle de dévaler les rues de ce quartier que tant d’artistes avaient fréquenté et aimé. Et puis après tout, c’était à Montmartre qu’Amélie Poulain avait vécu son fabuleux destin !

Estelle rassemblait ses affaires quand elle sentit que l’atmosphère se chargeait d’un courant d’énergie, des ondes électriques excitaient l’air ambiant…

— Bonjour mademoiselle, je reprends un verre de jus d’orange… et vous, désirez-vous un verre également? Hier, j’étais un peu fatigué et énervé, je me suis comporté comme un goujat. Oh, je me présente, Medhi Leclerc.

Estelle resta muette quelques secondes. Elle sentit ses joues rougir et son regard s’enflammer. Cela la rendait encore plus confuse. Et plus jolie aussi. L’homme qui se tenait devant elle avait en plus de la chevelure de d’Artagnan, la moustache et la barbichette caractéristiques. C’était troublant…

— Heu, Estelle Debierge, bredouilla-t-elle, non merci, je terminais justement et je partais, non…

— Non ?

— Heu, non, je n’ai pas pensé que vous vous comportiez comme un goujat !

— Ah, vous êtes trop indulgente…Je vous souhaite une belle journée ! Et elle sera belle, regardez, Paris vous ouvre ses bras !

Estelle jeta un regard naïf par la fenêtre, comme si effectivement on pouvait voir Paris, avec de grands bras qui s’ouvraient…

Sûr de lui, Medhi Leclerc traversa la salle en direction du buffet, laissant derrière lui les effluves d’une eau de toilette musquée et énivrante. Estelle ressentit un grand frisson et ses tempes commencèrent à bourdonner. Le regard appuyé de ce d’Artagnan, sa voix dont elle cherchait encore l’adjectif pour la qualifier, tout cela lui sembla magique.

 

Carine-Laure-Desguin

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A deux pour la vie

 

Episode 1 : Estelle reçoit une promotion

 

— Une bonne nouvelle pour toi, Estelle.

Le boss avait lâché ces mots avec de l’ironie dans la voix et Estelle s’attendait à un coup foireux, une fausse promotion, l’écriture d’un article à six mains ou une autre absurdité dont seul ce boss atterri de nulle part connaissait la recette. Depuis que ce macho dirigeait ce magazine –L’Il et l’Elle –, tout était chamboulé, le personnel avait perdu ses repères et les ventes chutaient de mois en mois.

Estelle décrocha les yeux de son pc et ne put s’empêcher de couler un regard vers la porte car le boss avait la désagréable manie d’entrer sans frapper. Elle voulait le lui rappeler, poliment.

— Bonjour monsieur, je vous écoute, dit-elle en rangeant quelques paperasses, après avoir chipoté le nœud de son foulard fushia, histoire de se donner une contenance.

Le boss, un type grand et maigre dont aucun trait ne reflétait une quelconque marque de sympathie, tout en lançant un regard circulaire dans la pièce qu’Estelle occupait depuis cinq années déjà, dit, sur un ton neutre :

— Comme tout le monde le sait maintenant depuis la dernière réunion, le président de notre société a donné le feu vert et libéré les fonds pour le lancement de ce nouveau magazine « Gothiques ados » et c’est toi qui pars à Paris.

— A Paris ! s’exclama Estelle qui s’arrêta net de fouiner dans ses dossiers, la bouche en accent circonflexe et le souffle quasi-coupé.

— Tu obtiens une rubrique que tu pourras gérer comme bon te semblera. Je t’accorde un an. Pour le premier numéro de ce magazine, je voudrais que tu files trois jours à Paris et que tu me pondes un article concernant le cimetière de Montmartre. Des lignes qui alimenteraient la curiosité de ces jeunes accrocs de lieux glauques tout en leur soufflant des miettes de culture générale, le principe même de notre ligne éditoriale.

Estelle venait de passer en quelques secondes d’un état de fébrilité intense à celui d’un glaçon dans le surgélateur. Elle avait humé l’air de Paris, ses beaux quartiers, ses nuits délirantes, et tout d’un coup, les gaz sulfureux des moribonds urbains lui chatouillaient les narines.

La sonnerie d’un gsm retentit et le boss s’éclipsa, en prenant au vol une feuille et un crayon. Une silhouette de fantôme, ce boss.

