Il est poète, chroniqueur littéraire, artiste performeur et directeur d’un bureau d’accompagnement d’artistes chorégraphiques basé à Tours.
Après Centuries en 2019 et Genèses en 2021, où il déploie le mouvement perpétuel du Temps, Le Chant des Passiflores est son troisième recueil de poésie publié aux Éditions Chloé des Lys.
Résumé
Grâce au conte et au voyage à travers temps, Le Chant des Passiflores continue d’explorer l’inéluctable marche en avant des siècles.
L’auteur y confronte les contingences de l’attente à celles de la solitude et à l’ambivalence des sentiments amoureux. Nourrie d’un vocabulaire riche, sa poésie nous transporte jusqu’au lointain insoupçonné de périples imaginaires, sans pour autant délaisser la magie ordinaire du quotidien. Pulsation douce ou clameur exaltée, chaque poème compose ainsi la partition d’une ode au féminin sensible et vibrante.
Extrait :
ESSUF
La femme boit le vent. Elle chuchote pierres.
Tendue vers le soleil couchant, elle bruisse l’air
De terres oubliées striées d’absconses runes.
Elle enfouit ses deux mains, rongées par l’infortune,
Tout d’abord, je voudrais remercier Edmée de Xhavée sans qui je n’aurais probablement pas lu ce livre et cela aurait été bien dommage !
Dans « Les statues » Jean Louis Minot nous emmène dans un voyage intérieur. Celui d’un homme dont l’adolescence s’est brisée sur une tragédie, un homme que la souffrance et la colère ont mené en prison au terme d’un nouveau drame.
Mais le voyage intérieur de cet homme est aussi celui d’un retour à la vie, difficile, rempli de culpabilité, que deux femmes vont l’aider à surmonter. À sa sortie de prison, pour l’une, puis lors du difficile retour vers les siens, pour l’autre.
Malgré le thème dramatique ce livre, loin d’être dépourvu de lumière, se laisse lire facilement. Il nous happe dans son univers, celui d’un jeune homme tourmenté, et nous donne envie d’en découvrir l’aboutissement.
La plume fluide de l’auteur, tout en atmosphères et couleurs, fait souffler le vent, crépiter la pluie, nous fait toucher la pierre, la terre ou l’écorce des arbres, donne vie aux fantômes et un soupçon de magie à l’amour avec une simplicité maîtrisée.
C’est un beau livre qui mérite d’être découvert… alors, bonne lecture !
Le fort de Spadias étant tombé, la forêt de Feyle est désormais le dernier rempart face à Garamon. Mais pour combien de temps ? Trouver l'Empereur du Nord, celui qui avait jadis vaincu le père de Garamon, semble être la seule solution. Mais pour cela, ils devront se rendre à Equaam, la cité des âmes...
Mon avis : ***
Meredin, Baltus, Myocène doivent traverser la forêt pour rejoindre la cité de Zahora où vivent les Acanthes.
Des guerrières Acanthes vont les interceptéer et les conduire à leur reine.
Le guerrier Amosis et dix guerrières Acanthes vont les accompagner jusqu’à Equaam pour rencontrer l’Empereur du Royaume du Nord…
Ce deuxième volet est riche en rencontre et aventures périlleuses pour nos compagnons. Sur leur parcourt ils feront la rencontre de créatures malfaisantes mais aussi de magie bienveillante et bien plus…
Les fans de la première heure ont attendu cette suite avec impatience et vont enfin pouvoir la découvrir.
