Originaire de la région de Bruxelles, Bernard Depelchin habite depuis plus de vingt ans près d’Arlon, dans le sud-est de la Belgique. Âgé de quarante-huit ans, il occupe un poste de juriste dans une entreprise luxembourgeoise. En plus de l'écriture, il occupe son temps libre principalement en jouant du piano ou en composant de la musique électronique (projet Arcus). Pourvu qu'il pleuve est son premier roman.
Résumé :
Ludovic est assis sur un banc public. Pause-déjeuner après une pénible matinée au bureau.
Engourdi par les rayons d’un soleil radieux, il plonge dans son passé. Soudain, venu de nulle part, le souvenir d’Anna, son amour d’enfance. Qu’est-elle devenue ? Trente-cinq ans qu’il ne l’a plus vue. Troublé par cette fulgurance, il la recherche sur Internet et tombe sur une photo de son visage. Un visage qui le bouleverse profondément et ne le quittera plus.
Une seule photo aura suffi à bousculer le quotidien lassant de Ludovic. Son obsession pour Anna ne faiblit pas, lui colle à la peau et déclenche en lui un profond séisme. Une remise en question de toute sa vie. La raison s’éloigne petit à petit et une idée folle agite son esprit : partir à la conquête d’Anna. Mais après tant d’années écoulées, que lui reste-t-il à offrir ?
Extrait :
Nous étions neuf à jaillir de quatre maisons du quartier. Nous habitions tous à moins de deux cents mètres les uns des autres. Pas d’enfant unique, trois nationalités. Et une différence d’âge de cinq années entre le plus jeune et le plus âgé. C’était beaucoup. C’était trop pour que le temps nous accordât plus que trois ans à demeurer tous ensemble. Le plus souvent, cela se passait le dimanche après-midi. Plutôt que de moisir dans le divan des parents, nous nous retrouvions à l’air libre, peu importait la couleur du ciel. Notre terrain de prédilection avait été un parc ou une plaine – je ne savais plus trop – soit, un coin de verdure de toute évidence délaissé par les services de la ville et constitué notamment d’un bosquet d’une trentaine d’arbres. Lors de chacune de nos retrouvailles, nous nous emparions de ce décor en apparence des plus ordinaires, mais qui eut la force de me replonger dans une mer de souvenirs fabuleux. C’est fou comme la simplicité donne souvent de la valeur.
Les jeux se répétaient, les scénarios aussi. Et on aimait ça. Presque toujours une histoire de bagarre initiée par les garçons. Les filles, elles, suivaient, sans fâcherie. Moi, ma seule préoccupation, c’était elle. À chaque fois, j’espérais que dans le camp d’en face, il y aurait de la résistance, du costaud. Pour lui montrer ma vaillance. Ça tombait bien : les grands se mettaient souvent ensemble contre nous. Quatre contre cinq. Ils avaient une fille, nous trois. Et moi, la plus jolie. On se marrait bien. Ils attaquaient, on défendait. Je défendais. Elle avant les autres. En secret, au fin fond de mon coeur, j’en faisais une affaire d’amour-propre. Mon dévouement ingénu à son égard devenait total. Sans doute n’a-t-elle jamais rien remarqué ni jamais rien ressenti. M’en foutais. Je la voyais quand même toute à moi. Je me la réservais à l’exclusion de toute autre. Lorsque les grands nous fonçaient dessus, au milieu des cris de fausse frousse s’élevant de notre camp, je restais près d’elle. J’étais sa garde. Son garde. Parfois, j’osais l’enlacer, mais surtout sans serrer. Ne pas l’étouffer. Ne pas l’incommoder. La laisser jouer. Avec ma maladresse et mes prétextes, je l’entourais de mes bras d’enfant. Une muraille que je voulais infranchissable. C’était pour la protéger. Des grands et de tout. Puis, dans un cri de guerre à gorge déployée, je fondais sur eux pour espérer gagner. Surtout pour l’éblouir. Je n’avais pas souvenir qu’elle riait. L’image qui me revenait était juste un large sourire et des yeux émerveillés. Pourvu que ce fût parce qu’un petit garçon de son âge lui attachait tant d’importance.
L’endroit était d’un gigantisme indescriptible, mais il semblait aussi très ancien. On aurait dit qu’il s’étendait à perte de vue. Littéralement. J’allai prendre appui sur la balustrade ajourée en pierre, devant moi, afin de balayer les lieux du regard, lesquels étaient situés en contrebas. La balustrade courait sur tout un chemin dallé d’une largeur conséquente. Outre cela, ce chemin faisait tout le tour de la cavité souterraine qui s’offrait à mes yeux. Il n’était pas nivelé. À deux endroits, côté ouest et côté est, quelques marches permettaient de poursuivre sa route : trois pieds plus haut, à l’ouest, trois pieds plus bas, à l’est. Une petite coquetterie architecturale, sans doute. Et de nombreuses torches étaient accrochées sur tout le pourtour, de loin en loin.