Estelle resta figée, recula son siège d’un geste brusque, secoua la tête et puis enfouit celle-ci entre ses mains. Ses beaux cheveux bruns et soyeux s’étalaient entre ses doigts comme un écran entre les désirs de la vie et les dures réalités du quotidien. Elle avait prévu une sortie sympa avec ses copines, Sophie et Marielle, et l’idée de se rendre à Paris, qui plus est, au beau milieu d’un cimetière, la rendit furieuse. Pourquoi bon Dieu venait-on systématiquement contrecarrer ses projets ? Bien sûr, la responsabilité d’un nouveau magazine restait une belle opportunité pour une carriériste comme elle mais…

A ce moment-là, Claudine, la secrétaire de Simon S.A. frappa et entra avec, entre les mains, une épaisse enveloppe grise.

— Voilà ma belle, tu prends le train dès ce soir pour Paris et tu nous reviens vendredi matin, avec dans la mémoire de ton joli pc, des photos inédites et un article décliné une dizaine de fois, pour les dix humeurs journalières du boss ! Dans l’enveloppe, les billets et l’adresse de ton hôtel ! N’oublie pas les justificatifs pour tes frais, comme d’hab ! Et crois-moi, avec ton dynamisme de jeune citadine et ta curiosité artistique, les ventes de ce nouveau magazine pour ados vampiriques flamberont !

Claudine s’était assise d’une façon décontractée sur un coin du bureau, la minijupe lie-de-vin de son tailleur s’ouvrait légèrement et laissait entrevoir un porte-jarretelles noir et rouge très affriolant. La secrétaire sexy compatissait et tentait de trouver les mots justes pour consoler sa jeune collègue, qu’elle pensait si inexpérimentée au sujet des choses de la vie. Elle se disait que quelques jours à Paris, en ce début de printemps, ça ne pouvait qu’émoustiller les humeurs d’une jeune femme et sublimer sa féminité. Et les dandys de la capitale feraient le reste. Estelle affichait un air désespéré et derrière son regard absent, on devinait que toutes sortes d’idées moroses traçaient leur chemin.

— Allons, allons, ma belle, ce n’est pas la fin du monde et puis c’est Paris, quand même ! Trois jours à Paris ! Tu penses bien qu’il te restera du temps pour te balader dans les Grands Magasins, tu ne passeras pas tes trois jours à arpenter les allées de ton cimetière, fussent-elles tellement verdoyantes en ce mois d’avril !

— Je n’y connais rien moi, au cimetière de Montmartre ! Je vais encore glander des heures sur Google tu veux dire, à la recherche d’informations débiles et…

— Oh, positive un peu, ma belle ! Je ne te reconnais pas ! Tu peux t’installer à la terrasse d’un bistro et tapoter sur ton pc ! On ne t’envoie pas dans un couvent ! lance-t-elle tout en se contorsionnant pour feuilleter le calendrier fixé sur le bureau de la journaliste, entre le dernier bouquin de Kate Milie, Noire Jonction, et une pile de cahiers étiquetés projet numéro un, projet numéro deux…

Estelle s’esclaffa et se détendit. Claudine avait l’art de résoudre les conflits intérieurs et d’envelopper les choses d’un optimisme déroutant. Et ça marchait !

— Allez, hop, tu peux filer pour préparer ton sac ! Pendant trois jours, laisse Lille ici, et pars respirer les effluves de ce printemps ! A Paris ! Tu rencontreras peut-être ton prince ! Qui sait ! N’oublie pas ton mascara et tes strings !

— Non mais, tu rêves ! Je suis bien comme je suis ! Je veux rester célibataire !

— Non, non, non, allez, allez, ne recommence pas tes sottises, tu as subi quelques déconvenues et à ton âge, c’est normal ! Attendons la suite ! Et la suite, c’est ce soir ! Et puis au fait, qui te parle de bague au doigt et de longue robe blanche ? Tu vois, tu es bien plus romantique et fleur bleue que tu nous laisses croire ! Tu es une femme, ma belle, une femme !

Paris, gare du Nord, vingt-trois heures. Estelle, sortit de la gare et héla un taxi. Elle traînait derrière elle son gros sac rouge foncé, celui dont les roulettes hurlaient à la mort tous les cinquante centimètres et dont la bandoulière risquait de craquer à un moment ou à un autre.

— Vous ne savez pas faire la file comme tout le monde ? revendiqua un jeune loup aux yeux fatigués, des dossiers épais sous le bras gauche et un trolley au bout de la main droite.

Estelle ne répondit pas et fit mine de traverser la rue.

— Et puis après tout, montez avec moi, vous n’allez pas lacérer la capitale toute seule et à cette heure, jeune provinciale!

