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Micheline Boland nous propose un petit conte de Noël...

Publié le par christine brunet /aloys

FLOCON DE RÊVE POUR NOËL

 L'enfant s'use les yeux. Il est béat. Quoi de plus beau que cette crèche en sucre et massepain ? Tous ces sapins en chocolat sont pareils à des bijoux. Tous ces petits sujets en massepain sont plus attirants que les bûches de Noël. L'enfant retient son souffle. Jamais, il n'oserait goûter à ces choses, les croquer et les avaler. Mangerait-on une broche, un diadème ou une barrette finement ciselée ? Ce petit Jésus rose tout en sucre au creux de son humble berceau en chocolat, lui donne le tournis. Le bonheur est, à cet instant, à l'image de cette vitrine du pâtissier, un cocktail de lumières irréelles, de silhouettes suaves, de guirlandes chatoyantes, de boules colorées. L'enfant n'arrive pas à détacher son regard de toute cette brillance.

 Chez lui, les rayons du soleil ne sont jamais vraiment descendus. Les fées qui se sont penchées sur son berceau étaient si pauvres qu'elles n'ont pu lui offrir que la promesse de rêves fugaces. Les moments de joie sont si rares pour lui. Ce qu'il retient de la vie ce sont surtout les querelles entre ses parents, la nervosité de sa mère, la tristesse persistante de son père, l'inconfort du logis, les claques injustement reçues, les notes insuffisantes à l'école ou encore la pitié des voisins, des copains de classe et de sa maîtresse. Il n'a jamais vraiment connu le froid et la faim, mais il ignore ce qu'est l'abondance. L'opulence et les fastes sont bien éloignés de son univers.

 Il se met à neiger. Mais cela, pas plus que le vent glacial, ne distrait le gamin. Un flocon se pose sur son nez et se met à gonfler jusqu'à l'emprisonner dans la douceur de sa bulle immaculée. La blancheur est irisée d'une lueur dorée. Serait-il devenu sujet de sucre dans une vitrine de luxe ? Non, son cœur qui s'emballe lui indique qu'il est bien vivant. Le voilà donc au paradis.

 La bulle grossit, enfle comme un ballon, elle enveloppe tout un paysage, parfait jusque dans les moindres détails.

Soudain, l'enfant perçoit le souffle du bébé qui gazouille doucement sur sa modeste couche. Il entend une musique légère, comme celle issue parfois d'un des rêves si fugaces qu'il fait de temps à autre. Des effluves de vanille et de chocolat taquinent ses narines. Sur sa joue, se posent des lèvres aussi douces que devaient l'être celles de Marie. L'enfant tressaille. L'enfant se met à chanter.

La bulle s'élargit et finit par englober la maison familiale. Sa mère chante une berceuse pour le bébé. Elle a des gestes si tendres, elle pouponne comme elle ne l'a jamais fait. Elle reste là, auprès de la crèche, recueillie, patiente. Puis elle s'approche de lui, le serre contre son cœur, elle l'embrasse, elle lui chuchote des paroles d'amour. Sa grande sœur dresse la table pour des invités de marque. Ses gestes sont ceux d'une princesse retouchant un bouquet de fleurs pour y apporter sa touche personnelle. Son père alimente le foyer avec des bûches odorantes à souhait. Il est pareil à un milord, paré pour une fête. Il semble presque joyeux. Ici, tout a l'éclat du cristal, des pierres précieuses, de l'argent, de l'or ou des flammes dans l'âtre. La félicité est à portée de main.

 L'intérieur et l'extérieur se confondent. Les temps anciens et le présent s'emmêlent. Les mots sont inutiles. Tout est ravissement. Le bien-être se niche dans la tiédeur de l'endroit, dans les parfums qui exhalent des notes à la fois florales et fruitées, dans les nuances pastel du décor, dans les mélodies romantiques que l'on peut entendre en sourdine. L'enfant est si bien, si content. Sa main frôle la menotte du bébé.

Soudain, une flamme vient lécher la bulle… La bulle crève. La bulle n'est plus. Le flocon n'est plus qu'une goutte d'eau. Le visage de l'enfant est resté souriant. Sa joue porte encore l'empreinte du baiser de sa mère. Ses yeux brillent face à la vitrine. Sa respiration s'est faite lente et profonde.

 Le trottoir est tapissé d'un blanc manteau. Le jour décline. L'enfant s'en va. Il rentre chez lui. Il s'approche peu à peu de sa maison. Par la fenêtre, il distingue le sapin garni de gros nœuds jaunes en tissu. Il entre, il s'approche de la cheminée. La chaleur est douce. Au pied du sapin, quelques paquets emballés dans du papier cadeau, une crèche en carton bricolée par sa sœur. Sur la table, une nappe brodée jadis par sa grand-mère, des serviettes étoilées sur les assiettes ordinaires, des couverts dépareillés, des verres quelconques, une bougie parfumée et un tout petit bouquet de houx. Sa mère a mis du rouge à lèvres et du bleu sur ses paupières. Son père paraît détendu, il porte la cravate gris perle du mariage de son frère. Pareille à une fée, sa sœur tient en main une étoile dorée qu'elle va placer au sommet du sapin.

