Des pas résonnent. Esther entre en scène avec entrain. Céléna est assise sur un canapé en velours, un foulard sur les épaules. La lumière est douce.
Esther:Bon, Céléna, on va inverser les rôles. Cette fois, c’est moi qui pose les questions. Tu pensais vraiment que je resterais sagement enfermée dans ton roman ?
Céléna Flore:Je m’y attendais un peu, c’est le jeu. Ecrire c’est risquer d’être poursuivie par ses personnages.
Esther:D’accord, mais pourquoi m’avoir choisie pour porter cette histoire ?
Céléna Flore: Tu ne portes rien. Tu es comme moi, une funambule sur un fil. C’est ta mère qui porte. N’inversons pas les rôles.
Esther: Difficile d’exister à ses côtés, Virginia prend toute la place.
Céléna Flore : Je te l’accorde. Je vous ai plongées dans une relation mère-fille, tendue par l’ambivalence, entre dépendance affective et violence. Et à ton corps défendant, je t’ai contrainte à passer du temps avec ton père. Tu as de bonnes raisons de m’en vouloir.
Esther:Parlons de lui. Pierre. Trop lointain, trop absent. Pourquoi m’obliger à le confronter ?
Céléna Flore:Parce qu’il fallait que tu saches si l’absence pouvait encore faire du bruit. Certaines réponses ne viennent que dans le face-à-face.
Esther:Tu aurais pu me laisser tranquille. Je vivais très bien avec mes contradictions et mes fuites en avant. Pourquoi des voix off et pourquoi m’imposer de dire « tu » ?
Céléna Flore : Tu avais besoin d’un nouveau souffle. Le théâtre a des ressources que le roman ignore. Je ne te cache pas que je me suis follement amusée à lui voler des Chœurs. Quant au tutoiement, c’était une évidence, et ce jusqu’aux dernières pages : tu devais avancer à la seconde personne jusqu’à ce que tu comprennes ton histoire.
Esther: Ils parlaient trop ces Chœurs. Je préfère le silence.
Céléna Flore:Moi aussi.
Esther s’assoit à côté de Céléna.
Esther : À propos de toi, justement… Que reste-t-il de de la romancière en moi ?
Céléna Flore:Peut-être ton regard sur le monde, cette façon de capter l’instant et de le questionner sans relâche. Ce besoin de chercher la lumière, même dans l’ombre.
Désolée de te décevoir, mais je suis un peu dans chacun de mes personnages, c’est peut-être ma façon de n’être nulle part. A partir de là, je peux me concentrer sur ce qui me terrorise en en faisant le tour. C’est un moyen comme un autre de juguler mes peurs.
Ce qui m’importe, c’est de laisser de l’espace au lecteur : à lui de tisser ses propres liens, à lui de se laisser toucher ou non.
Tu t’appelles Esther, le prénom que j’aurais porté si mes parents s’étaient entendus.
Esther:Dernière question. Si je devais te quitter et m’échapper de tes pages, où voudrais-tu que j’aille ?
Céléna Flore:Où tu veux, du moment que tu continues à saisir la lumière. Peut-être dans un autre livre, peut-être dans la mémoire de quelqu’un qui te lira et te gardera vivante.
Esther: Marché conclu.
Esther pose sa main sur celle de Céléna, celle qui caresse, celle qui écrit.
Fin juillet 2020, un phénomène naturel inexplicable projette Max, modeste citoyen français en villégiature à Berchtesgaden, 80 ans plus tôt au cœur de l’Allemagne nazie.
Recueilli, groggy et mal en point, au Berghof, il réalise très vite que sa vie tient à peu de chose.
Lors d’un tête-à-tête surréaliste, Max brosse sans fards au maître du Reich le sombre destin qui l’attend.
Pour sauver sa peau, il se propose de rectifier les choses.
Contre toutes attentes, un courant de sympathie s’établit entre les deux hommes. Sympathie qui, peu à peu, se mue en franche amitié.