Quelque chose se trame autour de moi, un truc moche de chez moche. J’ignore quoi, mais avec mes petits moyens, j’enquête. Je guette et j’observe. En peu de temps, tout s’est modifié et s’est habillé de plus beau, de plus pailleté, de plus riche. Noël avant l’heure, quoi. Tout, pas vraiment. Il manque toujours des tuiles sur le toit de la maison et des bassines recouvrent encore le plancher usé du grenier. Tout, c’est m’man. Tout en elle, son comportement, ses gestes, son attitude envers moi, et ses paroles aussi. Je la regarde désormais comme une inconnue, je ne la reconnais pas. À la télé on parle de l’intelligence artificielle, de la robotique et tout ça. Alors je reste attentif. M’man est encore m’man, enfin je crois. Elle n’est pas devenue un mannequin articulé par des entrelacs de fils électriques recouvert de chairs humaines, non. Ses grains de beauté n’ont pas changé de membres, ceux des bras sont bien à leur place et ceux de ses jambes aussi. Je ne me trompe pas car sur son mollet gauche, ses grains de beauté forment de jolis dessins, des ensembles d’étoiles, des constellations quoi. Ses cheveux à présent sont bleu-vert, ça oui, et depuis le temps qu’elle en avait envie, c’est très bien. Ce que je veux dire c’est que les changements de m’man ne se situent pas seulement dans son aspect physique, bien qu’elle parle de rendez-vous chez l’esthéticienne pour une pose de faux ongles qui coûteront la peau des fesses. C’est plutôt niveau comportement que quelque chose a viré à cent pour cent. Cela fait au moins trois mois que m’man ne m’a plus cogné. Bien étrange ça ! Je ne suis plus son pushing bowl ! Oh, je dis trois mois comme ça, à vol d’oiseau. Cela fait peut-être quatre ou cinq mois. Je m’en suis aperçu par hasard. Un soir en me débarbouillant j’ai remarqué que les hématomes qui coloraient mes bras jaunissaient d’allure. Et qu’aucun autre hématome n’avait ce bleu bien bleu, ce bleu qui apparaît de suite après un coup. Je dis « hématome » et pas « bleu » depuis que mon instit a, l’an dernier, montré mon avant-bras à l’éduc et a dit, regarde ça, c’est quand même bien un hématome, qu’en penses-tu ? Pour en revenir à mes interrogations actuelles, de quand dataient les dernières rames ?
Oui, c’est ça, tout bien réfléchi, au moins cinq mois. Cela doit correspondre avec le jour où m’man est rentrée avec un bien drôle de sourire sur les lèvres et un carton entier de canettes de bière. J’ai craint quand elle a déposé tout ça par terre, à côté du frigo. Ce bruit sourd des canettes qui tombent sur le carrelage, clac. Et puis ses gestes rapides pour taper dans le frigo le plus de canettes possibles, tac, tac, tac, tac. Et tac. M’man semblait contente, fière d’elle. Il y a longtemps qu’elle n’avait plus acheté autant de canettes en une seule fois. D’habitude, c’est deux ou trois, pas plus. M’man, c’était un panier percé, voilà tout. Son discours lorsqu’elle faisait ses courses au Lidl et pas encore chez Carrefour ou les magasins bio, c’était ceci :
Me priver de mes canettes à cause de mes deux nigauds
de gosses, disait-elle en nous jetant un regard de sorcière à mon frère Samy et moi. Voilà à quoi j’en suis réduite ! continuait-elle sur le même ton de reproche.
Samy ne répondait plus. Il se contentait de ricaner et puis il claquait la porte de la cuisine et montait dans sa chambre pour écouter une plage de Heavy Metal. Je me souviens de ce soir mémorable où Samy, poussé à bout par m’man qui était bourrée et avait des propos délirants avait lâché :
T’avais qu’à bouffer une plaquette entière de pilules ou nous transpercer avec une aiguille ! Ça t’aurait fait deux bouches en moins à nourrir ! Parce qu’après m’avoir mis au monde, tu as recommencé ta connerie. Et celui-là est arrivé, avait-il gueulé en me montrant du doigt, du mépris débordant de ses yeux révolver.
Ce soir-là, Samy a pris la raclée de sa vie. Je pensais que m’man l’avait tué. Elle l’a tapé contre le mur, juste entre l’étagère sur laquelle plus rien n’était exposé depuis longtemps et la bibliothèque qui n’était utile que pour ranger notre linge à moitié lavé. Un clou était resté là, isolé, planté dans le mur (la photo d’un mec aurait pendouillé là). Et du coup, vu le choc, le clou s’est retrouvé dans la nuque de mon frangin. Qui s’est écroulé raide. Le sang n’arrêtait plus de couler. Samy ne bougeait plus. Des hurlements, ça oui, j’en ai poussés. M’man restait prostrée, bras ballants, les yeux exorbités, la chevelure en bataille et de grosses gouttes de sueur qui perlaient sur son front. Le sang chaud, ça pue, je n’oublierai jamais cette odeur-là. J’avais six ans et Samy, neuf ans et demi. Ensuite tout s’est passé très vite. La voisine, alertée par mes cris, a déboulé et a appelé les secours. M’man a repris ses esprits et a hurlé que c’était un accident, que Samy avait trébuché tout seul. Ben voyons. Samy n’a jamais révélé la vérité et moi non plus.