Dehors, les flocons s'amoncellent. L'un se pose sur un front, l'autre sur un menton, sur une épaule. Parfois, ils grossissent pour un enfant, pour un vieillard nostalgique ou pour un être en quête d'espoir. Alors, ils les emprisonnent un moment dans la douceur de leur bulle blanche, irisée d'une lumière dorée.

Micheline Boland

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Pourquoi participer aux concours organisés par le blog ? La réponse d'ANI SEDENT

Publié le par christine brunet /aloys

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Yvonne Andurand présente son ouvrage "Naoned 2084"

Publié le par christine brunet /aloys

 

Extrait :

« À la place de l’immeuble de trois étages qui abritait l’appartement où ils ont fait la fête hier soir, un fleuriste ouvre son magasin. Plusieurs maisons ont disparu.

 Que se passe-t-il ??? Où sont-ils ? Ils ne reconnaissent plus rien. C’est Naoned et ce n’est pas Naoned !!! »

Et eux où se trouvent-ils ? Dans une autre dimension ? »

 

Résumé :

En 2084 le chômage, la pollution, le terrorisme ont été éradiqués. Xsaar, Arek, Senjy et Yanne vivent dans un monde sans danger ni incertitudes pour l’avenir. Pourtant, les jeunes Naonediens sont tiraillés entre leur adhésion aux choix de société écologiques et responsables, et leurs envies de liberté.

Ils écoutent avec lassitude les discours rassurants de la Présidente de la Nouvelle Europe, Gretel Bergström, sur l’évolution de la société, tout en rêvant d’un monde différent dans lequel ils pourraient voyager, partir en week-end au bord de la mer, avoir des vêtements rien qu’à eux, louer un appartement.

Un jour, alors qu’ils font la fête avec des amis, ils boivent plus que de raison ; ils se retrouvent, au petit matin, propulsés quarante ans en arrière. Par qui ? Pourquoi ?

En attendant de trouver des réponses, ils vont devoir apprendre à vivre au quotidien à Nantes en 2041, y travailler, se construire une vie.

Xsaar va rencontrer sa mère âgée de… 6 ans.

Sous le regard souvent étonné des autres, les quatre Naonediens, découvrent avec enthousiasme les plaisirs simples. Tout les enchante comme des enfants, sauf la pollution ainsi que certains fonctionnements du passé. La société de 2041 se révèle bien différente de celle de 2084 où ils espèrent retourner un jour.

 

Biographie :

Yvonne Andurand écrit des romans, des Nouvelles, des poèmes. Elle est membre du Collectif Interculturel des Auteurs de Loire Atlantique, des Romanciers Nantais et de l’Association des Écrivains de Bretagne. Ses livres ont été publiés en France, en Belgique et au Québec.

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Et si vous participiez aux concours organiser sur notre blog ?

Publié le par christine brunet /aloys

Publié dans ANNONCES

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"L’étrange décès de Jeff Niessen", une nouvelle en épisodes signée Carine-laure Desguin - 5

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

   Judith, c’est de la folie … tu as traversé seule toute la ville …  et à cette heure tardive en plus … le mot couvre-feu te serait donc inconnu ? dit-il sur un ton calme et bienveillant, au grand étonnement de l’aventurière qui ne répond pas et hausse les épaules, un geste qui signifie qu’elle n’y peut rien, que ce fut plus fort qu’elle.

L’un comme l’autre n’ont croisé aucune patrouille hostile circulant au sol. Quant aux drones, ils sont silencieux et la présence du couple dans cette maison est peut-être déjà connue. Max reprend ses esprits et demande : « Judith, que veux-tu me dire ? Parce que tu me caches quelque chose n’est-ce pas ? Cela fait des mois que je ressens qu’à propos de la mort de Jeff, tu en connais bien plus que moi. »

   Max, je voudrais t’expliquer ce que j’ai vu ce matin-là, le matin de la mort de Jeff, murmure Judith, peinant à exprimer tout ce qu’elle a vu, effrayée par les possibles réactions de son compagnon.

   Tu étais donc là ?

   C’était tellement tendu entre toi et moi, Max. Il m’arrivait alors de venir jusqu’ici. Jeff m’écoutait … Surtout ne t’imagine pas que lui et moi … enfin tu me comprends, je …

   Et qu’as-tu vu exactement ? répond Max en empêchant Judith d’achever sa phrase. Dis-moi tout, je t’en prie, tu sais très bien que les circonstances de la mort de mon jumeau me perturbent depuis à présent six mois.

   Tu ne me croiras pas, Max, tu penseras que j’ai halluciné, lâche Judith, toujours hésitante, le corps épuisé appuyé contre le mur de l’autre côté de la pièce et jetant un regard attristé vers Max.

   Judith, lorsque nous ressortirons de cette maison, nous n’y reviendrons jamais. Tu as vu quelque chose de très grave. Et pourquoi gardes-tu tout ça au fond de toi ?

