Et si vous participiez au concours pour être publié dans le hors série ? Une vidéo signée Ani Sedent !
https://youtu.be/gxJhiFxucLY
Lecture, écriture, une passion... Un partage... La littérature dans tous ses états !
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EXTRAIT
Geisha Al Dente
Il était une fois une Geisha qui avait des spaghettis à la place des cheveux. Les hommes dépensaient de vraies fortunes pour s’offrir sa compagnie et goûter sa chevelure.
C’est ainsi qu’au fil du temps, on finit par la surnommer la Geisha Al Dente, ses cheveux étant toujours parfaitement cuits et fermes.
BIOGRAPHIE
J’ai su garder le lien avec l’enfant que j’ai été.
J’aime autant dessiner. Cela a toujours été pour moi un moyen de m’évader… Rejoindre peut-être un monde plus en accord avec mes souhaits et ma personnalité.
A presque 50 ans, mon goût pour la création reste intact ; j’en ai même fait mon métier.
Quant à mes détournements, ils sont la matérialisation d’un art que je développe depuis quelques années. Ils sont les autres facettes des gens et des choses dans ce monde imaginaire plus apaisé, plus drôle et je l’espère plus poétique.
Ils alimentent surtout le lien entre l’adulte que je suis aujourd’hui et cet enfant sur la photo. Un lien que je qualifierai d’essentiel.
RESUME
Imagine est un recueil de dessins basé sur le principe de détournement d’objets du quotidien. Il se veut drôle, poétique… avec un côté délibérément enfantin.
Je viens de terminer Family Crash, de Jonathan Siel, publié chez Chloé des lys. Je suis encore secouée de rires, d’où peut-être l’apparition de fautes inopportunes dans ma note de lecture, pardon pardon !
Nous voici donc avec Bertrand, Bertrand aux yeux de qui personne ne trouve grâce. Surtout sa belle-famille, qu’il nous détaille avec acidité. Personne n’échappe à son sarcasme : Bianca sa belle-mère cancane, critique ses beaux-enfants et parle trop ; le beau-père, Bernard, a une gueule d’épagneul dépressif ; Johnny, le beau-frère, était batteur dans un groupe n’existant plus et ne fait rien depuis ; son épouse Muriel aime les ragots, et n’a pas attendu ses 39 ans pour être repoussante. Et ainsi de suite…
Bertrand n’a pas besoin d’être aimé, et soupçonne ne pas l’être. Il fait et pense un peu tout pour ça. Et donc voici qu’il prend l’avion en (belle)-famille pour un séjour, et qu’il en est couvert de sueur, convaincu que ça va mal finir. De fait… les turbulences ne manquent pas, au point qu’un atterrissage surprise est envisagé.
Bertrand l’avait bien dit : sa dernière heure a sonné. Autant mourir avec panache. Il s’en prend sans demi-mots à tous, leur jetant à la tête, ébahie, ce qu’il pense de chacun d’eux, qui n’a rien de flatteur.
Sauf que voilà… au lieu de mourir satisfait après ça, eh bien il survit, ainsi que tous les passagers. On fait quoi, après ça ? Ca met un peu mal à l’aise, non ? Et le match de retour ne se fait pas attendre.
Les joutes sont grinçantes à souhait, les descriptions des situations et personnages font mouche, on rit, et quand même, on trouve qu’il y va un peu fort, Bertrand ! Sa belle-famille aussi, et le lui assène avec la même vigueur qu’il a mise à les malmener.
Un bon match, vraiment !
Edmée de Xhavée
Quel « très beau livre » que celui-ci ! Je l’ai choisi un peu hésitante, pensant que ce n’était peut-être pas mon sujet préféré : l’auteur mentionnait les barreaux de la grille d’un cimetière, d’une épouse mentalement emprisonnée par son époux, de prison… ça m’intriguait, sans me convaincre.
Or me voici convaincue !
Avec une agréable délicatesse l’auteur – Bernard Wallerand – nous présente Anna, Alice, Adélaïde, Mathilde et Léon, Chloé et la petite Madeline, dans leur quête pour une vie sereine et comblée. Le récit est un puzzle, l’image finale est heureuse, apaisée, même si certaines pièces du puzzle ont la couleur des larmes, des hématomes et du sang. L’abandon rôde, celui de l’homme, celui de la mère, celui qu’apporte la lassitude, celui de l’amour.