Néanmoins, l’idéologie nazie et son cortège d’horreurs et de stupidités… Max n’adhère pas.
A l’issue d’une éclatante victoire qui modifie à jamais le cours de l’histoire, Max mystifie le chef d’état et le persuade de changer sa politique.
Mais nombreux sont les écueils.
A coup de meurtres, mensonges et manipulations, Max trace la route d’un nouvel avenir.
Biographie
Yvan Tourist voit le jour à Tournai, en Belgique, durant l’été 1967. Amateur d’histoire et de science-fiction, il développe une passion pour la lecture grâce à des auteurs comme Jules Vernes, Herman Melville où Ray Bradbury. Diplômé en mécanique, cadre au sein d’une administration fédérale, ancien coureur motocycliste amateur et féru de cinéma fantastique, l’imaginaire de l’auteur entremêle Histoire, action et science-fiction.
Extrait du livre
…Emerveillé par la beauté des cieux, sans toutefois ralentir son allure, Max y jetait de fréquents coups d’œil et, alors qu’une fois encore, il levait le nez, un trait de feu déchira le ciel.
Tout d’abord, il crut assister à la chute d’une banale étoile filante, mais le phénomène se prolongeait. Plus insolite, sa trajectoire s’infléchissait en une gracieuse parabole et changeait de direction.
Perplexe, Max se figea.
Effet d’optique ou réalité?... Le bolide céleste semblait à présent foncer droit vers lui. Immobile, il ne savait quelle conduite adopter lorsque, tout à coup, l’étrange météore éclata, sans produire un son, inondant le ciel d’une vive mais brève lumière d’un mauve écœurant. Une pluie de particules pourpres, étincelantes, tombait des cieux tandis qu’une forte odeur d’ozone saturait l’air.
Fasciné, Max constatait que, plutôt que choir au sol, les grains de lumière pourpre se condensaient en tourbillonnant autour de lui, de plus en plus vite, jusqu’à former une sorte de maelstrom pourpre, dense et aveuglant au centre duquel il se tenait.
Il ferma les yeux, mais, malgré ses paupières closes, l’intense lueur lui brûlait les globes oculaires et il dut se plaquer un bras sur le visage pour s’en protéger. Une onde sonore, puissante, suraiguë montait crescendo, mettant ses tympans au supplice.
Max se sentait comme vidé de toute énergie. Son corps lui donnait la désagréable impression de perdre sa consistance tout en voulant s’étirer en tous sens.
Soudain, dans un formidable claquement identique à celui que produirait un monstrueux fouet, l’univers tout entier parut basculer autour d’un axe invisible et une force prodigieuse éjecta Max hors du maelstrom.
« Mila hurle mais rien n’arrête sa chute. Sa tête lui fait si mal.
La jeune fille appelle sa mère au secours. Des larmes coulent sur ses joues. L’adolescente voit soudain des lumières blanches autour d’elle. Un visage près du sien lui sourit.
Mila a maintenant quatre ans, deux ans. La peau du visage de sa mère est si douce, aussi douce que la sienne, bébé fragile. Rien ne peut lui arriver puisqu’elle est dans les bras de maman qui lui chante une berceuse.
Apaisée, elle ferme les yeux.
« Au clair de la lune
Mon ami Pierrot
Prête-moi ta plume pour écrire un mot.
Ma chandelle est morte… »
Résumé :
Mila était une jeune romancière de 16 ans adulée par son public et par les médias. Son décès provoque un grand émoi.
Franck Sauvage, commissaire de police dans le 8ème arrondissement de Paris, enquête sur cette affaire, accident ou meurtre, avant son départ à la retraite.
Il découvre des aspects cachés de la personnalité de Mila. Alors que tous la décrivent comme une jeune fille douce, réservée, voire timide, des éléments de sa personnalité ne cadrent pas avec ces descriptions.
Le week-end, sur les bords de l’Authion où Franck va pêcher, il emporte avec lui l’image obsédante de Mila Weiss, la petite romancière à succès. Qui était-elle vraiment ? Et si c’était dans ses livres que résidait la clé du mystère ?
