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Joyeux Noël, une nouvelle de Philippe Wolfenberg

Publié le par christine brunet /aloys

 

Les états d'âme de la Lune et du Soleil

 

Joyeux Noël

 

 

Je suis un voyageur astral. L’espace et le temps ne m’imposent leurs limites que partiellement. Je peux aller où bon me semble et à l’époque de mon choix. Et, détail aussi pittoresque qu’agréable, la séparation du corps et de l’esprit survient lors de l’acte sexuel.

De cette particularité qui ne concerne que très peu d’humains, j’ai fait mon métier : chasseur de prime employé par une société ésotérique dont le conseil d’administration se compose de quelques milliardaires férus de paranormal.

J’ai longtemps œuvré seul avant de rencontrer une femme dotée, elle aussi, de cette étrange faculté. Elle est devenue mon associée et ma compagne. Puis, un jour… Mais je préfère ne pas en parler. J’ai cru qu’il n’y en aurait pas d’autre jusqu’à ce que la superbe créature qui vient de me rejoindre dans la chambre n’apparaisse, à point nommé, dans une vie que je commençais à trouver insipide. De taille moyenne, elle a des courbes à me faire ressembler au loup libidineux des cartoons de Tex Avery. Le teint hâlé, les cheveux mi-longs noirs et les yeux noisette confirment des origines méridionales. Elle m’observe, un sourire à la fois tendre et ironique plaqué sur ses lèvres pulpeuses.

* Nom de code : « Père Noël » ! Guère original… Même si nous sommes un 24 décembre…

* Et toi ? D’où sors-tu ce « Vilain Petit Chaperon rouge » ?

* J’ai l’âme innocente d’une enfant qui, pourtant, adore s’assoir, la tête pleine d’idées inconvenantes, sur les genoux d’un vieux bonhomme à la barbe blanche…

Je préfère ne pas en entendre davantage et lui coupe la parole d’un baiser auquel elle répond avec passion.

 

*

 

Terra Nova en l’an de grâce 3691. Anticipant de peu la destruction de la planète bleue, une partie de sa population a trouvé refuge sur cette copie quasi conforme à l’originale mais distante de quelques années lumières.

 

*

 

« Vilain Petit Chaperon rouge » pose sa main sur mon bras et plonge son magnifique regard dans le mien.

* A propos, mon amour, en quoi consiste notre mission ?

* L’Homme n’apprend décidément rien de ses erreurs… A peine avait-il colonisé ces terres qu’il s’est mis à se multiplier de façon inconsidérée. Et, qui plus est, une organisation extrémiste a décidé d’éliminer la Mort…

* Pardon ?

* L’Humanité a finit par découvrir que La Vie et La Mort sont deux sœurs jumelles. Dans quelques heures, elles assisteront à la messe de minuit… Et là…

* C’est dément ! Et comment sais-tu tout cela ?

* Ceux pour qui nous travaillons ont des descendants, ici… Ce sont ces derniers qui les ont prévenus…

* Absolument dément !

* Je sais… Mais nous disserterons sur les surprises que nous réservent nos aventures plus tard... Pour l’heure, nous avons du pain sur la planche…

 

*

 

La discothèque est calfeutrée au milieu d’une ancienne usine réhabilitée. Parmi les lasers multicolores et les rythmes martiaux de l’« electro body », une foule bigarrée, inconsciente de ce qui se trame, se déhanche joyeusement.

Nous montons au sommet du bâtiment, dans une partie déserte ; du moins, à première vue car, tapie dans l’ombre, une silhouette manipule une sorte de télescope relié à un PC portable.

* « L-N-A » ! J’aurais dû m’en douter…

D’un bond de félin, celle qui m’accompagnait, naguère, avant de se lasser de moi, s’est redressée et nous fixe avec un aplomb rapidement retrouvé.

* Comment m’as-tu reconnue dans cette obscurité ?

* Ton parfum… Mais je manque de la plus élémentaire des politesses : « L-N-A », je te présente « Vilain Petit Chaperon rouge »…

* Tu as toujours eu un goût très sûr…

* Un amplificateur d’ondes cérébrales… Suffisant pour se débarrasser de la Mort ?

* A cause de vous deux, on ne le saura jamais… A moins que…

* Attention !

* Merci, mon ange !

L’intervention de ma nouvelle partenaire – qui, d’un geste vif, a déconnecté les éléments de la machine infernale - désarçonne « L-N-A » et me donne le temps de synchroniser ma fréquence mentale avec la sienne. Assez rapidement, le lien qui relie le corps virtuel de mon adversaire à sa source (son corps physique) s’effiloche… Quand il n’en restera rien, le contact sera rompu, rendant tout retour impossible…

* Mon amour… Non ! Laisse-la… S’il te plaît…

 

*

 

Nous avons regagné notre monde. Je me penche vers elle et l’embrasse tandis que mes mains caressent ses seins avec une infinie douceur. Je ne peux m’empêcher de la questionner.

* Pourquoi ?

* Parce que vous vous êtes aimés… Elle fait partie de ton passé… Ton histoire avec elle a modelé, en partie, ce que tu es aujourd’hui : l’homme dont je suis amoureuse…

* Mais le passé n’est plus…

* C’est faux ! Il est juste endormi… Il faut respecter son sommeil… Mais pas le tuer…

* Parfois, j’ai du mal à te comprendre…

* Ce n’est pas important… Souhaite-moi plutôt un joyeux Noël…

 

Philippe Wolfenberg

philippewolfenberg.skynetblogs.be

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Publié dans Nouvelle

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Marcelle Pâques a lu "Spirales urbaines" de Carine-Laure DESGUIN

Publié le par christine brunet /aloys

Spirales urbaines
J’ai lu l’excellent livre de Carine-Laure DESGUIN – SPIRALES URBAINES
 
    Hier dans mon jardin, j’ai lâché prise et je me suis laissée emporter avec bonheur dans les – SPIRALES URBAINES-
    le recueil de Carine-Laure DESGUIN.
    Je vous livre quelques extraits :
 
   Les tissus des villes
  
   - C’est un patchwork  de rues et de ruelles
      Elles s’engouffrent obligées au milieu des boulevards
      Et taisent aux passants aux égouts aux poubelles
      Le poids des ans la lourdeur des trottoirs-
 
      La cruauté des villes dans :
 
     Ce soir dans le brouillard
 
      - Il ne veut rien savoir des rires de ton enfance
        De tes cris de tes voyages de tout ce qui fut toi
        Du haut des escaliers il t’imagine déjà
        Il déshabille ton coeur et gifle tes silences
 
      Dans  - Enfants, chantez vos liberté ( j’ai retrouvé le côté joyeux de son roman “ Rue Baraka” que j’avais également beaucoup apprécié !)
 
