Un salon du livre qui ne devrait pas vous laisser indifférent, en mai 2013. Chloé des Lys y sera, et vous ?
à L' Espace 14° Art de Wavre

Lecture, écriture, une passion... Un partage... La littérature dans tous ses états !
256ème étage
J’avais rendez-vous avec le directeur technique, nous devions consulter les plans du gratte-ciel pour analyser la façon de réparer le système de nettoyage automatique des vitres extérieures.
Comme d’habitude, j’arrivai en avance. Je flânai donc un moment devant les sales et grandes baies vitrées du cinquantième étage. C’est là que se trouve le snack où je sirotai finalement un jus de pomme et avalai un beignet gorgé de sucre.
Attendant la fin de la cohue engendrée par les gens coincés par les pannes d’ascenseur, je réussis finalement à en attraper un qui montait et entrepris de rejoindre le 256ème étage, lieu de mon entrevue.
L’ascension interminable malgré la rapidité relative de cette cage mécanique me porta tout de même à bon port et j’entrai dans la salle de réunion.
Avec l’orage au loin et les noirs nuages jouant à cache-cache avec le bâtiment, la lumière était étrange et inquiétante. Un grand silence planait dans ce lieu si haut, si éloigné des grappes laborieuses : le dernier plateau de l’immeuble avant le toit bardé d’antennes avides d’accrocher le ciel.
Paul Thompson aurait du être là depuis déjà un moment. En regardant nonchalamment à travers les grands carreaux, je le vis arriver du pas décidé d’un cadre dynamique décidemment en retard. Je ne pouvais pas me tromper, car bien qu’il ressembla à une fourmi, il portait ce costume très rouge qui lui donnait toujours l’air d’un diable !
J’essayai bien sûr de le héler, mais ni la grande hauteur du building, ni les vitres insonorisées ne me laissèrent la moindre chance. Alors en l’attendant, je décidai de compter les étages et fis une découverte somme-toute déconcertante : Le gratte-ciel ne comportait que 255 étages ! J’essayai bien de me rassurer en imaginant que l’un d’entre-eux s’était immiscé dans un demi-palier ou que l’architecte s’était tout bonnement fourvoyé, mais je ne pus empêcher mon esprit de vagabonder dans des supputations acrobatiques. Il me fallait l’attendre, nous ferions alors la lumière sur cette étrangeté.
J’imaginai le rire de mon diable de Thompson me disant « Harvey Poulman, vous avez encore bu votre jus de pomme de travers ! », mais quand je choisis de sortir pour l’attendre sur le palier, je ne pus trouver trace d’ascenseur, ni même d’escalier !
Étais-je bloqué dans une quatrième dimension, où jamais mon Paul Thompson ne pourrait me rejoindre ?
« Là, un téléphone, la ligne grésille, ça marche » me dis-je en faisant lamentablement valser le combiné. Le concierge ahuri me répondit que Paul Thompson était à Philadelphie et qu’il était impossible que j’ai rendez-vous avec lui… surtout au 256ème étage d’un immeuble qui n’en comptait que 255 !
Je suis vraiment inquiet, aidez-moi s’il vous plait à sortir d’ici !
Jean-Michel Bernos
jeanmichelbernos.over-blog.fr
256ème étage
J’avais rendez-vous avec le directeur technique, nous devions consulter les plans du gratte-ciel pour analyser la façon de réparer le système de nettoyage automatique des vitres extérieures.
Comme d’habitude, j’arrivai en avance. Je flânai donc un moment devant les sales et grandes baies vitrées du cinquantième étage. C’est là que se trouve le snack où je sirotai finalement un jus de pomme et avalai un beignet gorgé de sucre.
Attendant la fin de la cohue engendrée par les gens coincés par les pannes d’ascenseur, je réussis finalement à en attraper un qui montait et entrepris de rejoindre le 256ème étage, lieu de mon entrevue.
L’ascension interminable malgré la rapidité relative de cette cage mécanique me porta tout de même à bon port et j’entrai dans la salle de réunion.