J’admirai maintenant la demi-douzaine d’escaliers qui permettaient de descendre jusqu’au fond de la grotte. J’avais presque envie d’utiliser le mot royaume. Çà et là, des espaces de détente atypiques, puisqu’il s’agissait bien de cela, s’élevaient à différentes hauteurs. On y accédait grâce à des escaliers. Ces vastes espaces étaient eux aussi entourés de balustrades en pierre ajourées et reliés entre eux par des passerelles. C’était très Burtonesque. À première vue, tout était taillé dans la pierre, mais il y avait pourtant tout le confort moderne. En effet, chaque espace avait ses banquettes, ses poufs, ses tables et ses chaises. Il y en avait quatre, au total, très largement distants les uns des autres. Les points lumineux que je distinguais devaient être les flammes des bougies dans des photophores. Tout au fond, à l’angle nord-est, un gigantesque escalier remontait de la base jusqu’à un possible cinquième espace aménagé. Mais cet endroit était trop loin et mal éclairé pour réussir à deviner s’il était semblable aux autres. Il était plus élevé, aussi, et coupait le chemin de ronde interne. C’était peut-être là-haut que se trouvait le maître des lieux : Joshua.
Il y avait également pas mal de végétation. Du lierre grimpait et s’enroulait sur cinq piliers colossaux ornés de cannelures placés comme un cinq sur un dé, mais de façon beaucoup plus éloignée. Ils devaient avoir été construits pour soutenir la voûte de ce microcosme. Tout me semblait dément. J’avais du mal à en croire mes yeux, et des questions par dizaines se bousculaient dans ma tête. Par dizaines ? Non, plutôt par centaines ! J’étais assez curieux de connaître l’histoire de cet endroit.
Au milieu, un bar attenant se trouvait au pied du majestueux pilier central. Comme les espaces de détente alentour, il était tout autant atypique : en pierre et en demi-cercle. Mais le dessus du comptoir semblait en granit.
Sauf pour ce qui était de la musique, dont les boum ! boum ! répétitifs me tapaient passablement sur les nerfs, j’étais assez séduit. Certaines personnes dansaient, comme envoûtées par cette rythmique « années 1990 ». D’autres discutaient, se promenaient ou s’embrassaient.
– Ils possèdent sûrement leur propre réseau électrique… pensai-je. Ou des groupes électrogènes en quantité, ce qui serait quand même beaucoup plus logique. Ils semblent bien organisés, quoi qu’il en soit.
Je parcourus le chemin rectiligne se trouvant sur ma gauche. Lorsque j’arrivai tout au bout, je descendis un grand escalier en pierre qui serpentait, faisant glisser ma main sur la tablette de la balustrade. Gravés à la surface des marches, je remarquai une multitude de dessins et de signes qui m’étaient inconnus. Les spots qui balayaient les lieux de lumières multicolores ne m’incommodaient pas, mais la musique, agaçante à mon goût, faisait vibrer tout mon corps. Je n’avais que vingt-huit ans, à l’époque, mais cette musique, ce n’était pas pour moi. Mais alors, vraiment pas ! J’étais définitivement rock.
Les gens me dévisageaient et parlaient tout bas, je le vis bien, mais personne ne m’adressa la parole. C’était très bien comme ça… Était-ce tous des loups-garous ?
D’en bas, la grotte semblait encore plus haute. Je pus constater que la pierre était très soigneusement travaillée. Tout, des murs aux colonnes, avait été construit de façon très artistique. Probablement sur plusieurs dizaines d’années… Un véritable travail de titan.
Évitant de regarder quiconque dans les yeux, je me frayai un chemin jusqu’au bar, dont le comptoir était en granit noir du Zimbabwe. Je m’assis et commandai son cocktail le plus fort au barman, un grand gaillard aux longs cheveux châtain clair, éclaircis grâce à des mèches blond miel. Son âge se situait autour de vingt-cinq ans. Ses yeux bleu céruléen en amande me scrutèrent un petit moment, après quoi il me demanda si c’était moi, « l’humain ». J’opinai, le regardant non sans une certaine défiance. Mais il semblait réellement amical. Le genre de gars qu’on trouve immédiatement très cool.
Il posa un verre plein de liquide vert pâle devant moi, me disant que j’allais kiffer, mais il refusa de me dire ce qu’il y avait dedans, comme alcools, lorsque je lui posai la question.
– Fais juste confiance au barman… murmura-t-il en me faisant un clin d’œil.
J’appris que son prénom était Kristoff. Il jugea bon de préciser l’orthographe. Je lui donnai alors le mien, mais il répondit qu’il savait déjà.
Sirotant ma boisson – effectivement, je « kiffai » –, je me retournai pour observer discrètement les hommes et les femmes. Aucun n’était vêtu de façon extravagante. Ils avaient entre vingt et quarante ans. Certains étaient peut-être plus âgés, mais ils étaient beaucoup plus rares.
Kristoff perçut mon angoisse et me dit de ne pas m’inquiéter, que personne n’allait me sauter à la gorge et que nous n’étions pas dans un film d’horreur, mais dans une espèce de discothèque. Puis il se mit à rire. Je voulus bien sûr en apprendre davantage sur le Big Bad Wolf, mais le barman ne lâcha rien. Il ne savait peut-être pas grand-chose. Ou même rien. Il m’offrit un autre verre.
