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Philippe Desterbecq nous propose une nouvelle : "un vélo rouge"

Publié le par christine brunet /aloys

Un vélo rouge

Pour mes huit ans, j’avais demandé à mes parents de m’acheter un vélo rouge, le même qu’avait reçu mon copain Fred parce qu’il avait eu un beau bulletin. Je voulais pouvoir me balader dans le village, seul, sur ma monture, fier comme Artaban. 

Mon père m’avait promis qu’il exaucerait mon vœu, mais voilà, papa est parti tout à coup, comme ça, dans un éclair, comme un ballon qui éclate, rouge, le ballon. Un bête accident, une vie qui s’envole et un petit orphelin qui ne comprend pas bien la situation. 

Le jour de mon huitième anniversaire, je m’en souviens, nous déposions, ma mère et moi, des fleurs au cimetière du village, rouges les fleurs, rouges comme le sang qui s’était répandu sur la chaussée. Et de mon cadeau, de ce vélo dont je rêvais depuis des mois, on n’en a même pas parlé. Ce jour-là, je n’ai même pas soufflé une seule bougie ! 

Pour mes neuf ans, j’avais demandé à maman si elle voulait bien m’acheter le vélo rouge que j’attendais depuis plus d’un an. Elle s’est mise à pleurer, comme tous les jours depuis la disparition de papa, a ouvert une nouvelle bouteille de whisky comme elle le faisait presque tous les jours depuis qu’elle était « seule au monde » comme elle disait ; elle a bu une longue gorgée de ce liquide brulant qui semblait lui faire tant de bien, m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit : « Mon pauvre petit, je n’ai pas le premier centime pour te le payer, ton vélo ! Et puis, si c’est pour répandre une flaque rouge sur la chaussée, et que je me retrouve encore plus seule, c’est pas la peine ! ».

Pour mes dix ans, j’avais demandé à mon beau-père s’il voulait m’acheter le vélo rouge promis par mon père. Il m’a foutu une torgnole et m’a dit : « Il avait qu’à l’acheter lui-même, ta bécane, ton vieux ! ». Je ne savais pas que papa était si vieux. Je n’ai jamais été doué pour deviner l’âge des gens. Par contre, lui, Albert, avec sa longue barbe blanche et l’absence de cheveux sur son crâne tâché, je le trouvais vraiment vieux ! Et tout d’un coup, j’ai souhaité qu’il meure vite. Je me retrouverais seul avec une mère alcoolique, je le savais, mais maman, elle, au moins, ne me frappait pas ! 

Mais, malheureusement, mes vœux ne se réalisent jamais et Albert n’est pas mort. Il a continué à me frapper et puis il s’est mis à battre maman aussi. J’aurais voulu la défendre, bien sûr, mais devant les muscles de notre tortionnaire, je tremblais, je n’y pouvais rien ! 

Puis, un jour que j’allais avoir treize ans et toujours pas de vélo, j’ai découvert une nouvelle flaque rouge. Ce n’était pas sur le chemin, cette fois, mais sur le sol de la cuisine. J’ai suivi des yeux le tout petit ruisseau écarlate qui se formait et j’ai vu la tête de ma mère, à même le carrelage froid, éclatée comme une noix. D’Albert, aucune trace, bien sûr, mais je savais très bien ce qu’il s’était passé là, dans la petite cuisine aux vitres sales. 

Aujourd’hui, une gentille dame est venue me chercher chez la voisine. Elle m’a tout expliqué. Je vais vivre désormais dans une grande maison, propre, lumineuse, où grouillent des dizaines d’enfants comme moi, des orphelins à ce qu’elle dit. D’après elle, plus personne ne me touchera et je me ferai plein de copains. 

