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Philippe WOLFENBERG : l'écriture est "gravure d’émotions, de sentiments et de souvenirs sur le papier "

Publié le par christine brunet /aloys

Ah, curiosité, quand tu me tiens ! Dès qu'un nouvel auteur pointe son nez chez Chloé des lys, je n'ai de cesse d'en apprendre plus, de le cerner, de comprendre ce qu'il écrit et comment. Le plus souvent, cette curiosité se solde par un flop : l'auteur garde son univers pour lui et seulement pour lui. La frustration me guette alors.

Mais parfois il accepte de répondre à mes questions... Philippe Wolfenberg n'a pas hésité une seconde et je l'en remercie. Les questions se pressent comme d'habitude. Je dois faire un tri. 

Alors, commençons par le commencement : une courte présentation, histoire de faire connaissance...

 

Phil-3.jpgJe m’appelle Philippe WOLFENBERG (Philippe étant mon véritable prénom et WOLFENBERG, un pseudonyme qui veut dire « Montagne aux loups »). Je suis né à Liège, il y a un peu plus de 48 ans et j’habite à une dizaine de kilomètres de cette ville (l’avantage des espaces verts à quelques minutes de la métropole). Je travaille dans une asbl où j’occupe le poste de secrétaire. Je suis célibataire… Sans doute, mes chats sont-ils les seuls à supporter mon caractère impossible?

Pseudo original: pourquoi ce choix ? Tout simplement parce que je suis proche de la nature ; donc, de la faune et de la flore et que le loup est un animal qui me fascine. J’avais donc opté, au départ, pour « Philippe WOLF »… Mais ça ne me semblait pas assez « accrocheur ». J’y ai ajouté « BERG » (montagne) et changé « WOLF » en « WOLFEN » (qui est le pluriel).

Depuis quand écris-tu ? Mes premiers textes sont vieux d’une vingtaine d’années. Du moins, ceux que j’ai gardés.

Les-etats-d-ame-de-la-lune-et-du-soleil--Philippe-Wolfenb.jpg Sinon, auparavant, j’avais déjà « griffonné » quelques ébauches, ça et là.

Tu écris en prose... Pourquoi ne pas avoir choisi la poésie, par exemple ? en as-tu déjà écrit ? J’ai débuté par la poésie… Et j’ai quelques dizaines de poèmes dans mes cartons (que je soumettrai, peut-être, à Chloé des Lys dans le futur).

Je pense que la poésie est plus esthétique que la prose mais ne permet pas de développer suffisamment un sujet.


Sans doute, oui. Définis le mot « écriture », s'il te plaît... Tâche ardue que celle-là ! Je dirais : mise des mots en musique ; thérapie ; gravure d’émotions, de sentiments et de souvenirs sur le papier ; besoin vital…

Pourquoi écris-tu ? Un déclencheur ?

Les-etats-d-ame-de-la-lune-et-du-soleil--Philipp-copie-1.jpgComme je l’ai déjà dit, c’est une sorte d'auto psychanalyse. Ca me permet, également, de vivre des vies qui ne sont pas (et ne seront, sans doute, jamais) les miennes. Enfin, il arrive que les événements m’obligent (le terme n’est pas trop fort) à martyriser le clavier. Ainsi, le premier chapitre de mon roman (en cours de publication chez Chloé des Lys) est autobiographique et ne devait, au départ, pas avoir de suite.

Ah ? Pour quelle raison ? le choix de la publication s'est-il imposé par hasard ?  Comme je considère l’écriture comme une thérapie, j’ai l’habitude de coucher sur le papier les événements (et les émotions) que j’ai des difficultés à gérer. Le premier chapitre de mon roman en est l’illustration. C’est le récit d’une soirée d’adieu. Je voulais en garder une trace écrite. Puis, l’idée d’en faire le point de départ d’une histoire plus longue s’est imposée ainsi que l’envie qu’elle soit publiée.

Ecris-tu pour toi, pour les autres ? Sans hésitation : pour moi… Mais il est vrai que voir mon « travail » apprécié par le plus grand nombre est une récompense que je ne néglige surtout pas.

Facile ou difficile d’être lu ? Trouver une maison d’édition n’est pas une sinécure. Sinon, pendant l’écriture de mon

Phil-1.jpg roman, j’avais pris l’habitude de donner à lire le résultat d’une journée de cogitation à quelques personnes de mon entourage. C’était toujours intéressant – et souvent gratifiant – d’écouter leurs « ressentis ».