Au bout de dix minutes, une femme vint m’accoster. Grande, brune, des yeux noisette… Elle était divine.
– Je suis Janine, se présenta-t-elle d’une voix ténue. C’est moi qui suis venue jusqu’à votre appartement, à la demande de Joshua, glisser le plan sous votre porte. Vous avez résolu l’énigme de la croix celtique assez rapidement, j’ai vu… C’est très bien, ça. J’aime beaucoup vos reportages, au fait. Vous êtes très talentueux, Max.
– Merci pour le compliment. Vous m’observiez donc ? J’ai peut-être crié des obscénités, à un moment. Ce que je n’aurais pas fait, si j’avais su que…
– Que j’étais une femme ? se gaussa-t-elle. Ce n’est pas grave. Suis-moi, maintenant, je te prie. On se dit « tu », si tu veux bien ? Ce serait mieux.
Robert Fiess a un parcours de journaliste. Après RMC, E1, L’Express, Newsweek, Antenne 2, également boursier de la Fondation Nieman à Harvard, il a cofondé l’édition française du magazine Géo ainsi que l’Académie Prisma Presse pour la presse magazine. Il anime aujourd’hui un blog d’imprégnation écologique lecrapaud.fr et écrit sur les problèmes liés à l’environnement. Il est également auteur d’un ouvrage Celui qui marche dans la beauté, publié aux Éditions Nuage rouge, à savoir l’itinéraire d’un Européen ayant partagé la vie des Indiens Navajos d’Arizona.
Plop & KanKr, alias Julie Besombes et Simon Baert, est un duo de dessinateurs français, installé dans le Béarn, publiant régulièrement dans la presse régionale, nationale et internationale (Le Monde, Siné Mensuel, Sud Ouest dimanche, Le Temps, Le Sans-Culotte 85, L’Anjou Laïque, La Galipote…) et à la télévision (Une semaine dans le monde sur France 24).
Julie Besombes est diplômée d’un DNSEP aux beaux-arts d’Orléans et Simon Baert d’un master EPIC en sociologie à l’université de Nantes. En 2017, ils ont rejoint l’association des dessinateurs de presse francophones France-Cartoons et en 2020 le réseau international de dessinateurs de presse engagés Cartooning For Peace ainsi que Cartoon Movement. Depuis 2020, ils sont aussi membres d’ARCAD, une association de rencontre pour la création artistique et son développement, situé à Bayonne et de L’Encre Sympathique, un atelier regroupant une dizaine d’artistes issus des arts graphiques, situé à Billère.
Ils publient des recueils de leurs dessins chaque année depuis 2015 et contribuent à des ouvrages collectifs. Ils participent par ailleurs à différents festivals de caricature et de dessin de presse et animent des ateliers et rencontres, autour du dessin de presse et de l’illustration, en milieu scolaire, hospitalier, carcéral…
Résumé :
Après une longue lutte avec leurs parents, une fillette de neuf ans et son jeune frère obtiennent enfin l’autorisation d’avoir un animal à la maison. Un petit hamster sera la seule concession faite par la maman dans le choix de l’animal de compagnie tant souhaité. La fillette va cristalliser toute son affection, ses jeux, ses propres coquetteries aussi autour de ce rongeur, dont elle affirme de plus en plus la propriété exclusive. Ce nouvel ami va l’aider dans un difficile passage de sa vie. Mais, un an à peine après l’arrivée de cette boule de poils, survient le drame...
Extrait :
Page 21
Le hamster que j’avais choisi était bien moins expressif que le colley, mais il montrait des signes d’éveil et de curiosité encourageants. Il restait en effet à nous regarder de ses petites billes noires.
Qu’il fût le seul à sortir de son sommeil, cela voulait déjà signifier quelque chose, non ?
J’observais ma mère.
— Hein, qu’il est mignon ! lui dis-je.
Elle ne voulut pas gâcher ma joie.
— Très mignon, chérie, répondit-elle. Très, très, très… mignon, sur un ton ironique.
— Maman arrête, s’il te plaît.
— Je plaisante…
Elle embraya vite.
— Tu as déjà un nom pour lui ?
— Soubisou, déclarai-je sans hésitation. Je l’appellerai Soubisou !
Ça allait de soi, me semblait-il, pour un hamster que j’aimais déjà.
Bob Boutique…Un nom comme ça, ça ne s’invente pas, c’est déjà tout un programme ! Si on ajoute à ça un esprit un peu borderline, une propension à ne rien prendre au sérieux (surtout pas lui-même) et un cœur gros comme ça…
Et puis, il y a les histoires en elles-mêmes…
Résumé
Dans tous mes écrits publiés ou non, j’ai toujours évité d’employer le pronom «je», pour bien faire comprendre au lecteur que tout était inventé et issu d’une imagination débridée.
Une seule exception, ce livre qui raconte, comme un «road-movie», un voyage effectué voici quelques années avec ma tendre moitié (Poussin) et notre fils Julien alors âgé de onze ans à travers l’Islande.