Et les rames ont continué de plus belle donc jusqu’à maintenant, instant T où je constate que mes bleus ont cette belle couleur jaune-vert. C’est plus que chelou. Samy s’est lui aussi aperçu que quelque chose ne tourne plus rond dans cette maison. Quand m’man revient des courses, elle lui lance au visage des tas de loques toutes neuves. Les étiquettes ne mentent pas, elles. Et puis, sur tous les vêtements, des noms prestigieux comme Tommy Hilfiger ou Jacadi, ou un autre nom aussi prestigieux qui pue le fric.
Désormais m’man prépare mon sac (un sac à dos tout neuf et je précise, un Kipling s'il vous plaît) chaque matin. J'ai droit à un fruit, deux boissons non sucrées, deux biscuits au cas où le repas complet ne serait pas assez complet. Elle paie donc le ticket de la cantine, ce qui me donne l’accès chaque jour à un bol d’une soupe aux légumes frais, le plat et bien sûr, le dessert. Les instits et les éducateurs me sourient sans cesse. C'est tout juste si je ne suis pas applaudi lorsque je me pointe dans la cour de récré. Il ne me manque plus jamais un seul outil, j'ai tout mon matériel, même un ordinateur, celui avec la marque de la pomme. Plus besoin de piquer la gomme ou le crayon du voisin. Ça, ça m'emmerde un peu alors je maintiens le geste de temps en temps. Juste pour ne pas perdre la main, un petit larcin chaque matin, je me dis. Et puis l'hygiène. Ah ça l'hygiène, m'man m'en badine les oreilles. La propreté avant tout ! Se brosser les dents, très important ! Désormais une brosse à dents électrique et une pour mon grand frère. M'man, il ne lui reste plus que des chicots mais ça changera bientôt, nous annonce-t-elle, il faut faire des choix dans la vie, c’est important, les choix ! Donc oui, il se trame un bien drôle de truc. Mais quoi ? Des enveloppes pleines de tunes envoyées par le daron de Samy ? Ou bien le mien ? le mec de la photo disparue qui reviendrait ? D'après m'man nos géniteurs grignotent tous les deux les pissenlits par les racines depuis belle lurette. Mensonge ou vérité ? Alertés par nos cris intempestifs, les voisins auraient-ils porté plainte chez les keufs? Vrai que parfois une gonzesse pas mal foutue vient nous visiter et posent un tas de questions. Une fameuse indiscrète celle-là, nous assène m'man, répondez-lui des mensonges et surtout enfilez des pulls à longues manches !
La vérité est ailleurs, je le sens. Il s’agit de moi. Samy ne cesse de me le répéter, C’est toi qui es visé, frérot. Le soir, il me serre très fort dans ses bras, comme s’il m’étreignait pour la dernière fois. J’échappe à la cigarette et à la confession, Inch’Allah. Samy en sait beaucoup plus que moi. Il a espionné les allées et venues de m’man, ses rendez-vous en ville avec un grand type en costume et des lunettes de soleil sur le nez. Bizarre car ce matin-là, il pleuvait. Mon frérot a même ouvert la boîte Messanger de m’man mais elle avait justement tout effacé. Samy me raconte tout ça d’un air super inquiet. Il parle de me raser la tête et de me faire porter des lentilles brunes. Les boucles blondes et les yeux bleus, c’est pas top pour un gamin, m’a-t-il dit avec des trémolos dans la voix. Samy passe des heures à surfer sur le darkweb et il connaît des tonnes d’histoires plus que mystérieuses.