Comment voit-on ta passion de l'écriture autour de toi? Je dirais que les ¾ des personnes à qui j’ai fait lire mon manuscrit ont été enthousiastes quant à la forme et au fond mais les encouragements sont rares. C’est un peu frustrant mais puisque j’écris avant tout pour moi, ce n’est pas vraiment un problème.

D’autres passions ? Lesquelles ? Ont-elles un lien avec l’écriture ? La lecture (surtout d’essais, actuellement), la photographie (mes deux sujets de prédilection étant la nature et les vieilles pierres), les balades (source d’inspiration pour l’écriture et la photographie), la musique (il ne s’écoule pas un jour sans que j’en écoute), la minéralogie, l’ésotérisme (qui, parfois, a des liens avec la passion précédente), l’informatique et le jardinage (avec une propension à collectionner les beaux bonsaïs).

Un lien entre toutes ces passions? Se retrouvent-elles dans tes écrits, les conditionnent-elles?

Phil-2.jpgLa recherche de l’esthétisme. La perfection de la nature a, sur moi, un pouvoir d’attraction extraordinaire. L’architecture et la décoration aussi. Et ça se retrouve, en effet, dans les descriptions qui parsèment mes écrits. Quelques touches d’ésotérisme sont, également, diluées dans l’ensemble. Bref, le lecteur attentif devrait en apprendre beaucoup sur mes passions (et sur moi-même) en lisant ce livre.

Quel est ton rapport avec tes personnages ? Fusionnel ! Je suis le héros de mon roman et il est moi, son créateur. Quant à sa « jumelle », je me suis inspiré d’une femme que j’ai adoré côtoyer par le passé. Je l’ai, bien sûr, rendue plus parfaite mais le souvenir que j’ai d’elle coïncide quasiment trait pour trait avec la belle méditerranéenne de mon livre. Il y a aussi une enfant qui personnifie mon regret d’avoir délibérément choisi de ne pas en avoir. Et les personnages secondaires sont, pour la plupart, calqués sur des gens que je connais (ou ai connus) et apprécie.

Nouvelle question, si tu veux bien... Peux-tu définir ton style ? J’aime que l’harmonie règne entre les mots… Que la façade soit belle et attirante. Je crois que le lecteur sera interpellé par les nombreuses descriptions (personnages et lieux) qui ponctuent le récit. Mais l’extérieur ne doit pas prendre le pas sur les émotions. Finalement, je ne raconte pas uniquement une histoire… Je tente de raconter la passion… Sans cette dernière, la vie ne vaut pas d’être vécue.

Compliqué de mettre le point final au récit ou est-ce un soulagement ? Au risque de me répéter, je suis le héros de mon roman. Et même si les aventures de mes personnages ne s’arrêtent pas au mot « fin », j’ai vécu le moment où mon index a frappé la touche « point » du clavier pour l’ultime fois comme très douloureux. Mais les nombreuses relectures que j’ai effectuées avant et après avoir envoyé mon manuscrit aux Editions « Chloé des Lys » ont été, au contraire, synonymes de renaissances multiples et bienvenues.

 

Me voilà au moment le plus délicat de l'interview, la conclusion... Allez, cette fois, ce sera un extrait choisi... Une autre approche, plus concrète de l'univers de l'auteur... Bonne lecture !

 

 

Les états d'âme de la lune et du soleil (Philippe WolfenbJe me suis levé tôt afin de profiter des premières heures de la journée. Caterina dort profondément. Au moment de quitter la chambre, je passe précautionneusement la main dans sa chevelure ébène. Cette assuétude tactile – que j’ai cultivée au fil de mes relations avec l’autre sexe – a, probablement, atteint son paroxysme depuis que cette merveilleuse strega1 m’a envoûté. J’écris un mot que je laisse à sa portée et, sans un bruit, je descends les escaliers. A mon passage, les chiens se redressent mais, sur un ordre de ma part, ne me suivent pas.

Le ciel est pervenche et vierge de tout nuage. Sous le souffle du vent, tiède et imprégné des senteurs matinales, le feuillage juvénile des arbres ondoie dans un bruissement feutré qui sied à la naissance tranquille du soleil.