Est-ce qu’il y a des vélos dans les centres d’hébergement pour enfants ? Si oui, est-ce qu’ils sont rouges ? J’aimerais bien avoir un vélo rouge, moi…

 

Publié dans Textes

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Edmée de Xhavée a lu "Le tilleuil du parc" de Jean Destrée

Publié le par christine brunet /aloys

Voici un livre « tranquille », qui a tous les parfums, les réalités sociales et la décence d’une époque. J’ai aimé cette impression, non pas de lire une autobiographie, mais de percevoir du vécu ici et là. Bien sûr, on comprend que les lieux existent, ou ont existé, même le vénérable tilleul bien sûr. Les préoccupations sociales aussi, et les réactions à ces dernières. Et puis la manière dont un amour se met en place, c’est également issu du code d’alors, avec la pudeur et une audacieuse indécence qui s’alternent patiemment.

Jean-Michel est un « homme sans histoire », bien qu’il ait été blessé par un amour autrefois. Il a trouvé la tranquillité dans le retour sans surprises des jours, l’un après l’autre, agréables et rassurants. Il enseigne, a ses amis, ses routines, ses itinéraires préférés, dont le parc où se déploie l’imposant tilleul du parc. 

Il connait le bruit du tram, le salut de l’encadreur sur la place, les mineurs du coin, il a sa bière préférée.

Mais si aucune de ces choses n’est destinée à disparaitre, sa vie sera bouleversée.

Un enfant, et Fabienne, la femme qui le recherche, car c’est le sien. Elle, elle a « une histoire », et Jean-Michel, sans y avoir pensé, sera celui qui lui en donnera une autre et l’aidera à retrouver cet enfant dont la trace ne cesse de resurgir pour disparaître à nouveau. Leur rencontre sera pour chacun un des cours de l’école de la vie : plongé dans les bousculades toxiques d’un monde qu’il ignorait, la compassion naturelle  de Jean-Marie s’étend vers ceux qui vivent des drames, et s’il sera un loyal défenseur pour Fabienne il le deviendra bien vite pour les causes syndicalistes. 

Quant à Fabienne, elle fleurit comme un printemps au contact de la gentillesse innée de Jean-Michel et de ses amis, une attitude entièrement neuve pour elle. Elle se fond dans sa nouvelle vie avec la fraicheur d’une écolière qui découvre qu’elle a du talent. 

 

Edmée de Xhavée

 

Publié dans avis de lecteurs

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Bonne année !!!

Publié le par christine brunet /aloys

Bonne année !!!

Publié dans ANNONCES

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Joyeux Noël !!!!!

Publié le par christine brunet /aloys

Joyeux Noël !!!!!

Publié dans ANNONCES

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Joël Godart nous propose un extrait de son ouvrage : FAIRY

Publié le par christine brunet /aloys

Joël Godart nous propose un extrait de son ouvrage : FAIRY
Joël Godart nous propose un extrait de son ouvrage : FAIRY
Joël Godart nous propose un extrait de son ouvrage : FAIRY

Publié dans extraits, Poésie

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Micheline Boland nous propose un conte pour Noël !

Publié le par christine brunet /aloys

Substitution

 

Mon histoire se passe il y a longtemps.

Ce soir-là, quelques jours avant Noël, Jean rentre chez lui. Contrairement à son habitude, il ne s'empresse pas de donner un baiser à Sylvette, sa jeune et jolie épouse. Il est visiblement troublé et embarrassé. 

"Sylvette, c'est une véritable catastrophe ! Je viens de croiser nos voisins. Ils nous invitent pour le soir de Noël ! Une belle occasion d'apprendre à mieux se connaître, m'ont-ils dit ! Tu te rends compte. Nous sommes sans le sou et il nous faudra leur apporter le cadeau traditionnel. Qu'est-ce qu'on va faire ? 

- Mais pourquoi as-tu accepté ?

- Tu sais, ils m'ont pris au dépourvu et je n'ai pas eu le temps de réfléchir… J'ai dit oui, comme ça, par politesse !"

Des brindilles, de bien maigres bûchettes et rondins, ils n'avaient guère que cela à pouvoir apporter. Leurs maigres économies avaient payé le peu de mobilier qu'ils avaient. Comme la plupart des jeunes mariés, ils voyaient la vie en rose et n'imaginaient pas qu'un imprévu pouvait arriver ! Ils avaient espéré que l'hiver serait clément et qu'ils auraient peu de frais de chauffage et de vêtements. Ils avaient eu l'audace de compter sur la bienveillance de la météo et des éléments naturels. Ils n'avaient pas envisagé qu'ils allaient être invités pour Noël chez des voisins auxquels ils devraient, comme c'est la coutume dans la région, offrir une belle grosse bûche pour alimenter le feu durant tout le repas. Ce cadeau était, en ce temps-là, le seul partage matériel des frais de la veillée.