      - Enfants, chantez vos libertés
        Dans les rues de la ville
        Vos aventures, réveillez-les,
        Soyez gais, grands et indociles.
 
    Dans – Monsieur qu’aimez vous de moi?  ( légèreté et sensualité);
 
    - Que ce matin de juin quand le soleil entra
       Et que la porte close
       Vous comprîtes mais pas moi
       Que cette première fois
       En attendait bien d’autres...
 
   Je ne dévoilerai pas les secrets de ...la fine et rousse moustache de – A la fontaine aux guignols -
 
  Bref ! il fait partie de ces livres qui vous happent dès que vous les ouvrez !!!
 
  A vous de découvrir ce recueil – SPIRALES URBAINES – CHLOE DES LYS -
  
  
MARCELLE PÂQUES
marcellepaques.skynetblogs.be
Bientôt les jonquilles
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Nouvel auteur chez Chloé des Lys, Papy NZILI va publier "Mon histoire avec eux"

Publié le par christine brunet /aloys

 
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Je suis né à Kinshasa, le 30 août 1973. Je suis gradué en Commerce Extérieur et licencié en

Économie Appliquée. Professionnellement, je suis Inspecteur d’Administration Fiscale. 

Familialement, je suis papa de deux petits garçons de 8 et 6 ans.

 

Alors, comment résumer « Mon histoire avec eux » ? Il s’agit, très sommairement, de divers récits traitant de relations interpersonnelles, de leur naissance, de la manière dont les émotions sont vécues par le narrateur, et parfois de leur disparition. Le narrateur y dévoile des rencontres qu’il a faites avec des hommes et certaines femmes qui ont compté dans sa vie. Ils lui ont apporté chacun quelque chose de différent. Il serait aisé de qualifier ce livre de « littérature gay ». Mais ce serait passer à côté d’une œuvre subtile, délicate, parfois brusque, d’un texte psychologique émouvant, peut-être choquant également. Vous y découvrirez un homme qui s’est réfugié dans des aventures amoureuses sans lendemain, un homme qui subit un manque impossible à combler. Au final, peu importe si notre narrateur est gay, bi ou hétéro. C’est un personnage complexe, paradoxal, touchant, qui s’écrit pour mieux se retrouver.

 

Et pour vous donner le ton sur lequel il est écrit, en voici de courts extraits :

 

 

  
« Vous risquez de penser que ce n’était que libidineux ce qui se passait en moi lorsque vous me voyez donner une telle lecture aux gestes d’Adonis. C’était bien plus profond que là où toute concupiscence aurait pu nous mener. Je m’exerce à trouver les mots pour l’exprimer dignement, mais ils me paraissent tous petits et faibles. Comment vous l’exprimer pour que vous compreniez ? Ce serait simple avec lui, le contact de nos chairs suffirait à pendre la dimension de cette force invisible qui nous a asservis durant toute la journée. Il se laissa prendre en otage par un sentiment inconnu. Moi, je savais donner un nom à ce sentiment : le désir, l’amour. C’était sacré. Pour des gens avec une spiritualité rudimentaire, ces mots ne donnent pas beaucoup de sens. Mais je sais de quoi je parle. Fût-il le désir ou l’amour, je ne le ressentais pas pour Adonis comme on pourrait le ressentir pour un être fait de chair et de sang. C’était mystique, transcendant. »
  
« En y réfléchissant aujourd’hui avec du recul, j’en arrive à me demander si Sarah n’avait pas prévu, dès notre rencontre dans le métro, de me ravir des mains de son père. Elle avait un esprit vif, qu’elle n’a pas dû hériter de son père. Paulin était d’une candeur infantile. Je ne le dis pas en le dénigrant. Au contraire, je lui ai toujours envié cette innocence d’enfance qu’il avait su garder plus d’un demi-siècle. Il est rare dans notre monde opportuniste et calculateur. Nombreux sommes-nous à avoir appris à anticiper nos paroles et nos actes pour en tirer le profit maximal. Était-ce la conséquence de sa confiance en l’humanité, cette attitude de Paulin que d’aucuns qualifieraient de naïve ? Je continuais à ne rien lui dire. « Tenir » sa fille était pour moi une assurance d’avoir toujours quelque chose de Paulin en ma possession. C’est malsain, je vous l’accorde. Et bien pire encore ! »
  
« Bandhu était un garçon digne de confiance. En faisant aujourd’hui le bilan de toutes les rencontres, de toutes les amitiés que j’ai eues dans ma vie, celle avec Bandhu Ramej arrive sans concurrence sur la première marche du podium. Ce n’est pas parce que je l’ai aimé plus que les autres. C’est parce qu’il m’a rendu mieux que les autres le moi que je lui avais donné. La simplicité a rencontré la simplicité. La transparence a rencontré la transparence. La confiance a rencontré la confiance. C’était la fusion de deux êtres, de deux âmes, de deux cœurs. Il n’y eut pas de duplicité dans cette relation. Tout n’était pas rose car j’ai beaucoup souffert de ne pas l’avoir comme je le voulais, mais tout était vrai. Au sein même d’une famille, on trouve très rarement des rapports aussi sincères, aussi loyaux, aussi fidèles. Aujourd’hui, des années nous séparent de cette belle amitié que nous avons partagée. J’ai quitté Kinshasa à mes dix-huit ans pour faire l’université en Europe. La vie m’a fait rencontrer un nombre incalculable de gens. Jamais aucun ne m’a plus fait sentir la sécurité d’un amour véridique. Merci Bandhu ! »
Nouvel auteur chez Chloé des Lys, Papy NZILI va publier "Mon histoire avec eux"

Publié dans présentations

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Quai des salines, un poème de Laurent Dumortier

Publié le par christine brunet /aloys

Vertiges

Quai des Salines

 

 

Quai des Salines, sans courant,

Je dérive cependant

J’assassine mes lignes de vie

Et les réduis comme moi au néant

 

 

Quai des Salines, je jette un regard

Vers l’autre rive

Là où les signes s’allument et s’alignent

Tandis que saignent mes lignes

 

 

Quai des Salines, j’avance à reculons…

 

 

Quai des Salines, j’attends

Le rouge de l’aube

Qui colorera l’Escaut

Et ses rives de sang

 

 

Quai des Salines,

Là où tu ne viendras pas,

Là où tu as érigé entre nous

Ces fantômes de barricades

 

Laurent Dumortier

gsl.skynetblogs.be

Publié dans Poésie

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"Quel sorte de dictateur êtes-vous ?" un texte de Claude Colson

Publié le par christine brunet /aloys

saisons d'une passion
Texte gagnant (à l'unanimité des votants) d'un petit concours d'écriture de forum  récent (7 participants seulement):
 
 
 
 
 
"Voici le sujet d'écriture: "Quelle sorte de dictateur êtes-vous ?"