Nous avons beaucoup «pérégriné» dans notre vie et traversé de nombreux pays et continents mais le plus beau, le plus étonnant, fut sans conteste l’Islande, une île sortie voici cinquante millions d’années de la mer du Groenland, en bordure du cercle polaire.
Nous n’avons rien édulcoré ou travesti, tout est vrai du début à la fin, les prix, nos mésaventures, nos «conneries», nos découvertes, nos déceptions et nos franches rigolades sans oublier l’inattendu que bien entendu nous n’avions pas prévu.
Vous pouvez prendre des notes, car tout est exact et que peut-être vous y passerez un jour. C’est le seul mal que je vous souhaite avec un traditionnel «bon voyage».
Une dernière chose : partez en juillet et n’oubliez pas un bon pull en mohair !
Extrait
1. Il faut un début à tout !
On est arrivé aux alentours de minuit (via Copenhague) à l'aéroport de Kevlavik (ça se trouve à 40 kms de la capitale Reykjavik). Il fait encore clair comme en plein jour, un peu gris et venteux. Onze degrés.
Un tout petit aéroport désertique mais super propret, que nous traversons d’un pas fatigué, mon Poussin, mon fils de 13 ans et moi-même pour rejoindre le tapis roulant des bagages. À pied, mais à deux pas de l’avion. D’ailleurs nous l’apprendrons bientôt : ici tout se trouve à deux pas tant qu’on reste dans de la vie civilisée. Après c’est autre chose !
On expliquera plus tard.
En attendant, consternation. Il manque une valise, celle du petit, un grand fourre-tout dans lequel nous avions rangé, en plus de ses affaires, nos godasses de marche et les sacs de couchage ! On attend, on s'inquiète, on regarde défiler la bande de caoutchouc tandis que petit à petit les autres voyageurs s’en vont avec leurs valises... rien. Ça commence bien.
Titulaire d’un Master en Sciences politiques et Relations internationales de l’ULB, experte en genre, elle a travaillé dans les domaines de la lutte contre les violences faites aux femmes et la défense des droits des femmes durant plusieurs années.
Résumé
Dans le recueil de poésie Je ne reste pas là, la poétesse, Lili Bonnet, dépeint son ressenti et ses observations, met l’accent sur la dignité, la résistance, sur les chemins qui permettent de s’extirper de l’invisibilité des brutalités imposées par le patriarcat, des limites assignées par le racisme, pour être au plus près de ses sensations et de ses rêves ou de la façon de dépasser les regards clivants, les freins.
Elle nous fait découvrir aussi dans de jolis portraits la trajectoire de plusieurs femmes qui, à leur manière, avec fermeté et puissance, ont dépassé les discriminations et les difficultés dans leur travail.
Extrait
Parce que je suis
Parce que je suis une femme
Certains me disent quoi faire, comment me comporter
Certains portent atteinte à mon corps, le traitent comme un objet
Certains parlent à ma place, m’interrompent si je parle ou se moquent de ce que je dis
Parce que je suis une femme et que je ne suis pas née ici
Certains me disent quoi faire, comment me comporter
Certains portent atteinte à mon corps, le traitent comme un objet
Certains parlent à ma place, m’interrompent si je parle ou se moquent de ce que je dis
Certains refusent de m’engager
Certains ne reconnaissent pas mes compétences
Certains s’approprient mon travail
Parce que je suis une femme et porteuse d’un handicap
Certains me disent quoi faire, comment me comporter
Certains portent atteinte à mon corps, le traitent comme un objet
Certains parlent à ma place, m’interrompent si je parle ou se moquent de ce que je dis
Certains me mettent d’office dans une filière professionnelle
Certains me parlent comme si j’avais six ans
Certaines refusent de m’engager
Parce que je suis une femme et que j’habite dans un quartier dit « sensible »
Certains me disent quoi faire, comment me comporter
Certains portent atteinte à mon corps, le traitent comme un objet
Certains parlent à ma place, m’interrompent si je parle ou se moquent de ce que je dis
C’est qu’il est toujours si joyeux, Bumba. Le meilleur brouteur de son équipe, il a même été augmenté : désormais son pourcentage est passé de 3% à 6%. Joséphine, son épouse aux formes tressaillantes et au merveilleux sourire a couru acheter de nouveaux boubous pour eux tous, elle, lui et les trois petits coquins dodus que le Seigneur leur a accordés.
Il s’avance, fier et pimpant dans ses sandalettes de plastique vert fluo, vers le bureau. Dans, tenez-vous bien, la rue principale. Sibèrre Cafè. Tenu par Boubacar, un type qui ira loin. Mama Baobab, qui gère l’équipe avec toute la majesté de ses opulences à peine contenues dans le boubou, est si fière de lui : toujours à l’heure, le petit Bumba. « Tu prends l’ordi numéro 3, De Gaulle vient de finir son tour, je crois qu’il arrive au niveau « lancer la sagaie » avec la grosse belge, et vient d’entamer le niveau « oh la belle dame que voilà » avec une nouvelle, une Française je crois. Très vilaine. ».