 Ces misérables branchages qu'ils avaient récoltés dans les endroits boisés des environs, jamais ils n'oseraient les donner. Ils étaient tout juste utiles à pouvoir cuisiner et à réchauffer un peu leur foyer le soir venu, quand le travail terminé ils se laissaient aller à la rêverie au coin de l'âtre sous une douce couverture. Pour ces activités, peu importait, en effet, la présentation du combustible, seuls comptaient les résultats. Pour illuminer un réveillon de Noël, il s'agissait de faire un cadeau non seulement fonctionnel, mais aussi présentable. La forme avait, ici au moins, autant d'importance que l'usage prévu.

"On ne va quand même pas demander à tes parents ou aux miens de nous prêter quelques sous. Ce serait leur montrer qu'on n'est pas vraiment capables de voler de nos propres ailes ! 

- T'en fais pas, mon Jean, nous devons trouver une solution et on la trouvera, Et si je brodais une bûche sur un joli morceau de soie ? Un joli napperon…

- Mais, tu n'y penses pas !" 

 Comment dissimuler au mieux leur pauvreté ? Oublié le napperon, puisque Jean n'en veut pas ! 

"Et si on offrait des rondins de bois ?

- Mais, pour quoi faire ?

- Des rondins de bois qu'on emballera joliment pour chaque convive. Ainsi chacun alimentera le feu au moment opportun…

- Ma pauvre Sylvette, tu crois que nos voisins vont se contenter de cela ?

 - Ne t'énerve pas, Jean ! Ça ne sert à rien de tout précipiter ! Et si on demandait à Parrain ? Je le connais, il ne dira rien aux parents ! Ça restera un secret entre lui et nous !"

Et si, et si…  

 Soudain, Sylvette bat des mains : "J'ai trouvé ! Tu ne devineras jamais ! Quelque chose de délicieux et qui réduira leurs frais ! Je vais leur préparer un gâteau. Ce sera une contribution personnelle au repas et ainsi, nos hôtes ne se douteront pas de notre dénuement. 

- Et si tu lui donnais la forme d'une bûche ? Ce serait une belle surprise, non ?".

 Dès le 24 décembre au matin. Sylvette se met au travail. Elle prépare la pâte, la fait cuire. Une fois tiédie, elle la roule après l'avoir soigneusement garnie d'un peu de confiture. Elle orne son œuvre de nœuds et d'un entrelacs en confiture représentant les veines et les aspérités d'une écorce.

 Le soir même, d'un air joyeux, ils offrent leur délicieuse pâtisserie, prétextant qu'un peu de renouveau ne fait jamais de mal à personne.

 Leur innovation a tant de succès que bientôt à travers le pays tout entier, puis à travers quantité de contrées de plus en plus lointaines, tout le monde confectionne de tels gâteaux. 

Ces pâtisseries furent par la suite garnies de crème au beurre, nappées de moka ou de chocolat, fourrées aux marrons ou enjolivées de massepain. Leur base devint une génoise moelleuse à souhait, tant l'homme cherche à améliorer ses créations.

 Qui penserait que l'origine de la coutume fut un manque provisoire de ressources ? Qui oserait prétendre qu'il n'y a point d'issues heureuses aux imprévus de la vie ?

 Qu'un chemin soit inabordable, nous en trouverons tous bien un qui nous conduira d'une manière différente vers cet endroit où nous espérions aller. Notre imagination n'est-elle pas notre plus sûr allié ? Notre capacité à découvrir d'autres voies n'est-elle pas ce qui nous rend unique parmi tous les êtres de la création ? 