— Lacérer ? Provinciale ? s’offusqua Estelle qui n’avait pas sa langue en poche pour répondre du tac au tac.

— Montons dans ce taxi !

Estelle comprit qu’elle n’aurait pas de réponse et obtempéra, bien contente au fond de ne devoir attendre plus longtemps. Après une journée remplie de rebondissements et de précipitations, ce voyage en train et toutes ces images dans la tête, elle se sentait très lasse. Un autre jour, elle se serait éclipsée, par esprit de contrariété et par plaisir de narguer, mais ce soir…

— Hôtel Mercure, à Montmartre, lança l’inconnu au taximan. Et vous ? demanda-t-il sans même daigner tourner la tête pour interpeller la jeune femme.

Fin épisode 1

A deux pour la vie, le feuilleton signé Carine-Laure DesguinA deux pour la vie, le feuilleton signé Carine-Laure DesguinA deux pour la vie, le feuilleton signé Carine-Laure Desguin

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Le parachute oublié, une nouvelle signée Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

Petites et grandes histoires

 

 

LE PARAPLUIE OUBLIÉ

 

 

Pourquoi la météo était-elle aussi mauvaise ce jour-là ? Pourquoi Pierre, mon propriétaire, avait-il  décidé de me prendre, moi son vieux parapluie, alors que depuis des mois, il ne faisait plus confiance qu'à son duffel-coat ?

 

Pourquoi surtout m'a-t-il pris pour aller voir Brigitte ?

 

Vous ne connaissez pas Brigitte ? Je vous explique… Brigitte, 1m70, soixante deux kilos, des mensurations à rendre jalouse une danseuse du Crazy Horse et un sourire ravageur. Brigitte une amie de vingt ans de Marie, la femme de Pierre !

 

Sitôt sur le seuil, Pierre m'a donc ouvert et s'est soigneusement abrité des hallebardes que le ciel faisait tomber. Heureusement, Brigitte habitait le même quartier et quelques minutes plus tard, je me retrouvais tout dégoulinant dans le porte-parapluie de la belle.

 

De là, je pouvais entendre, je pouvais deviner…

 

Les mots doux, le bruit des baisers, les cris de plaisir et même les grincements du lit !

 

Brigitte et Pierre, Pierre et Brigitte, un couple d'amoureux comme on n'en voit plus guère qu'au cinéma… Deux heures après, le soleil brillait, la rue était sèche et Pierre quittait les lieux en m'oubliant !

 

J'ai crié, j'ai appelé, en vain ! C'est vrai qu'un parapluie n'a guère la voix qui porte surtout quand il se trouve à l'écart.

 

Pierre parti, Brigitte a rejoint le salon et a décroché le téléphone… L'après-midi s'annonçait mouvementée puisque Marie venait prendre le thé chez Brigitte et que les nuages s'amoncelaient dans le ciel, signe d'orage imminent.

 

"Laissez-moi partir. Je veux sortir. Je ne veux pas voir ça !"

 

Je suis sûr que cette histoire finira mal ! Marie est bien capable de me casser sur le dos de son coquin de mari !

 

 

Louis Delville

 

http://louis-quenpensez-vous.blogspot.be/

delvilletete

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Vineta, un conte de Didier FOND

Publié le par christine brunet /aloys

Vineta, un conte de Didier FOND

VINETA

Une légende allemande…

Il y a bien longtemps de cela, existait au bord de la mer Baltique une ville qui s’appelait Vineta. Les habitants de cette cité s’étaient enrichis grâce au commerce maritime et terrestre. Les maisons étaient de véritables palais dont les murs étaient couverts d’or et de pierreries. Les dames ne portaient que des robes en velours de soie et couvraient leurs habits de bijoux étincelants. Il n’y avait pas de pauvres, dans la ville ; ou du moins, ceux qui ne pouvaient pas montrer ostensiblement leur richesse étaient impitoyablement chassés. La cité n’ouvrait ses portes qu’aux étrangers fortunés et les fermaient aux mendiants ou aux simples voyageurs qui demandaient asile pour la nuit. L’égoïsme, le luxe, l’individualisme n’avaient point de bornes à l’intérieur des remparts. Vineta était crainte, enviée et haïe par tous ses voisins.

Une nuit, alors que Vineta était en fête et que l’or, l’argent, le vin coulaient à flot dans ses rues, une tempête monstrueuse s’éleva sur la Baltique. Les digues qui protégeaient la ville s’effondrèrent, un séisme épouvantable fit craquer la croûte terrestre et Vineta fut engloutie au fond de la mer avec tous ses habitants : il n’y eut aucun survivant.