Bumba s’installe, dégage quelques miettes du clavier, crache sur un coin de son boubou pour enlever des pattes ou ailes d’insectes collés sur l’écran. Voyons, voyons… Ah voici son profil, Pierre-Philippe Marbaise, 47 ans, veuf, trois chats adorés, une fille mannequin à la Réunion. Musclé, glabre, yeux bleus et cheveux blonds plutôt longs. Président d’une grosse société de publicité. La grosse belge, une certaine Armande, est en ligne. Il lit les derniers échanges entre elle et De Gaulle, pour continuer avec à propos. « Pardonne-moi ma beauté, j’ai dû prendre un appel urgent dans la salle de réunions, je suis tout à toi ! Tu disais donc, avec tes pilules pour maigrir ?... » « Rien d’inquiétant, Pi-Fi chéri ? Ce coup de fil, veux-je dire… ? » « Oh ne te tracasse pas pour moi ma douce Armange, les ennuis, ça me connaît, et encore plus les solutions ! »
Il se déplace rapidement sur le compte de la Française, Octavie, en effet assez moche… Comment ose-t-elle ne serait-ce que croire qu’un beau type comme Pierre-Philippe s’intéresserait à elle ? Quel culot !!! « Pardonnez-moi Octavie, j’ai dû répondre à un appel de ma fille, et vous savez ce que c’est, un père ne résiste pas à sa fille, surtout quand elle est le portrait tout craché de sa chère épouse décédée ». Octavie a elle aussi perdu son mari il y a six ans, et affirme que chez elle, c’est son fils qui ressemble au cher disparu – grâce au ciel, pense Bumba, il ne ressemble pas à sa maman.
Il reviendra ainsi pendant 4 heures, d’Armande à Octavie, ma foi assez content qu’elles l’imaginent sous les traits de Pierre-Philippe. Après tout, il y va aussi de sa fidélité à Joséphine, ce que fait Pierre-Philippe n’est que business, lui, il n’aime que Joséphine ! Il est arrivé à obtenir d’Armande un timide 500 euros (des cacahuètes pour lui, mais voilà, le site en ligne de sa banque était bloqué, on y travaillait bien sûr, mais cette somme servait à sa fille qui avait comme toujours un découvert et venait de provoquer un petit accident de la route). Bien entendu le remboursement n’arriverait pas, la banque aurait fait une erreur, et puis sa fille aurait été massacrée de coups par l’autre automobiliste dont l’enfant aurait perdu la jambe dans l’accident et par un odieux concours de circonstances, la finance ferait une descente dans son agence – cool, Armange, je suis droit dans mes bottes –bloquerait les comptes sur une dénonciation mensongère d’un rival en affaires. L’estocade finale avançait, De Gaulle n’était qu’un débutant et n’avait pas encore droit à terminer une affaire, ce soin lui est toujours laissé.
Quant à Octavie-la-moche, elle l’endormira à moitié avec le récit de ses querelles de voisinage, et l’épouse du fils adoré qui lui manque de respect. Il se montre compréhensif, à l’écoute (oui, il a sa musique enfoncée dans les oreilles et se laisse aller à se dandiner sur sa chaise de plastique pleine de brûlures de cigarettes, parfois même un baaaaaaaby-baaaaby retentit et Boubacar et Mama Baobab s’échangent un regard plein de sourires). Il ira loin, ce petit…. Octavie termine la session en lui envoyant une photo de sa bouche mimant un baiser (on dirait un mérou, il est à deux doigts d’avoir peur), et lui affirmant que jamais on ne l’a comprise comme lui.
Pendant les 4 heures suivantes – le décalage horaire jouant alors en sa faveur - il sera John-Leander McPherney, un noir plus beau que permis, divorcé, sans enfants, professeur de philosophie à NYU et Yale. Là, il a toutes les répliques préparées en anglais, pour continuer les préliminaires à « alouette, gentille alouette, alouette je te plumerai » avec Cindy-Lou, en Caroline du Nord, vieille fille noire aux dents de rat musqué (couleur orange comprise) et Rahnay, du Michigan, serveuse au KFC du coin, jolie silhouette mais pas trop futée, ça se comprend sans avoir fait polytechnique. A coups de Honey, Sweetie, Pumpkin, il avance avec adresse dans son plan de carrière. Devenir le bras droit de Mama Baobab, acheter de jolis sacs à dos pour l’école à ses petits gredins, faire des murs de briques pour sa maison de tôle et contreplaqué.
Le soir tombe quand il prend la rue en sens inverse, heureux et fier d’avoir nourri sa famille, sans le moindre remord : après tout, quand il endosse la vie de Pierre-Philippe ou John-Leander, ces femmes lui font entrevoir leur existence : voiture, appartement confortable, quelques voyages, des achats de Noël, du maquillage, objets inutiles… elles ont tout, tellement plus que Joséphine et lui. Elles ne le sentiront pas passer…
Le fort de Spadias étant tombé, la forêt de Feyle est désormais le dernier rempart face à Garamon. Mais pour combien de temps ? Trouver l'Empereur du Nord, celui qui avait jadis vaincu le père de Garamon, semble être la seule solution. Mais pour cela, ils devront se rendre à Equaam, la cité des âmes...