 

Micheline Boland

 

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Un article presse pour Séverine Baaziz

Publié le par christine brunet /aloys

Un article presse pour Séverine Baaziz

Publié dans Article presse

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Joe Valeska nous propose un nouvel extrait de son premier tome des Meurtres surnaturels

Publié le par christine brunet /aloys

Ivana / Caroline

 

Un extrait de Meurtres Surnaturels, volume I :

Les Métamorphoses de Julian Kolovos

 

Par Joe Valeska



 

Environ une heure plus tard, Ivana, déjà pomponnée, descendit dans le grand salon, toute guillerette. Une cartomancienne rencontrée lors de la fête d’anniversaire du jeune Abhishek l’y attendait depuis dix minutes. La femme aux cheveux orange et au visage buriné, vêtue comme les bohémiennes dans l’imagerie populaire, fut accueillie par Caroline qui demeura sur place pour, d’une part, s’occuper de l’époussetage des meubles et, d’autre part, se divertir du spectacle grotesque que lui offrirait, à coup sûr, cette petite imbécile d’Ivana.

Car c’était la toute dernière lubie de la star : se faire tirer les cartes. Il y a quelque temps, cela avait été la pratique du yoga – qu’elle abandonna dès qu’elle réussit, Dieu seul sait comment, à se faire un tour de reins. Avant la pratique du yoga, cela avait été des cours de country. Mais le professeur la pria de ne plus jamais revenir, la qualifiant de catastrophe ambulante ! De tsunami ! Elle pensa également s’essayer au paintball… Par chance, son père lui fit promettre d’abandonner son idée de se mettre au tir à l’arc sur leur domaine.

– Ma colombe… Et si jamais tu tirais dans les fesses de ton frère pendant qu’il est à cheval ? Ou si tu tuais la bonne !?! Le tricot, qu’en penses-tu ? Quoique… non : les aiguilles ! On ne sait jamais, tes yeux !

Et que dire de la fois où, croyant adopter des maine coons, elle revint au château, embobinée par un vendeur, disons, louche, avec un couple de hyènes tachetées ? Quel cirque dans les couloirs et les pièces du château… Francesco, Ornella, Sofia, Dimítrios et la domestique couraient dans tous les sens, se croisaient et se croisaient encore, poursuivis par les bébés de la star hilare, poussant des cris d’horreur, alors que les hyènes ricanaient. Julian regretta fortement d’avoir raté ce merveilleux spectacle.

Pauvre Caroline… Aux urgences, encore une fois !

Quand Ivana tournait, dès qu’une scène nécessitait un minimum d’adresse – ne parlons même pas de cascades ! Car une doublure était alors requise –, le pire n’était jamais bien loin… Ni les services d’incendie et de secours. Une actrice exceptionnelle, certes, mais un cauchemar durant les tournages. Ainsi que dans la vie de chaque jour.

– Après la méchante reine, voici Blanche-Neige, dit la domestique à voix basse, se mettant à fredonner Supercalifragilisticexpialidocious afin de rendre Ivana complètement folle, car la star détestait Mary Poppins, et ce, depuis qu’on lui avait refusé de reprendre le rôle de Julie Andrews dans cette nouvelle version cinématographique qui, au final, était tombée à l’eau.

La séance put commencer après quelques : « Chut !!! », des regards obliques et un minimum de préparation et de manipulation des cartes du tarot – dit « de Marseille ». Mais Caroline, se tenant à bonne distance, jouant avec son plumeau comme un chef d’orchestre avec sa baguette, reprit de plus belle, augmentant le volume dès que revenait le mot le plus incroyable jamais créé pour une chanson et faisant, par là même, sursauter Ivana à chaque fois, comme si la malheureuse était assise sur un ballon sauteur ! La star finit par perdre son sang-froid.

– Mais allez-vous vous taire, Caroline !?! Nous sommes occupées, Raka et moi ! Êtes-vous réellement idiote ou le faites-vous exprès !?!

– Je ne voulais pas importuner Mademoiselle. Que Mademoiselle et son amie m’excusent.

– Allez voir ailleurs si j’y suis, Caroline. Il émane de tout votre être des ondes négatives qui perturbent notre concentration. N’auriez-vous pas tous les W.-C. du château à récurer, à tout hasard ?