   Je pense à cette scène chaque jour. Je crains de dévoiler ce que j’ai vu. C’était horrible, irréel. Aujourd’hui encore, je me demande si je n’ai pas rêvé. Oh Max, cette vie est si cruelle. Qu’est-il arrivé ? Pourquoi le monde a-t-il basculé vers tellement d’horreurs ?

   Nous vivons désormais dans un nouveau monde. Celui d’avant ne reviendra jamais. Tu le sais, j’ai une haine qui grandit au fond de moi à cause de tout ce gâchis sur la planète. Judith, pour la dernière fois, révèle-moi cette vérité, qui a tué Jeff ? demande Max en s’approchant de Judith et en la prenant dans ses bras.

   Les larmes aux yeux, Judith commence à s’épancher : « Max, tu te souviens de ce jeu vidéo, le « Jeu des étoiles ». Sur les forums, c’est la folie avec ce jeu, tout le monde en parle, tu avais raison … Dans ce jeu, il est question de monstres, d’entités difformes, un corps d’humain surplombé d’une tête de reptile … Jeff et Kathleen Lauzer ont enquêté au sujet de ce jeu. Ils ont découvert lors de leurs voyages astraux sous hypnose que ces monstres existent, Max, ils existent. Et parfois, ils apparaissent devant les internautes. Je sais, c’est incroyable, ajoute Judith, mais si on en croit la philosophie bouddhiste, la force de la pensée permet de donner vie à des entités et certains groupes d’internautes ont réussi à créer ces monstres. »

   Et quel rapport avec la mort de Jeff ? insiste Max sur un ton protecteur, et serrant par moment très fort Judih entre ses bras.

   Ce matin-là, je suis allée jusque chez Jeff. Comme d’habitude, j’ai jeté un œil par la fenêtre et j’ai frappé deux fois sur la vitre, c’était notre code, dit-elle toute tremblante. Jeff était assis devant son ordinateur, il a tourné la tête vers moi et dans ses yeux j’ai vu une telle frayeur, jamais je n’ai vu Jeff dans un état pareil. Il s’est levé, s’est approché de la fenêtre et a crié quelque chose que je n’ai pas compris. À ce moment-là, une force invisible l’a ramené brutalement sur le fauteuil, celui-là, là, dit-elle en tournant la tête vers le fauteuil. Ton frère ne bougeait plus, j’ai compris tout de suite qu’il était mort. J’étais tétanisée. Je suis restée scotchée à la vitre. Et puis j’ai vu l’inimaginable, Max, l’inimaginable. A traversé la pièce en ne touchant pas le sol, une espèce de créature reptilienne, un horrible lézard. Il m’a regardée en ricanant et s’est volatilisé, oui, volatilisé, il a disparu de mes yeux. Je n’ai rien compris, rien du tout. Mais Jeff était mort … Est-il mort de peur ? Cette créature lui a-t-elle injecté quelque chose ? Jeff me l’avait expliqué, je viens de te le dire, des internautes avaient réussi à donner vie à des monstres pareils à ceux qui circulent dans « Le jeu des étoiles ». Oh Max … je ne … lâche-t-elle encore avant de s’évanouir et s’effondrer comme une masse devant son compagnon abasourdi et totalement incapable de retenir la malheureuse. Épuisée par le stress, la précarité de cette vie et toute cette charge émotionnelle enfouie en elle depuis si longtemps, Judith n’a pu s’empêcher de craquer. Max, en même temps anéanti par ces révélations et apeuré par le malaise de Judith, s’agenouille devant le corps si maigre, presque décharné, et surtout inerte. Au moment où il crie Judith reviens, reviens, tout en prenant entre ses mains moites le visage transparent aux yeux révulsés, trois hommes armés et cagoulés déboulent dans la pièce puante et sombre. Le plus grand de ces militaires hurle en pointant sa kalachnikov modèle 2032 sur le front de Max : « Ta meuf a fabulé, ton frère s’est suicidé. Point. Toi, tu vas nous suivre. » et il poursuit en s’adressant à ses acolytes : « Celle-ci, embarquons-la aussi mais avant, violons-là, ça l’achèvera et lui apprendra à fermer sa gueule. »

FIN

Carine-Laure Desguin

http://carineldesguin.canalblog.com

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"L’étrange décès de Jeff Niessen", une nouvelle en épisodes signée Carine-laure Desguin - 4

Publié le par christine brunet /aloys

 

En ce début de soirée, la lumière du jour éclaire encore la rue, mais la digue de Cuesmes est déjà déserte. Max se faufile derrière la haie et rive son regard sur les eaux sales de la Trouille. La semaine dernière, un cadavre était accroché à des branchages et gisait là sans doute depuis des jours.  C’est l’odeur pestilentielle des chairs en décomposition qui attira l’attention d’un riverain. La milice arriva de suite et évacua la dépouille. Aucune enquête sans doute car le riverain, celui-là même qui découvrit le cadavre et donna l’alerte ne fut pas interrogé et personne ne lui demanda son identité. Ce genre de situation est presque journalière. On retrouve des cadavres d’hommes, de femmes et même d’enfants dans la Touille, dans la Haine, et aussi dans le « parc » du Vaux-Hall, cinq hectares d’une nature à présent sauvage et qui recèle des coins abandonnés et obscurs dans lequel meurtres et suicides deviennent ordinaires.  