Une grande catastrophe a annihilé la quasi-totalité de l'espèce humaine. Vous faites parti des survivants en compagnie de quelques milliers d'autres hommes et femmes. Votre objectif est d'établir une charte qui posera les bases légales au fonctionnement de votre communauté de rescapés (en vase clos). Pour cela, vous disposez d'un maximum de 10 articles et de 1000 mots !
La seule contrainte réside dans le fait que votre communauté est constituée de personnes très diverses (diversité génétique, diversité culturelle, diversité sociale, toutes les classes d'âges sont représentées...). Votre charte doit pouvoir plaire au maximum de rescapés afin qu'elle soit élu LA charte, et que vous soyez élu LE dictateur !"
 



ARTICLE I.

Vous allez voter pour la charte réglant à tout jamais le fonctionnement de notre communauté. Une seule charte est proposée, celle de celui que nous nommerons : le Guide suprême.

ARTICLE II.

Les électeurs sont les membres de notre communauté ayant seize ans révolus. Vous remarquerez l'extraordinaire bienveillance de notre constitution, très moderniste eu égard à ce qui se fait dans les démocraties les plus avancées. Vous êtes fermement invités à le faire savoir partout où vous le pouvez. Vos comportements en la matière, comme en toute autre du reste, seront finement observés et feront l'objet de rapports circonstanciés ; vous ne pourrez pas dire que vous n'étiez pas prévenus.
L'unique vote possible est d'accepter le projet que le Guide suprême vous présente lui-même ci-dessous. L'acceptation se fait en entourant la mention OUI , seule mention figurant sur le bulletin pré-imprimé.

Tout votre contre, nul (votant dépourvu de stylo pour entourer, par exemple) ou abstention d'électeurs sera puni de mort et cette sentence sera immédiatement exécutoire. Il n'y aura aucun appel possible, Le Guide suprême se réservant le droit d'accorder très rarement sa grâce, qui cependant ne pourra jamais être demandée par la personne concernée.

ARTICLE III.

Toute personne se proposant pour donner la mort au ou à la condamné(e) pourra être remarquée par le Guide suprême et alors bénéficier de faveurs, qui ne seront en rien automatiques. Cela restera néanmoins l'un des rares moyens d'en obtenir.

ARTICLE IV.

En cas d'afflux de candidats pour l'exécution de la sentence et dès qu'ils seront au moins deux, ils seront départagés par le Guide suprême grâce à un texte d'au plus mille mots qu'il devront écrire, légitimant le mieux la sanction et chantant les louanges du Guide suprême.

ARTICLE V.

Le vote sera obligatoirement précédé de cette mention manuscrite portée en haut du bulletin : "j'accepte librement la charte ci-dessous."
L'absence de cette mention entraînera la nullité de votre vote et l'application de l'article 1, paragraphe 2.
Par ce vote vous acceptez le pouvoir complet , définitif et sans partage du Guide suprême. 

ARTICLE VI.

Vous devrez indiquer sur le bulletin, à la place prévue, vos coordonnées complètes : nom , prénom, âge, adresse, ainsi que dater et signer. Ces données seront vérifiées par les hommes du Guide suprême avant que vous puissiez glisser le bulletin dans l'urne. Pour ce faire ils les confronteront à vos pièces d'identité dont la présentation sera obligatoire sous peine de voir considérer le vote comme nul (cf article 1- deuxième exemple de nullité, vous suivez ?).

Les pièces d'identité, obligatoires pour toute personne vivante, quel que soit son âge, seront délivrées par les services du Guide suprême contre la remise à ce dernier de 9/10 èmes de la fortune du demandeur, s'il veut une seule pièce, ou en cas de membres multiples dans la famille, de tantièmes par tête, calculés de manière à ne laisser que 3/10 ème maximum au demandeur s'il veut 3 pièces ou 2/10 èmes si le couple n'a pas d'enfant. Vous remarquerez au passage le grand souci d'égalité du Guide suprême.
Les enfants de la famille excédant le nombre de 1 seront immédiatement mis à mort, sauf si le Guide suprême a pris la décision d'accorder une dispense pour des raisons exceptionnelles dont il est seul juge.

ARTICLE VII.

Pour le fonctionnement de notre groupe humain, la règle unique est celle-ci : tout membre de la communauté doit se plier à toutes les volontés du Guide suprême (celui qui vous fait l'honneur aujourd'hui de vous proposer ce vote libre) ou à celles de la personne qu'il aura éventuellement choisie pour lui succéder après la mort, s'il advient qu'il décide un jour de se soumettre à celle-ci.

ARTICLE VIII.

Tout membre qui favorisera de quelque manière que ce soit la réalisation d'un désir du Guide suprême pourra se voir gratifier d'un ou de plusieurs avantages, au gré de ce dernier, avantage(s) au(x)quel(s) le Guide suprême aura le loisir mettre fin à tout moment.

ARTICLE IX.

La délation est obligatoire sous peine de sanctions d'une extrême sévérité et sans recours possible, pouvant aller jusqu'à l'élimination physique du contrevenant (si c'est un individu de sexe masculin ; de la contrevenante, dans l'autre cas de figure).

ARTICLE X.

Les manifestations de joie et de bonheur de vivre dans cette communauté sont obligatoires en présence comme en absence du Guide suprême. Et n'oubliez jamais, on vous surveille ! Même vos pensées nous seront rapportées. 
À bon entendeur...


http://claude-colson.monsite-orange.fr

Publié dans Poésie

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Jean le bûcheron, une nouvelle de Micheline BOLAND

Publié le par christine brunet /aloys

 

Nouvelles à fleur de peau

 

JEAN LE BÛCHERON

 

 

Steenvoorde, 1938, dimanche de mi-carême

 

J’ai quatre ans. J’entends la musique joyeuse de la philharmonie. Je me trémousse. Je suis près de Maman et je lui tiens la main.