– Mais même ailleurs, Mademoiselle, il serait bien difficile de vous ignorer… Des portraits de Sa Majesté recouvrent la plupart des murs de ce château.

– Vous êtes sotte, Caroline.

– Juger autrui… c’est se juger soi-même, Mademoiselle !

– Oh ! Quelle impudence… Je le dirai à papa, quand il descendra, et vous serez crucifiée ! CRU-CI-FIÉE !!! Dehors, maintenant ! Dehors !!! s’époumona Ivana, folle de rage et rouge comme le nez de l’auguste.

La domestique quitta la pièce une fois de plus, mais plutôt fière d’avoir réussi ce qu’elle espérait réussir : faire sortir Ivana de ses gonds. Dans le vestibule, tout en s’éloignant, elle se remit à chanter la chanson à tue-tête…

– Vous entendez, Raka ? Vous entendez ? Elle le fait exprès. C’est le démon, cette fille ! Un jour, j’en suis sûre, je vais avoir une rupture d’anévrisme à cause d’elle ! 

– Souhaitez-vous que nous arrêtions, très chère ? demanda alors la cartomancienne à Ivana, exaspérée.

– Arrêter ? s’étonna la star. Mais non, ça va aller, Raka. Il me faut absolument savoir. Continuez, je vous en prie.

– Fort bien. Comme il vous plaira. Mais quelle était votre question, déjà ? Cette chanson m’a fait perdre le contact avec les puissances supérieures.

– Eh bien, Raka, est-ce que c’est moi qui vais décrocher l’Oscar de la meilleure actrice lors de la prochaine cérémonie, voyons !?!

Raka tira les cartes et fit mine de très longuement réfléchir. Elle fronça les sourcils, manipula les cartes, soupira, manipula les cartes à nouveau, puis elle ouvrit de très grands yeux.

– Oui ! Les puissances supérieures sont formelles ! s’écria-t-elle.

Ivana, ivre de bonheur, se mit à gesticuler sur son siège et à pleurer comme une démente. Gloussant en même temps, elle n’arrêtait pas de demander à son invitée si c’était bien vrai.

Elle se leva subitement, surexcitée. On aurait dit qu’elle allait prononcer son discours de remerciements.

– Il faut que nous fêtions ça ! Après tout, c’est mon anniversaire, aujourd’hui. Sortons vite m’acheter de nouveaux atours et de nouvelles paires de chaussures ! Je sais où trouver les derniers modèles qu’on ne verra jamais sur quiconque. Vous n’allez pas en croire vos yeux, Raka ! Bien sûr, je vous achèterai un petit quelque chose pour vous remercier, vous et les puissances supérieures…

 

Publié dans extraits

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Barbara Flamanden invitée d'Aloys avec un article dans Bruxelles culture signé Bob Boutique

Publié le par christine brunet /aloys

Barbara Flamand, une existence pleine… pour rien ! 

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Une vie entière avec l’impression de s’être trompée de A à  Z sur l’évolution de nos sociétés européennes (qui englobe les Etats-Unis), d’avoir perdu ses illusions politiques en chemin et de conclure par l’absurde, voilà à quoi ressemble ce livre magnifiquement écrit mais d’une vérité crue, celle d’un échec qui se résume à la fin de la vie de l’écrivaine par une profonde désillusion, qui confine à l’absurde : tout ça, pour ça ! 

Barbara Flamand a été de toutes les batailles de l’ultra gauche pour se rendre compte à l’heure du bilan qui approche qu’elle avait tout faux ! Ceci n’est qu’un avis bien sur, et je présume qu’elle ne voit pas les choses de cette façon, mais l’URSS a disparu, la Russie s’est effondrée avec le mur de Berlin et le communisme n’a plus d’adeptes sérieux en dehors de la Corée du Nord et de Cuba. Tout ça, pour ça !