Les années, les siècles passèrent. Personne ne se souvenait qu’un jour, une ville orgueilleuse et puissante se fût dressée là, au bord de la mer, à la place de cette longue plage de sable fin.

Et puis un jour, un jeune cavalier apparut sur la plage. Il avait déjà parcouru un long chemin et sa destination finale était encore éloignée. Il désirait se reposer un moment et mit pied à terre. Pour se dégourdir les jambes, il marcha lentement dans le sable, contemplant la mer, laissant le vent du large lui fouetter le visage. Soudain, le bout de sa botte déterra un objet bizarre, enfoui dans le sable. Il se pencha, le ramassa, l’examina. C’était une pièce de monnaie, une pièce très ancienne, dont il ne parvenait pas à trouver l’origine. Sur le côté pile, le graveur avait représenté une sorte de ville minuscule, enfermée dans des remparts. Il n’y avait rien sur le côté face, sinon le chiffre 100. La pièce n’était pas belle : toute bosselée, rongée par l’eau de mer et les intempéries. Le jeune homme la rejeta et poursuivit sa promenade. Bientôt, il sentit la fatigue envahir ses membres. Il s’allongea sur le sable et s’endormit.

Ce fut un bruit étrange qui le tira de son sommeil : le bruit de quelques voix qui chuchotaient, et celui de chevaux qui hennissaient, de charrettes qu’on tirait. Il ouvrit les yeux. Il était allongé devant les portes grandes ouvertes d’une cité de l’ancien temps. Il se redressa, ébahi, puis se dit qu’il rêvait et qu’il n’avait qu’à accepter ce rêve.

Les trois hommes qui se tenaient debout non loin de lui s’approchèrent. Ils souriaient, ils avaient l’air ravi de le voir. Avec de grands gestes d’amitié, ils l’invitèrent à franchir la porte et à pénétrer dans la ville. A peine avait-il dépassé la poterne que les premiers marchands se précipitèrent vers lui : l’un lui tendait des étoffes, l’autre des bijoux, le troisième de la vaisselle… Mais le jeune homme secouait doucement la tête. Vu la beauté et la richesse des objets, le contenu de sa bourse était largement insuffisant pour lui permettre d’acheter quoi que ce soit. Une femme, drapée dans une robe somptueuse, l’entraîna dans sa boutique, le supplia de choisir parmi la vaisselle exposée ce qui lui plaisait le mieux. Il crut à un cadeau et prit un gobelet en or. Mais quand il apprit qu’il devait payer l’objet, il le reposa en souriant, disant à la jeune femme qu’il n’était pas assez riche pour s’offrir ce luxe. « Une pièce, dit-elle, juste une pièce, et le gobelet est à vous. » Il sortit un peu d’argent de sa poche, le tendit à la jeune femme. Elle hocha négativement la tête et se mit à pleurer, sans bruit. « Ce n’est pas cela, dit-elle. Ce n’est pas cela. »

Il reprit sa promenade dans la ville, sans se soucier de consoler la belle marchande. A chaque pas, il était arrêté par des passants qui le suppliaient d’acheter n’importe quoi. Une pièce suffisait. Chaque fois, cependant, son argent était repoussé et femmes et hommes se détournaient en pleurant.

Un vent violent s’éleva tout à coup sur la cité. Si violent qu’il jeta le jeune homme à terre. Une pluie de sable s’abattit sur lui. Il voulut se réfugier sous l’auvent d’une maison mais il lui était impossible de bouger. Il ferma les yeux, serra les lèvres au maximum pour empêcher le sable de l’étouffer. Enfin la tempête s’apaisa. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était allongé sur la plage ; aucune ville à l’horizon. Seulement la mer, grise, et le sable, à perte de vue.