Biographie :
Yvonne Andurand est auteure de Nouvelles, de poèmes et de romans contemporains. Elle écrit aussi pour la jeunesse à partir de 10 ans.
Elle est membre de la Société des Gens de Lettres à Paris, de l’Association des Écrivains de Bretagne, du Collectif Interculturel des Auteurs de Loire Atlantique, et des Romanciers Nantais. Ses livres ont été publiés en France, en Belgique et au Québec.
Dès la première page de ces Chroniques de l’Invisible, on entre dans un autre monde, magique et féérique.
Cette histoire fantasque m’a plongée dans l’univers mystérieux et merveilleux de mes petits-enfants. Les filles deviennent des fées, les chevaux, des pégases, les vieux sages, des mages.
La terre se peuple de dragons où les enfants surgissent d’une fleur et les miroirs enchantés nous déplacent naturellement dans l’espace et le temps.
Bien sûr, l’auteure dépasse vite ce cosmos enfantin à travers la richesse et la force de ses mots.
Dans ce récit, les lieux sont fabuleux ; Majorcastel, Grandmanoir , Bellépine, multiples bourgs rassurants ou majestueux.
La nature est luxuriante ; la forêt des Songes, la plaine Herborisse, la Chaîne des Echos ou encore le fleuve Sans Fin.
Les personnages fantasques et surnaturels se côtoient, sortis d’un autre temps ; La Sénéchale, les elfes, les morts-vivants, une druidesse, un chevalier, des monstres, un bibliothécaire, des artisans…. Leur nom même nous émerveille : Artorius, Glawhenn, Valerian, Merlin, Sybelius, Aldred, Yttis, Angélie, Hortie, Darghal, Chantepouille…
Sans révéler l’intrigue pittoresque de ces Chroniques, j’ajouterai que l’exubérance et la drôlerie du vocabulaire offre une réelle poésie à ce texte, de même qu’un humour subtil.
Meurtres Surnaturels... Un triptyque enlevé, passionnant, complexe que nous avons découvert avec un plaisir renouvelé ces dernières années. Les amateurs du genre attendaient une suite. Joe Valeska, poussé dans ses retranchements, a accepté de nous livrer son tout premier roman, Ainsi, je devins un vampire, socle de sa saga. Nous étions donc sur les starting-blocks.
Mais Joe Valeska a l'art et la manière de tenir ses lecteurs et ses fans en haleine... Depuis des mois, je n'avais qu'une envie : lire ce roman, me replonger dans son univers "vampiresque". La publication de son premier trailer m'a enthousiasmée. Le second peut-être un peu moins (il n'y avait plus la surprise du premier même si les images sont attractives) n'a pas entamé ma hâte... Dès réception de l'ouvrage et avant que l'un de mes proches s'y jette dessus, je me suis immergée au cœur d'une histoire palpitante, aux côtés de Virgile, un fils de paysan tourmenté et révolté par sa position sociale. Imaginez remonter le temps d'un peu plus de deux cents ans... Nous sommes au 18e siècle en plein Gévaudan. Marvejols, célèbre place forte du Languedoc...
Le Gévaudan... Je suis certaine que ce lieu ne vous est pas inconnu... à cause de la Bête, bien entendu... que nous croisons et qui sera l'élément fondateur du récit. C'est par elle que tout arrive et que la vie de Virgile "le paysan" bascule en un cauchemar abject de dix ans... jusqu'à LA rencontre, LE sauvetage qui reconstruit le vampire Virgile Delecroix (et pas Delacroix).
Si Ainsi, je devins un vampire raconte un processus, une transformation douloureuse voire tragique à bien des égards, ce roman va bien au-delà... Il s'agit d'une histoire d'amour maternel, filial, fraternel et charnel, et d'une vengeance qui amène une machination (qu'on découvre dès le début) qui aura des conséquences que son instigateur n'avait, sans doute, pas correctement évaluées.