Comprendrons-nous jamais vraiment Anna ? Dans tous ses choix ? Imaginons-nous vraiment le pardon d’Alice, qui peut cependant l’accorder du haut de son bonheur ? Certes, on ne peut ne pas aimer Mathilde et Léon, reconnaître leur patience, leur détermination, et constater que leur amour touche de son doigt d’espérance la génération qu’ils ont plantée.
Vraiment, rien de sordide, un langage honnête et le regard qui ne quitte pas des yeux ce qui s’appelle la générosité humaine et est l’âme du récit.
Edmée de Xhavée
L’étrange aventure de Zoé Calendula – Épisode six
Les jours et les semaines qui suivirent, Zoé réalisa nombre d’analyses, celles commandées par les différents départements scientifiques, évidemment, mais aussi toutes celles que lui permit le matériel de pointe embarqué. Elle effectua plusieurs sorties dans l’espace, toutes plus inutiles les unes que les autres, se repassa encore et encore les vidéos du rover, étudia chaque pixel de chaque photo et chaque vidéo, mais ne découvrit rien ! Rien de plus que ce qu’elle avait vu.
Après chaque journée d’un travail acharné, elle s’écroulait sur sa couchette, épuisée, l’esprit en ébullition. Si les analyses révélaient quelques détails qui avaient jusque là échappés aux scientifiques et si de nouvelles données sur la composition des gaz entourant la planète s’ajoutaient régulièrement aux nombreuses déjà récoltées, aucune ne donnait d’indices sur la véritable nature de Vénus.
La véritable nature de Vénus… Le monde qu’elle avait aperçu avait éveillé en elle une certaine nostalgie. Ce sentiment, assez paradoxal pour une personne ayant fait des études scientifiques avant de se diriger vers l’aviation, puis l’espace, venait d’un lieu que Zoé pensait avoir laissé derrière elle en même temps que l’enfance. Un lieu fait de rêves et de magie, sans guerre, sans famine, sans tensions géopolitiques.
Au cours de leurs recherches, Sakura émit plusieurs hypothèses à propos du phénomène, mais sa nature, même évolutive, l’empêchait de comprendre ce que ressentait Zoé. Pourtant, la jeune femme sentit s’opérer chez l’IA des changements importants. Sa logique mise à rude épreuve, Sakura posa énormément de questions auxquelles Zoé tenta de répondre au mieux. Leurs conversations lui ouvrirent de nouvelles perspectives et, un jour, elle déclara se réjouir ‒ ce fut le mot employé ‒ de partager cela avec le docteur Higashino.
Les semaines passèrent, puis les mois et Zoé dû se faire une raison, Vénus ne livrerait plus aucun secret. Enfin, l’année de mission presque écoulée, elle prépara le retour vers la Terre.
‒ Sakura ?
‒ Oui, lieutenant Calendula.
‒ Peux-tu mettre un chiffrement inviolable sur mon journal personnel ?
‒ Bien sûr, lieutenant. Avez-vous une préférence pour l’enregistrement ?
‒ Oui, sur puce dermique s’il te plaît, dit Zoé en posant l’objet dans le réceptacle adéquat.
‒ Enregistrement du chiffre terminé.
‒ Merci Sakura.
La jeune femme récupéra la puce, l’inséra dans une seringue transdermique et se l’injecta à l’intérieur du poignet.
« Ouvre mon journal, transfères-y toutes les données relatives à la mutation de l’atmosphère de Vénus, ainsi que les photos et vidéos du rover et indique sa perte dans le journal de bord. Ajoute que je soupçonne une panne due à…
Zoé hésita.
‒ Un accident causé par l’acide sulfurique ? suggéra l’IA.
‒ C’est parfait Sakura, merci. N’oublie pas les enregistrements internes… si possible, crée un brouillage irréversible. Transfère aussi les données sensibles de la sonde atmosphérique et signale une interférence passagère pour le morceau manquant.
‒ Demande effectuée, lieutenant.
‒ Sakura ?
‒ Oui, lieutenant ?
‒ tu peux conserver ces données en mémoire, mais veille à ce que personne ne puisse y avoir accès. Si ce que nous avons entraperçu de Vénus est un tant soit peu réel, je ne veux pas que qui que ce soit ait la possibilité de venir l’abimer.
