Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

A l'attention de tous les auteurs CDL !

Publié le par christine brunet /aloys

A l'attention de tous les auteurs CDL !

Oyez, oyez !!!! Il reste une place sur le stand CDL au salon du livre de BONDUES le samedi 15 mars 2025 ! Dès à présent, un nouveau grand concours en ligne pour un 4e hors série ! "Fureur de lire, fureur d'écrire" ! Fourbissez vos plumes !

Partager cet article
Repost0

Et si vous participiez aux concours organisés sur notre blog ?

Publié le par christine brunet /aloys

Publié dans ANNONCES

Partager cet article
Repost0

Texte 14 concours "Disparitions/Fantômes du passé"

Publié le par christine brunet /aloys

Les fantômes du passé 

 

Marguerite était délicieusement calée contre l’oreiller de son lit, un bon livre entre les mains, une boite de chocolats offerts par son futur beau-père sur la table de nuit. À chaque page, hop, une praline. Ce week-end chez ses futurs beaux-parents s’annonçait des plus agréables, tout le monde l’avait bien accueillie, observée, aidée à se sentir membre du clan. François était fier d’elle, et les compliments enthousiastes sur ses nombreux charmes – sa beauté, son chant a capella, son coup de fourchette (souligné peut-être un peu trop lourdement ?), sa connaissance des vins, sa carrière impressionnante – l’avaient presque rendu encore plus amoureux.

Respect des convenances cependant, ils avaient reçu des chambres séparées, et au fond, à Marguerite, ça ne lui déplaisait pas du tout. Un feu de cheminée crépitait avec discrétion et cassait le froid en toute élégance. Oh qu’elle était bien !

Soudain, la porte s’ouvrit, et une jeune fille échevelée et assez dévêtue entra, effrayée. Sans un bruit. Sans sembler la voir, et en tout cas ne lui jetant aucun regard. Du sang imbibait sa chemise lacérée, et avait coulé le long de ses jambes jusqu’à ses pieds nus. Ses mains, robustes et abîmées par des travaux peut-être de cuisine, lui salissaient le visage tandis qu’elle essuyait des larmes. Terrorisée, elle cherchait une issue du regard, alla à la fenêtre pour comprendre que c’était trop haut, puis se rua dans le placard où Marguerite avait soigneusement suspendu ses robes et cardigans. « Elle va écraser mes chaussures » pensa-t-elle, mais rien, aucun bruit, pas même celui des cintres dérangés dans leur quiétude.

Mais la porte fut à nouveau poussée par un homme d’âge mûr en robe d’intérieur de soie, ouverte sur ses jambes nues et également légèrement striées de sang, l’expression mauvaise au point que Marguerite dissimula son visage derrière son livre, sans penser aux yeux qui continuaient à s’écarquiller devant le spectacle. Car bizarrement, elle se sentait en dehors. On aurait dit un film muet. Mais on voyait vibrer la gorge de l’homme avec fureur, indiquant qu’il criait. Son regard rusé parcourut la pièce sans voir Marguerite, qui en fut très soulagée, ignora la fenêtre puisqu’elle était fermée, et fonça sans hésiter dans le placard.

Marguerite se demandait si appeler François ou non mais la porte du placard fut repoussée et elle vit l’homme tirant la jeune fille par les cheveux, pour enfin l’étrangler de ses mains, la laissant devant la cheminée. Il lui donna un coup du bout du pied puis s’en alla. Marguerite mit deux manons d’un coup en bouche et se redressa le cœur battant. Il n’y avait plus rien. Elle décida que quelqu’un avait fait une bonne blague et ajouté un peu de cocaïne dans la crème des pralines, et qu’elle ferait mieux de recracher les deux manons et reprendre sa lecture.

Le lendemain, descendant le bel escalier pour se rendre à la salle à manger, elle fut enfin assez curieuse pour inspecter la galerie de portraits des ancêtres de François, ma foi pas des prix de beauté, heureusement que sa mère était créole et avait apporté un peu d’attrait dans les gènes fatigués de la lignée. Et elle reconnut le vilain satire de la nuit.