Ce roman confronte en permanence lumières et ténèbres ; les personnages positifs, joyeux, éclatants de bonté, un brin candides affrontent des êtres totalement mauvais, dévoyés et "tordus" par le Mal qui les possède un peu comme si l'âme humaine avait subi une brusque dichotomie non-miscible en yin et yang. Aucun des sentiments humains n'y est oublié : l'amour, certes, mais également l'amitié (profonde et indéfectible), la haine, la folie, la passion... auxquels aucun des "non-morts" ne peut déroger.
Construit entre deux époques (de nos jours et le 18e siècle), pavé de faits historiques avérés... ou pas, ce roman atypique apporte aux lecteurs friands du genre une autre vision, une autre approche et quelques surprises avec l'apparition d'un autre héros qu'on a appris à aimer, Julian Kolovos.
Seul regret : la fin. Je ne vous en dirai rien, bien évidemment, mais Joe nous en parlera sans aucun doute lors de l'interview prévue pour l'émission 14 d'ActuTV. Une fin qui amènera, je le souhaite, une suite...
Si l’illustration de couverture m’a plu, le titre du livre de Caroline Marbaise m’a interpellée : « L’histoire me sera favorable, car j’ai l’intention de l’écrire ». Il avait le sens de la formule Monsieur Churchill !
Mais loin du grand homme, à onze ans, la petite Alice est une élève aux résultats scolaires plutôt médiocres. Malgré tout, quelques années plus tard et son diplôme en poche, la jeune femme qu’elle est devenue obtient son premier poste d’enseignante, atteignant enfin un rêve que beaucoup lui auraient assuré inaccessible.
Mais réaliser son rêve n’est pas tout quand le chemin choisi s’avère semé d’embûches, dont certaines aux lourdes conséquences.
Avec ce roman, la psychopédagogue de formation nous livre une histoire introspective, celle d’une jeune femme qui joue les funambules dans le monde de l’enseignement, tanguant sur un fil tissé d’espoir et de malaise, jusqu’à l’oubli d’elle-même.
Elle ponctue son récit de diverses rencontres dont celle avec Mamy, une grand-mère philosophe, tireuse de cartes à ses heures, qui porte sur la vie un regard plein de sagesse.
Enfin, elle nous raconte le cheminement qui mène Alice vers sa rencontre la plus importante… mais je n’en dirais pas plus, pour la découvrir il vous faudra lire le livre.
Là, ce livre m’a emballée dès les premières phrases, et je me suis laissée emballer sans résistance. « Vous avez déjà entendu réciter le kaddish ? Moi oui. Plus précisément, le kaddish des endeuillés ».
L’auteur a voyagé et vécu sous plusieurs voûtes célestes et forestières, dans plusieurs langues et à des époques différentes. Les souvenirs s’insinuent sans rien dire, à coups d’émotions, et un jour resurgissent avec toute leur force, fraîcheur, intensité. (…) un beau jour, sans crier gare, remontent à la surface de la conscience et se mettent à briller tels des astres des astres oubliés dans le ciel du présent, selon les mots de l’auteur.
Et chacune de ces courtes nouvelles nous présente, dans son écrin de vie, de lieu, de quotidien, une perle rare : la simple histoire de quelqu’un qui ne faisait que passer et transportait avec lui d’extraordinaires moments. Ces extraordinaires moments qui eux aussi ne font que passer mais changent toute une existence. Parfois d’autres existences aussi.