Eparpillés aux quatre coins du parc, des massifs de fleurs printanières lui donnent l’apparence d’un tableau de Georges Seurat2.

Je longe l’étang, bordé de saules pleureurs et surmonté des volutes d’une brume ténue, puis remonte le cours du ruisseau qui s’y abîme après avoir donné vie à de multiples cascatelles.

A quelques mètres du pavillon, un chêne à la silhouette alambiquée protège le vieux banc sur lequel je viens de temps en temps me livrer à l’exercice délicat du retour sur soi.

Je repense à Elena. D’autres l’ont précédée mais elle incarne mon premier amour. Elle fut, en son temps, celle avec qui j’imaginais pouvoir défier les lois éternelles de la banalisation. L’aveuglement qui caractérise les esprits passionnés nous a conduits à répéter les mêmes comportements insensés jusqu’à ce qu’elle soit raisonnable pour deux. La raison… Parlons-en ! Elle conspire contre nous lorsqu’elle nous empêche d’atteindre la plénitude. C’est, du moins si mes souvenirs sont exacts, l’avis de Freud3. Et le mien aussi ! Même si Chloé a su pallier la dérobade de mon illusoire sœur incestueuse, j’ai cru ne jamais guérir.

Puis, Caterina est apparue. Les pages que nous écrivons, elle et moi, auraient dû l’être bien plus tôt. Le reste de mon existence ne suffira pas pour l’aimer comme elle le mérite. Y parvenir exigerait un millier de vies… Et encore ! Ce bonheur est tellement grand et tellement idéal qu’il est fait pour habiter les rêves et non une réalité trop étriquée qui l’emprisonne. Il fait mal tant il est impétueux, tel un océan déchaîné. Il est suffocant quand il s’insinue dans la moindre de mes respirations. Il est, surtout, l’étincelle primordiale qui me permet de trouver un chemin parmi les ténèbres où baigne ma personnalité abusivement tournée vers la démesure affective.

* Phil ?

Je me retourne. Elle porte une robe, légère et courte, aux motifs floraux variés. Par-dessus, un gilet la protège de la fraîcheur ambiante sans cacher le profond décolleté qui met ses seins en valeur.

* Viens t’asseoir…

* Pourquoi ne m’as-tu pas réveillée ?

* Tu paraissais si sereine… Et… Je voulais être seul…

* Oh ! Te fatiguerais-tu déjà de ma présence ?

* Tu le penses réellement ?

* Non ! Mais j’aime être rassurée…

* J’ai un besoin viscéral de te savoir à mes côtés… Mais, aussi singulier que cela puisse paraître, ton absence momentanée corrobore l’authenticité de cet axiome…

* Pendant que je m’habillais pour venir te rejoindre, j’ai allumé la radio… Elle diffusait la chanson de Rui Da Silva… Celle où une voix féminine suave répète « I need you so much… »1

1 J’ai tellement besoin de toi…

* Et ?

* Je pourrais passer des heures à te dire ces mots…

* Tu as déjà fait l’amour sur un banc ?

* Non !

* C’est le moment de combler cette lacune… Tu ne crois pas ?

Son rire espiègle, quand elle bascule en arrière sous le poids de mon désir, est la plus plaisante des réponses.


 

Christine Brunet

www.aloys.me

Publié dans interview

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Jean-Claude Texier nous propose un extrait de son roman, L'Elitiste

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

P1070295

 

 

L’ÉLITISTE

                           Jean-Claude Texier

 

Un extrait de circonstances électorales

 

Roméo de Rivera, proviseur du lycée Edith Cavell dans une banlieue bourgeoise de la région parisienne, staliniste farouche et dirigeant tyrannique, devenu socialiste par opportunisme, est fortement impliqué dans la campagne présidentielle de 2007.

 

Le dimanche 22 avril, au soir du premier tour, en proie à une angoisse qu’il crut exorciser en retrouvant ses congénères, Roméo alla au siège du parti. C’était une belle fin d’après-midi printanière et le boulevard Saint-Germain, plongé dans un calme provincial, connaissait le silence préludant aux grands évènements.