Quel rêve bizarre, pensa-t-il en se relevant. Il était temps de repartir. Il ne savait pas exactement combien d’heures il avait dormi mais le jour commençait à baisser. Il se remit en selle. Au loin, sur la grève, il aperçut une silhouette qui marchait péniblement le long de la mer. Il dirigea sa monture vers elle. C’était un vieil homme qui logeait non loin de là, dans une cabane. Parvenu à sa hauteur, le cavalier s’arrêta. Il n’avait nullement l’intention d’engager une conversation avec cet homme et pourtant, sans qu’il sût pourquoi, il lui demanda s’il n’y avait pas une ville dans les environs, « une très belle ville, avec des remparts, et des gens vêtus d’étranges habits ». Le vieil homme lui jeta un regard curieux. « Vous l’avez vue ? » demanda-t-il et le cavalier eut l’impression désagréable qu’il se moquait de lui. Il répondit sèchement que non, mais qu’il avait dormi sur la plage et fait un rêve qui sortait de l’ordinaire. « Vous avez dormi sur la plage, répéta le vieil homme en remuant la tête. Avez-vous trouvé quelque chose, dans le sable ? » Le cavalier répondit par l’affirmative : une vieille pièce de monnaie, qu’il avait jetée avant de s’endormir. « C’était une pièce appartenant à la cité de Vineta, dit le vieillard. Et vous n’avez pas rêvé. Vineta était une merveilleuse ville ; mais les dieux l’ont punie de son orgueil en la précipitant dans la mer. Tous les cent ans, Vineta réapparaît et si un étranger peut acheter un objet avec l’argent de la cité, la malédiction prend fin. Vous auriez pu sauver ces âmes en peine. Mais votre ignorance les a rejetées à leur géhenne. » Et sans laisser le temps au cavalier de réagir, le vieil homme tourna les talons et s’éloigna sur la plage.

Passant, si un jour vous vous promenez au bord de la Baltique et que vous trouvez une étrange pièce de monnaie, ne la jetez surtout pas. Asseyez-vous, attendez. Peut-être est-ce le moment où Vineta va surgir des flots et tenter d’échapper à la malédiction…

Didier FOND

fonddetiroir.hautetfort.com

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Ecriture. Instant T, un extrait de "Naissance" d'Alexandra Coenraets

Publié le par christine brunet /aloys

 

naissancerv

 

18 janvier 2014. 13h.

Mes doigts trépignent, mes doigts s'échauffent.

Mes doigts se lancent à l'assaut d'un texte dont ils ne connaissent pas la teneur, et encore moins l'issue.

Mes doigts font bruyamment crépiter les touches du clavier, gicler des mots sur l’écran, mes doigts envoient des lettres se figer les unes après les autres sur la page blanche virtuelle, qu’ensuite elles malaxent et triturent pour lui donner vie, qu’elles couvrent et découvrent pour lui donner forme.

Et force.

Puis sens.

De leurs extrémités en action, mes doigts tentent de faire jaillir l’émotion.

Mes doigts s’énervent, se contractent, s’agitent de plus belle et, furieux, déversent en Times New Roman 12, leurs flots de colère, prisonniers qu’ils sont de la peur de mal faire. Déplaire. De ne pas en faire. Assez. Bientôt j’oublie de respirer, remarque l’erreur, la rectifie, et j’expire, j’expire, j’expire encore.

Je laisse. La vague. De colère. Passer.

Je m’arrête. Parce qu’un air sort de ma radio et me capte aussitôt, parvient à mes oreilles, oui j’entends à présent cet air que j’adore, de Sanson, Véronique, et dont je ne connais pas le nom. Un nom de nulle part, probablement. Un instant plus tard, la voix qui comble de son talent le vide entre deux chansons, m’apprendra que c’est « Bernard’s song », le titre que religieusement j’écoute, les doigts immobiles, cernés de notes de musique auxquelles ils ne peuvent résister. Envoûtant.

Revigorés, mes doigts à nouveau tentent que la fusion tête-cœur-doigts-écran ait lieu, et renvoie au lecteur une parcelle du plaisir qu’il y a d’écrire lorsque la magie opère. Un accouchement. Dans la douleur aussi. Et la douceur, aussi, de contempler ces caractères qui s’alignent un à un, comme une banderole qu’on déroulerait d'un geste naturel. L’écran prend vie et s’anime de voir qu’en son sein, s’entame une danse fluide qui m’enveloppe d’un voile apaisant, et les phrases que j'ai fait naître me laissent habiter leur bulle ouatée.

Mes doigts s’enivrent de ces mots qui s’écrivent en temps réel, et me propulsent d’un coup au cœur d’un univers bleu nuit obscur, et pourtant si pur, où je me plais à flotter, délicieusement légère, prise en apesanteur, et volontairement passagère, d’un convoi qui m’entraîne, sous la mer.

En eau profonde. Dans un endroit où le trouble s’insinue et m’invite à dévoiler quelques recoins inexplorés de mon être. Là, j’explore une terre apparemment vierge de présence humaine, une terre qui renferme pourtant la vie, qu’elle enferme encore. Trop. Et quand, sous

mes pieds, la terre se fissure et que, de la brèche ainsi créée, jaillissent d’autres émotions, d’autres sensations, au vu d'être apprivoisées, il reste, malgré moi, dans l’ombre, une hésitation.