‒ Bien lieutenant… Données cryptées. Lieutenant Calendula ?
‒ Oui, Sakura.
‒ Cela veut-il dire que je ne pourrai pas partager cette expérience avec le docteur Higashino ?
Zoé soupira.
‒ Je suis désolée, Sakura…
‒ M’autorisez-vous à lui parler de nos discussions ?
‒ Bien sûr, tant que tu ne révèles pas ce que nous avons vu je te laisse juge de la confiance à accorder au docteur Higashino.
‒ Confiance ?
‒ Est-ce que tu as envie de papoter avec le professeur Rossolis ? demanda Zoé.
‒ Papoter, lieutenant calendula ?
Sakura chercha la définition du mot et répondit aussitôt :
‒ Je ne veux pas papoter avec le professeur Rossolis, lieutenant !
‒ Alors, demande-toi pourquoi tu penses pouvoir le faire avec le docteur Higashino.
Le silence retomba, puis…
‒ Merci, lieutenant Calendula.
‒ De rien, Sakura. Bon ! Je suppose qu’il va me falloir réintégrer le caisson pour le voyage de retour ?
‒ C’est une recommandation du professeur Rossolis, lieutenant Calendula.
‒ Bien sûr !
Pendant que Sakura préparait l’Argos à quitter l’orbite de Vénus, Zoé s’assura que rien parmi les données, analyses et échantillons attendus ne poserait question. De plus, vu le nombre d’analyses supplémentaires qu’elle avait effectué, ainsi que la masse de données ajoutées, il était peu probable que qui que ce soit s’inquiète de quelques interférences, ou de la perte du rover.
‒ Vaisseau prêt au départ, lieutenant Calendula.
Zoé posa un dernier regard sur la merveilleuse perle de nacre autour de laquelle tournait l’Argos, ferma les panneaux qui protégeraient la fenêtre pendant le voyage et rejoignit le compartiment où l’attendait le caisson de stase. Sakura se chargea de le rendre opérationnel et, à contre-cœur, Zoé s’y coucha.
‒ C’est bon, Sakura, je suis prête.
Le caisson se ferma. Sur la vitre, des lumières clignotèrent.
‒ Lieutenant Calendula, une photo vient d’être téléchargée dans notre banque de donnée, désirez-vous la voir avant qu’intervienne la mise en stase ?
‒ Une photo ? bien sûr que je veux la voir !
Sur la vitre s’afficha une image scintillante du rover tirant un petit chariot où se tenaient des enfants riant aux éclats. Curieusement, le robot semblait s’amuser, lui aussi.
‒ Image transférée dans votre journal personnel, lieutenant.
‒ Merci, Sakura.
‒ Bonne nuit… Zoé.
Fin
L’étrange aventure de Zoé Calendula – Épisode cinq
Une vidéo anima le paysage. La rivière coula gaiement en mêlant son joyeux gazouillis à celui des oiseaux, les herbes ondoyèrent au gré de la brise et la neige au sommet des montagnes refléta la lumière du soleil avec toute la candeur de sa blancheur immaculée. Puis le rover cessa de suivre le fil de l’eau pour s’enfoncer dans la vallée où il zigzagua parmi des arbres chargés de fruits, s’enfonça entre des champs de céréales aux épis d’or et d’émeraude, en longea d’autres, qui s’étiraient en longues nappes fleuries, et cahota sur des chemins bordés de vignes. Au loin, un château, tout en tourelles et toits pointus, faisait le beau sur un éperon rocheux, parmi de splendides jardins suspendus d’où cascadaient des filets d’eau cristalline ravis de se déverser dans un lac autour duquel se nichait un petit village de conte de fées.
Soudain, le rover s’arrêta et deux grands yeux d’un vert exceptionnel envahirent le champ de la caméra. Zoé sursauta devant cette apparition inattendue. Un nez apparut en gros plan, bientôt remplacé par un doigt qui tapota l’objectif de la caméra. Fascinée, Zoé se sentit comme Alice tombée dans le terrier du lapin blanc. Sur l’écran, le doigt disparut et une silhouette apparut dans le champ de la caméra. Le personnage ne devait pas mesurer plus d’un mètre cinquante, avait les traits fins, des oreilles aux pointes délicates et de grands yeux dont les sourcils disparaissaient sous une touffe de cheveux blonds qui lui donnaient des airs de pissenlit. Il pencha la tête et observa le rover avec un étonnement qui se mua bientôt en inquiétude. Il sortit du champ de la caméra et réapparut presqu’aussitôt monté sur le dos d’un cervidé au pelage argent, qui l’emmena rapidement en direction du village.