« Oh, tu regardes le vieux Alphonse III ? Pauvre vieux, pas gâté par la nature mais en plus on le surnommait le loup garou, parce que les bonnes disparaissaient toutes. Sa femme – que tu vois ici, assez hideuse mais riche à point – a fini par découvrir que c’était le majordome, je pense qu’il avait assassiné une des filles… dans ta chambre, ma chérie ! Tu n’as pas eu de cauchemars, hein ? ». Et il rit…

Partager cet article
Repost0

Texte 13 Concours "Disparitions/Fantômes du passé"

Publié le par christine brunet /aloys

 

À chacun sa ligne (de temps)

   Lundi dernier, je me lève tôt. Je sors de la chambre et me dirige vers le coin cuisine. Je stoppe net à mi-chemin. Je suis sans allure, d’accord, mais jamais je n’ai oublié un mec quelque part dans mon appart. Et là, bien installé devant la télé éteinte, un type engoncé dans un costume du dix-neuvième, roupille d’allure. Je l’observe, sa tronche ne m’est pas inconnue. Un gars échappé d’un théâtre ? D’une fête ? Je vérifie, aucune trace d’effraction. J’allume l’ordi, la télé et augmente le volume de celle-ci à fond la caisse. Le type sursaute et me demande ce que je fais là, dans cette tenue ridicule. Je lui réponds du tac au tac que j’allais lui poser la même question. Il prend un air étonné et pousse un cri. La télé et l’ordinateur l’effrayent. Il se lève et inspecte tout dans l’appart. Il s’extasie devant la machine à café, le grille-pain, les radiateurs. Le gars est très grand et pas trop moche … Il n’a rien d’un ectoplasme, il est bien réel. Tout à coup, une espèce de vieux moine tout racrapoté sort de la chambre d’ami et les deux hommes tombent dans les bras l’un de l’autre. Je deviens une étrangère. Chez moi ! L’homme de prière ne semble pas trop déconnecté. Je demande, Et si on se présentait, non ? Je suis Edmond Dantès, le comte de Monte-Cristo s’exclame le beau mec, surpris que je ne le connaisse pas. Et moi je suis l’abbé Faria ajoute tout de go le vieux moine. Durant quelques secondes, je reste muette, bouche bée, bras ballants le long de mon pyjama. J’ingurgite une longue rasade de café bien chaud. Mais comment et pourquoi êtes-vous ici ? je questionne. Vous êtes des fantômes ou quoi ? Aucun mot ne sort de la bouche de Dantès. Par contre l’abbé Faria réfléchit. Pour en rajouter, je dis que tous les deux ne sont que des personnages fictifs d’une œuvre d’Alexandre Dumas, et que dès lors c’est quand même fort de café d’être présents chez moi. Faria prend alors la parole et explique : Il s’agit d’une glissade d’une ligne de temps vers une autre chère demoiselle. Le temps n’existe pas. Le passé, le futur et le présent se confondent. Il y a certainement un vortex, une porte d’entrée si vous voulez, près d’ici. Je reste stupéfaite en écoutant tout ça mais cependant je me souviens que l’abbé Faria était un puits de science et qu’il avait enseigné à Dantès les mathématiques, les langues, l’histoire, tout quoi. Les deux hommes commencent alors à papoter : Et je te croyais mort, et je suis fier de ta vengeance et patati et patata. Oh stop vous deux ! Je suis chez moi et j’ai droit au chapitre ! Que le temps glisse, je veux bien le croire. Pour le vortex, il y a un passage du côté de la place Vauban, passage qui donne accès à des souterrains et je crois savoir que vous deux, question tunnels et souterrains, vous en connaissez un bout. Pour rappel, même au dix-neuvième, vous n’existiez pas, vous n’êtes que deux personnages d’une histoire inventée par Alexandre Dumas. Là, on reste sans réponse, pas vrai l’abbé ? Celui-ci se gratte le ciboulot et lance, Il s’agit de tulpas, c’est ça, des tulpas. Nous existons parce que des milliers de gens ont pensé à nous et nous ont donné vie. Ah, tout simplement, je réplique. Et je continue, C’est bien joli tout ça mais je refuse que deux mecs glandouillent chez moi, fussent-ils le comte de Monte-Cristo et l’abbé Faria, c’est compris ? Alors je vous suggère de vous diriger vers la place Vauban située à cinquante mètres d’ici, de descendre dans ce souterrain et de retourner dans votre époque. Après avoir recraché leur tasse de café Nespresso, les deux hommes évacuent les lieux via l’escalier vu leur refus d’utiliser l’ascenseur. Atterris dans la rue du Gouvernement, ils sursautent à la vue des voitures, des panneaux de circulation, et illico s’engouffrent dans le souterrain dont l’entrée se situe place Vauban.