 

Jean le Bûcheron débouche sur la place. Il est aussi haut que les maisons. Je ne vois qu’un énorme monstre rouge armé d’une épée. Je frémis… Il risque de me prendre dans sa main comme King-Kong sur les affiches qui m’ont donné le frisson.

 

Il a les cheveux blonds, les yeux bleus, il avance lentement dans ma direction… Je crie d’effroi, je ferme les yeux, je me tourne vers Maman, je tremble de plus belle, je me réfugie contre sa robe. Mes petits pieds martèlent les pavés comme si je pouvais de la sorte faire disparaître le colosse, mes petites mains chiffonnent la robe bleue de lainage. Surtout ne plus voir cette chose qui pourrait m’écraser, me dévorer, me piétiner, me cueillir d’un geste de la main.

 

Maman rit doucement, comme elle avait ri quand j’avais eu si peur du clown au nez rouge et aux longs pieds qui, l’autre jour, s’était approché de moi pour m’offrir un caramel.

 

Maman me caresse les cheveux : "Ce n’est rien Minouche, c’est juste un homme de carton. Il a mon âge. Lui et moi nous sommes nés ici, la même année. Regarde comme il est beau."

 

Je me retourne, je l’aperçois qui s’éloigne. Ouf, le danger est passé ! J’ose alors taper du pied au rythme de la musique.

 

Longtemps encore, la musique me trottera dans la tête.

 

Durant la semaine, j’ai dessiné le géant. C’est ainsi que j’ai exorcisé ma peur.

 

 

Steenvoorde, Printemps 1945

 

Le buste de Jean, mon" Jean, "notre" Jean à tous, vient d’être emmené par des soldats allemands. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Ils l’ont emmené sur un char. Folklorique trésor de guerre, profanation indicible, triste cortège pour un géant de carton.

 

Je pleure contre l’épaule de Maman. "Hélas Minouche, nous ne le reverrons plus. Il me semblait qu’avant, il te faisait si peur…" Maman cache mal ses larmes dans un pauvre sourire.

 

J’avais appris à l’aimer ce Jean qui fait la fierté de notre localité, comme j’avais appris à aimer les clowns !

 

 

Steenvoorde, mi-carême 1949

 

Je regarde passer le nouveau "Jean" que l’on a construit pour remplacer l’ancien géant. Il a bien changé. Ses cheveux sont châtains, son épée a fait place à une hache. Moi aussi j’ai changé. J’ai grandi, je n’ai plus des jeux de gamine. Tandis que je regarde, je jette de temps en temps un œil vers Jean-Marie, le garçon blond qui me fait chavirer. Mon cœur bat la chamade pour les deux Jean ! Je martèle les pavés. Je voudrais tant que Jean-Marie me regarde, qu’il m’adresse un sourire mais il n’a d’yeux que pour l’autre, si majestueux. Il a le même âge que moi, Jean-Marie. Les filles, ça doit encore lui paraître bête. Il rêve peut-être de devenir porteur de géant.

 

En fin d’après-midi, ce jour-là, je bois une demi-bière avec Jean-Marie, sa sœur et ses parents. C’est une première qui me fait voir la vie en rose. Ce jour-là, j’ai l’impression que tous les chagrins de Maman se sont évanouis. Elle danse avec Papa. Elle porte une nouvelle robe, rouge comme l’habit du géant.

 

 

Steenvoorde, 1994, dernier dimanche d’avril

 

Je regarde passer le cortège. La musique de la fanfare me fait vibrer. Je chantonne, je me dandine. La main de Laure, ma petite-fille est serrée dans la mienne. Elle est toute chaude et toute moite. "Oh Mamylou, j’ai peur !"

 

Laure est toute pâle. Je lui donne un gros baiser sur les cheveux. Je dis à mon mari : "Jean-Marie, prends Laure sur tes épaules. Elle aura moins peur." Quand elle est là-haut, Laure bat des mains. Elle ne craint plus rien. Jean le Bûcheron est plus beau que jamais dans son nouveau costume. Je lui trouve quelque chose de débonnaire. Il y a longtemps que ses grandes moustaches, sa haute stature, son casque et sa hache ne m’inspirent plus aucune crainte.

 

Je l’ai dessiné et peint au cours d’aquarelle et mes amies ont trouvé ça fantastique. Quand je ferme les yeux, il m’arrive de me le représenter avec des détails que je ne pensais même pas avoir mémorisés. C’est sûrement le second homme de ma vie.

 

C’est jour de fête. Sans Jean le Bûcheron, pas de retrouvailles entre amis, pas de tartes, pas de café fort, pas de bière au programme.

 

 

Steenvoorde, 2005, dernier dimanche d’avril

 

Jacobus défile aux côtés de Jean le Bûcheron. Le fils aux côtés du père ! Moi, depuis quelques jours, je suis arrière-grand-mère. L’aînée de mes petites-filles vient d’avoir un bébé. Laure est près de moi, elle n’a d’yeux que pour Steven, un jeune homme

blond comme les blés, un fameux joueur de basket. À dix-neuf ans, il mesure près de deux mètres et c’est la coqueluche de toutes les adolescentes du coin.

 

Moi, je ne regarde que Jacobus et elle ne regarde que Steven… Comme je le fais depuis quelques années, je prends de nombreuses photos pour les montrer à Maman. Le soir, ma fille m’offre deux marionnettes en papier mâché qu’elle a fabriquées elle-même, une représente Jean le Bûcheron, l’autre Jacobus !

 

Maman, qui vit maintenant chez ma sœur, est venue en visite chez nous pour l’occasion. Elle n’a pas assisté au cortège. Cela fait quelques années déjà qu’elle n’en a plus la force. Installée dans un fauteuil, elle regarde les photos que je fais défiler sur l’écran du téléviseur. "On dirait que tu n’as plus peur de Jean le Bûcheron, hein, Minouche !" Je me sens rougir comme une enfant. Je suis gênée qu’elle m’ait apostrophée ainsi devant tous les invités. Je change de sujet : "Dis, Maman, tu me diras quelle photo tu veux que j’imprime…"

 

Laure, ma fille et mon amie venue de Tournai me demandent presque en chœur : "Dis, tu voudras bien nous imprimer aussi une photo des deux géants ?"

 

Juste avant de repartir, alors que je lui prends le bras pour la conduire jusqu’à l’auto, Maman me dit : "Tu sais, Minouche, la première fois que j’ai vu le géant, il m’est arrivé un accident… J’ai mouillé mon lit. J’étais terrorisée. Je n’avais plus eu d’accident depuis longtemps mais là, l’émotion avait été trop grande. Je ne m’en souviens plus mais c’est ce que Bobonne m’a raconté tant et tant de fois. Je crois que je n’aurais même pas osé dessiner ce géant comme toi tu l’as fait… Tu te souviens n’est-ce pas ?"