Zoé, qui s’était penchée vers l’écran, se laissa retomber dans le fond de son fauteuil. La planète, déclarée inhabitable pour toutes sortes de raisons scientifiquement incontournables, semblait, en définitive, moins déserte qu’elle n’aurait dû.
‒ Comment est-ce possible ? s’interrogea-t-elle à voix haute.
‒ Données insuffisantes, répondit Sakura, avant d’ajouter : le rover émet désormais en direct.
Sur l’écran, Zoé vit le paysage défiler à nouveau alors que le rover, qui avait reprit son exploration, suivait les traces du cervidé. Soudain, il s’arrêta et dirigea son œil électronique vers une zone herbeuse où paissait tranquillement un splendide cheval blanc. Alerté, l’animal leva la tête et, sous les yeux émerveillés de Zoé, s’ébroua, dispersant les mille reflets posés par le soleil sur son rostre d’or. Puis, soudain, la caméra le laissa pour se tourner vers une mare où coassait un chœur de grenouilles, avant de suivre, en un arc de cercle parfait, une nuée de papillons aux ailes irisées. Le rover reprit sa balade sur un petit chemin, dont il préleva quelques cailloux au passage et se dirigea résolument vers le village aperçut au loin.
De son côté, Zoé n’arrivait pas à quitter l’écran des yeux. Tout cela était impossible !
‒ Sakura ?
‒ Oui lieutenant Calendula.
‒ Y-a-t-il eu un problème avec le caisson de stase, pendant le voyage ?
‒ Aucun, lieutenant. Il a fonctionné selon les paramètres recommandés. Désirez-vous que je fasse un diagnostique ?
‒ Oui ! Recherche le moindre détail, aussi infime soit-il qui pourrait être un indice de dysfonctionnement.
‒ Diagnostique initié.
En attendant, Zoé continua à suivre la progression du rover. Alors qu’il approchait du village, un groupe de petits personnages vint à sa rencontre. À sa tête, une belle dame en tunique brodée et longs cheveux parsemés de perles, affichait une mine désolée. Elle tenait à la main un bâton couronné d’une gemme étincelante.
‒ Diagnostique terminé, annonça l’IA. Aucun dysfonctionnement, même infime, n’a été relevé, lieutenant Calendula.
‒ Merci, Sakura, soupira l’intéressée, les yeux rivés sur l’écran.
D’un pas serein, la belle dame s’approcha du petit tout-terrain, se pencha sur lui et, par l’intermédiaire de la caméra, planta son regard dans celui de Zoé. Elle chuchota quelques mots dans une langue aussi mélodieuse que le chant des oiseaux, des mots qui sonnèrent comme des excuses, puis recula et leva son bâton vers le ciel.
‒ Mouvement dans l’atmosphère de la planète, déclara Sakura alors que l’alarme se mettait en route.
‒ Qu’est-ce qui se passe ?
‒ Atmosphère en phase de mutation… Modifications terminées. Composition : Dioxyde de carbone en teneur élevée. Résultats corroborés par la sonde atmosphérique. Surface de la planète : masquée par une couche opaque d’acide sulfurique.
‒ Le rover ?
‒ Il a cessé d’émettre lieutenant Calendula.
À suivre…
L’étrange aventure de Zoé Calendula – Épisode quatre
Zoé regarda la combi qui pendouillait mollement derrière une vitre et se dit qu’elle allait peut-être devoir l’enfiler pour vérifier, de visu, si les senseurs n’avaient pas été endommagés pendant la traversée. Sakura aurait dû être immédiatement alertée, bien sûr, mais peut-être y avait-il eu, là aussi, un problème. Revenant sur la passerelle, Zoé entra dans le bureau attenant et chercha sur ses tablettes les données relatives aux senseurs.