Avec l’orage au loin et les noirs nuages jouant à cache-cache avec le bâtiment, la lumière était étrange et inquiétante. Un grand silence planait dans ce lieu si haut, si éloigné des grappes laborieuses : le dernier plateau de l’immeuble avant le toit bardé d’antennes avides d’accrocher le ciel.
Paul Thompson aurait du être là depuis déjà un moment. En regardant nonchalamment à travers les grands carreaux, je le vis arriver du pas décidé d’un cadre dynamique décidemment en retard. Je ne pouvais pas me tromper, car bien qu’il ressembla à une fourmi, il portait ce costume très rouge qui lui donnait toujours l’air d’un diable !
J’essayai bien sûr de le héler, mais ni la grande hauteur du building, ni les vitres insonorisées ne me laissèrent la moindre chance. Alors en l’attendant, je décidai de compter les étages et fis une découverte somme-toute déconcertante : Le gratte-ciel ne comportait que 255 étages ! J’essayai bien de me rassurer en imaginant que l’un d’entre-eux s’était immiscé dans un demi-palier ou que l’architecte s’était tout bonnement fourvoyé, mais je ne pus empêcher mon esprit de vagabonder dans des supputations acrobatiques. Il me fallait l’attendre, nous ferions alors la lumière sur cette étrangeté.
J’imaginai le rire de mon diable de Thompson me disant « Harvey Poulman, vous avez encore bu votre jus de pomme de travers ! », mais quand je choisis de sortir pour l’attendre sur le palier, je ne pus trouver trace d’ascenseur, ni même d’escalier !
Étais-je bloqué dans une quatrième dimension, où jamais mon Paul Thompson ne pourrait me rejoindre ?
« Là, un téléphone, la ligne grésille, ça marche » me dis-je en faisant lamentablement valser le combiné. Le concierge ahuri me répondit que Paul Thompson était à Philadelphie et qu’il était impossible que j’ai rendez-vous avec lui… surtout au 256ème étage d’un immeuble qui n’en comptait que 255 !
Je suis vraiment inquiet, aidez-moi s’il vous plait à sortir d’ici !
De se rendre compte que, malgré ses efforts pour aller mieux, la blessure archaïque en elle ne se refermait pas, Laurence ne put empêcher un spasme écœurant de surgir dans son estomac, et remonter lentement le long de son œsophage pour distiller, tel un serpent, son venin amer par petits coups de langue acerbe, puis d’inonder sa gorge avec violence, prenant le temps de macérer dans sa bouche et d’en tapisser les parois.
Ah, voilà d’où venait ce goût de saleté pénétrante.
Cauchemars. Dégoût.
Eh oui, j’ai eu une bite dans la gorge à quatre ans.
Le poison se transformait ensuite en colle pour lui clouer le bec.
«Ne dis rien, Laurence, personne ne doit savoir, sinon…»
Il feuilletait distraitement le journal, à la recherche de la gazette sportive, lorsqu’un article qui s’étendait sur deux pleines pages attira son œil.
Etait-ce par hasard ?
Il en lut le titre.
« J’ai été violée par mon père et ma vie fut un enfer pendant longtemps ».
Loïc releva la tête, l’œil noir. Qu’il le veuille ou non, il savait que sa rencontre avec Laurence l’avait sensibilisé à ce traumatisme, et que malgré tout, il se sentait un peu concerné. Cela ne l’empêchait pas de maudire la récupération de ce type d’histoire par une certaine presse.
C’est juste pour le fric qu’ils font ça, ça les amuse de donner en pâture aux gens des histoires sordides.
Le visage de Laurence s’associa dans son esprit à cette dernière pensée.
Au secours, ne me dites pas que ce genre d’histoire arrive près de chez moi, aux voisins, aux amis, dans ma famille peut-être, je ne peux pas le croire !!!