Vers cinq heures ce matin, m’man s’est levée. Tout de suite j’ai senti une odeur de fumée, elle s’enfile déjà une clope, j’ai pensé. D’habitude, elle sirote une canette avant d’entamer sa clope. Peu de temps après, j’ai entendu des pas décidés, m’man montait les marches de l’escalier. Ensuite elle a ouvert la porte de la chambre et a prononcé mon prénom sur un ton hésitant, presqu’à mi-voix, Grégo. Ensuite, tout s’est passé très vite. Samy s’est levé d’un bond et a dévalé quatre à quatre les escaliers. La porte d’entrée a claqué. Au dehors, des voix d’hommes ont brisé le calme de cette fin de nuit. L’un d’eux a aboyé, C’est pas celui-là, c’est l’autre, un petit blondinet. Et son complice a rétorqué, Tant pis, il fera l’affaire dans l’un ou l’autre des réseaux qui nous paie, tous des pourris qui bouffent tout et n’importe quoi, de toute façon.
Leur amour était un secret qu'ils n'ont longtemps partagé qu'avec moi, car ils s'étaient rencontrés chez mes parents lors de la fête d'anniversaire de mes seize ans. Au début de leurs relations je les aidais à échanger des messages. Marine était ma cousine et Simon était mon ami d'enfance. Des images me reviennent de leur tendre connivence. Je me souviens les avoir observés un premier mai de la fenêtre de ma chambre, ils étaient assis au jardin et j'avais pu voir la tête de Marine posée au creux de l'épaule de Simon. C'était pour moi comme si le temps s'était arrêté, comme si leur bonheur devait durer toute leur vie.
Ces images ne s'effacent pas, pourtant elles datent de plus de quarante ans. L'année de ses vingt ans, Marine était décédée des suites d'un accident de voiture. Simon en avait éprouvé un chagrin qu'il estimait insoutenable parce qu'il se sentait coupable de ne pas l'avoir accompagnée au vernissage de l'exposition de peinture où elle s'était rendue ce soir-là.
Simon n'était plus parvenu à s'investir réellement que dans ses études. En quelques jours, ses projets de vie de couple s'étaient dérobés. Il était, en effet, convaincu que Marine était irremplaçable.
Tout comme moi Simon avait terminé une filière universitaire de cinq ans. Son diplôme en poche, il avait mis toute son énergie dans son travail et il avait obtenu rapidement une promotion. Quand nous rencontrions, en soirée, je le sentais triste et absent. Je le sais aujourd'hui, il se perdait certainement dans des idées noires, s'imaginant que seule la présence de Marine lui aurait permis de vivre pleinement petits et grands plaisirs.
Une avant-veille de Noël, alors que je le ramenais chez lui après un repas au restaurant, il me confia : "Je voudrais glisser très loin dans le passé, retrouver mes dix-huit ans pour goûter l'exaltation et les espoirs de ce temps-là. Ne pourrais-tu m'aider à m'éloigner de cette existence sans saveur ?" Je n'avais pas demandé davantage de précision, car je l'avais compris à demi-mots. Je lui avais suggéré de prendre rendez-vous chez un psy, de s'épancher sur le papier, de s'éloigner de ses routines, de sa région. "Ne m'abandonne pas. Quand je vois dans son armoire à pharmacie les médicaments que prend ma mère suite à son burnout, le temps d'un éclair, je me dis que je pourrais les engloutir tous, m'en servir comme d'une arme. Puis je pense immédiatement à quel impact cela aurait sur ma famille, sur la boîte,… Je ne passe pas à l'acte, je n'y passerai jamais bien sûr. Je n'apprécie plus que de m'oublier dans le travail. Tu comprends n'est-ce-pas ?"
Simon avait consulté un psychologue, il avait commencé à écrire un journal, il avait refait du jogging. Il était sorti avec une collègue beaucoup plus jeune que lui, ils avaient envisagé de s'installer ensemble.
"Je fais semblant de vivre", m'avait-il pourtant confié plus tard. "C'est une image bien entendu", avait-il ajouté. "Je mange, je lis, j'écris, je parle, je cours, je conduis, je travaille, mais pas avec l'intensité dont je me serais cru capable…", avait-il encore dit.
Le jour de Pâques, Simon est mort lui aussi des suites d'un accident. Coïncidence ou pas que ce soit dans des circonstances qui ressemblent à celles du décès de Marine ? Volontairement ou pas ? Les questions restent en moi.