‒ Rapport de la sonde atmosphérique en attente, annonça la douce voix de l’IA.
‒ J’écoute.
‒ Atmosphère stable. Composition… diazote, dioxygène, argon, dioxyde de carbone…
‒ C’est bon ! J’ai compris, grommela Zoé. Autre chose ?
‒ La sonde transportant le rover est en phase de descente lieutenant Calendula.
‒ Hum !
Zoé songea qu’elle devait toujours être en stase dans son caisson, en train de rêver, et qu’elle n’avait plus qu’à attendre son réveil.
‒ Sakura, analyse des données de l’atmosphère de Vénus lors de la mise en orbite, demanda-t-elle néanmoins. Donne-moi la composition la plus importante.
‒ Dioxyde de carbone, à plus de quatre-vingt-seize pourcents.
‒ Donc, à ce moment là, les senseurs fonctionnaient encore parfaitement.
‒ Ils le font toujours lieutenant, fit remarquer l’IA.
‒ Mouais ! Le rover ?
‒ En phase d’atterrissage, lieutenant.
‒ Bon ! Je vais me préparer pour une sortie dans l’espace. Je compte sur toi pour me tenir au courant des données envoyées par la sonde et par le rover dès qu’il sera en mouvement.
‒ Demande enregistrée lieutenant Calendula. Que dois-je consigner dans le livre de bord à propos de votre sortie dans l’espace, lieutenant ?
‒ Mon envie de prendre l’air.
‒ Il n’y a pas d’air dans l’espace, lieutenant Calendula.
Zoé soupira.
‒ Note que je sors vérifier l’état des senseurs.
‒ Ils sont en parfait état, lieutenant.
‒ C’est ce qu’on va voir !
Les sorties dans l’espace étaient aussi attendues que redoutées par les spationautes et Zoé ne dérogeait pas à la règle. Arrimée au câble de sécurité, elle rampa le long de la coque de l’Argos en direction des senseurs. Sous elle, Vénus tournait tranquillement dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Au moins une chose normale, se dit la jeune femme, non sans une certaine ironie. Elle continua son inspection de la coque, en évitant de se focaliser sur l’étrange éclaircissement de l’atmosphère de la planète, et ne releva rien d’inhabituel.
‒ Lieutenant Calendula, résonna dans son casque la voix de Sakura, votre cœur bat un peu vite, est-ce que tout va bien ?
‒ Je nage dans un océan de vide glacé, une grosse boule tourne sous mes pieds et je risque de découvrir à tout moment une importante avarie sur la coque, alors oui, mon cœur bat un peu vite… c’est normal !
‒ Si vous le dites, lieutenant.
‒ Des nouvelles du rover ?
‒ Il vient de se poser, lieutenant Calendula. Les premières images devraient bientôt nous parvenir.
‒ Bien, on avance !
Zoé reprit sa progression et constata que ni l’Argos, ni les senseurs ne souffraient d’avaries.
‒ Des images en provenance du rover se téléchargent en ce moment même, lieutenant.
‒ Je rentre, garde-les-moi au chaud !
‒ Au chaud, lieutenant ?
‒ Laisse tomber !
Zoé retourna vers le sas, qui s’ouvrit aussitôt. Dès qu’elle fut débarrassée de sa combinaison, elle courut sur la passerelle découvrir les images envoyées par le rover.
‒ Images prêtes, vidéos en cours de téléchargement, prévint Sakura.
‒ Sur écran s’il te plaît.
La vitre de la passerelle de l’Argos s’opacifia légèrement et une première photo apparut. Floue, elle laissait apercevoir une vallée où semblait serpenter une crevasse. Au loin, des masses plus sombres faisaient penser à des montagnes.
‒ On ne peut pas avoir quelque chose de plus net ? demanda Zoé déçue.
‒ Nettoyage en cours, annonça l’IA.
‒ Quelques secondes suffirent au programme pour rendre l’image nette et laisser Zoé la bouche ouverte et les yeux écarquillés.
‒ C’est une blague ! s’exclama-t-elle.
‒ Le rover n’est pas programmé pour faire des blagues, lieutenant Calendula.
‒ Et toi ?
‒ Je n’ai jamais essayé lieutenant et d’après mes banques de données cela ne se fait pas pendant le travail.
‒ Tu serais surprise, s’amusa Zoé malgré la situation.