« Snobée en Belgique, ignorée en France, il fallu qu’une éditrice praguoise réalise enfin la portée de ses textes  et fasse l’effort de les traduire en… tchèque, pour les faire paraître par la suite dans notre pays. » Il a fallu du temps, mais elle a  tenu bon et Barbara Flamand est devenue une écrivaine prolifique, respectée, controversée certes, mais d’une totale sincérité. Elle a publié 13 recueils de poèmes, deux romans, deux essais, et diverses pièces de théâtre pour clôturer en 2021 aux éditions Bernardiennes par ce livre étonnant qui raconte sa vie teintée de tristesse et de désillusion malgré son titre paradoxal « Il était une fois… le bonheur ». 

Très jeune, la petite Barbara s’est vite rendue compte (dès ses 12 ans) que la religion ne reposait sur rien de sérieux et que nous n’étions en fin de compte que des primates plus évolués que les singes, donc pas des bêtes à bon dieu. Elle prit alors le parti de l’espoir un peu fou, en se donnant aux sirènes de l’ultra gauche et de l’athéisme dont elle devint une ardente combattante. 

Elle a tout expérimenté, depuis la vente du drapeau rouge dans les rues de Prague, à diverses amours de passage jusqu’au jour ou elle rencontre enfin (c’est elle qui l’affirme) un homme qui venait de perdre sa femme depuis quelques mois (il fait 25 ans de plus qu’elle)  et trouve en elle, l’égérie qui réussira à combler ce vide, Marcel ! Elle vivra alors une passion complète jusqu’à son décès, même si elle reconnait avoir vécu entretemps diverses amours lesbiens. Dans la vie rien n’est jamais simple, surtout lorsqu’on parle de sentiments ! 

Une vie d’aventures bien remplies mais qui se clôture en fin de compte, vers la fin de son parcours, par une grande solitude, le constat décourageant sur le plan politique du triomphe de l’ultra libéralisme et d’un dernier décès, celui de sa chienne Laika sur qui elle avait reporté le trop plein d’amour qu’il lui restait. Une chienne, au lieu de l’homme ! 

Personnellement je retiendrai surtout de « Il était une fois… le bonheur » la première partie du livre où elle raconte avec une simplicité et une franchise désarmante, l’histoire de sa vie. Ça commence avec une gosse perte de temps, dieu, (je l’écris avec ostentation en lettres minuscules), jusqu’au jour où dans une nacelle, à la foire entre ciel et terre, elle se sentit libérée et capable de choisir. Elle venait d’avoir 12 ans ! « Je ne crois plus en Dieu, parce qu’il n’existe pas… je n’ai pas besoin d’aide, ma conscience me suffit. » explique t-elle au curé de sa paroisse, désemparé. Et tout était dit. 

Après quoi elle fit la connaissance de son premier grand amour qui l’emmena à Prague, mais ce n’était pas le bon (il était violant et un peu barjot) et divorça, puis rentrée en Belgique fit la connaissance de Marcel, un responsable du « Drapeau Rouge » beaucoup plus âgé qu’elle mais dont l’aura et l’intelligence firent  main basse sur son esprit partagé entre son engagement politique sans retenue et l’amour inconditionnel d’une amoureuse séduite par son aura politique… un amour total qui ne se démentira pas jusqu’ajour où intervint l’accident et le décès de l’ être aimé : « C’était un samedi fin d’après-midi, il sortit de la voiture et s’écroula. Les infirmiers de l’ambulance ne purent le ranimer. Il était bel et bien mort ! » 

Dans le même temps elle fait la connaissance de Simone, une jeune fille effrontée qui du jour au lendemain l’initie au monde lesbien ! Une expérience ravissante qui lui apprit qu’on pouvait aimer de plusieurs façons et qui dura plusieurs années. 

Et voilà ! Une vie qui se résume en quelque phrases, des amours compliquées, un parcours politique chaotique qui ne mène nulle part et fort heureusement pour nous, lecteurs, une existence consacrée à l’écriture (elle ne cessera jamais de coucher ses impressions sur papier) qui au fil des ans tissera l’histoire mouvementée mais décevante sinon absurde du communisme. 