Alexandra Coenraets
http://crepusculaires.com/univers/
Résumé:
Londres. Les découvertes macabres s’enchaînent. Un coupable tout trouvé, Nils Sheridan, patron de la nouvelle police européenne, dont le passé d’activiste ressurgit comme un coup de tonnerre. Coupable ou innocent ?Le face à face entre policiers se transforme vite en un jeu du chat et de la souris hasardeux tandis que la liste des victimes s’allonge. Les coups bas s’accumulent au fil des heures. Les mâchoires de la haine se referment inexorablement sur des personnalités troubles engluées dans leurs contractions. Entre passé violent et présent houleux, une enquête qui entraînera désillusions et destructions dans son sillage.
Mon avis
Mes retrouvailles avec l'équipe de Nils Sheridan ont été, je dois l'avouer, un peu laborieuses... Il s'était passé quelques temps depuis ma dernière lecture de ses pérégrinations, ma mémoire m'a fait un peu défaut. Et puis la plume de Christine Brunet est entrée en jeu, et je m'y suis laissée prendre.
Cette fois, c'est Monsieur-tête-à-claques lui même qui se retrouve encore une fois dans un pétrin inimaginable, dont il est le principal suspect. Qui, dans ce cas, va lui botter les fesses si ce n'est Axelle de Montfermy, qui revient de sa "retraite" pour traiter le dossier. Tâche ô combien difficile pour cette femme inflexible, dont le passé amoureux houleux avec un Nils au charme vénéneux, que j'imagine attirant et sexy malgré une description peu flatteuse... Peut être est-ce cela qui la pousse à se donner à fond dans cette enquête : elle domine, elle mène le bateau quel que soit le port de destination et son équipe doit suivre, sans piper mot.
Dans chaque quartier de Londres, où se déroule l'enquête, on est face à une femme plus déterminée que jamais, inflexible et parfois cassante. Un peu comme Nils en fait, j'ai trouvé des points communs entre leurs deux personnalités. Qui se ressemble s'assemble dit-on !Ce quatrième opus nous offre de l'action non stop, j'ai été en apnée du début à la fin, l'ayant même lu d'une traite pour avancer, encore et toujours, aussi déterminée qu'Axelle pour aller au bout de cette enquête. De changements de direction en élément perturbant mes déductions, je n'ai pas eu un moment pour souffler. La fin nous offre un cliffhanger qui amène forcément une suite et... Je peux vous dire que j'ai hâte !! Alors Mme Brunet, à quand la suite ?
Le but du jeu était de choisir une photo de bandits australiens
et d'écrire un texte à propos de cette photo.
DÉRAPAGE
Elle s'appelait Adelaïde Matthews. Elle était fille de pasteur et cuisinière chez les Smith. Son bonheur, c'était de transformer les repas en des moments de fête. Les Smith la complimentaient au sujet de ses petits plats et cela lui faisait oublier qu'elle n'était ni bien jolie ni bien riche. Quand, pour servir à table, elle revêtait son tablier blanc garni de dentelle anglaise, elle se trouvait quelque grâce. Ses yeux bruns souriaient lorsque les enfants, John et Mary, se pourléchaient les babines, lorsque, l'air gourmand, ils quémandaient un morceau de gâteau, lorsque des invités disaient : "Adelaïde, vous êtes un vrai cordon-bleu !" Sa plus belle récompense, c'étaient les baisers des deux enfants.
Cet été 1924, son existence fut bouleversée par l'arrivée de Tom, 12 ans, qui était le neveu des patrons et qui surnomma aussitôt Adelaïde, "le corbeau". Ce garçon effronté s'amusait à faire rouler des œufs sur la table de cuisine, à cacher les pots d'épices, à vider la salière dans une sauce, à courir au jardin en emportant la casserole dont elle avait besoin. John et Mary trouvaient ces comportements fort comiques. Parfois, Madame, avertie par les cris des enfants, venait gronder Tom mais il continuait ses persécutions.
Madame demanda à Adelaïde de patienter : "Cet enfant est malheureux. Sa mère est gravement malade. Soyez compréhensive."
La vie était devenue si difficile à supporter ! Pourtant, pour plaire à sa maîtresse, Adelaïde encaissait sans broncher jusqu'au jour où Tom, ouvrit le four et y lança des grains de poivre, en criant : "T'es pas un corbeau, t'es une sorcière !" Adelaïde, la douce, la placide Adelaïde empoigna Tom et le poussa à l'intérieur de l'antre brûlant.