 

Ce fut sa dernière confidence. Quelques jours plus tard, elle mourait dans son sommeil avant que j’aie pu lui offrir la photo promise. Dans son cercueil, j’ai glissé une photo de Jean le Bûcheron et de Jacobus.

 

 

 

Micheline BOLAND

micheline-ecrit.blogspot.com

3e prix au concours de nouvelles historiques de Tournai la Page 2008

(Extrait de "Nouvelles à fleur de peau")

boland photo

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Un extrait du nouveau livre de Jean Destree, "Faux éloge de ?"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

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Faux éloge de ?

 

Extrait

 

 

La réflexion de Jean-Robert provoque instantanément un éclat de rire. Le prof devient rouge, balbutie des mots incompréhensibles et finit par éclater.

 

Bertrand dehors! J'en ai assez de vos stupidités. Allez chez le proviseur. Je vous retiens pour le prochain conseil de classe.

 

"Voilà comment on stoppe le progrès de l'humanité, murmure Jean-Robert en sortant sous les rires de ses condisciples.

 

Le proviseur est un brave homme, peu enclin à donner de la férule. Lui aussi, tout en faisant son travail avec application, sait qu'il n'est jamais à l'abri d'une défaillance. Il soigne avec tendresse sa petite santé et s'arrange pour ne jamais dépasser ses limites. Plus il avance en âge, plus il rapproche ces limites de ses envies. Il attend la retraite. Il a d'ailleurs déjà préparé tout son attirail de pêche. C'est qu'il aime taquiner la truite, notre Monsieur le Proviseur.

 

Jean-Robert, lui, n'aime pas la pêche. Et encore moins la chasse. Il n'a jamais apprécié les sports violents et tuer un animal, que ce soit à l'aide d'un hameçon de huit ou un plomb de douze lui donne l'impression de porter atteinte à la vie. Il n'écrase ni les araignées, ni les moustiques, ni les fourmis. Il laisse ce soin à sa mère qui - héritage des lointains ancêtres - a toujours eu une sainte frayeur de ces petites bestioles qui piquent. Elles n'ont pourtant rien d'un phallus même si leur petit dard  grossi cinquante fois au microscope ressemble à s'y méprendre à l'organe de la mâle reproduction. Comme tous les dards, d'ailleurs!

 

       - Alors, garnement! fustige le proviseur d'une voix qu'il voudrait en colère. Encore un problème avec ce vieil archéologue de Couturier? Peut-on savoir de quoi il t'accuse aujourd'hui? Ne me dis pas que tu as une fois de plus contesté la réalité de ses découvertes en Égypte?

- Non.

- C'est quoi? Les fusillés du Chemin des Dames? La bombe atomique? La Saint-Barthélémy?

- Pis que cela! annonce doucement Jean-Robert en baissant les yeux pour cacher son envie de rire.

- Diable! Qu'as-tu donc dit de si grave?

Je lui ai parlé du lit.

Ah bon! Dis-moi tout.

 

Et Jean-Robert de narrer sa dernière passe-d'armes avec son prof d'histoire. A mesure qu'il raconte, le rouge du plaisir lui monte aux joues. Il guette la réaction du proviseur. Celui-ci se contente de sourire, lui tape sur l'épaule.

 

Tu comprends que je ne puis laisser passer une telle chose. Tu as ridiculisé ton professeur devant tes condisciples. C'est un manque de respect. Ce n'est pas parce qu'il est vieux et presque gâteux mais parce qu'on se doit de respecter l'homme même si l'on n'est pas d'accord avec ce qu'il fait et ce qu'il dit. Tu vas rentrer en classe et lui présenter tes excuses et tu viendras jeudi passer ton après-midi ici. Tu m'écriras un texte sur la paresse.

Bien Monsieur le Proviseur, mais...

Il n'y a pas de mais. Au revoir, Jean-Robert.

 

 

 

Jean Destree

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L'ange noir, un feuilleton signé Philippe Wolfenberg. Episode 5

Publié le par christine brunet /aloys

 

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L'ange noir

Un feuilleton signé Philippe Wolfenberg

philippewolfenberg.skynetblogs.be

 

Episode 5 

Révélations

 

 

 

La retouche photo est un exercice périlleux ; il ne s’agit pas de travestir la réalité mais de pallier les limites techniques du reflex numérique, aussi sophistiqué soit-il, afin de rendre justice aux beautés de la nature et à certaines créations architecturales. Satisfait des légères modifications que je viens d’apporter à une série de fichiers digitaux, j’éteins l’ordinateur et descends dans le jardin. Il fait étouffant et les nuages gris foncé amenés par un vent de plus en plus fort ne présagent rien de bon. Alors qu’une rafale accompagnée de pluie balaie la terrasse, la sonnerie du téléphone retentit. Je gagne le salon à la hâte, décroche et entends la voix d’Alessandra. En proie à une crise d’angoisse, elle tente, avec difficulté, de s’exprimer au travers de ses pleurs.

Phil ! Je suis mal… Viens !

Que se passe-t-il ?

J’ai peur ! Je ne veux pas partir…

Mais… Partir où ? Je ne comprends pas…

Je t’expliquerai… Mais, s’il te plaît, viens ! Vite !

Où es-tu ?

Chez moi… Ne m’abandonne pas ! J’ai trop besoin de toi…

Surtout, ne bouge pas ! J’arrive !

 

l

 

Les trombes d’eau qui s’abattent sur la chaussée la rendent extrêmement glissante. Je suis pourtant prêt à risquer l’accident pour parcourir le trajet dans l’intervalle le plus court possible. Quand je me gare devant la maison d’Alessandra, l’anxiété se fait plus oppressante. J’ouvre la porte et monte l’escalier. Toutes les pièces sont brillamment illuminées mais vides.

Alessandra ?

Aucune réponse ne me parvient. Seule la chanson Blue jeans de Lana Del Rey – qui passe en boucle – atténue cette détestable impression de néant. Au second étage, une sorte de mélopée semble provenir de la chambre d’enfant. Pendant une poignée de secondes, je reste sans voix en contemplant la scène insolite qui se déroule sous mes yeux. Alessandra, le regard perdu dans le vide, est appuyée contre le mur qui fait face au lit. Elle ne cesse de répéter, inlassablement, la même phrase : « Je veux rester ! »

Alessandra ?