« La jeunesse d’aujourd’hui n’est plus celle qui se voulait le fer de lance dans le futur. Il s’agit de se caser au mieux dans une société sans but !  Je la quitterai cette société en ayant perdu l’espoir des lendemains qui chantent. » 

Je pourrais évidemment vous parler des autres textes de cet ouvrage où elle raconte des histoires fortement influencées par ses convictions  politique (les ouvriers d’une part et les méchants ou minables patrons de l’autre) mais je les trouve à tort ou à raison trop engagés, parfois d’une façon simplistes,  pour être représentatifs. D’autant plus que ces « patrons » sont la plupart du temps des ouvriers qui ont réussi et travaillés dur pour y arriver.. Soit. 

« Il était une fois… le bonheur » est un très beau livre, remarquablement écrit, et témoin d’une époque où la gauche, on pourrait même ajouter l’ultra gauche, faisait rêver une partie de la jeunesse obnubilée par le rêve des lendemains qui changent, mais ne parvint jamais à concrétiser. » 

Ce qui m’a littéralement convaincu dans ce livre controversé mais passionnant, c’est le « ton », la finesse de l’écriture, et l’incroyable franchise d’une vie passée pour rien (ce n’est qu’un avis bien sur), et totalement consacrée à un idéal déchu. Au confins de l’absurde !

« Quel sens ? Question que beaucoup ne posent pas. Et d’ailleurs ils n’ont pas besoin d’un sens. C’est sage. Car la question posée, le mot qui saut dans la tête est l’absurdité… Vivre pour mourir ! Mourir: le gouffre. ? L’abime ? ». 

 

Bob Boutique

 

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Un texte signé Carine-Laure Desguin dans la Revue Aura !

Publié le par christine brunet /aloys

Jusqu’au dixième étage

 