Mes doigts continuent de frapper, eux, sans hésiter. Du haut-parleur, s’échappe maintenant la voix rude et rauque d’Arno, aux accents bruts de décoffrage, ancrés dans la terre de Flandre, vaguement teintés d’embruns ostendais, et je découvre qu’il a repris Julio Iglesias, dont la voix latine serait davantage haut perchée dans les nuages. J'entends qu'ils sont deux, maintenant, à nous chanter, nous, « les femmes », de leur point de vue d’homme, ce « pauvre diable », paraît-il, dont ils content désarrois et autres errements de l'amour, chacun dans leur inimitable style.

Et je souris.

 

 

Alexandra Coenraets

http://quandilnaitdusens.wordpress.com/

“Naissance”, roman, paru chez Chloé des Lys, mai 2013.

 

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Un peu de terre, une nouvelle de Micheline BOLAND

Publié le par christine brunet /aloys

 

Le magasin de contes

UN PEU DE TERRE

 

 

Massimo triture le tablier de sa grand-mère entre ses mains. Il tente en vain de retenir ses larmes.

 

Il renifle un peu. Il articule : "Tu viendras nous voir, n'est-ce pas Nonna ? Tu viendras dis ?"

 

"Mais oui, mon trésor…" Massimo est partagé. D'un côté, il est heureux de revoir bientôt son père qui, depuis des mois, est parti travailler loin du village, dans un pays du nord. Mais d'un autre côté, il est tellement triste d'être séparé de sa grand-mère. Cela lui est si dur de se dire qu'il ne la verra plus, qu'elle ne le consolera plus de ses petits malheurs, qu'elle ne rira plus avec lui quand il expliquera comment Eduardo a dissimulé un copion dans son plumier ou comment Flavio a marqué un but. À qui se confiera-t-il encore ? Sa mère ne semble remarquer que les bêtises qu'il peut commettre…"Tiens-toi droit", "écris plus petit", "mouche-toi". Sa mère n'est vraiment tendre que lorsqu'il est malade. Elle passe et repasse alors, inlassablement, la main sur son front, le frictionne avec de l'eau de Cologne, le cajole en murmurant des mots gentils. "Ça va ma puce ?", "Tu veux quelque chose de spécial …"

 

"Et n'oublie pas ce que je t'ai dit… La petite boîte."

 

"Oui Nonna…"

 

"Maintenant va, ta mère doit t'attendre."

 

Massimo rejoint sa mère dans la petite maison mitoyenne. Elle est occupée à remplir une valise avec des robes, tabliers, pyjamas, chemises de nuit, culottes, pulls… "Prépare ce que tu veux emporter, Massimo."

 

Massimo ressort. Aujourd'hui, le ciel est gris comme le sont ses pensées. Massimo sort la petite boîte bleue de sa poche et de ses mains nues fait ce que sa grand-mère lui a dit de faire, il remplit la boîte de terre. C'est la première fois de sa vie qu'il connaît ce contact. La terre lui apparaît chaude, douce, maternelle. Massimo la regarde longuement avant de placer le couvercle et de fourrer cette petite chose bleue, ultime présent de sa grand-mère, en poche.

 

"Massimo, Massimo…"

 

"Oui Maman…"

 

"Seigneur, où t'es-tu encore sali ainsi !"

 

Massimo ne répond pas. Il va dans sa chambre, y prend le petit personnage de bois et la balle à peine plus grosse qu'un citron que lui a offerts sa grand-mère puis va porter le tout à sa mère pour qu'elle les case dans son bagage.

 

Sa mère chante. Sa mère ne pense sans doute qu'à son père, à la jolie maison qu'il a louée là-bas. Son père a écrit : "Marie, la vieille propriétaire est très gentille, elle m'a aidé à aménager. Elle est si heureuse de louer une partie de son habitation à un jeune couple avec enfant. Il y a un magasin et une école près de chez nous, un jardin derrière. J'ai eu de la chance."