Ce matin-là, le gamin et la femme avaient franchi les portes de l'enfer, chacun à leur façon…
Micheline Boland
micheline-ecrit.blogspot.com
Qu'est-il arrivé à Zorro, 2e partie
Pour l’instant, je n’ai pas progressé d’un poil de moustache dans ma recherche mais, foi de Garfield, je finirai par mettre la main sur ce chat noir avec un médaillon blanc sur la gorge, sur ce Zorro… je retournerai tout le pays s’il le faut, je suivrai la moindre piste sauf… si elle me conduit dans le Massif Central où, je m’interdis de séjour. Parce que là-bas, même un chat n’y retrouverait pas ses jeunes. Alors, moi… questionner les autochtones… il y a des «cha» partout, dans chaque bout de phrases.
«Cha ne peut plus durer comme cha… cha chuffit, maintenant…. Cha commence à bien faire… crois-moi quand je dis qu’une poule cha pond et un chapon, cha pond pas !»
Question de «hauteur», je me retrouve plutôt au pied du Puy-de-Dôme qu’au sommet.
Mais non, je ne rêve pas… là-bas, au bout de la rue, une superbe créature ondule de la croupe. Je la reconnais… j’ai là, dans ma ligne de mire, ladies and gentlemen, «Catwoman» herself !
Que fait-elle en ces lieux ? Est-elle en quête d’un super matou ? Dans ce cas, Zorro ferait bien l’affaire, du moins si je m’en réfère aux photos. Mais, au fait, ils se connaissent peut-être déjà… il lui a refilé un rencard. Suivons «Catwoman», it’s perhaps interesting...
La féline ne sait pas que je suis sur ses… coussinets; eh oui, c’est tout un art, l’espion aux pattes de velours en est même jaloux.
Cette balade se termine… au zoo. Comment n’y ai-je pas pensé ? Suis-je bête… je n’ai aucune excuse parce que j’ai vu le film. Il est évident que le lion de la Goldwyn Mayer, ou la panthère de René Château, sied mieux à son standing qu’un vulgaire chat de gouttière. J’abandonne «Catwoman» à son rendez-vous et peste contre mon manque de jugeote. Je devrais boire un coup d’eau pour m’éclaircir les idées. J’avise un Carrefour où j’entre pour acheter de la Contrex.
Je n’ai pas fait trois pas dans la boutique quand je repère une vieille connaissance au rayon «aliments pour chats»… Ginette Danville !
Que fait-elle là ? Pacha aurait-il réintégré le logis ? En tous cas, la mémère ne lésine pas sur la qualité de la marchandise, elle achète des boîtes de Gourmet. Le retour du chat fugueur, ça se fête dignement dans la chaumière.
Je la laisse vaquer à ses emplettes et vais chercher ma bouteille que j’extrais d’un pack. Nous nous retrouvons à faire la file à deux caisses différentes. Ginette Danville a un client d’avance sur moi et ne m’a toujours pas aperçu. J’observe cette femme à la dérobée. Cette femme qui ne ressemble plus à celle au cœur en lambeaux que j’avais rencontrée la semaine passée. Elle est toute pimpante; le retour de Pacha lui a rendu une félicité qui irradie sous la lumière artificielle du magasin.
Quand arrive mon tour à la caisse, elle quitte les lieux. J’ai vite fait de régler mon achat. A peine sorti, je décapsule la bouteille pour porter le goulot à mes lèvres. Une bonne rasade d’eau et le ciboulot tourne à nouveau à plein régime. J’enfile un raccourci pour me rendre chez Ginette Danville qui, à son retour, me voit l’attendre en faisant les cent pas devant son immeuble. A ma vue, elle devient plus pâle que Michaël Jackson. Par sa réaction, elle en viendrait à me faire douter de la normalité de mes traits. O.K., on ne s’est plus vu depuis une semaine, mais ai-je changé au point de provoquer une telle frayeur ? En me rasant ce matin, j’ai juste remarqué, sur l’aile gauche du nez, un «début de bouton» que je m’empresserai de presser ce soir… vraiment pas de quoi fouetter un chat.