L’adjointe à la direction m’a remis les documents. Je devais cocher une seule case, et la bonne case hein, ah ah ah, signer tout en bas de la page numéro 5 et de préférence je devais utiliser la même signature que celle figurant sur mon contrat de travail, ah ah ah. Ceci était un document de la plus haute importance d’après un mail ministériel envoyé ce matin dans toutes les résidences pour personnes âgées, ah ah ah. Ensuite je devais déposer cette page signée dans la boîte aux lettres de la direction. Ou encore la numériser et l’envoyer par mail, à la direction bien sûr. Pas de ah ah ah. Et surveiller si un mail de réception me parvenait car dans le cas contraire je devais recommencer l’opération. Tout cela après avoir pris connaissance du contenu de toutes les pages qui exposait dans un langage très compréhensible, ah ah ah, tous les bienfaits de ce vaccin qui combattrait cette Covid-19. Le personnel soignant était prioritaire pour recevoir dans les plus brefs délais les deux doses dudit vaccin et c’était une chance, je devais bien comprendre ça, une chance. Nous étions donc des élus, ah ah ah. Mais nous faisions ce que nous voulions, bien sûr. Notre pays est une démocratie, quand même. Le citoyen est libre. J’ai coché la case située devant la phrase je refuse ce vaccin. La semaine suivante, j’ai appris que j’étais la seule parmi les soignants à avoir coché cette case. Et pourtant, lors des pauses, personne ne l’aurait acceptée, cette vaccination. Tout le monde s’était insurgé. Nous ne sommes pas des cobayes, et puis quoi encore ? Ils ont fait crever des milliers de vieux et à présent on veut assassiner le personnel ! Basta ! Fuck ! C’est une honte ! Et ça, cette manipulation, les gens l’applaudiront aussi ? Et de plus, les doses ne sont pas des unidoses, tu te rends compte quel foutoir si tu tombes sur une infi qui n’est pas capable de diviser dix par cinq ? Non non et non ! Fuck à ce vaccin ! Tout ça, je l’ai entendu, je me le rappelle très bien. Le jour des premières vaccinations, je suis la seule à ne pas aller tendre le bras afin de recevoir l’injection. Tous les autres membres du personnel ont accepté les deux doses à vingt et un jour d’intervalle. De suite, j’ai été fichée. Dans cet établissement pour personnes âgées (qui comprenait aussi des patients en soins palliatifs, des patients déments bref des patients pour qui il n’y avait pas de place ailleurs), j’étais la seule à avoir refusé ce vaccin. Et donc, les conséquences n’ont pas traîné à survenir. Durant mon service, je devais prendre chaque heure ma température. Afin que je n’oublie pas cette corvée, mon deck vibrait à l’heure dite. On a accroché sous mon badge d’identification épinglé sur mon uniforme à hauteur du sein gauche une caméra. Oui, une caméra. Pour contrôler chacun de mes pas, surveiller le nombre de fois que je me lavais les mains, et puis aussi tous mes autres gestes. Mes collègues m’évitaient, elles ne s’approchaient plus de moi, elles maintenaient une distance deux fois supérieure à la distance normale. Elles ne partageaient plus leur pause avec moi. D’office, j’étais contrainte à ne rentrer que dans les chambres de patients covidiens. Tout le monde a fait bloc contre moi. À partir de ce moment-là, chacun de mes avis ne comptaient que pour du vent. J’étais devenue celle qui avait refusé le vaccin. Par extension, j’étais celle qui refusait de prendre soin de l’autre et j’étais donc celle qui refilerait aux autres (membres du personnel ou résidents), cette merde de Covid-19. La pression a atteint son comble lorsque le bruit a couru parmi les résidents non contaminés que j’avais refusé le vaccin. J’étais devenue leur ennemie, celle qui pouvait les infecter et faire de leurs derniers jours des jours de supplice coincés entre deux draps et un respirateur qui pendouillerait au bout de leurs lèvres. Chaque semaine j’étais testée et chaque semaine j’étais négative. Cela importait peu. Il était connu que la fiabilité des tests n’était pas de cent pour cent. J’étais donc peut-être positive asymptomatique. J’étais priée de ne pas me trouver dans le vestiaire en même temps que les autres. Pour tout, j’étais décalée, les pauses, et aussi pour le travail effectué à l’ordinateur. Je devais encoder mes soins après l’encodage de mes collègues. Et là aussi, on boycottait mon travail. Je me suis aperçue que des soins encodés la veille ne portaient aucune signature, j’étais donc en infraction. La cheffe de service, qui déjà ne supportait pas que je publie sur mon blog des textes pourtant littéraires mais dans lesquels sont glissés des problèmes sociétaux, par une astuce informatique avait accès à ma session et effaçait certaines de mes signatures numériques. Tous ces faux manquements, on me les foutait sous le nez. Du coup, mon travail administratif me prenait deux fois plus de temps car tout ce que j’encodais, je le photographiais afin de pouvoir prouver que mon travail était réalisé avec sérieux et professionnalisme. Et lorsque l’équipe suivante se pointait, j’étais toujours scotchée devant un des ordinateurs. Il m’a donc été signifié que je perturbais le service tout entier. D’autant plus qu’une collègue avait informé la direction qu’elle m’avait vue quitter la salle des ordis sans désinfecter au préalable la machine. Et cela était inconcevable vu que j’étais peut-être positive asymptomatique. Le lendemain, une autre de mes collègues m’a vue éternuer deux fois de suite. C’était suspect. Neuf résidents furent mis en quarantaine car ils présentaient des symptômes, température, céphalées, toux. Tout le personnel a cité mon nom. Je ne présentais pourtant aucune hyperthermie, ni aucun autre symptôme. Mais mon refus devant cette vaccination bousculait l’équipe entière et les résidents. J’ai alors décidé de m’isoler afin de faire le point au sujet de tout ça. Je suis rentrée chez moi, au dixième étage de la tour Centre Europe, place Buisset à Charleroi. Rester là, surélevée, en plein centre-ville me paraissait être l’endroit idéal pour réfléchir à l’absurdité de cette situation. Le soir, l’éclairage du réseau routier qui surplombait la ville clignotait de partout, la vue était grandiose. Les fenêtres de mon appart avaient vue plongeante sur la gare et je ferais donc partie du monde, malgré tout. 

Sur la porte, stupéfaction, des mots ignobles peints en rouge vif et en lettres capitales : FUCK À LA NON-VACCINÉE. 

 

Texte paru dans la revue littéraire AURA 109, été 2021

 

Publié dans Textes

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