Sur l’écran, s’étalait une image parfaitement nette d’une jolie vallée verdoyante traversée par une rivière à l’eau cristalline. Des montagnes aux sommets enneigés défilaient en arrière plan, telles des matrones devisant sur le pas de leur porte. Des fleurs et des graminées émaillaient le paysage de leurs couleurs et plumets duveteux, donnant au paysage un petit air guilleret.
‒ D’autres photos ?
Plusieurs images défilèrent, montrant toutes le même paysage bucolique.
‒ Des vidéos ? demanda Zoé, résignée.
À suivre…
L’étrange aventure de Zoé Calendula – Épisode trois
Zoé ouvrit les yeux et connut un instant de panique lorsqu’elle se vit enfermée dans un caisson dont la vitre s’illuminait comme un sapin de Noël. Puis le caisson s’ouvrit et elle entendit une voix annoncer d’un ton lénifiant :
‒ Le voyage s’est passé selon les prévisions, lieutenant Calendula. Nous allons pénétrer l’orbite de Vénus dans cinq, quatre, trois, deux, une seconde. Mise en orbite réussie.
‒ Merci Sakura, dit Zoé, moins intéressée, pour l’instant, par l’orbite de Vénus que par ses jambes molles et le goût affreux dans sa bouche.
« Aïe ! s’écria-t-elle, alors qu’une aiguille se plantait dans sa cuisse.
Aussitôt, elle sentit ses jambes retrouver leur tonicité et le brouillard qui ramollissait sa cervelle, s’évaporer totalement.
‒ Un déjeuner vous attend dans la cambuse lieutenant Calendula, la renseigna Sakura.
‒ Parce que tu fais, aussi, le café ? s’amusa Zoé.
‒ C’est l’appareil prévu à cet effet qui le fait, lieutenant Calendula, je ne fais qu’activer son programme, rectifia l’IA.
‒ Puisque je suis la seule humaine à bord, appelle moi Zoé, d’accord ?
‒ Demande enregistrée…
‒ Bien !
Zoé se rendit dans la cambuse et découvrit que si quelques modules contenaient des denrées lyophilisées, elle était censée utiliser la première génération de synthétiseur de nourriture qui trônait au fond de la pièce. Une mission vouée à l’expérimentation, avait dit le professeur Rossolis. Eh bien, expérimentons ! se dit la jeune femme. Le café se révéla plutôt bon et la nourriture telle qu’elle était sensée être, même si le goût pouvait être amélioré.
‒ Sakura, tu peux consigner que le synthétiseur fonctionne, mais que la nourriture est un peu fade.
‒ Remarque enregistrée, lieutenant.
Zoé alla ensuite prendre une douche et se changer. Elle avait du pain sur la planche et plus aucune minute à perdre.
Elle terminait le laçage de ses bottines quand une alarme retentit.
‒ Sakura ? appela-t-elle en filant sur la passerelle.
‒ Nos capteurs ont détecté du mouvement dans l’atmosphère de la planète, répondit l’IA. Analyse des données en cours…
Zoé débloqua les panneaux métalliques qui protégeaient les vitres de l’Argos et songea en découvrant Vénus, une perle à la rondeur quasi parfaite suspendue sur le velours noir de l’espace, que cette beauté avait tout d’une déesse.
‒ Sakura, du nouveau ?
‒ Erreur détectée. Vérification des données en cours…
‒ Dis-moi ce qui se passe, s’impatienta Zoé.
‒ Atmosphère non conforme.
‒ Quoi ? Qu’est ce que tu racontes ? L’atmosphère c’est l’atmosphère, sa conformité est en rapport avec l’évolution de la planète ; dioxyde de carbone en l’occurrence.
‒ De nouvelles données indiquent la présence d’azote, oxygène, argon, dioxyde de carbo…
‒ Impossible ! s’écria Zoé. Tu es en train de m’énumérer les composants de l’atmosphère terrestre. Sakura, analyse et mise à jour des capteurs.
‒ Demande enregistrée.
Qu’est ce que c’était que cette histoire ? Si Vénus était considérée comme planète sœur de la Terre, c’était plus pour son diamètre et sa masse que pour son atmosphère.
‒ Évaluation terminée.
‒ Alors ?