Elle tourne lentement la tête et une ébauche de sourire se dessine sur ses lèvres exsangues.

Phil ! Tu es là… Enfin !

Elle s’agrippe à moi et se met à sangloter convulsivement. Je la laisse se calmer ; puis, je prends délicatement son visage entre mes mains et la force à me regarder.

Et si tu me confiais ce secret qui te dévore ?

Oui ! Il est temps que tu saches… Mais, d’abord, promets-moi que tu m’aimes assez pour croire ce que tu vas entendre…

Je t’aime plus que tout… Et j’ai confiance en toi…

Elle soupire profondément avant de se lancer.

Le soir où nous nous sommes rencontrés – peu auparavant, pour être exacte – je venais d’avaler un flacon de somnifères… Je ne supportais plus de vivre sans mon fils…

Tu prétends que…

… Je suis morte ? Pas vraiment… Plutôt entre deux mondes…

C’est-à-dire ?

Apparemment, à l’heure de rendre l’âme, sans doute pour estomper l’appréhension qui accompagne le passage vers l’au-delà, on a la chance de retrouver un lieu qu’on a beaucoup apprécié et d’y ressentir, une dernière fois, des émotions passées.

Et pourquoi cet endroit ?

Parce que, souvent, j’y emmenais Nicolas… Je ne t’avais pas encore dit son prénom, n’est-ce pas ?

Non !

Il adorait se promener là-bas… Parfois, on allait au golf miniature… Ou il faisait une balade à dos de poney… Et je le regardais depuis ce banc… « Notre banc »… A lui et moi… Sur lequel je t’ai trouvé assis…

Il fait également partie de mes souvenirs… Une journée de rêve… En compagnie d’une femme qui a compté énormément…

J’ai immédiatement ressenti ton immense tristesse… Et la déception de ne pas être seule, avant le grand saut dans l’inconnu, s’est muée en irrésistible attirance… Quand je t’ai parlé, instinctivement, j’ai été surprise que tu réagisses… Tu m’entendais… Tu me voyais… Comme si rien n’avait changé…

Pour moi aussi, ce moment a été irrationnel… Une déchirure dans l’espace… Ou dans le temps… L’impression de vivre un événement important mais qui n’aurait pas dû être…

Tu as entièrement raison ! Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi je suis là…

D’un geste de la main, elle montre le lit, toujours en désordre, qui m’avait tant intrigué lors de ma première visite.

Tu ne le vois pas mais mon corps gît au milieu des draps froissés… C’est cette vision – à laquelle je ne m’habitue pas – qui m’a fait perdre le contrôle de moi-même, tout à l’heure…

Alessandra…

Elle pose son index sur ma bouche.

Chut ! Ecoute les paroles, Phil… « I will love you till the end of time… »

 

l

 

Nous quittons la pièce dont nous fermons la porte et elle m’entraîne vers sa chambre.

Je suis désolée…

Pourquoi ?

Pour tous les problèmes dont je suis la cause…

C’est peu de chose en regard de ce que tu m’apportes…

Phil… Tu m’offres bien plus… C’est à toi que je dois d’exister encore…

 

l

 

Couché sur le dos, j’admire le corps nu d’Alessandra agenouillée au-dessus de moi. Elle prend mes mains, les pose sur ses seins et soude son bassin au mien. Sans me quitter du regard, elle entame un mouvement de va-et-vient. La cadence, lente, au départ, s’accélère peu à peu. A chaque fois qu’elle me rejoint, elle pousse un gémissement et ses dents, d’une blancheur laiteuse, s’enfoncent dans sa lèvre inférieure. Quand le rythme qu’elle impose à nos deux corps nous dépasse et que je viens en elle, elle cambre les reins et penche la tête en arrière ; puis, haletante, elle se couche sur moi.

Je t’aime, Phil !

Moi aussi, mon ange noir…

 

l

 

Il est plus de minuit. Le parc est plongé dans un brouillard opalescent. La pluie a cessé mais le moindre souffle de vent fait pleurer le feuillage des arbres impassibles. Alessandra et moi n’en avons cure puisque nous sommes protégés par le grand parapluie qu’elle a pris soin d’emporter.

Que va-t-il se passer, maintenant, Phil ?

Je ne sais pas… Le mieux serait de ne penser à rien d’autre qu’au plaisir d’être ensemble…

C’est vrai… Je me sens si forte quand tu es près de moi… Tu me relies à la vie…

J’ignore si Alessandra est l’un des éléments d’une énigme mystérieuse dont, plus tard, peut-être, je trouverai la clé… Mais, le plus important, c’est que je suis persuadé que cette adorable schizophrène peut me rendre heureux. Et, surtout, je n’oublie pas que, ce soir-là, sans sa présence inespérée, j’aurais mis fin à mes jours sans aucune hésitation…

 

« Je t’aimerai jusqu’à la fin des temps… »

 

FIN

Philippe Wolfenberg

Les états d'âme de la Lune et du Soleil

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L'ange noir, un feuilleton signé Philippe Wolfenberg. Episode 4

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L'ange noir

Un feuilleton signé Philippe Wolfenberg

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Episode 4

 

Après avoir été chaleureusement remerciés par les autorités locales pour notre participation à leur projet informatique qui connaît, auprès du public, un franc succès, Alessandra et moi vidons une flûte de champagne puis, le plus discrètement possible, nous désertons cette réception passablement ennuyeuse.

Sans avoir l’air d’y toucher, la nuit impose pas à pas son obscurité. Soudés l’un à l’autre, nous avançons lentement sur le quai qui borde le fleuve. A chaque fois que nous traversons le faisceau lumineux d’un lampadaire, je regarde Alessandra. Elle porte une robe bustier mi-longue assez moulante qui met ses formes sensuelles en valeur. Je ne sais si l’étincelle que le verre d’alcool a instillée dans ses yeux en est la cause mais je la trouve plus belle encore que d’habitude.

Au cœur d’un piétonnier, fort fréquenté en ce mois d’août, se niche le restaurant où j’ai réservé une table et qui porte le nom d’un film d’Alfred Hitchcock. Cet établissement original, aux couleurs chaudes et à l'ambiance feutrée, possède une étonnante verrière datant de 1902. C’est dans ce décor rétro que nous nous régalons tout autant de la présence de l’autre que d’une nourriture exquise. A l’heure du dessert – nous avons pris, tous les deux, des fraises à la menthe et citron vert – Alessandra me regarde, un sourire en coin.