Non… le brusque changement de couleur épidermique de Ginette Danville n’est pas lié à mon faciès… il est plutôt dû à ma présence gênante… parce que Ginette Danville, j’en suis certain à présent, cache un terrible secret. Et moi, je vous le livre ce terrible secret : ces boîtes de Gourmet ne sont pas destinées à Pacha, mais à Zorro !… Thank you, Contrex.
« Monsieur Garfield, quelle bonne surprise… vous… vous avez de nouveaux éléments concernant la disparition de Pacha ? » questionne-t-elle sur un ton presque suppliant.
Ginette Danville croit me duper alors que sa question me conforte dans mon idée, elle est même un aveu. Comme je n’ai pas l’intention de jouer au jeu du chat et de la souris, je lui rétorque d’un air grave, à mille lieues de ma désinvolture légendaire :
«… Auriez-vous quelques instants à me consacrer ? »
« Il n’est rien arrivé de mal à mon tigré, j’espère… rassurez-moi tout de suite » fait-elle d’une voix cassée. Je retrouve la Ginette Danville éplorée de la semaine dernière avec… la sincérité en moins. Elle commence à tousser, agitant son corps de violents soubresauts… juste pour augmenter le pathos de sa prestation.
« Je ne sais pas… figurez-vous que j’ai cru que Pacha avait réintégré votre domicile…
- Qu’est-ce qui vous a fait croire ça ?
- Les boîtes de Gourmet que vous avez achetées…
- Les boîtes de… mais que… que signifie ?
- J’étais également à Carrefour tout à l’heure…
- Oui, je l’avoue, Monsieur Garfield… depuis la disparition de Pacha, je continue de m’approvisionner en boîtes de Gourmet, me donnant ainsi l’illusion qu’il est toujours là. »
Un chat ne retomberait pas mieux sur ses pattes. Je ne me laisse pas berner pour autant.
« Ne serions-nous pas plus à l’aise pour parler de tout ça chez vous ?
- Je n’ai pas encore eu le temps de faire le ménage, ça me gêne un petit peu…
- Je ne m’en formaliserai guère, quand j’ai une affaire en tête, je ne vois qu’elle et rien d’autre.
- Vous insistez pour rentrer ?
- J’insiste pour rentrer.
- Vous avez bien réfléchi ?
- J’ai bien réfléchi.
- C’est votre dernier mot ?
- C’est mon dernier mot.
- Dans ce cas, rentrons !
- C’est cela, rentrons !
- Vous essuierez vos pieds sur le paillasson ?
- J’essuierai mes pieds sur le paillasson.
Les dix lignes qui précèdent démontrent combien la résistance de Ginette Danville fut héroïque. Dans notre époque commémorative, il est impératif de souligner une telle attitude et de la répercuter afin que le souvenir demeure, quand la plupart des témoins de cette joute oratoire auront disparu.
Zorro est arrivé, sans se presser, d’une démarche souple, après que Ginette Danville ait ouvert la porte. Il ronronne en se frottant contre elle pour se faire gâter. La femme, ne sachant quelle attitude adopter, m’interpelle du regard, attendant un signe favorable qui l’autoriserait à répondre au désir du chat. J’acquiesce de la tête… je ne suis pas chien.
Après avoir rempli la gamelle de Zorro pour la dernière fois, avant que je le ramène chez sa propriétaire, Madame Lecloac, Ginette Danville me propose une tasse de café que je refuse. Par contre, je demande un récipient pour y verser de l’eau de ma bouteille de Contrex… ça lui évitera de me fournir une explication sur sa conduite.
Une fois le verre lampé, je comprends la raison de l’acte abominable perpétré par Ginette Danville : elle a enlevé Zorro afin de mettre un terme à ses crises de larmes; le chat ne possède-t-il pas la vertu d’être un «bouffeur de chagrins» ?
« Et maintenant, Monsieur Garfield… je présume que vous allez me livrer à la police pour qu’elle me jette en prison ? demande-t-elle d’une voix blanche.