‒ Les senseurs ne recèlent aucune anomalie de fonctionnement, lieutenant Calendula. L’atmosphère de la planète présente actuellement les mêmes caractéristiques que celles de la Terre.
‒ Mais… c’est impossible !
‒ Sa pression atmosphérique et sa température sont également très proches de celles de la Terre, avant le dix-neuvième siècle.
Incrédule, Zoé se laissa choir sur un siège.
‒ Il doit y avoir un problème avec les capteurs, ce n’est pas possible !
‒ Je peux refaire un diagnostique, si vous le désirez lieutenant.
‒ Oui, vas-y !
‒ Diagnostique en cours…
Pendant ce temps Zoé tenta de reprendre pied. Elle était sensée faire des tas de relevés, envoyer des sondes sur la planète, recueillir des données, faire des analyses et c’est ce qu’elle allait faire.
‒ Diagnostique terminé, capteurs en parfait état de fonctionnement, annonça l’IA.
‒ Sakura, prépare-toi à envoyer une sonde dans l’atmosphère de la planète. Deux vérifications valent mieux qu’une.
‒ Demande enregistrée, lieutenant. Puis-je suggérer d’envoyer un rover à la surface ?
‒ Bonne idée, fais ça aussi…
Zoé se leva et se dirigea vers le sas où étaient rangées les combinaisons. Une sortie dans l’espace pour réparer une quelconque avarie étant toujours possible, chaque vaisseau en possédait.
‒ Sondes lancées, lieutenant Calendula.
‒ Merci Sakura, préviens-moi dès que tu reçois des données.
À suivre...
L’étrange aventure de Zoé Calendula – Épisode deux
Enfin, les ingénieurs quittèrent le quai d’embarquement, laissant Zoé au pied de la rampe de l’Argos.
‒ Nous vous accompagnons à l’intérieur, dit le commandant Morgane, en désignant les trois scientifiques qui l’accompagnaient.
‒ Nous avons apporté une petite modification au microscope embarqué, précisa l’un d’eux. Nous l’avons muni de la dernière génération de métalentilles et je voudrais être certain que vous saurez l’utiliser.
Zoé les suivit à l’intérieur, un peu contrariée d’avoir l’impression de n’être que la cinquième roue du carrosse dans son propre vaisseau. Car, quoi qu’en pensaient tous ces rampants, elle était chez elle sur l’Argos ; en tout cas, elle le serait pendant l’année que durerait sa mission.
Néanmoins, parce qu’elle était parfaitement consciente des enjeux, la jeune lieutenante se laissa guider jusqu’au laboratoire du vaisseau, où elle écouta attentivement les directives des scientifiques afin de les rassurer sur sa capacité à maîtriser le microscope.
‒ C’est parfait, approuva le plus petit des savants avec un sourire encourageant.
‒ Si vous avez le moindre problème, dit celui avec des mèches bleues dans les cheveux, référez-vous au manuel de votre tablette.
‒ Ne vous inquiétez pas, je prévois de continuer à me familiariser avec le matériel scientifique pendant le voyage, les rassura Zoé.
‒ À ce propos, il reste une chose que vous devez savoir avant que le vaisseau quitte l’orbite, déclara soudain le troisième.
L’homme avait un visage impassible derrière un bouc bien taillé, des yeux glacés et l’attitude d’une personne sûre d’elle qui attendait des autres une totale attention lorsqu’elle ouvrait la bouche.
Son ton alerta Zoé qui se tourna vers lui, avant de lancer un regard interrogatif vers le commandant.
‒ Une décision de dernière minute à laquelle je n’adhère pas, la renseigna celui-ci.
‒ L’intérêt est purement scientifique et, en l’occurrence, votre avis ne compte guère, répliqua l’homme au bouc, en toisant le commandant.
Morgane lui lança un regard assassin, mais ne répondit pas à cette attaque en règle.
‒ Allons-y ! Qu’on en finisse, dit-il simplement.
Perplexe, Zoé les suivit à nouveau, cette fois, sur la passerelle. Si la jeune femme était parfaitement capable de piloter les avions à réaction les plus sophistiqués, pour des raisons évidentes l’Argos était essentiellement un vaisseau automatisé, les manœuvres les plus complexes étant calculées par une IA. Pour autant, Zoé avait bien l’intention de mettre ses trois mois de voyage au service d’une étude approfondie de son fonctionnement, ainsi que du matériel scientifique mis à sa disposition.