Le parcours jusqu’à la rue de Maisières, une désolation totale. Max ne croise pas un seul chat. Et pour cause, chiens et chats ont terminé leur vie dans les casseroles de l’une ou l’autre famille affamée. À chaque fois qu’il ressent la présence d’un drone au-dessus d’un quartier qu’il arpente, Max se dissimule dans le porche d’un immeuble ou pénètre dans une maison abandonnée. Rue des Arquebusiers, les occupants du 18 ont migré vers la campagne boraine comme bon nombre de citadins. Là, chacun a le droit de cultiver un lopin de terre bien déterminé. C’est dans ces maisons abandonnées et devenues insalubres que les curieux découvrent des livres d’histoire dans lesquels les faits historiques sont falsifiés et les états actuels déclarés comme sauveurs sous la bannière du nouveau nouvel ordre mondial (NNOM). Tout n’est que mise en scène au service de l’état. Max ressasse sa dernière conversation avec Judith. Que cache-elle donc qu’il ne peut découvrir ? Ces années de galère ont foutu en l’air leur vie de couple, ils ne partagent plus rien ensemble et ça, il le regrette. Depuis la mort de Jeff, leurs sentiments se sont de plus en plus éclipsés.

Les relents d’urine et de merde du côté de la rue du Hautbois lui provoquent une nausée incontrôlable. Surtout ne pas vomir, surtout rester silencieux. Le moindre bruit attirerait la curiosité d’un quidam ou l’autre planté derrière sa fenêtre qui, sans tarder, dénoncerait le moindre dissident réfractaire au couvre-feu. L’état paie un max de telles dénonciations et encourage donc des kyrielles de mensonges. Max se souvient d’un éveilleur embarqué vers un camp où l’on apprend « la bonne conduite » aux plus récalcitrants. Il n’a jamais revu le malheureux.

Rue de Maisières à Nimy, une petite rue perpendiculaire à la rue des Viaducs. Max ne venait pas si souvent dans ce quartier, c’est plutôt Jeff qui venait jusqu’à la digue de Cuesmes. Les deux frères se voyaient aussi chez d’autres potes, éveilleurs de conscience comme eux. À la mort de Jeff, tout changea, la méfiance était de rigueur chez les uns et les autres, personne ne faisait plus confiance à personne. Tout ça ne fit que renforcer la haine que Max nourrissait envers l’état et ce NNOM. Ce sentiment malsain lui grignota le cerveau jour après jour.

Le 13 rue de Maisières, c’est aussi la maison familiale des deux frères, c’est là qu’ils ont vécu leur enfance et leur adolescence. Un coup d’œil furtif tout autour de lui, Max aperçoit de la lumière à une fenêtre de la villa située juste en face du 13. Méfiance, les mouchards sont partout. Max serre très fort entre ses doigts les clés du 13. Il s’aperçoit que la porte est entrouverte et que les dispositifs installés par la police ont disparu. Cela n’étonne pas Max, d’autres éveilleurs ont sans doute tenté de dissimuler des preuves de leur passage. Mais tout le matériel numérique a sans doute été embarqué par les supposés enquêteurs.

 Une fois rentré dans la maison, Max bifurque à gauche et puis vers le living, il laisse là le long couloir qui mène tout au fond du logis vers la cuisine. Les tentures de l’unique fenêtre du rez-de-chaussée sont en lambeaux. Max est prudent, sa lampe de poche est allumée au minimum. Soudain, il ressent un vertige, il se rattrape à la poignée d’une porte. Le fauteuil en tissu sur lequel Jeff a été retrouvé mort est resté là, dans un coin de la pièce, il est troué de partout et poussiéreux. Une souris s’échappe du dessous du fauteuil. Max s’appuie contre le mur, il craint de vaciller. Il n’a rien avalé de toute la journée et n’a bu que quelques gorgées d’eau. Sa vue se brouille. Il revoit ses parents dans la petite cour derrière la véranda. En plein soleil, sa mère est allongée dans un transat, son père revient du jardin et descend les cinq marches en béton. Jeff empoigne un pistolet à eau et commence à asperger ses parents et puis pointe son arme vers Max qui s’écroule, mimant un homme mort. Tout le monde éclate de rire.

La porte qui sépare les deux pièces en enfilade claque. Un courant d’air qui ramène Max devant la triste réalité. Il reste paralysé devant le spectacle, les meubles sont vides, des livres sont éparpillés sur le sol. Une odeur de moisissure agresse ses narines. Il lui est impossible d’avancer et de fouiller quoi que ce soit. Il regrette même êtes venu jusque là. À quoi bon ? Il connaissait son frère, jamais Jeff n’aurait laissé une clé USB dissimulée quelque part et il ne reste aucun ordinateur. Max reste appuyé là contre le mur, les mains glissées derrière le dos. Il reste cependant conscient que c’est la dernière fois qu’il revoit la maison de son enfance. D’ici quelques heures, elle sera réquisitionnée par l’état, comme tous les biens des personnes seules lorsqu’elles décèdent. Les enfants uniquement héritent d’une partie de leurs parents. Pour l’état, les frères et sœurs, neveux et nièces, cousins et cousines n’existent pas. Les familles s’appauvrissent, et puis éclatent.