D’étranges et persistantes retrouvailles au Burundi puis à Madras avec un « ami » exubérant. Le kaddish du magnifique Addisou au Mozambique, il nous prend de stupeur. Et le vieux Bakoko, sur les rives de l’Océan Indien, c’est en boitant qu’il porte sa nostalgie ainsi que son drame, et seule sa petite-fille Mariama peut encore rencontrer son âme tourmentée. Une soirée surréaliste au milieu des cocotiers, dans une demeure isolée d’architecture allemande, avec un couple inattendu et son singe. Plus loin, à Hanoi, c’est Bang Tham dont nous apprenons le chemin de croix et son dénouement tragique. Et puis, comme on aimerait se dire que l’homme qui ressemble à Caetano est Caetano, tout simplement ! Et que se passe-t-il quand une jeune femme aux yeux de louve vous sauve la vie et vous dit que désormais votre âme lui appartient ? Que de vies et de mystères dans ce beau livre…
On le comprend, j’ai beaucoup aimé ces grandes petites histoires, qui toujours laissent quelque chose en suspens…
Les oiseaux, le vent, la mer, le large, le ciel, le jour, la nuit, les chiens, les parfums, un volcan, les pensées et les rêves d’un voyageur sur une île. Au son des vagues, il divague et tutoie la lune dans nos regards suspendus. Songe qui peut est une proposition faite à celles et ceux qui le souhaitent.
Biographie
Sylvain Michiels. Quarante-trois ans, marié et père de deux enfants, originaire de Houdeng-Goegnies, La Louvière. Habitant Braine-Le-Comte. Je suis syndicaliste. Je suis issu d’une famille engagée socialement. À mes heures, pas si perdues que cela, je suis zythologue, footballeur amateur et guide à Breendonk. Enfin, j’écris. J’ai commencé par la poésie, j’ai publié en 2021 à compte d’auteur Poèmes (1999-2021) I, II et III. Je suis tenté par tous les genres littéraires : poésie, scénario, théâtre, fiction. Pour le moment, je m’essaye à la fiction longue, nouvelle et roman.
Résumé
Je n’aime décidément pas cet exercice, résumer un recueil de poésie revient à expliquer une blague. Il s’agit d’un recueil essentiellement écrit pendant un séjour sur une île, on pourrait donc dire que ce sont les réflexions d’un type en transit suivies d’une conversation avec la lune. Mais pour moi la poésie, ce sont avant tout des images, certaines touchent, d’autres pas. J’essaye donc de poser des images. On prend celle que l’on veut et on lui donne un sens ou pas. Les mots, les vers peuvent être pris séparément du poème. Le sens de cette poésie est secondaire. Certains textes sont écrits de façon plus linéaire, d’autres laissent place à l’écriture automatique. Sans doute inspiré de mes origines Louvièroise et Chavéenne mais pas que. Plein d’autres m’inspirent mais je laisse faire ma main. Je lui donne un coup de main pour choisir des mots simples. J’aime la poésie des mots de tous les jours, ceux que tout le monde utilise et est à même de comprendre. Je ne cherche pas à mettre la lumière sur de jolis mots mais plutôt de mettre les mots simples en musique.
« Pourquoi je pense être un vampire ? JE SUIS un vampire, Lela ! Non un mystificateur. Et votre question, si je ne m’abuse, était de savoir ce que je recherchais… »
Une idée machiavélique me traversa soudainement l’esprit. Je me mis à réfléchir à cette nouvelle option. Lela affichait un air dubitatif.
La pauvre n’arrivait plus à me suivre.
« Pour tout vous dire, je recherche un très vieil ami. Je ne l’ai pas revu depuis une éternité… Pour moi, il était un modèle. Un père. Avec sa bénédiction, nous nous mariâmes, sa fille et moi. Hélas, après dix belles années ensemble, Valentina contracta une terrible maladie qui la laissa défigurée. La tristesse se transforma en frustration, la frustration devint rage et la rage engendra la folie. Elle se mit à faire des choses terribles. L’époque étant alors ce qu’elle était, on l’accusa de sorcellerie. Malgré mon opiniâtreté, je ne pus la sauver. On lui coupa la tête – plantée sur une pique pour servir d’exemple. C’est pourquoi je voudrais retrouver son père, si loin, à ce moment-là, et lui dire, les yeux dans les yeux, que j’étais là, moi, le jour où l’on massacra sa fille. Elle ne mourut pas seule, abandonnée comme un chien. J’étais là, aux premières loges ! »
Lela, les bras croisés, soutenant élégamment son menton de la main droite, avait compris mon manège. Elle ne semblait pas prostrée. Elle l’était.