   Une fois rentrée chez moi ces histoires de tulpas, vortex et glissades de temps s’entrechoquent encore entre mes neurones. Je me dirige vers la salle de bains. Là, sur la manne à linges, je découvre … un parchemin. Je scrute tout ça. Une carte de Charleroi, des noms de rue … Le trésor des Templiers ! Le trésor des Templiers ! À deux pas de la place Vauban !

Partager cet article
Repost0

Texte 12 concours "Disparitions/Fantômes du passé"

Publié le par christine brunet /aloys

Il le savait mais cela s’est confirmé : les vacances loin de chez lui, ne sont pas faites pour un homme tel que lui. À l’hôtel, il y avait la télé mais pas TF1 ; la bière n’était pas terrible, et surtout, on le regardait plus souvent qu’à Paris, à tel point que, pour échapper à ces regards, Ronald préféra rester le plus souvent cloîtré dans sa chambre. Faute d’expérience − c’étaient ses premières et dernières vacances à l’étranger, il n’avait pas apporté avec lui de biographies.

Sous le soleil de Grèce, les voix s’étaient déchaînées, à croire que la chaleur les alimentait. C’était là une autre raison pour que Ronald restât dans sa chambre. Il y eut aussi cette Norvégienne en bikini, sur la plage, au bord de la mer Égée, qui lui a demandé du feu avec un sourire qui oscillait entre racolage et séduction. Pute, sale pute, avaient diagnostiqué les voix.

Ronald déballe ses affaires. Il n’a pas acheté de souvenirs, ni de cadeaux. Sa valise pèse le même poids au retour qu’à l’aller. Il retrouve la quiétude de son appartement, les voix se sont tues et Ronald en profite pour baisser le son de la radio. Henri Salvador chante « une chanson douce » tandis qu’il termine de mettre son linge sale dans la machine à laver. Tout va pour le mieux : les voix ont fermé leurs gueules, et le cauchemar des vacances s’achève. Ronald s’offre une bière, s’affale dans son club et s’apprête à regarder TF1. Il est 20 heures, ce sont les infos, et aux infos, on y voit – devinez qui ? Sarkozy, bien sûr, en vacances à « Wolfeboro », et on y parle de choses essentielles, par exemple : l’invitation à un barbecue chez les Bush ou la migraine de Cécilia.

– Jolie fille.

– Avec ses yeux, elle devait sans doute être plus jolie encore.

– Ouais, sans doute.

– Que sait-on ?

– Rien, sinon que ce beau brin de fille s’est noyé. Enfin, disons qu’on l’a noyée, et qu’ensuite, celui qui l’a noyée, ou un autre cinglé, lui a enlevé ses yeux.

– Pourquoi lui ôter les yeux ?

– Ça, patron, faut demander à un psy. Le type est un toqué, ça ne fait pas de doute.

 

Partager cet article
Repost0

Texte 11 concours "Disparitions/fantômes du passé"

Publié le par christine brunet /aloys

AVEC SES FANTÔMES…

 

 

Je suis un écrivaillon. Quelques personnes disent apprécier ma plume et mon univers, mais je suis un écrivaillon. Non pas amer, mais désillusionné. (La suite expliquera ces propos…) Je n’ai jamais voyagé et je ne suis pas spécialement instruit – chacun de mes livres a nécessité plusieurs dizaines d’heures de recherches sur Internet et, quand possible, car j’aime toujours cela, au cœur d’une bibliothèque. À l’instar d’un comédien, il faut savoir faire illusion… Ai-je au moins réussi cela ?

Depuis quelque temps, le même rêve fou revient durant mon sommeil : un très gros éditeur me repère sur le blog littéraire Aloys. Il m’offre un contrat incroyable, un agent littéraire merveilleux, et le succès arrive, somme toute, rapidement. C’est une nouvelle vie – qui fait excessivement peur, malgré tout.