Mon avis : ***
Meredin, Baltus, Myocène doivent traverser la forêt pour rejoindre la cité de Zahora où vivent les Acanthes.
Des guerrières Acanthes vont les interceptéer et les conduire à leur reine.
Le guerrier Amosis et dix guerrières Acanthes vont les accompagner jusqu’à Equaam pour rencontrer l’Empereur du Royaume du Nord…
Ce deuxième volet est riche en rencontre et aventures périlleuses pour nos compagnons. Sur leur parcourt ils feront la rencontre de créatures malfaisantes mais aussi de magie bienveillante et bien plus…
Les fans de la première heure ont attendu cette suite avec impatience et vont enfin pouvoir la découvrir.
— Eh bien, Herbert, vous vous doutez de la raison pour laquelle je vous convoque ce matin ?
— Non patron, pas du tout.
— Vous vous foutez de moi ?
— Non patron, pas du tout.
— Si je vous parlais de vos notes de frais à la con, la mémoire vous reviendrait-elle ?
— Peut-être patron, ça dépend.
— Vos notes de frais pour l’année 2021 sont une aberration, Herbert, une aberration. Je ne comprends pas. Cinquante euros pour un resto dont j’ai oublié le nom à Charleroi, soixante euros pour un autre resto encore à Charleroi. Et j’en passe ! Des notes de frais pour des restos, des notes de frais pour ceci, des notes de frais pour cela. Vous avez largement dépassé le plafond autorisé. Vous me prenez pour un imbécile ? Comment voulez-vous que je justifie tout ça au boss hein ? Dites-moi ?
— Si je me souviens bien, c’était pour une filature, patron.
— Si je me souviens bien ? Je vous demande plus que ça ! Une filature ? Quoi, qui, comment, pourquoi, quand ? Où, ça on le sait !
— Vous m’avez envoyé un mail. Un dossier en pièce jointe. Le dossier XALLA. Vous me demandiez une filature pour ce type, Stan Xalla. Son emploi du temps, les lieux qu’il fréquentait, les gens qu’il voyait, etc.
— Et lorsque vous avez dépassé le budget pour une filature ordinaire, m’avertir de tout ce foutoir ne vous est pas passé par la tête ?
— Non patron.
— Et pourquoi donc ?
— Dès le départ, ce dossier m’a paru étrange, suspect. Une espèce d’électron libre qui flottait entre d’autres dossiers. Je ne pouvais le rattacher à rien.
— Continuez, ça m’intéresse.
— D’habitude, une filature, une enquête, cela demande une réunion d’équipe, des mises au point, des débriefings et ici, rien. Un simple mail de votre part. Comme si vous refusiez que cette filature ne fasse trop de bruit. D’autant plus que ce Xalla n’a rien dans son casier judiciaire, rien. Alors, j’ai pensé à quelque chose de personnel, quelque chose qui vous toucherait de près, patron. Je pensais à votre épouse par exemple … J’ai filé ce type pendant des jours et des jours. Un pensionné tout ce qu’il y a de plus banal.
— Et pourquoi seulement des notes de frais déposées plic ploc sans aucun autre dossier ? Expliquez-vous, Herbert ?
— Tout est étrange dans cette affaire, patron. D’ailleurs, il n’y a pas d’affaire. Ce type est nickel. Pensionné. Un resto plusieurs fois par semaine, des potes normaux. Cette normalité est étrange, patron. Et puis vous qui me demandez cette filature par mail … Et à présent vous rouscaillez pour des notes de frais. Tout est étrange dans cette affaire qui n’en n’est pas une. Rien ne correspond à quelque chose. Et ce quelque chose n’existe pas. Il n’y a pas d’affaire Xalla, patron. Hormis ce mail que vous me confirmez m’avoir envoyé. Et puis ce type, ce Stan Xalla, je m’y suis comment dire … attaché, oui, c’est ça, attaché. Un pensionné qui avait une particularité.
— Ah, quand même !
— Stan Xalla, c’était un facteur.
— Et c’est particulier d’après vous, ça ?
— Oui parce que bien qu’étant pensionné depuis plusieurs années, il trinqueballait toujours avec lui un grand sac en cuir noir rempli de vieilles lettres, des courriers qui datent d’une dizaine d’années. Alors patron, si vous me disiez à présent ce qui vous intéressait vraiment chez ce Stan Xalla ?
— Stan Xalla avait été soupçonné d’être le corbeau dans une affaire de meurtre, voici une douzaine d’années. Des soupçons, sans plus.
— Et pourquoi m’envoyer filer ce type aujourd’hui, patron ?
— Aucune importance, Herbert. Vous l’avez dit voici quelques minutes, rien ne correspond à rien dans cette étrange affaire. Une bien étrange affaire qui n’en est pas une.