« C’est une histoire tragique… ânonna-t-elle. Mais vous maintenez vos propos ? Vous êtes une créature de la nuit ? »
« Vous m’ennuyez, Milady… » répondis-je sur un ton caustique, espérant réveiller sa fougue – ce qui fut le cas.
« Je vous ennuie ? Je suis tellement désolée… Pourrions-nous savoir qui a fait de vous un vampire, Monsieur Delecroix, puisque vous êtes donc un vampire ? Serait-ce Dracula ? Nosferatu ? Lestat de Lioncourt ? Et quel âge avez-vous ? Cent ans ? »
« Serait-ce un interrogatoire ? Allez-vous me coller une lampe sur le visage ? Je préfère vous prévenir, l’ail n’aura aucun effet sur moi ! Pour ce qui est de mon âge, j’ai vingt-cinq ans depuis deux cent cinquante-sept ans. Je suis né en 1739. En réalité, j’ai plus de deux cent quatre-vingt-deux ans. Mais finissons-en avec les détails, voulez-vous ? Je me nourris de sang, c’est vrai. Je dors parfois dans un cercueil, c’est vrai. Il est tout aussi vrai que le feu et la lumière du soleil me tueraient, ainsi qu’un pieu dans le cœur, mais je suis néanmoins très puissant et je dispose de grands pouvoirs. Nul homme ne pourrait me battre à mains nues. Honorez votre part du marché, Milady, et je vous dévoilerai l’un de mes dons. »
« Virgile, pour l’amour de Dieu, ne faites pas l’imbécile… » dit-elle à voix basse, de façon à n’être entendue que de moi.
« L’amour de Dieu ? Mais où était-Il, votre Dieu, quand on fit de moi cette chose ? Où était-Il donc, votre Dieu, quand mon frère cadet… »
Je ne pus terminer ma phrase. La métisse m’étudia attentivement, puis sourit.
« Je voudrais que nous fassions un pacte, Virgile. »
« Un pacte ? Mais de quoi parlez-vous ? Les règles, Lela, c’est moi qui les dicte ! »
« Mais les femmes ne sont plus aussi soumises qu’à votre époque, Monsieur Delecroix ! me nargua-t-elle. Les choses ont pas mal évolué. Vous êtes bien un vampire ? Vous allez donc me mordre le cou, devant la caméra, puis vous allez me donner votre sang. »
Cela s’appelle : ‘‘Tel est pris qui croyait prendre’’.
« Vous aurais-je fait perdre l’esprit ? C’est hors de question, m’entendez-vous ? »
« C’est ça ou l’enregistrement est terminé. Voyez-vous, moi aussi, je dispose de ‘‘très grands pouvoirs’’ ! »
Un lourd silence s’abattit dans la salle des Marbres. Bom, bom ! Bom, bom ! Bom, bom ! faisaient les trois cœurs humains. Le son m’était insupportable.
« Vous êtes complètement folle, la réprimandai-je avec un mépris non dissimulé dans la voix. Vous plaît-il donc à ce point de me défier ? Vous auriez tort de surestimer ma patience, Lela ! Je pourrais vous persuader que vous êtes un chat et vous laisser dans cet état à jamais ! »
Je tournai la tête vers Ante et lui fis signe d’arrêter sa caméra. Il s’exécuta aussitôt.
« Que signifie ce scénario ? demandai-je à Lela. Avez-vous la moindre idée de la chose que vous deviendriez ? Savez-vous ce que nous devons endurer, tous les jours de notre putain de vie ? »
« Mon pauvre Virgile, comme vous devez souffrir, persifla-t-elle. Ne plus vieillir, ne plus redouter la maladie… Soyez assuré de ma profonde et réelle sympathie ! Quant au ‘‘scénario’’, c’est vous qui l’avez réécrit. »
« Il semblerait que vous ayez perdu la raison… regrettai-je. J’en suis hélas le seul responsable. »
« Tu réalises un peu ce que tu demandes ? intervint alors Cassandre. Devenir un vampire ? Lela ! Tu n’es pas sérieuse ? C’est pour l’enregistrement, n’est-ce pas ? C’est de la provocation ? Lela ? LELA !?! »
« Reste en dehors de ça ! » répondit cette dernière, plutôt sèchement.