Au bout d’une année seulement, je peux réaliser mon rêve secret : racheter l’appartement de mon enfance. Dans ce rêve récurrent, je m’écrie souvent : « Ça y est, j’ai enfin réussi à récupérer notre chez nous ! Je ne suis peut-être pas le raté qu’ils disent, dans mon dos, que je suis, dans cette famille. » Puis je me réveille… Je regarde autour de moi, afin d’être sûr, et il m’arrive de pleurer. Ce ne sont pas les murs de ma maison, témoins de tant de bonheurs simples, et mes chers disparus ne sont évidemment plus là.

Je ne suis ni Marc Lévy, ni Guillaume Musso, ni Danielle Steel. Juste un écrivaillon qui vit, comme d’autres, avec les fantômes de son passé personnel. J’ai tout perdu quand j’ai perdu ma maison. Cet appartement minuscule où j’étais merveilleusement heureux. Comme des esprits frappeurs, les dimanches en famille, sans ces putains de smartphones, reviennent me hanter à l’envi. Je repense continuellement à ma grand-mère en train de cuisiner pour tout le quartier, à mon grand-père qui rentre de ses parties de pétanque ou des courses de chevaux en sifflant, à tous ces moments précieux avec maman, éternellement jeune à mes yeux, à nos voisines, tous les jours chez nous.

Ça fait mal, affreusement, mais on vit avec les fantômes du passé. Je ne m’en délivrerai jamais. J’aurais aimé avoir un camescope pour capturer tous ces « fantômes », à l’époque. On n’avait pas d’argent, et le temps s’en moque. Alors, j’écris. J’écris pour vivre avec mes fantômes. Pour un peu de tendresse.

Partager cet article
Repost0

Texte 10 concours "Disparitions/Fantômes du passé"

Publié le par christine brunet /aloys

La porte ouverte

 

Suite à dix jours passés chez une amie, me voici de retour chez moi. Il est tard et une fois déchaussée et mon petit bagage défait, je ressens une impression bizarre de vide, comme une espèce de nudité de l’espace que je ne m’explique pas.

Je monte le chauffage et me secoue en pensant à la préparation de mon repas. Malgré mes efforts, l’impression persiste. La baie vitrée n’offre qu’un large écran sombre. Je me précipite pour fermer le store et clore les rideaux ; je déteste voir la nuit s’infiltrer dans la maison ! Devant la fenêtre, je réalise que cette angoisse est due à la nudité de la haie. Les feuilles ont chuté en masse ces derniers jours. Il faut bien que je m’en fasse une raison, même si je déteste le froid, l’hiver et l’obscurité

Tout à coup, je me fige en apercevant par-delà la haie, une forme blanche volumineuse, ramassée, assez haute, de la taille d’un très gros chien, ou d’un veau ? Ai-je rêvé ? La forme a remué, j’en suis certaine, au secours ! Il n’y a jamais eu d’animal chez ce voisin, je suis déjà prête à empoigner mon portable, mais je respire calmement et me force à la réflexion : Que veux-tu donc que ce soit ? Me dis-je.

Calée derrière la tenture, j’écarte le rideau, soulève le store et observe à nouveau les ténèbres. Je perçois alors un mouvement qui heureusement reste sur place. Sans hésitation, je referme le tout et me rend à la raison.

En m’occupant à la cuisine, la tension retombe peu à peu. J’allume la télé, fixe mes idées sur l’écran et oublie la vision de tout à l’heure. La soirée passe, il est temps d’aller me coucher. Heureusement, ma chambre se trouve côté jardin et les stores sont restés fermés sans crainte de  signaler mon absence prolongée. Pas de vue inquiétante donc

Fatiguée de la journée, je m’endors et sombre dans un sommeil profond, si profond que je m’éveille en sursaut après un cauchemar me ramenant à un souvenir d’enfance avec mon frère, malheureusement disparu, depuis lors. Mais à l’époque, il s’était recouvert d’un drap blanc et avait surgi en hurlant, dans le couloir obscur, provoquant chez moi une immense frayeur. Classique me direz-vous de jouer au fantôme ? Néanmoins, il m’avait terrorisée comme jamais et aujourd’hui encore j’en avais la chair de poule. Troublée à la fois par ce souvenir et le fait d’avoir revu mon frère si nettement, un long moment se passe sans que je puisse retrouver le sommeil.