Le 13 rue de Maisières deviendra à coup sûr un mouroir, un espace destiné aux citoyens qui veulent en finir avec la vie. Aucun dossier à remplir, quatre lignes de justification suffisent. Des bourreaux se chargeront de la pénible mission au moyen d’une chimie bon marché. L’agonie persiste parfois jusqu’à plusieurs heures, cela dépend de l’état de santé initial du demandeur et des compétences du bourreau.  Soudain, Max ressent une présence, une respiration, un souffle. Une silhouette se découpe dans l’ombre de la pièce. Max n’en croit pas ses yeux. Judith ! Celle-ci pénètre dans la pièce sur la pointe des pieds, elle craint la réaction de son compagnon.

A suivre

Carine-laure Desguin

http://carineldesguin.canalblog.com

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"L’étrange décès de Jeff Niessen", une nouvelle en épisodes signée Carine-laure Desguin - 3

Publié le par christine brunet /aloys

  

Jeff partait dans des délires loufdingues, tu le sais bien, coupe Judith, comme pour injecter des doutes dans toute cette histoire. Les recherches de ton frère lui montaient à la tête. Et ses voyages dans la supraconscience ou je ne sais plus trop avec Kathleen, ça l’a entassé plus qu'autre chose, continue-t-elle afin de détourner Max des dossiers si subtils sur lesquels travaillaient Jeff.

   Ne salis pas la mémoire de mon frère tu veux bien, il est mort! Mort! 

   Jeff exagérait, insiste Judith.

   Je voudrais revoir son appartement et peut-être cette fois découvrir quelque chose d'important, une piste qui me permettrait de comprendre cette mort, murmure Max, dédaignant le dernier mot assez offensant de sa compagne.

   Dépêche-toi alors, Max. L'enquête est close. L'ordre sera vite donné d'évacuer ses affaires et de les liquider. Rien ne te sera restitué, crois-moi, lâche Judith.

   Ce soir, je vais jusque chez Jeff. Quelque chose m’éclairera, c’est sûr, j’ai trop la haine. La haine contre cette société de merde qui a tué mon frère. Ce soir, c’est décidé, j’y vais.

   Ce soir ? Tu n'as aucun laissez-passer, la milice de nuit te repèrera bien vite et que diras-tu ? Que tu te rends dans l'appart d'un éveilleur mort depuis six mois afin de fouiller dans ses affaires ? Tu te feras embarquer et emprisonner. Nous sommes en 2032, n'oublie pas. Le citoyen n'a plus aucun droit. Il est devenu une menace. L'état peut tout, lui. Un revenu minimum pour tous, et hop, l’état reste tranquillos. Quasi aucun trajet hors de chez soi n’est autorisé. Je continue ? Eh bien oui, je continue. Tu m'avais promis une vie à la campagne voici presque dix ans. Un petit jardin. Nos légumes. Un élevage de poules. Une certaine autarcie quoi. Et ? Et rien de tout cela. Cet état de putain de merde nous cloisonne ici. Avec une liste d'interdits qui n’en finit pas. Interdit d'avoir un enfant après 25 ans. Interdit de ceci ou de cela. L'état nous impose même le choix des livres puisque c’est lui qui les publie … Et les livres d’histoire sont falsifiés.  Et toi que fais- tu ? Tu espères aller faire le ménage chez ton frère !  

   Parle moins fort, voilà ce que tu me disais voici quelques minutes. Si le vieux d’à côté t'entend, les flics débarqueront et nous demanderont des comptes. Autant rester discrets.

   Le vieux ? Un vieux de 68 ans... qu'il profite car dans deux ans, hop, plus aucun soin pour lui s’il contracte la moindre maladie. Seule option, crever seul chez soi. Et s’il veut l’euthanasie, ce sera accepté de suite par le premier toubib venu, oh ça oui ! Économie pour la sécurité sociale et devinez la cause de tout ça ? Le Covid !

   Je pars de suite, Judith. Tu passeras ta crise de nerf sans moi. La rue de Maisières à Nimy, c’est à deux pas d’ici.

   Fais comme tu veux, Max. Évidemment, de la digue de Cuesmes ici à Mons jusqu’à la rue de Maisières, une paille n’est-ce pas ? Ah mais oui, vous autres les éveilleurs vous disposez d'un vaisseau spatial éolien qui reste invisible pour les milices terriennes et les drones … Et peut-être même que vous maîtrisez l’effet d’Oz !

   Tais-toi Judith, tu m'exaspères. Tu ne comprends rien à rien. Tu ferais mieux de chanter afin de garder en toi un max de mots. On ne comprend pas de quel côté tu es, parfois. Du côté des éveilleurs ou du côté de cet état de merde ? Tu souffles le chaud et puis le froid. Tu deviens bipolaire ! Parfois je me demande si Jeff n’a pas été victime d’une taupe. Toi, peut-être ? Sur l’ordi, tu as recherché des infos au sujet du Tibet, pourquoi ? Jeff s’intéressait aussi à ce pays. Pourquoi toutes ces cachoteries entre toi et lui ?