La passerelle passa automatiquement en mode diurne dès qu’ils y pénétrèrent.
‒ IA, prépare le caisson.
‒ Procédure initialisée. Vous pouvez m’appeler Sakura, professeur Rossolis, répondit une voix féminine.
‒ Ridicule ! siffla le professeur entre ses dents. Il va falloir que j’aie une discussion avec Higashino.
‒ Caisson en attente, professeur Rossolis.
‒ Et si vous expliquiez au lieutenant Calendula de quoi il retourne, exactement, professeur, intervint Morgane.
Rossolis se tourna vers le commandant, qu’il transperça de son regard froid, mais s’il pensait l’impressionner il en fut pour ses frais.
‒ Je peux savoir ce que l’on attend de moi ? demanda Zoé, que la tension ambiante mettait mal à l’aise.
‒ Suivez-moi, ordonna Rossolis.
L’Argos était un vaisseau de petite taille, formé de deux modules cylindriques, le premier, principalement occupé par la passerelle, abritait également une petite cabine, un bureau et une cambuse. Le second servait de laboratoire, d’une part, et de lieux de stockage pour les échantillons, d’autre part.
« Cette mission, se décida enfin à expliquer le professeur, est vouée à l’expérimentation. Vaisseau expérimental, moteur expérimental, gravité artificielle expérimentale, même votre IA est pourvue des dernières avancées en la matière… bien qu’il me faille déplorer les idées fantasques du docteur Higashino.
‒ Venez en au fait, intervint Morgane, alors qu’ils pénétraient dans une petite pièce où reposait un caisson de belle taille.
Sur la vitre occupant la quasi-totalité du couvercle défilaient des données, ainsi que des barres de progression. Ces dernières s’illuminaient successivement, indiquant des cycles de chargement. Lorsque tous furent complets le couvercle se souleva sur un soupir qui fit frissonner Zoé.
‒ Ceci est le caisson de stase où vous allez passer les trois prochains mois, lieutenant Calendula, annonça le professeur Rossolis.
Incrédule, Zoé se tourna vers le commandant Morgane.
‒ Je suis désolé lieutenant, mais l’ordre vient d’en haut.
‒ C’est exact, enchérit le professeur. Comme vous le savez d’autres équipages sont en mission sur Jupiter et Saturne. Cependant, l’exploration spatiale ne va pas se limiter à notre système solaire, aussi devons nous déjà préparer l’avenir en nous basant sur des données fiables. Ce caisson a été testé en laboratoire avec succès, il ne reste plus qu’à le tester en situation réelle.
Zoé déglutit avec difficulté. Elle qui pensait s’être préparée à toutes les éventualités…
‒ Vaisseau prêt à quitter l’orbite de la terre, annonça Sakura.
‒ Vous pouvez garder vos chaussures, dit le professeur Rossolis en abaissant la partie latérale du caisson.
Zoé n’avait pas le choix, elle se coucha dans l’habitacle et le professeur referma la cloison.
‒ Je veillerai sur votre sommeil, lieutenant Calendula, assura Sakura.
Mais Zoé ne se sentit pas rassurée pour autant. Elle allait passer trois mois privée de sa capacité de décision, trois mois sans rien voir, sans rien entendre, sans rien maîtriser, sa vie mise entre parenthèses alors qu’elle traverserait un environnement hostile.
Le professeur Rossolis abaissa le couvercle. Sur la vitre, des données défilèrent. Le professeur dit quelque chose qu’elle ne comprit pas et, anxieuse, elle inspira, une fois, deux fois, puis sombra dans l’inconscience.
‒ Sakura, au moindre clic anormal, tu réveilles le lieutenant Calendula.
‒ Demande enregistrée, commandant Morgane.
‒ Comment osez-vous !? s’insurgea Rossolis.
‒ Si vous avez des doléances, professeur, je vous prierais de me les faire parvenir par la voie hiérarchique. Et maintenant, tout le monde dehors !
Le commandant quitta le vaisseau pour rejoindre la salle de contrôle d’où, peu de temps après, fut donné à l’Argos l’ordre de départ.
À suivre…