- Ca ne te donne pas des idées ?

- Si ! On pourrait disposer ces fruits ailleurs que sur une assiette en porcelaine…

- Je vois qu’on pense à la même chose…

- Un remake du film « 9 semaines ½ » ?

- Oui !

- Ici ? Maintenant ?

- Phil ! Mais… Un soir, on essayera, dis ?

- Promis !

 

*

 

Sur l’autoroute qui nous ramène à la maison, le trafic est relativement fluide. A côté de moi, Alessandra fredonne les paroles d’une chanson de Beata Beatrix, un groupe italien de darkwave.

- Excellente initiative que d’avoir choisi ce morceau : j’affectionne cette musique pleine de nostalgie…

- Tu as un certain attrait pour tout ce qui touche à la culture gothique, n’est-ce pas ?

- Oui ! J’avoue… Mais elle ne te laisse pas indifférent non plus…

- C’est vrai… Nous partageons, toi et moi, ce goût délétère pour le spleen baudelairien

- Une manière de se prémunir contre les injustices de la vie…

- Je ne suis pas convaincu que ce soit la meilleure… Mais il est vain de s’opposer à ce que nous sommes…

- Pourquoi devrions-nous le faire ?

Elle ferme les yeux et sa voix se fait murmure.

- Je voudrais que mon fils soit là pour profiter, lui aussi, de ces inestimables fragments de bien-être…

- Il te manque terriblement… J’en suis conscient…

- Non ! Tu ne peux imaginer à quel point… Et pourtant, il est tellement présent… Je ne le vois pas mais je l’entends… Il me répète souvent qu’il est content de constater que je souris à nouveau… Grâce à toi… Mais il regrette de ne pas te connaître…

 

*

 

Ainsi qu’à l’ordinaire, Alessandra a le sommeil agité. Il me suffit, toutefois, de la toucher pour qu’elle se calme instantanément. Cette fébrilité qui est la sienne quand elle quitte l’état de veille trouve, sans aucun doute, son origine dans le traumatisme qu’elle a subi à la mort de son enfant. Je repense à ce qu’elle m’a dit, dans la voiture. Se pourrait-il que, une fois déconnectée de la réalité, elle puisse communiquer avec lui ? Décidément, je ferais mieux de dormir ; je commence, moi aussi, à me figurer n’importe quoi !

 

*

 

Je me suis toujours demandé pourquoi les dernières journées estivales exhalent un parfum de regrets. Confortablement installé à la terrasse d’une taverne, je sirote une bière brune au goût aigre-doux. Alessandra a, pour sa part, choisi un thé glacé.

Tout en piochant régulièrement dans le ravier rempli d’arachides salées, nous échangeons, depuis plus d’une heure, nos souvenirs du temps béni où nous étions des garnements heureux parce qu’insouciants.

Lorsque les clients se font trop nombreux, nous réglons l’addition et allons marcher au hasard des rues voisines. Le vent est encore tiède et agrémenté d’innombrables senteurs végétales. D’imposantes villas et leur jardin soigneusement entretenu baignent dans les couleurs délavées du crépuscule. A l’arrière de ces propriétés délimitées par de hautes clôtures en treillis, une allée s’enfonce dans un bois et s’achève, au sommet d’un éperon calcaire qui domine la vallée, en cul-de-sac. De là-haut, la vue s’ouvre sur une rivière ondoyante, des collines plantées d’arbres qui ne savent pas encore que, dans un avenir proche, ils exhiberont fièrement leur magnifique feuillage automnal et la E25, parsemée d’étoiles bicolores qui ne sont rien d’autre que les phares des véhicules qui grouillent sur toute sa largeur.

La prescience que, tôt ou tard, une menace imprécise est à venir ne remet pas en cause le sentiment de n’avoir plus connu une telle paix depuis longtemps. Mes actes manqués (qui, selon la psychanalyse, ne sont, en fait, que la réalisation de désirs refoulés) perdent leur ascendant sur moi dès lors que la passion me submerge.

Alessandra rompt le silence qui a primé tout au long de notre promenade impromptue.

- Cette masse sombre, à droite, n’est-ce pas le château que l’on voit de ta maison ?

- Si ! Il faudra que je t’y emmène… C’est un endroit plaisant…

- J’aime ces instants où nous sommes seuls, toi et moi… Loin du monde… Et cette sensation agréable d’être préservée des conséquences néfastes de sa médiocrité… Je ne veux pas renoncer à ça !

- Personne ne t’y oblige…

- Si tu savais…

- Dis-moi !

- Ne fais pas attention à mes élucubrations… Prends-moi dans tes bras, s’il te plaît… C’est là que je me sens le plus en sécurité…

- Je ne permettrai jamais qu’on te fasse du mal…

- Je sais… Je l’ai su le soir même où nous nous sommes parlé pour la première fois…

 

l

 

A peine rentrés, nous faisons l’amour. Le regard qu’Alessandra me lance, au moment de jouir, est à ce point révélateur de ce qu’elle éprouve pour moi que j’en frissonne délicieusement.

 

Episode 5 à découvrir demain !

Philippe Wolfenberg

Les états d'âme de la Lune et du Soleil


 

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L'ange noir, un feuilleton signé Philippe Wolfenberg. Episode 3

Publié le par christine brunet /aloys

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L'ange noir

Un feuilleton signé Philippe Wolfenberg

philippewolfenberg.skynetblogs.be

 

Episode 3

 

Je prends divers clichés de la citadelle et du vieux pont, de la cathédrale, du théâtre et de la gare. Puis, je les transfère sur mon PC portable et effectue un premier tri. Il me tarde de les montrer à Alessandra puisque j’ai réussi, sans devoir trop insister, à l’imposer, en sa qualité d’infographiste free-lance, afin qu’elle me seconde dans mon travail.

Le chemin du retour me paraît interminable. C’est donc avec soulagement que j’aperçois l’énorme pin qui jouxte la ferme réhabilitée que j’habite.

Deux grandes grilles en fer forgé ouvrent sur une cour dont les pavés sont comparables à ceux des rues d’antan avant que l’asphalte les remplace.

Je me gare le long d’une grange transformée en garage et qui forme un « L » avec le corps de logis. La façade de celui-ci, hésitant entre briques rouges et moellons gris bleutés, est percée de fenêtres étroites à meneau et encadrement en pierre calcaire. Au pied de l’escalier, une amphore défraîchie attend des jours meilleurs pour accueillir son lot de fleurs aux couleurs vives.