   Tu deviens fou, Max.  Et en plus, tu me fliques ! Tout le monde soupçonne tout le monde, je comprends. Oui, parfois je fais des recherches aux heures que l’état nous le permet, oui. Ce que je rassemble reste sans doute de ce fait des informations erronées, car aiguillées par le mainstream. C’est mon droit, non ? Mais entre toi et moi, je pensais que c’était autre chose que ces mesquineries de bas étage, non ?

   Avec mon frère tu avais une attitude ambiguë, Judith, poursuit Max. Je l’ai remarqué plusieurs fois. Ne nie pas. 

   J’étais à son écoute plus que toi lorsque Jeff s’épanchait sur des sujets plus sensibles, plus spirituels, ça oui. Comme par exemple ses recherches sur le Tibet, justement. Jeff et Kathleen découvraient des choses extraordinaires, des choses qui dépassent notre imagination. Tu étais plus hermétique à tout ça, Max, voilà. Mais rien de plus, Max, rien de plus. Et au cas où cela te viendrait à l’esprit, ce n’est pas moi qui ai assassiné ton frère ! ajoute-t-elle avec des sanglots dans la voix. Judith s’approche alors de Max qui est, depuis le début de ce dialogue et après avoir décollé son regard de l’ordinateur, dos contre l’unique meuble de cuisine, bras croisés. Max fixe Judith avec agressivité. Celle-ci tend les bras et tente d’embrasser son compagnon mais celui-ci, d’un seul geste, fait volte-face et repousse Judith. Celle-ci reste stupéfaite, des larmes commencent à envahir ses joues et elle s’assoit par terre, sur le vieux carrelage humide, les mains entourant son visage, anéantie par le comportement tellement sauvage en paroles et en gestes de son conjoint. Max attrape une veste en jeans crado suspendue au porte-manteau et, sans prononcer un seul mot, sort en claquant la porte.

 

A suivre

Carine-Laure Desguin

http://carineldesguin.canalblog.com

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"L’étrange décès de Jeff Niessen", une nouvelle en épisodes signée Carine-laure Desguin - 2

Publié le par christine brunet /aloys

 

   Retire cette idée de ta tête et calme-toi un peu, Max. Inutile d’attirer l’attention. Tu sais bien que les voisins appellent les flics pour moins que ça et que nous sommes fichés « éveilleurs ». Pour en revenir à la mort de Jeff, bien sûr que le gouvernement assassine les éveilleurs les plus futés. Combien sont morts depuis 2020 ? On ne le saura jamais. Le plus souvent ils sont empoisonnés. Parfois même par des amis ou pire, par leur propre famille. Pour un peu plus de liberté ou quelques tunes ajoutées sur leur carte de crédit, certains pourris monnaieraient n'importe quoi, la mort d’un conjoint, celle d’un ami, celle d’un voisin. Les gens sont si malheureux depuis 2020, ils font n’importe quoi, ils dénoncent n’importe qui, même à tort. Et, de toute façon, il n’y a jamais d’enquête. Tu te rends compte que les enfants nés cette année-là et celles d’après ne connaissent que ces deux mots, Covid et restriction. Si leurs parents n’ont pas gardé, malgré les interdictions, de bandes dessinées chez eux, ils ne connaissent même pas le visage de Thergal, ni même celui de Tintin ! Quelle tristesse ! Tout ça pour ne pas que les enfants prennent goût aux voyages et à l’aventure ! Et puis j’en ai ma claque de ces légumes lyophilisés qui ne se diluent même plus, dit Judith sur un ton dépité en balayant d’un coup de main trop subtil toutes ces poudres en dehors de son plan de travail. J’en gaspille des décilitres d’eau à force de m’obstiner dans ces absurdes préparations de repas macabres, les factures vont encore exploser. Max n’entend même pas le désarroi de sa compagne. La rage dans le ventre, il continue de plus belle à dérouler le laïus commencé par sa compagne : « Un virus lancé pour dépeupler la planète, trouver des prétextes pour contrôler chaque humain un maximum, développer l’intelligence artificielle, et j’en passe. Ah oui, cette monnaie unique, on n’aura pas attendu dix ans avant de nous la foutre dans les pattes ! Jeff connaissait tout l’envers du décor, tout. Et surtout, le pourquoi de tout cela. Il était remonté très très loin, ça je n’en doute pas un seul instant. L’histoire de l’Humanité, il la connaissait sur le bout des doigts. D’où tenait-il tout ça, je n’en sais trop rien. Je regrette de m’être montré parfois trop hermétique avec lui. »