« Hé ! On se calme, O.K. ? s’écria le cameraman. J’en ai plein le cul de vos histoires ! Il n’a jamais été question que Virgile fasse un vampire de qui que ce soit ! T’es tombée sur la tête, c’est pas possible ! »
« Tu as envie de te retrouver sans emploi, le Croate ? C’est MON problème. Ni le tien ni celui de Cassandre ! » se fâcha Lela.
« Le ‘‘Croate’’ ? On en est donc là, ESPÈCE DE PUTE ? » l’insulta copieusement le cameraman, vexé.
La dispute s’envenima. Il me fut impossible de les calmer avec de simples paroles. Aussi, je me concentrai sur le cercueil ouvert, puis l’envoyai se fracasser non loin de la cheminée. Axel ne dit rien. User de mon don de psychokinésie, je ne le fais que très rarement, mais, là, moi aussi, j’en avais ‘‘plein le cul’’ !
Ante et Cassandre étaient blêmes. Lela, feignant une totale indifférence, s’éloigna de nous. Je profitai de ce moment de trouble pour m’immiscer au plus profond de ses pensées. Il me fallait comprendre.
À quel jeu jouez-vous, Mademoiselle Jeannette ? Qu’est-ce qui pourrait expliquer ces changements d’humeur ? Là… Détendez-vous… Laissez-moi pénétrer dans votre cerveau. Aidez-moi à comprendre. Non, n’essayez pas de m’en empêcher, c’est peine perdue. Voilà, oui. J’y suis presque. Laissez-vous aller. Comme ça, oui. C’est très bien. Oui, je comprends enfin…
L’effort de concentration fourni m’avait légèrement affaibli, mais je rejoignis la jeune femme et posai une main sur son épaule, caressant l’articulation fragile à travers le velours de son manteau, qu’elle n’avait pas quitté. Elle se mit alors à sangloter.
« Pourquoi avez-vous fait cela ? Vous savez tout, n’est-ce pas ? » murmura-t-elle.
Être empoté, c’est moche. Ton père veut des enfants dégourdis. Il ne faut pas lambiner non plus, dit-il. Tu te sens défaillir. Tu es distraite, très distraite. La distraction entraînant la lenteur, il ne faudrait pas grand-chose pour qu’on te traite d’empotée. Et la frousse te gagne. Il y a même des jours où elle est bleue. Car les consignes pleuvent. Radoter sent la sénilité. La quoi ? Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. Et tu te demandes qui est ce Boileau avec qui ton père semble copain comme cochon et qui ne s’est pas encore pointé à la maison.
COURTE BIOGRAPHIE
Colette Cambier a un master en sciences de l’Education. Elle a été enseignante, animatrice d’écriture et psychothérapeute dans une autre vie. Sensible à l’histoire familiale et intergénérationnelle, elle a publié notamment des romans familiaux, des récits de vie et des biographies romancées. Elle met l’accent sur le travail de la langue.
RÉSUMÉ DU LIVRE
On peut avoir totalement oublié son enfance. Ou en être remplie pour le restant de ses jours. La narratrice convoque l’enfant qu’elle a été au cours des années cinquante dans des lieux de vie successifs, entre Flandre et Wallonie. Les maisons qui l’ont abritée mais aussi façonnée. Les maisons qu’elle a habitées mais qui l’habitent. Les maisons parentales et grand-parentales défilent comme autant de mondes qui la marquent de leurs empreintes singulières. Une histoire, des attentes et des codes que le regard de l’enfant interpelle avec anxiété. Qu’est-elle sensée devenir à partir de là ?