Une fois la lourde porte en bois foncé refermée derrière moi, je m’imprègne de l’atmosphère de quiétude qui règne dans chaque pièce.

Un quart d’heure à peine s’est écoulé lorsque le carillon de l’entrée résonne. Alessandra se précipite dans mes bras et m’embrasse avec la fougue qui la caractérise. Comme de coutume, elle me gratifie d’un petit coup de langue humide sur les lèvres.

Ensemble, nous préparons une quiche aux poireaux et saumon fumé – qui s’accompagnera d’une bouteille de Riesling Winzenberg 2006 – et un clafoutis aux griottes. C’est l’occasion de nous remémorer des souvenirs d’enfance quand elle et moi traînions dans la cuisine familiale respective avec l’espoir d’aider à la confection du repas.

Nous terminons la soirée dans la véranda, une ancienne serre qui mélange avec harmonie le verre et la fonte artistement ouvragée. Dans un immense canapé en osier, garni de coussins en fibre de lin, Alessandra et moi, étroitement enlacés, regardons scintiller les lumières de la ville dans le lointain.

 

l

 

Après l’amour, nous nous endormons, semblables à deux fauves momentanément repus mais instruits que, demain, il faudra recommencer cette impossible quête du bonheur.

 

l

 

Vers six heures, je suis réveillé par Alessandra qui parle dans son sommeil : « Non ! Je vous en prie… Pas maintenant… Laissez-moi vivre encore un peu près de Phil… Et dites à mon fils qu’il m’attende… Il sait que je l’aime… Il ne m’en voudra pas… »

 

l

 

Le petit déjeuner se déroule dans la bonne humeur et les taquineries de l’un répondent à celles de l’autre. Je juge le moment opportun pour prier Alessandra de m’éclairer quant à ma découverte du premier soir et le curieux discours qu’elle a tenu, tôt ce matin. Des larmes emplissent son regard. Elle pose sa main sur la mienne et détourne la tête.

J’ai perdu mon fils, il y a un an…

Oh ! Je n’aurais pas dû… Je suis désolé…

Ne le sois pas… Tu as le droit de savoir…

Mais pas celui de te rappeler ce drame…

Il est mort dans un accident de roulage… Son père conduisait trop vite… A l’époque, nous étions déjà séparés mais nous gardions le contact pour notre enfant… Si tu avais la moindre idée de la haine que je peux ressentir à son égard, Phil, je te ferais horreur…

Non ! Je comprends ce que tu endures…

C’était un merveilleux petit garçon, tu sais… Un peu timide mais déjà si mature pour son âge… Il y avait une telle complicité entre nous… Il était tout pour moi…

Elle se lève, s’approche de moi et, la tête sur mon épaule, laisse libre cours à son chagrin.

Dis-moi que tu m’aimes, Phil… Pour la vie… Même si elle est, à la fois, dérisoire et cruelle…

Tu n’en es pas déjà convaincue ?

Si ! Mais l’entendre murmurer à mon oreille m’apaise…

Je t’aime, Alessandra !

 

l

 

Contrairement à l’année précédente, la rigueur des mois d’hiver ne m’a pas indisposé. Il est vrai qu’Alessandra a eu le don de me sortir de la routine qui était devenue, pour moi, un mode de vie aussi improductif que rassurant. Nous nous sommes baladés au gré des nombreux marchés de Noël qui foisonnent, en cette période, avons goûté aux plaisirs de la marche, chaussés de raquettes, dans les superbes paysages des Hautes Fagnes et nous sommes réchauffés dans d’agréables brasseries et restaurants et, plus intimement, sous la couette.

 

l

 

Même s’il ne lui est pas possible d’oublier totalement cette mélancolie qui semble être sa seconde nature, Alessandra ne cesse, chaque jour, de m’offrir le meilleur d’elle.

Le lien qui se tisse entre nous – et qui confine de plus en plus à la complétude – me fait penser, étrangement, à la lithothérapie ; à en croire les tenants de cette médecine parallèle, certains cristaux ont le pouvoir de décupler les propriétés curatives d’autres minéraux avec lesquels ils sont mis en contact. Cette comparaison a, bien sûr, ses limites puisque Alessandra ne se départit pas – au contraire – de cette manie de tenir, brusquement, dans une conversation anodine, des propos décousus. Pas plus que ne s’estompent ses cauchemars accompagnés de conciliabules déroutants avec d’invisibles interlocuteurs.

 

l

 

Nous laissons derrière nous les quelques demeures en pierres du pays, perchées sur un plateau arboré, pour descendre, par une route de campagne sinueuse, vers le large méandre d’un cours d’eau que les chaleurs d’été ont rendu indolent. Le long d’un antique chemin de halage, nous passons devant ce qui fut, naguère, une maison d’éclusier. Alessandra, dont la main ne quitte pas la mienne, s’émerveille devant le paysage enchanteur qui s’offre à nous. Soudain, face à une impressionnante muraille rocheuse, un sentier en pente douce épouse le flanc d’une colline et s’en va rejoindre le promontoire que nous avons quitté précédemment. Nous l’empruntons alors que, à l’horizon, s’amoncellent des nuages noirs qui annoncent l’arrivée probable d’un orage. Un éclair zèbre le ciel… Deux ou trois secondes s’écoulent avant qu’un grondement sourd se fasse entendre. Alessandra tressaille. Instinctivement, je passe un bras autour de sa taille et la serre contre moi. Elle se force à me sourire.

Le tonnerre m’a toujours rendue nerveuse…

Nous ne sommes plus très loin de la voiture…

Et, de fait, une dizaine de minutes plus tard, nous nous y engouffrons alors que les premières gouttes de pluie s’écrasent sur le pare-brise. Au moment de mettre le contact, les éléments naturels se déchaînent et Alessandra, apeurée, se recroqueville sur son siège.

Phil ! Je ne veux pas te quitter… S’il te plaît, protège-moi !

Chut ! Calme-toi ! Je suis là… Il ne t’arrivera rien… Je te le promets…

Tandis que je l’embrasse tendrement au coin des lèvres, je sens des larmes couler sur sa joue.

Tout va bien, petite sœur… L’orage s’éloigne… On va rentrer…

Petite sœur ?

Non ?

Est-ce bien raisonnable d’être amoureuse à ce point de son grand frère ?

A travers son regard embrumé, je distingue la profondeur des sentiments qu’elle me porte et je me sens envahi d’une joie paradoxalement douloureuse.

 

Fin épisode 3

 

La suite demain

Philippe Wolfenberg

Les états d'âme de la Lune et du Soleil


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