 

Une fois rendormie, c’est maman, décédée depuis dix ans, qui m’apparaît cette fois. Bien qu’en plein rêve mon cerveau a du mal à y croire. Elle est pourtant là, je la vois et la sent qui s’approche doucement, elle sourit et me dépose un baiser sur la joue. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer, mais je m’éveille et porte la main là où, se sont posées ses lèvres douces. Un sentiment de bien-être m’envahit toute entière. Je me glisse à nouveau sous les draps et laisse mes pensées divaguer au gré de mes souvenirs. Et enfin, je replonge dans un sommeil serein, cette fois.

Au réveil, je ressasse avec mélancolie mes souvenirs et impressions de cette nuit. Je flâne, car c’est dimanche, et je n’ai rien de prévu… Je descend à la cuisine, prépare mon petit déjeuner et me dirige vers la baie vitrée avec appréhension. Je repousse les tentures, relève le store et lève prudemment les yeux vers la silhouette inquiétante d’hier qui n’est rien d’autre que l’énorme souche du sapin renversé par la tempête de l’an dernier.

Ce n’était donc que cela, je l’avais oubliée et, à présent, dénuée de son écorce, son bois est devenu lisse et blanc sous les effets de la pluie et du soleil cumulés. Cet été, une graminée a poussé derrière la haie, dont les plumeaux blancs ondulent au gré du vent. Ce sont eux, les coupables qui ont provoqué ma panique d’hier soir !

Cette souche était soustraite à ma vue durant toute l’été, quand le feuillage me cachait sa présence. Mais hier soir, elle a probablement été la porte ouverte à ces visites nocturnes Nous sommes toujours accompagnés par les fantômes de notre passé   

Partager cet article
Repost0

Texte 9 concours "Disparitions/fantômes du passé"

Publié le par christine brunet /aloys

La perte

 

Rien ne sera plus jamais pareil. La perte est immense, les enquêteurs, malgré l’épuisement, persévèrent. Nulle part un indice, une piste. Depuis plusieurs semaines, depuis le passage à l'heure d'hiver, les enfants ne rient plus. Même pas un petit peu. Même pas un rictus. Rien. Nada. Étrange, mais véridique. Alertés par les parents inquiets, les enseignants acquiescent discrètement, rapidement suspectés d'être la cause du dérèglement infantile. Il faut dire qu'il est dans l'air du temps de les accabler. La faillite publique, c'est eux. Le bateau qui prend l'eau, c'est eux. Dépensiers ! Fainéants ! Payés à ne rien faire ! Incapables !
            Sans plus attendre, l'État s'empare du sujet. Si, si, si, ce ne peut être que cela : les élèves qui ne rient plus, c'est eux ! Aussi ! Si, si, si !

 

Heureusement, un inspecteur rivalisant de perspicacité va s’intéresser à l'affaire, guidé par l'envie de vérité. Une denrée rare, mais précieuse. Enfin, c'est ce qu'il se dit, brièvement. Inspecteur Lagarance. Flanqué à la rue par sa femme, il squatte l'appartement d'un ami, le canapé s'en plaint, grinçant plus que jamais, mais rien n'y fait. Indifférent au rejet affectif du deux-places, Lagarance n'a plus qu'une idée en tête : remettre les enfants sur le chemin du rire. Et éventuellement, épater sa femme.

Dans l’intervalle, l'enquête.

 

Lagarance ne lâche rien, il va et vient, lunettes réglées sur qui-veut-peut. Il grimpe aux arbres, se tapit dans la nuit qui décline, surgit dès l’aube qui s’éveille, interpelle les passants, les chats, les chiens, les rats des villes et ceux des champs. Se creuse les méninges. Et se creuse les méninges. Et se creuse les méninges. Jusqu'à ce qu’un éclair de génie le frappe, par charité. Pile en haut du crâne. Un truc. Y a un truc, qu’il se dit. Ce n’est pas simplement le rire des enfants, il manque un truc, juste avant le rire des enfants, ça ne tient qu’à quelques lettres, il le sent… Un suffixe ? Un préfixe ? En haut ? En bas ? Près de lui, là-bas, et même ici, dans ce texte, il manque un truc.

Un truc, mais lequel ? Que c’est agaçant de se deviner si près du but, sans parvenir à l’atteindre. Nein, nein, nein ! (L’allemand, uniquement quand il enrage). 