- Etant donné les circonstances et vu le bon traitement dont a bénéficié Zorro, je n’en ferai rien…
- Oh, merci, merci beaucoup… et… pour Pacha, comptez-vous poursuivre les recherches ?
- Bien entendu…
- En attendant son retour… que me conseillez-vous ?…
- De vous méfier des buveurs d’eau ! »
Quand je sors de chez Ginette Danville, it’s raining cats and dogs.
Alain Magerotte
Nouvelle extraite de "Tous les crimes sont dans la nature"
Dans le milieu des fouille-merde, où je m’applique à retrouver les chats de mémères en détresse, on me surnomme Garfield… Garfield, ça me plaît au point d’avoir presque oublié mon véritable patronyme. Je pense à John Garfield, un acteur américain qui a joué dans la première version du film «Le facteur sonne toujours deux fois»… les américains sont les spécialistes des films noirs… les gangsters, les femmes fatales, les «privés»… bon, je l’admets, passer son temps à rechercher des chats, it’s not very serious… donc pas américain… je m’en fous, je ne suis pas américain. En réalité, si on me surnomme Garfield, ce n’est pas en référence à l’acteur ou à mon goût prononcé pour le polar, mais plutôt à ma spécialité… do you understand ?
« Allô, Monsieur Garfield ?… Madame Lecloac à l’appareil, venez tout de suite, il y a urgence… »
Si Madame Lecloac me demande de rappliquer dare-dare, ce n’est pas pour me montrer ses photos de vacances… j’ai eu l’occasion de les admirer la semaine dernière. Elle les réussit plutôt bien. Un concours de circonstances. Non pas qu’elle réussisse ses photos, mais le fait de les avoir déjà vues. C’était chez Ginette Danville où se trouvait Madame Lecloac. Ce sont deux amies. Ginette Danville m’avait contacté parce qu’elle avait perdu Pacha, son chat, un beau rouquin tigré.
Malgré la vue de clichés remplis de soleil d’un séjour hellénique enchanteur, Ginette Danville demeurait inconsolable. Ce fut donc avec une discrétion de femme adultère que Madame Lecloac et moi, nous nous sommes esbaudis devant l’Acropole et le Parthénon. A ce jour, je n’ai toujours pas retrouvé le tigré.
Dès que je pointe mon nez chez Madame Lecloac, la malheureuse se jette sur moi comme les clients d’un grand magasin sur les soldes. Son rimmel, refoulé par des larmes sincères, coule sur ses joues encore cuivrées de son escapade grecque.
« Zorro, mon chat, il a disparu ! »
Madame Lecloac a revêtu un peignoir en éponge de couleur bleue, unique frontière entre sa peau et votre serviteur. Elle se blottit si fort contre mon corps d’athlète que j’appréhende le moment où elle me fera le coup éculé de la vieille toujours compétitive qui désire, pour se consoler, s’offrir une gâterie avec un gars dans la force de l’âge. Je sens, en effet, la fermeté de ses bonbonnes à oxygène.
Malgré les atouts corporels de Madame Lecloac, je ne m’imagine pas faisant une partie de jambes en l’air avec une dame ayant atteint le troisième âge, même si c’est depuis peu. Les vieilles, je les vois plutôt faire sauter leurs petits-enfants sur les genoux ou fabriquer des confitures… et non des galipettes au fond d’un boudoir.
Madame Lecloac relâche enfin son étreinte, pose ses mains sur mes robustes épaules, et me dit, la voix déformée par le chagrin :
« Je vous en conjure, Monsieur Garfield, retrouvez mon Zorro ! »
Parfait, nous resterons concentrés sur le but de ma visite. Dorénavant, que les choses soient nettes; pas besoin de jouer les Marilyn pour me convaincre de m’occuper de la disparition d’un minet, quelle que soit sa race… persan, birman, scottish fold, british shorthair, tonkinois, american curl, russian blue ou, chat de gouttière… it’s my business, après tout.