 

Massimo part. Durant le voyage en train, pour se réconforter, il lui arrive de mettre la main en poche et d'effleurer la boîte. Quand ses doigts rencontrent le métal, il se sent moins seul, plus fort, moins inquiet à l'idée d'affronter l'inconnu. Enfin, il revoit son père. Il voit la jolie maison, pas si jolie que ça. Il voit Marie, la propriétaire, plus ridée qu'il ne l'imaginait. Il voit l'école, l'épicerie. Mais Marie même si elle lui sourit et dit quelques mots d'italien, n'a pas l'odeur de savonnette de sa grand-mère. Le ciel est bas, les enfants du quartier ne parlent pas sa langue. Marie, c'est une institutrice retraitée, elle l'embrasse trop fort, le réprimande parfois comme sa mère le fait, et elle s'efforce de lui apprendre le français en lui lisant des livres de filles. Marie, elle ne connaît rien au football ni aux jeux de garçon.

 

Sa mère travaille. Marie lui a prêté une machine à coudre et elle passe beaucoup de temps à confectionner des vêtements pour des clientes. Sa mère semble contente. Elle gagne de l'argent, apprend le français avec Marie, essaye de lire la bible en français pour tester ses progrès. Elle attend un bébé. De temps à autre, son père joue avec lui. À l'école, il y a des enfants qui le traitent parfois de "macaroni" et il ne sait quoi répondre. Il n'est pas aussi fort que Gino qui a frappé un gamin qui l'avait appelé ainsi ni aussi mignon que Rosa qui trouve toujours une autre fille pour la consoler. Parfois, Massimo a le cœur gros mais il n'en dit rien. Seule, sa petite boîte bleue lui apporte un peu de baume quand il a la nostalgie du pays. Il lui arrive alors de l'ouvrir et d'embrasser la terre comme s'il embrassait sa grand-mère.

 

À l'école, l'institutrice a fait réaliser un herbier. Un jour de cafard, Massimo envoie à sa grand-mère une enveloppe qui contient dans une feuille pliée en trois, un peu de terre et des pâquerettes séchées. Sa grand-mère lui répond par retour du courrier. Elle lui envoie le dessin de la colline qu'il y a devant sa maison. Elle a simplement calligraphié : "Tu m'as écrit de là où la terre fait souffrir mais rend riches les hommes qui la travaillent. Moi, je t'écris d'ici où la terre pleure de n'avoir pu nourrir ses enfants. Un jour tu comprendras, mon trésor." Il n'a pas vraiment saisi tout le sens du message mais a punaisé le dessin sur le mur de sa chambre.

 

Le temps passe. Nonna écrit de moins en moins souvent, son écriture est moins lisible. Le bébé est bien là, il marche et commence à parler. Marie aide Massimo à faire ses devoirs et à étudier ses leçons. Elle l'appelle "mon petit loup", lui offre des chocolats et des livres mais est exigeante. Une phrase lui revient si souvent : "Tu peux faire mieux mon petit loup." Au fil des mois, les choses s'arrangent, les bulletins sont meilleurs et puis Massimo a une copine, une vraie qui n'a pas sa langue en

poche, qui se moque des plus forts de la classe, qui fait des grimaces inimaginables, qui lui remonte le moral en le faisant rire : "Hé Massimo t'as vu les longs pieds de Claire ? On dirait qu'elle est chaussée comme un clown." Son père parle d'acheter une maison mais pas encore de rentrer en Italie.

 

Massimo prend racine. Une première fois, il va en vacances en Italie. Les valises sont remplies de cadeaux, notamment des pantoufles garnies de pompons et d'un chapeau à aigrettes pour Nonna, des chocolats pour les cousins. Il remplit une boîte vide de ballons de Tournai avec de la terre de son jardin. Son père le voit faire et sourit. Il dit juste : "Toi aussi…" Mais il a des larmes dans les yeux.

 

Maintenant, il y a un peu de terre d'ici, là-bas et un peu de terre de là-bas, ici. Massimo est un pré-adolescent. La petite boîte bleue reste au fond d'un tiroir du bureau que ses parents lui ont offert pour sa communion. Il n'y pense plus guère que quand il reçoit du courrier de sa grand-mère ou quand il lui écrit.

 

Quand enfin, ses parents achètent une maison à l'autre bout de l'agglomération, Massimo éprouve un peu de difficulté à quitter la vieille et Monique. Les séparations, il n'a jamais aimé et ne les aimera jamais…

La petite boîte bleue semble à présent presque oubliée comme sa première dent de lait que sa mère a emballée dans un morceau d'ouate, comme les premières gommettes reçues à l'école qu'il conserve parce qu'elles sont des preuves de sa bonne conduite. Pourtant, quand sa grand-mère meurt, il cherche la boîte et la garde longtemps dans les mains. Il la place même, quelques nuits, sous son oreiller. Elle est devenue pareille à un grigri. Il la garde sur lui le temps d'un examen difficile, le temps que cicatrice son premier chagrin d'amour, le temps des entretiens d'embauche, le jour de son mariage.