De mauvais gré, Lagarance capitule et part rendre visite à un vieil ami. Ancien gagnant des dictées de l’illustre Bernard. Il lui tend le texte. Le verdict est sans appel : une lettre manque. Entre le n et le p. Dans ce texte, mais aussi dans les manuels, les paperasses, les bavardages, les mimiques et les habitudes. Plus de petits cercles. Perdus. Disparus.

Quelques heures plus tard, tel le messie, Lagarance est reçu par le président. Bises, épingle et remerciements. Et dès le lendemain, sur les petits et grands écrans, le chef des armées, avec gravité, en appelle aux experts de la langue française.

A l'aide, amis enseignants, amis sauveurs ! 

Mince, zut, flûte, ils viennent aussi de disparaître.

Partager cet article
Repost0

Texte 8 concours "Disparitions/fantômes du passé"

Publié le par christine brunet /aloys

 

Une histoire vraie

 

C'est l'histoire d'un mec, ça fait déjà toute sa vie qu'il fait semblant.

Alors, à la fin de sa vie il fait semblant d'être mort.

On fait semblant de l'enterrer et il fait semblant de rien.

On fait semblant de le regretter et il fait semblant de ressusciter.

 

Un jour, il tombe à l'eau et fait semblant de nager.

On fait semblant de le sauver et il fait semblant de se noyer.

On fait mine de chercher son corps. En vain, on l'appelle encore et encore.

On raconte que c'est son sport de faire le mort et on lance une fausse couronne dans le décor.

 

Alors, on fait semblant d'avoir bonne conscience, mais, sous de faux-semblants,

tous ont peur qu'il soit mort vraiment.

 

Par une nuit de claire lune, il réapparaît et on fait comme si de rien était. 

Il dit qu'il a fui le diable et ses grands sabots et feinté cerbère en faisant le beau,

qu'il s'est échappé du royaume des morts en rusant et en faisant semblant d'être encore vivant,

qu'il est revenu sous un autre jour, tel un revenant et que dorénavant, il va croquer la vie à pleines dents, même s'il est devenu un mort-vivant.

 

Il prétend qu'il a changé vraiment et jure de ne plus dire que la vérité.

Mais, depuis, plus un traître mot il n'a prononcé.

Alors, on fait semblant de le croire et de ne pas lui en vouloir.

On sait que personne ne revient de l'au-delà, mais, ça lui ressemble tellement de dire ces choses là. Et, comme il ment depuis qu'il est petit, on raconte qu'on n'a pas voulu de lui au paradis.

 

 

 

Partager cet article
Repost0

Texte 7 concours "Disparitions/Fantômes du passé"

Publié le par christine brunet /aloys

La passion de l'ange

 

J'avais sept ans. Je me souviens, c'était un jour d'automne.

Je buvais un chocolat chaud avec Papa au Réverbère. C'était notre QG, l'endroit où on aimait déguster la vie. A travers la vitre, je regardais les gens passer, passer et passer... Quand tout à coup, je la vis, la plume blanche.

  • Papa ! criais-je en lui montrant la plume du doigt.
  • C'est une plume d'ange, me répondit-il.
  • Une plume d'ange ?
  • Ils veillent sur nous.
  • Comme Maman ?

 

Je vis la surprise dans les yeux de Papa. Je vis également autre chose...

  • Oui, comme Maman...

 

Papa but une gorgée de chocolat. Je regardais à nouveau les gens qui passaient. Je ne sais pas pourquoi, mais je ressentis soudain l'envie de regarder le ciel, il était tout gris. La pluie tomba.

  • Ta maman adorait la pluie. Ça l'apaisait...

 

Papa rebut une gorgée. Je vis alors qu'il le regardait, le grand verre de bière sur le comptoir. Ça faisait un an que Papa avait arrêté. Je pus y voir l'envie. J'avais peur que Papa rechute.

Je regardais à nouveau la vitre... Maman enlaçait Papa. Comme ses ailes étaient grandes... Et blanches.

  • Garçon, la même chose, s'il vous plaît.

 

Nos deux autres chocolats arrivèrent. Papa me sourit. Je fis de même.

  • Santé, ma puce !
  • Santé, Papa !

 

Je bus une gorgée. Je regardais à nouveau la vitre. Maman avait la main déposée sur le cœur de Papa. Elle me souriait... Tout en déposant l'index sur sa bouche.

Partager cet article
Repost0