Madame Lecloac aperçoit une touffe de poil sur le tapis. Elle la ramasse pour la malaxer, pensive, entre ses doigts. Je me dis qu’on est reparti pour une crise de larmes. Remember when…
Il n’en est rien. Le fait de prendre du poil de la bête l’a ragaillardie. Aussi, se dirige-t-elle, déterminée, vers un secrétaire qu’elle ouvre pour farfouiller dans une pochette en plastique dont elle extrait des photos de l’animal. Zorro est un chat de gouttière. Il est noir avec un médaillon blanc sur la gorge.
Madame Lecloac disparaît ensuite dans la salle de bains pour enfiler une tenue moins suggestive. A son retour, elle me propose un verre de Brandy que je refuse. Par contre, je demande un verre d’eau. Rien de tel pour faire fonctionner les méninges.
Je parcours à nouveau les clichés du chat. Madame Lecloac prépare un chèque, un geste qui me remplit d’une intense émotion à chaque fois.
Je glisse le précieux papier, sur lequel sont alignés quelques zéros, dans ma poche, ainsi qu’une photo du félin. Par égard au montant qui m’a été octroyé, j’entreprends mes recherches immediately en me rendant chez le voisin, le bien nommé Maroille.
Le type, chemisette blanche à la tonton Marcel, bretelles Mickey pour retenir un futal gris, jauni le long de la braguette, les joues rosées d’Anjou et truffe torchée au beaujolpif, me reçoit dans un gourbi où l’air frais a fui la concentration des mauvaises odeurs. Je surprends le gaillard en flagrant délit de voyeurisme télévisuel. En clair, pas besoin de décodeur, Maroille se dégourdissait le manche en se tapant un porno.
Je ne m’en formalise guère, étant juste gêné d’avoir interrompu une séance libidineuse si relaxante. I am sorry.
« Ainsi donc, la mère Lecloac a perdu son chat, lance le bonhomme, ça ne vous empêchera pas de boire un coup » ajoute-t-il en me servant un verre aussitôt.
« Après la soupe, un coup de vin préserve d’un écu au médecin » se croit-il obligé d’ajouter pour se justifier.
J’apprends que le zigue n’est pas un adepte de la grande migration. Il ne s’autorise qu’à passer de la salle à manger à la chambre à coucher avec un détour forcé par la cuisine où, près du frigo, s’amoncellent des cadavres de bouteilles de rouge. De plus, ses courses sont faites par Madeleine, la fille des Poirier qui habitent l’étage du dessous. En échange, la gamine s’achète des friandises au moyen de l’argent que donne Maroille en remerciement du service rendu.
« Vous savez, M’sieur Garfield, Zorro est un matou, un vrai, un tatoué… et moi, je m’intéresse qu’aux chattes comme vous avez pu le constater en arrivant… encore un verre ? »
Afin de ne pas m’enliser davantage dans les eaux troubles du sexe, ajoutées aux vapeurs enivrantes de l’alcool; désireux également d’élever le niveau de l’enquête, je prends congé de Maroille.
Etape suivante : les Poirier précisément. Là, j’atterris dans un autre univers. Pour un qui voulait prendre de la hauteur, je suis servi… il y a un crucifix dans chacune des pièces. En outre, la maîtresse de maison apporte son écot à cette «propreté spirituelle» en distillant à grands coups de produits d’entretien, des odeurs opposées à celles qui m’ont agressé chez Maroille. Tout ici est propre, bien rangé; la maîtresse des lieux obligeant même ses visiteurs à ôter leurs chaussures.
Les Poirier sont propriétaires de leur appartement qu’Edgar, le father, rembourse à tempérament… logique pour un chaud lapin qui héberge trois mouflets sous son toit. Mathieu, Marc, et Madeleine dont j’ai déjà parlé. Des prénoms bibliques… normal, is’nt it ?
J’ai un peu de temps devant moi, le leader ne sera visible que d’ici une dizaine de minutes. Il prend un bain pendant que son épouse récure la cuisine équipée dernier modèle. La fée du logis me sert un verre d’eau que je bois cul sec. Les effets bénéfiques de la flotte sur mes neurones ne tardent pas : je comprends, à la vue des enfants Poirier, que dans cette piaule, j’évolue dans un monde cher à Feydeau et à Dieu.