Laisser l’émotion exploser, mes pensées jaillir, mon attention les regarder sans faillir afin de permettre à mon malaise éventuel de se vider de sa substance puis savourer alors le sentiment étrange que rien ne peut être différent à ce moment-là. Et ce calme tant espéré, un peu redouté, se dévoile enfin, entièrement dévêtu de sa pudeur, envoyant toute sa richesse couler dans mes veines.
2. Biographie
Soignante depuis 35 ans, l’auteure a toujours été interpellée par le pouvoir de l’esprit sur le corps, entre autres sa capacité à lui imposer des comportements douloureux. Un épisode difficile de sa vie l’obligera à concentrer ses recherches sur la véritable fonction de la pensée.
3. Résumé
Lorsque la porte claque et nous projette dans les ténèbres angoissantes de l’isolement, quelque chose en nous se met à murmurer. Si notre conscience, de toute sa sagesse, s’y concentre, les paroles de ce chant deviennent distinctes et nous révèlent où trouver la fenêtre, comment l’ouvrir et nous libérer.
Lorsqu’une chienne, créée dans le Pur Amour, nous accompagne tout au long de cette recherche.
Avant d’en rencontrer un moi-même et de devoir me rendre à l’évidence, je n’aurais jamais cru à l’existence des loups-garous. Ou du surnaturel en général. Je n’avais nullement l’esprit obtus, mais j’étais, ma foi, tout simplement rationnel. Au final, le monde routinier dans lequel je croyais vivre dissimulait bien des mystères et autant de zones d’ombres…
C’était le mois de mai de l’année 2014, le 14, et la lune, ce jour-là, était pleine…
Il n’était pas vingt-deux heures quand je décidai de rentrer chez moi, à Cambridge. Plus de trois heures de route m’attendaient encore. Le temps d’arriver et de me déshabiller, de me brosser les dents, je n’allais pas être au lit avant une heure trente du matin. Au minimum.
Sans même avoir attendu de manger une part de gâteau, cela faisait une dizaine de minutes, si mes souvenirs sont bons, que je venais de quitter la fête d’anniversaire d’un cousin issu de germain, lequel habitait dans la ville où l’écrivain J. R. R. Tolkien vécut durant les toutes dernières années de son existence, à Bournemouth, dans le Dorset, sur la côte sud de l’Angleterre. Un endroit on ne peut plus charmant et où il fait bon vivre, il est vrai.
La maison de ce cousin, Carrington, pour le nommer, se situait à proximité de la belle plage de Boscombe – une plage avec une longue et très large jetée, entièrement restaurée, où l’on trouve, parmi d’autres loisirs, un minigolf, une passerelle musicale ou encore un club de pêche. Sans oublier les nombreuses animations, quand vient l’été, dont des concerts variés.
Cet anniversaire avait été si barbant que j’avais bu, moi qui ne connaissais même pas le goût du vin, à cette époque, trois mojitos et un Cuba libre. Il m’avait fallu au moins ça, pour retrouver mes couilles et laisser tout le monde en plan. Y compris mes parents qui m’avaient quelque peu forcé à faire le déplacement.
J’avais peut-être bu deux Cuba libre, en réalité, en plus de ces mojitos.
La route était mal éclairée et, bordel de merde, ça tournait grave…
Trente-cinq minutes plus tard, en longeant la forêt vierge du parc national New Forest, source d’inspiration de Lewis Carroll pour son Alice au pays des merveilles, je crus ma dernière heure arrivée quand tout l’avant du véhicule se retrouva non pas enfoncé, mais défoncé, au moment de l’impact inopiné et brutal. Sans sac gonflable, j’aurais été vraisemblablement réduit en purée.
La première chose dont je me souviens, c’est ce sac gonflable en plein dans la tête, justement. Tout se passa tellement vite, et je ne roulais même pas à quarante miles à l’heure. Une forme noire surgie de la forêt bordant la route, sur la droite, dans la lumière des phares, le choc, puis l’airbag… Tout cela presque en même temps. Je crus avoir percuté un cerf, une biche ou un poney, éventuellement. Pour être franc, je n’eus pas le temps d’y réfléchir… Je fus rapidement agrippé par les épaules, à travers la vitre brisée, et arraché à ma voiture. Quelque chose me traîna sur la route, me tenant par la cheville gauche comme si je ne pesais guère plus qu’une vulgaire poupée de chiffon.
J’étais sur le point de perdre connaissance. Ce qui se produisit en une poignée de secondes, au final.
Quand je pus rouvrir les yeux, il y avait un homme à califourchon sur mon thorax. Il était entièrement nu et recouvert de sang encore frais. Ses yeux, rivés sur mon visage, étaient orange. Ils étincelaient. Sa sclérotique était noire. De ce fait, on ne pouvait distinguer aucun lacis veineux à l’intérieur. Quand il ouvrit la bouche, se penchant un peu plus, je vis des dents et de très impressionnantes canines pointues.
– Tu as beaucoup de chance de ne pas m’avoir tué, me murmura-t-il à l’oreille, en me mettant ensuite mon portefeuille sous le nez. Est-ce que tu as peur ? Tu devrais avoir peur, sac à viande, et tu aurais raison. Car, maintenant que je sais où tu vis, Monsieur Max Carr, tu vas vivre dans la terreur de me voir débarquer dans ta vie à n’importe quel moment. Je vais beaucoup m’amuser. Toi, en revanche, je n’en suis pas sûr. Mais moi, oui.