 

La petite boîte remplie de terre de là-bas, c'est le signe qu'il est rattaché à un autre pays, c'est le souvenir d'une enfance merveilleuse passée aux côtés d'une grand-mère extraordinaire, c'est le rêve d'un ailleurs magique, un beau rêve à entretenir comme un feu sa vie durant.

 

Micheline BOLAND

micheline-ecrit.blogspot.com

 

 

Conte finaliste de "Fais-moi un conte" - Surice 2012

(Extrait de "Nouveau magasin de contes")

boland photo

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Souvenir oublié, un poème de Philippe Wolfenberg

Publié le par christine brunet /aloys

Les états d'âme de la Lune et du Soleil

 

Souvenir oublié

 

 

 

Quand le soleil se couche et qu’arrive le soir,

Je me rappelle une fille aux yeux marron et cheveux noirs

Dont l’absence, parfois, me plonge dans un sombre désespoir

Et, alors, des moments exquis reviennent à ma mémoire.

 

 

A une époque révolue et regrettée, en d’autres lieux,

Perdu dans un parc arboré, un château merveilleux,

Habité par le spectre affligé et vaporeux

D’une amazone à l’intense regard de feu.

 

 

Sous le feuillage des géants séculaires,

Reniant sans remords sa nature première,

Sur un banc, la belle et troublante guerrière

S’offre à moi, à l’ombre d’une grande tour austère.

 

 

Cette réminiscence d’un lointain passé

A le goût doux et amer du dernier baiser,

Ultime vestige de l’amour devenu suranné,

Laissant dans le cœur l’envie de tout effacer.

 

Philippe Wolfenberg

philippewolfenberg.skynetblogs.be

http://www.bandbsa.be/contes3/wolfenbergtete.jpg

Publié dans Poésie

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Jean-Louis Gillessen nous parle de Claude Colson

Publié le par christine brunet /aloys

Jean-Louis Gillessen nous parle de Claude Colson

Bonjour bonsoir à toutes et à tous,

En consultant le forum, j’ai ouvert un sujet consacré aux « Textes et poèmes » de notre ami

Claude Colson . Une partie d’entre eux participe de la coquinerie, ils sont délicieux.

Ses écrits sont un petit bijou … Le sujet abordé a provoqué en moi une résonance, et, comme il se trouve que Claude et moi avons déjà échangé de bons moments sur la toile, je me suis autorisé en écho à ajouter le commentaire suivant qui reprend un extrait de ma pièce Léon 20H30.

La tentation était trop forte. D’aucuns m’ont suggéré d’en faire part à Christine pour une éventuelle publication sur ALOYS. Ceci explique cela, et en voici donc le copié-collé …

(« Je viens, en tant que jeune nouveau cédélien fraîchement éclos, émoulu et déjà presque moulu, je viens donc de découvrir dans le forum le sujet concernant « Textes et poèmes » de Claude Colson : quel pur délice que tes textes!

Très modestement je livre ici l'un de mes écrits, extrait de ma pièce Léon 20H30 :

Avant de citer son poème, le personnage, seul sur scène, dit :

- Quand je pense qu'en Écosse, nous avons dormi tous les deux simplement,
tendrement, entrouverts, ma tête posée près de l'antre raviné de son ventre raffiné.
Paupières closes. Lèvres roses. T'en souvie
ns-tu? -

Il enchaîne lyriquement :

- « Et cette main que maintenant tu guides sûre mais tendrement,
nos quelques doigts qui frémissants sur ton sein droit vont en glissant,
ces lèvres humides et détendues qu'en ce soir pleines tu as rendues
pour sur nos peaux les poser nues,
belles d'amour, perles de désirs, saines complices de nos soupirs,
relient nos chairs, chères à chérir. » -

Il conclut :

- Aaaargghhh, quand je pense qu'en Écosse on a dormi tous les deux sans joindre nos corps,
sans aucun ... " temps " passé, Roméo, Juliette, cent ans passés, sans même nous " embrasser ",
sans préserver cette chaleur qui soude un
être à l'autre ...
... Déjà qu'y faisait caillant, on est cons quand même! - »)

L'effet est certes moins évident hors contexte de la pièce ...

Jean-Louis Gillessen

Publié dans Fiche de lecture

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