Rayan Zowski nous propose une nouvelle "L'homme qui avait peur du noir"
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L'homme qui avait peur du noir
C'était un lundi, un lundi soir.
Dans la ville de Tournai, il existe un troisième réveillon. Un troisième réveillon qui tient à cœur à beaucoup de Tournaisiens, le lundi perdu. Ce jour-là, dans de nombreux foyers de la cité des cinq clochers, la tradition exige de manger du lapin. C'est une histoire de rois mages. Estelle me l'avait racontée, mais je dois avouer que je n'ai pas retenu l'explication.
Estelle, c'est ma copine. Nous nous sommes rencontrés à la gare de Tournai. Je suis originaire de la ville d'Ath, la cité des géants. Je me rends à Tournai pour mon travail.
Je me souviens encore, c'était justement un lundi. Je lisais un recueil de poésie sentimentale dans le train. J'ai toujours été un grand sentimental. Je pense que ce n'est pas facile pour un homme de dévoiler sa sensibilité. Mais moi j'ose, je m'affirme...
Quand le train fut arrivé, je pris mon sac pour y ranger mon livre... Quand je vis un numéro de téléphone et un prénom collés. J'avais l'impression de me trouver dans un épisode de "La quatrième dimension". Ce genre de situation, ça ne ne m'était encore jamais arrivé...
Le soir même, je pris tout mon courage, j'ai appelé. Il était aux environs de 21h. Estelle m'avait expliqué qu'elle avait également adoré ce recueil. Nous avons échangé pendant deux heures. Je n'ai pas vu le temps passer... Le week-end qui suivit, nous nous sommes vus. Nous nous sommes installés dans un des petits lunchs de la gare. Le reste appartient à l'histoire. Notre histoire...
Nous étions donc le lundi du lapin perdu. Pour l'occasion, nous avons reçu les parents d'Estelle chez elle. C'était la première fois que je les voyais. Je ne vous dis pas dans quel stress j'étais, je suis un grand timide de nature...
- Et le vin, ma puce ? Ne me dis pas que tu l'as oublié ?
- Non, Papa. Tim, tu veux bien aller la chercher à la cave ? Tu verras, la bouteille est rangée dans l'armoire, juste à gauche.
La cave...
- Quelque chose ne va pas ? demanda le père d'Estelle.
- Si si. Tout va bien. J'y vais...
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J'ouvris la porte, il faisait tellement noir en-dessous...
J'allumai. Je descendais les marches très prudemment...
Une fois arrivé en bas, je vis l'armoire. J'ouvris la porte et saisis la bouteille. Finalement, tout s'était bien passé... Jusqu'à ce que la lumière s'éteigne.
J'étais plongé dans le noir. Je ne voyais plus rien, je n'avais pas pensé à prendre mon smartphone avec moi. Je me rappelais alors de mon vieil oncle...
Ce soir-là, c'est lui qui me gardait. J'étais dans sa maison. Je jouais à la console portable sur la table à manger. J'avais perdu ma partie pour la énième fois, plus aucune vie. Sous la colère, j'ai juré... et fis tomber une bouteille de vin. Mon vieil oncle avait assisté à la scène. Il se précipita sur moi, me frappa et me tira vers la cave. Je fus enfermé pendant longtemps, très longtemps...
Quand la porte s'ouvrit, c'est Maman que je vis. J'étais recroquevillé sur moi-même, tout tremblant. C'est la dernière fois que je vis mon vieil oncle, Maman et Papa ne lui avaient jamais pardonné. Et moi non plus...
J'étais à nouveau plongé dans le noir. Je pouvais bien la sentir, la bouteille. C'était elle, c'était à cause d'elle que je m'étais retrouvé à nouveau dans cette maudite cave.
J'ai lâché la bouteille. Cette dernière se brisa. J'ai hurlé.
Je n'osais plus bouger. J'entendais la voix, la voix de mon vieil oncle : "Sale morveux !" Je tremblais. Je tremblais tout comme ce terrible soir. Combien de temps allais-je rester dans cet enfer ?
La porte s'ouvrit. Je levais les yeux, une silhouette. Elle alluma la lumière. Je n'osais plus bouger.
Estelle descendit tout doucement. Elle s'approcha de moi, elle me prit dans ses bras.
- Il est parti ? lui demandais-je.
- Oui. Il est parti...
Estelle me prit tendrement la main. Et nous remontâmes... Ensemble.
Rayan Zowski