Et il disparut aussi sec dans la forêt.
J’avais pissé dans mon pantalon… C’était un loup-garou. Un vrai de vrai. J’avais bu, mais quand même… Il avait mes papiers. Et il savait où j’habitais.
Le lendemain, après une nuit blanche à prier pour ne pas voir surgir le monstre, je passai la journée entière recroquevillé sur moi-même, sur le canapé, la carabine semi-automatique que mon père m’avait offerte à côté de moi – c’était une Browning Bar –, me demandant si je devais aller voir la police ou non. Mais je décidai finalement que non.
Max Carr passait à la télévision et était apprécié. J’allais passer pour quoi, moi ? Un fou ? Un fumeur de joints de plus ? Un halluciné ? Un con ? Je préférais encore mourir déchiqueté… En outre, je ne répondis à strictement aucun appel.
Les jours passèrent, identiques pour tout un chacun… Mais mon quotidien à moi avait définitivement basculé. Je le voyais absolument partout, lui et ses maudits yeux orange cerclés de noir. Ses yeux cruels.
Je le voyais en me rendant au boulot. Je le voyais au coin de la rue, en train de m’observer quand je sortais récupérer un paquet… Partout, partout, partout. Absolument partout.
Un soir – je dus devenir blanc comme un linge –, je le trouvai assis dans mon salon, les talons de ses rangers posés sur le contour en bois massif de la table basse avec plateau en verre.
– Bonsoir, Max, dit-il à mi-voix, sans même me jeter un regard. Il faisait sombre, mais tu dois te rappeler de moi, je présume. New Forest… Ça te revient ? demanda-t-il en me regardant enfin.
– Alors, nous y sommes. Tu t’es décidé à venir me tuer. Ça ne fait rien… Je suis épuisé à force de ne plus pouvoir fermer l’œil. Je n’ai même plus la force de me battre pour ma vie, je crois.
L’homme se leva – il était très grand, chose que je n’avais pas remarquée, la nuit de l’accident. Il se gratta le menton tout en ricanant. Ses yeux étaient parfaitement humains. Il était vêtu d’un blouson noir, d’un tee-shirt blanc immaculé et d’un jean déchiré aux genoux, comme j’en porte moi-même assez souvent, aujourd’hui.
Pour coller à l’image que l’on pourrait se faire du loup-garou, c’était un homme on ne peut plus viril : cheveux noirs coupés courts, mais pas trop non plus, et barbe de trois jours. Il devait avoir moins de trente-cinq ans. Il avait l’air d’un voyou, d’un chef de gang, mais rien, en lui, n’exprimait réellement la malfaisance. Il y avait même une certaine douceur qui se dégageait de son visage, et ce, malgré les poils de sa barbe.
– Tu m’as fait très mal, répondit-il en s’approchant de moi, sans se presser. Vraiment très mal.
– Je ne l’ai pas fait exprès… Je revenais d’une fête complètement nulle et j’avais bu quelques verres, me justifiai-je.
– Et tu me l’avoues comme ça, sans honte… Es-tu inconscient, dis-moi, ou es-tu simplement un imbécile, Monsieur le journaliste ?
– Si tu dois me tuer, fais-le vite. Qu’on n’en parle plus. Mais ne me dévore pas, par pitié… Je ne veux pas mourir de cette façon.
– Max, Max, Max… répéta-t-il. Tu crois réellement être en position de pouvoir exiger quoi que ce soit ? Tu ne l’es pas. En aucune façon. Si j’ai envie de te dévorer, je le ferai, et si j’ai envie de t’éventrer, je le ferai aussi.
Toujours aussi nonchalant, il m’accula dans un angle du salon et posa ses deux mains, l’une après l’autre, sur le mur lambrissé, formant ainsi une enceinte destinée à m’immobiliser. Je me rendis alors compte, à ce moment-là, à quel point il était naturellement intimidant, grand et musculeux. Quasiment deux mètres. J’étais moi-même correctement bâti, mais, face à ce Goliath, je n’avais aucune chance.
– Tu empestes la peur, dit-il en humant ma nuque. Tu savais bien que j’allais revenir… Ne t’avais-je pas prévenu ? L’autre nuit, tu m’as fait très mal. Maintenant, c’est à mon tour… C’est assez fair-play, me semble-t-il. « Je ne l’ai pas fait exprès… » J’ai entendu ce que tu as dit, mais je ne crois pas avoir entendu le principal, à savoir : excuse-moi.
– Des excuses ? Tu veux des excuses ? Très bien ! Je m’excuse ! Tu es content ?
– Je n’obtiendrai pas mieux, on dirait, mais change de ton avec moi, Max, ou je pourrais me montrer beaucoup moins gentil. Tu peux me croire, je suis un mec plutôt gentil, en principe, mais… fais gaffe à tes fesses.Je peux être très gentil comme je peux l’être… beaucoup moins.