Il trouva la rue de Solferino en effervescence. Des groupes de militants du Mouvement des jeunes socialistes agitaient des drapeaux aux cris de « Ségolène Présidente ! » parmi une foule assemblée devant un écran gigantesque, dans l’attente que s’affiche le score de son idole. Sur un podium dressé au milieu de la rue, la télévision achevait ses préparatifs. Les regards graves trahissaient la même appréhension qui l’habitait.  

Il se rendit à la brasserie au coin du boulevard Saint-Germain dans l’espoir de rencontrer une connaissance. Elle était bondée, le comptoir pris d’assaut par une clientèle assoiffée en quête de pronostics venus de l’étranger et d’ultimes prévisions. Les serveurs en sueur, débordés, couraient en tous sens, incapables de répondre à la demande. Il dut s’armer de patience avant qu’on lui servît une bière.  

On se pressait aussi dans l’escalier des toilettes. Il attendait docilement son tour lorsqu’il remarqua devant lui une jeune fille dans laquelle il crut discerner cette touche de distinction qu’il admirait tant chez certains politiciens. C’était une blonde d’une vingtaine d’années, au teint frais, aux lèvres finement ourlées, aux yeux bleus malicieux, souriante dans la file d’attente, et il se dit qu’elle devait avoir de l’humour, la qualité qui lui manquait tant, mais toujours appréciable chez autrui. L’idée lui vint – reste de ses lectures sur la séduction – qu’il devrait faire un effort pour engager la conversation sur un mode léger et plaisant.  

« Quel monde ! fit-il d’un air détaché, on se croirait à l’ANPE. » (Agence nationale pour l’emploi)

Elle éclata de rire, et il s’enhardit à lui demander si elle avait des renseignements sur les résultats probables. Comme elle secouait négativement la tête, il interrogea un jeune homme à lunettes aux traits creusés d’intellectuel, suspendu à son portable. 

« D’après des amis de Lausanne, dit-il gravement, flatté qu’on lui demandât son avis, vers cinq heures, c’était Bayrou qui était en tête. Mais il reste une heure, et tout peut basculer.  

— J’espère, dit Roméo, que Le Pen ne renouvellera pas son score de 2OO2 au premier tour. Je ne peux m’empêcher de souhaiter qu’il meure à la tribune, au milieu d’un discours haineux, d’un infarctus ou d’une congestion cérébrale. Vous ne croyez pas que cela pourrait lui arriver, à 78 ans ? »

Il fit semblant de s’étrangler et de tomber raide mort.

« Oui, certainement ! » fit la fille en riant.

Elle était assez jolie, et quelque chose d’innocent dans son expression lui plut. Il se souvint du premier précepte énoncé par son Don Juan de  Chamonix : faire rire une femme, c’est l’avoir à moitié dans les bras. 

Il poussa plus loin son avantage.

« Et ce n’est pas son imbécile de fille qui prendra le relais. La droite perdra son meilleur tribun et la gauche son pire ennemi. Je souhaite qu’on l’enterre dans une heure, fit-il en regardant sa montre.

— Marine ? Elle ne lui arrive pas à la cheville. Vous n’avez rien à craindre. »

Elle se précipita vers une place devenue libre dans une cabine. Lorsqu’il sortit, il alla l’attendre en haut des escaliers. Elle parut surprise de le retrouver. Il se demanda si elle n’avait pas rendez-vous avec un ami, mais résolut de risquer le tout pour le tout.

« Nous avons le temps de prendre un verre. Tenez, voilà une table qui se libère, allons-y. »

Et il s’empara de deux chaises de la terrasse avant qu’elle refuse son invitation. Mais elle vint s’asseoir en face de lui en le remerciant, toute joyeuse qu’on lui offrît un moment de détente dans cette cohue.

Il commanda deux cafés et la prévint qu’ils devraient attendre, ce qui lui donna l’occasion de citer son proverbe espagnol favori : Con la paciencia se gana el cielo. (Tout arrive à qui sait attendre)   

Et comme elle s’étonnait de son accent, il lui avoua ses origines ibériques, sa naissance dans un pays lointain.

« Mais parlons de ce qui nous amène ici. Vous êtes militante ? 

— Disons sympathisante. Mais presque militante, oui. Je devais retrouver une amie ici, mais elle vient de me prévenir qu’elle ne pourra venir. Elle est inscrite et veut que je le sois aussi. Nous sommes toutes deux étudiantes en deuxième année de médecine. Plus tard, on voudrait travailler dans l’organisme de Kouchner. 