   Calme-toi, Max, nous sommes de toute façon pieds et poings liés. Cela fait douze ans qu’ils nous promettent de nous sortir de cette pseudo- pandémie. Au contraire, on s’enfonce de plus en plus. Confinés depuis 2020, des informations au compte-gouttes, et ces médias mainstream qui nous font gober du grand n’importe quoi … Alors, la mort de Jeff, tout le monde s’en fout. Combien de morts suspectes dans cette ville ? Et ailleurs sur la planète ? Dis, Max, continue Judith comme pour éclipser les propos de son compagnon lorsqu’il amorce les enquêtes de son frère, au lieu de nous apitoyer sur tout ça, concentrons-nous et écrivons, chantons, usons et abusons le plus possible des mots connus. Tu te souviens que vers 2024 on chantait à tue-tête avec Jeff des chansons à présent disparues volontairement des réseaux ? Ils disent même que Ferrat n’a jamais existé ! Ils ont balayé l’existence de tellement d’artistes ! Oh Max, changeons-nous les idées…

   Max reste fixé sur la mort de Jeff : « Jeff est mort assassiné. Aucune autopsie, c’est le protocole instauré depuis cette pseudo-pandémie de merde, soi-disant pas assez de preuves pour mettre en évidence un assassinat. Empoisonné, certain de ça. Il bossait sur plusieurs sujets. Et puis il y a cette Kathleen Lauzer, l’hypnologue qui « l’éclairait » dans ses enquêtes. Jeff disait qu’il voyageait bien au-delà du possible grâce à elle et qu’il avait des réponses à tellement de questions. Les séances d’hypnose régressive ésotérique étaient d’après lui une mine d’informations.  

  Tu n’as plus eu de nouvelles de Kathleen depuis la mort de Jeff ? s’enquiert Judith.

   Aucune, justement, c’est bizarre. Au fond, je ne lui en veux pas, rétorque Max. D’ailleurs, je ne suis nullement étonné. Kathleen connaissait tous les dossiers de Jeff, forcément. Elle se protège, elle a raison. Si Jeff a été assassiné, Kathleen est en danger elle aussi. Ma main à couper que le noyau de tout cela, c’est ce jeu vidéo, « Le jeu des étoiles ». Ce jeu n’est pas innocent dans cette histoire et d’une façon comme une autre, il est responsable de la mort de mon frère. C’était un de ses derniers dossiers qu’il classait « hot », il m’avait annoncé que les révélations liées à ce truc risquaient de faire du bruit. Et pas que pour les aficionados du dark web, crois-moi. Ce dossier-là, c’est du lourd, tellement lourd. Kathleen avait enquêté et « le jeu des étoiles » pouvait d’après elle provoquer pas mal de dégâts. Voilà ce que Jeff m’avait murmuré. Il pressentait que je n’étais pas ouvert à tout ça, il ne m’a donc confié aucun détail.

   « Le jeu des étoiles », un jeu vidéo ? Tu as déjà vu un jeu vidéo qui tuait, toi ? interroge Judith sur un ton faussement naïf.

   Non, mais vu les allusions que parfois Jeff lançait, et puis tout ce qu’il m’expliquait … Le monde des ombres orchestré par des archontes et celui de la lumière … Hallucinant. Si cela est réel, c’est renversant, incroyable. Max raconte tout ça en insistant sur chaque syllabe de chaque mot.

A suivre

Carine-Laure Desguin

http://carineldesguin.canalblog.com

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"L’étrange décès de Jeff Niessen", une nouvelle en épisodes signée Carine-laure Desguin - 1

Publié le par christine brunet /aloys

L’étrange décès de Jeff Niessen

 

   Les traits du visage crispés, les yeux exorbités, les lèvres pincées, Max Niessen retient les tonnes de rage et de rancoeur qui bouillonnent en lui envers cette société actuelle, une société de merde. Le nouveau monde, celui dont personne ne voulait. Ce putain d’ordi, il se retient pour ne pas le balancer par l’unique fenêtre du rez-de-chaussée de la petite maison ouvrière du 82 digue de Cuesmes. Après tout, cet œil de Moscou en puissance, qu’il croupisse au fond des eaux troubles de la Trouille, la rivière qui coule juste en face de l’habitation. L’homme de trente-cinq balais à l’allure émaciée de mec mal nourri ne parvient pas à décrocher son regard du dernier e-mail de Lydia Alexandru, la juge d'instruction en charge d’orchestrer l'enquête relative à la mort de son jumeau, Jeff Niessen. Il lit et relit ces quelques lignes :

 

Très cher monsieur Niessen, 

 

Par cet e-mail permettez-moi de vous signaler que nous mettons un terme à l’enquête relative au décès inexpliqué de votre frère, Jeff Niessen, décès survenu aux alentours de novembre 2031. Nous concluons à une mort naturelle, faute d’éléments qui prouveraient le contraire. Il convient d'ajouter que vu les circonstances actuelles, cette pandémie qui se perpétue et qui nous oblige à travailler en équipe et moyens d’investigation réduits conformément aux protocoles de l’état belge, ce dossier se referme hélas définitivement. Aucun recours de votre part ne pourra être entendu. 

 

Cordialement, 

 

Lydia Alexandru

 

   Contrarié ? demande avec inquiétude Judith Sissau, souvent à l’affût des émotions en dents de scie de son volcanique compagnon, Max Niessen. La trentenaire qui s’évertue à préparer un frugal repas dans une cuisine sans confort composée de meubles et d’objets de récup n’entend que des jurons depuis plusieurs minutes et elle tend à présent l’oreille, la réponse de son compagnon qui se tient à trois mètres d’elle tout au plus se fait attendre.