Voilà un parallèle qui risque de provoquer un tsunami dans les bénitiers.
D’accord, autant le mécanisme des fables vaudevillesques, tournant autour de la trilogie «mari/ femme/ amant», est simpliste, autant celui de la Sainte Trinité, mettant en scène le trio «Père/ Fils/ Saint-Esprit», est complexe.
Mais, au bout du compte, la différence tient à peu de choses… à un placard ! Dans les comédies, l’amant s’y réfugie pour se cacher du mari; de l’autre côté, le bouillant Saint-Esprit batifole en toute impunité depuis des siècles et des siècles, amen… et surtout ailleurs.
Que de jeunes filles n’ont-elles invoqué son intervention… c’est ce qu’a dû faire la mère Poirier pour Madeleine. Car, si Marc et Mathieu se ressemblent, la troisième n’a rien de commun avec ses frérots. Calotin en diable, le chef de clan a dû interpréter ce dérapage comme un cadeau du ciel.
Quand paraît Edgar Poirier, dans sa robe de chambre en satin, je lui demande s’il est au courant du drame vécu par Madame Lecloac. Il donne sa langue au chat et, c’est comme une révélation. Non pas que je le prisse pour Dieu, mais un homme capable d’un tel sacrifice, ne peut se montrer cruel en séquestrant un animal. Je quitte donc ce lieu saint, éliminant, par la même occasion, de ma liste de suspects, Dick Rivers qui ne s’intéresse qu’aux chats sauvages, et Philippe Geluck dont le chat est doté de la parole… I suppose que Madame Lecloac n’aurait pas négligé pareil détail concernant Zorro.
(Fin 1ere partie. La suite demain !!!!!!)
Alain Magerotte
Nouvelle extraite de "Tous les crimes sont dans la nature"
PROVERBE DÉFORMÉ
"Partir, c'est mourir un peu"
Caïus Julius l'a décidé et quand Caïus Julius décide, on se tait…
"Toi, que tes amis chrétiens appellent Cyrille, je te condamne à être plongé vivant dans de l'huile bouillante" !
La sentence est cruelle mais irrémédiable…
Cyrille passe sa dernière nuit avec ses compagnons enfermés comme lui dans la prison du Colisée à Rome. Il est le plus bavard, le plus gai de tous les chrétiens qui attendent le bon vouloir de l'empereur. Pourtant Cyrille sait que demain, il mourra dans d'atroces souffrances.
C'est au lever du soleil qu'on est venu le chercher. Depuis plusieurs heures, l'odeur de l'huile chaude avait remplacé celle du bois qui se consumait sous l'immense chaudron placé au centre de l'arène.
Caïus Julius a fait son entrée dans le cirque et une longue clameur l'a accueilli.
Cyrille avance fièrement. Il a voulu marcher seul, sans contrainte. Il a refusé l'aide pour monter sur la plate-forme qui surplombe l'huile bouillante. Cyrille se signe rapidement et l'empereur lève le bras droit qu'il laisse retomber aussitôt. Cyrille a fait un pas et est tombé droit comme une colonne de marbre. Il disparaît quelques instants puis son corps remonte à la surface sans un bruit.
Les spectateurs sont pétrifiés, il n'y a pas eu un cri, pas un instant d'hésitation de la part du chrétien. Décontenancé par tant de courage, Caïus Julius a rapidement quitté le Colisée et la foule s'est dispersée.
C'est vers midi qu'avec précaution, on a sorti le corps de Cyrille de son cercueil liquide et encore chaud.
On a jeté son cadavre sur le sol et les chiens se sont approchés pour se disputer la chair de l'homme. Et ce que les chiens ont laissé, les pauvres de Rome l'ont terminé !
Ce 23 juin, devenu jour de la Saint Cyrille, est resté dans les mémoires. C'est d'ailleurs ce jour-là qu'est apparu le proverbe "Martyr, c'est nourrir un peu" !
Louis Delville
louis-quenpensez-vous.blogspot.com