 

   Bien plus que ça ! Dépité, écœuré, les mots me manquent ! Pas vraiment surpris par cette « justice » qui n’en n’est plus vraiment une. Le mot justice ne signifie plus rien du tout, rien. C’était déjà un mot insipide et factice avant 2020, alors aujourd’hui, au printemps 2032… Et puis mon frère n'était qu'un éveilleur de conscience parmi d'autres, alors à quoi bon perdre son temps à enquêter sur la mort d’un ennemi de l’état, n’est-ce pas… ?

   Jeff mettait en évidence tellement de choses. Trop sans doute. Il a pris des risques énormes. Il s’est mis en péril bien trop de fois, pauvre Jeff, soupire Judith sur un ton d’impuissance et occupée à réhydrater tant bien que mal poireaux et œufs lyophilisés.

Les produits en poudre sont les seules denrées ou presque accessibles à la plupart des citadins. Les aliments frais ne s’achètent qu’à un prix de dingue, du marché noir en quelque sorte, comme lors de la guerre 40-45. Nous sommes en 2032, à Mons. D’après les infos mainstream, la pandémie de 2020 n’a jamais été éradiquée, le virus ne cesse de muter et reste mortel pour la plupart des quidams qui le chope. Les états de toute la planète usent de décisions drastiques afin, proclament-ils, de limiter le nombre de mortalités : les voyages entre pays sont interdits (et même à l’intérieur d’un même état, les déplacements sont limités), une monnaie unique est opérationnelle depuis 2028, le télétravail est obligatoire, chaque individu reçoit une allocation et un ordinateur via lequel certains sites ne sont opérationnels qu’à des heures déterminées par chaque état. Partout sur la planète des éveilleurs de conscience font leur boulot, informer la population d’une manière comme une autre afin que le peuple comprenne qu’il subit une manipulation de masse et que tous les moyens sont bons à l’élite pour asservir chaque citoyen, pour exercer sur lui un contrôle maximum. La pandémie ne serait qu’un prétexte pour imposer au citoyen de chaque pays des règles de vie liberticides. Dans leur petite maison de la digue de Cuesmes, à deux pas du centre-ville de Mons, Max et Judith continuent leur conversation.

   Tu le regrettes à présent, s’insurge Max. Pourtant, tu doutais de ce qu'il disait, toutes ses enquêtes qu’il ne craignait de dévoiler sur les réseaux depuis des années. Bien plus audacieux que moi, le frérot. Tu m’as si souvent dit qu’il déconnait, qu’il disait tout ça pour se donner de l’importance, qu’il perdait son temps, continue Max qui hausse le ton et qui, depuis son espace bureau, regarde Judith avec tellement d’agressivité dans les yeux. Ou bien tu débitais ça parce que tu pensais le contraire ? Une façon comme une autre de noyer le poisson ? continue-t-il sur un ton de mépris.

   Max, ne cherche pas le conflit cela ne servirait à rien. Jeff ne ressuscitera pas, conclut Judith qui commence elle aussi à s’énerver car elle constate avec dépit les difficultés qu’elle rencontre pour réhydrater les légumes lyophilisés. La poudre de poireaux ne se dilue pas, elle forme de petits agglomérats gélatineux. Ce qu’elle n’ose pas avouer, c’est qu’elle vient de revendre à une voisine des gélules de vitamines contre ces lyophilisats merdiques. Les arnaques sont journalières depuis que les productions locales sont limitées. On vend même de la sciure de bois dans des sachets étiquettés lyophilisats de carottes ou poireaux ou oignons … Judith connaît toutes ces malversations sur le bout des doigts mais cette voisine lui inspirait confiance. Erreur. Elle n’ose avouer sa gaffe à Max qui trouverait dès lors un prétexte de plus pour déverser sa colère.

   Je voudrais qu'il ne soit pas mort pour rien. Et puis ce n'est pas une mort naturelle. C'est un meurtre. Un meurtre ! s’écrie Max en tapant si fort son poing contre le mur qu’un des cadres tombe et se brise, laissant s’échapper une photo représentant la tour de Warande, souvenir lointain d’un lieu situé sur la côte belge qu’il est à présent interdit de visiter, puisqu’il n’est autorisé, depuis 2020, de ne circuler que cinquante kilomètres autour de chez soi. Dans le cas contraire, des drones vous ramènent illico dans l’espace militaire le plus proche de chez vous. Vous êtes alors pucé jusqu’à la fin de vos jours. Aucun recours pour faire machine arrière. Les drones sont des ordinateurs aériens, rien ne leur échappe. Ils connaissent tout de chaque individu, du parcours scolaire jusqu’au groupe sanguin en passant par l’arbre généalogique et le compte bancaire.

A suivre

 

Carine-laure Desguin

http://carineldesguin.canalblog.com

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Séverine Baaziz répond à la question : pourquoi participer aux concours organisés par notre blog ?

Publié le par christine brunet /aloys

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