— Bravo, mes compliments. Et bonne chance dans Médecins du Monde 

— Merci. Vous êtes professeur ? 

— Moi ? En ai-je l’air ? Non, je suis fonctionnaire. Mais j’ai été instituteur à Chamonix, il y a bien longtemps. 

— Est-ce que vous croyez que Ségolène sera au second tour ? 

— J’en suis sûr. Dans l’administration, beaucoup de gens lui font          confiance. Mais la lutte sera serrée au deuxième tour, à cause de Bayrou qui nous a pris du monde. »

Elle l’approuva tristement.

« Est-ce que vous aurez un jour votre carte du parti ? 

— Sans doute, je pense. En fait, je ne sais pas. Vous croyez que c’est important ? »

Il hocha la tête.

« Oh oui, très important. C’est la marque de votre engagement. C’est par là que vous vous démarquez des capitalistes exploiteurs, de Sarko et de sa bande de profiteurs sur le dos du peuple. Plus on sera de monde, plus on sera fort. Ségolène veut que l’on devienne un parti de masse. »

Leurs voix furent bientôt couvertes par des cris enthousiastes de « Ségolène Présidente ! » Le vacarme dura quelques minutes, entrecoupé de pauses si courtes qu’ils n’avaient guère le loisir de poursuivre leur conversation. 

 

Jean-Claude Texier

L'Elitiste

 

 

 

 

 

elitiste.jpg

Publié dans Textes

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Obscène, un poème de Laurent Dumortier

Publié le par christine brunet /aloys

 

http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:o0YOuIz-NJ0UnM:http://www.bandbsa.be/contes/chloe/laurent.jpg

 

Obscène

 

Dis-moi pourquoi te dire je t’aime

Me paraît tellement obscène

Alors que frappent à ta porte

Les heures déjà mortes ?

 

Face à ce drap blanc

Pas encore linceul

Dis-moi pourquoi je me sens si seul

En regard de tes yeux trop blancs ?

 

Dis-moi pourquoi te dire je t’aime

Me paraît tellement obscène

Alors que s’ouvre le livre des morts,

L’heure des pleurs et des remords ?

 

Est-ce la peur de te perdre ?

Ou le fait qu’à trop dire je t’aime

On ne le pense plus ?

 

Toi tu pars

Et moi je reste

Comme derrière un rempart

Dans mon costume trois pièces

 

Dis-moi pourquoi te dire je t’aime

Me paraît tellement obscène

Alors que tant d’instants passés

Sont sur le point de sombrer ?

 

 

Laurent Dumortier

gsl.skynetblogs.be

 

http://www.bandbsa.be/contes3/onirique.jpg

Publié dans Poésie

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Christine Brunet a lu "les rendez-vous de Marissa" de Claude Danze

Publié le par christine brunet /aloys

 

ma photo
Les rendez-vous de Marissa, Claude Danze

Editions Chloé des lys

ISBN :978-2-87459-520-2


Je ne sais pas pourquoi je m'étais figurée que "Les rendez-vous de Marissa" était un roman policier. Mais le fait est que j'ai, du coup, tardé à le lire... ben oui, je ne lis presque jamais les polars, mais la curiosité aidant, je me suis lancé à l'assaut du roman de Claude Danze. Euh, Claude, tu te dis que j'aurais pu comprendre le genre de ton texte mais... je ne lis jamais les extraits (encore un jamais...) d'un bouquin que j'ai choisi de lire.

Premières pages... me voilà plongée dans un univers que je connais bien, l'Egypte et l'Irlande. L'auteur, jouehttp://www.bandbsa.be/contes2/rvmarissa.jpg l'originalité et trimbale allègrement ses héros et ses lecteurs de paysages écrasés par la chaleur à d'autres, plus humides et plus verdoyants en faisant un court crochet par les Everglades. 


Alors, polar ou pas ? Ben non, j'avais tout faux ! Claude Danze nous propose la découverte, au fil des pages, d'une passion... non, de plusieurs, jalonnées de rebondissements, de soupçons, de surprises; c'est aussi une histoire de famille, des personnages attachants et originaux.
J'ai passé un très bon moment aux côtés de tes héros, Claude... Les rendez-vous de Marissa est une bien jolie histoire d'amour.

Christine Brunet
www.christine-brunet.com
Couverture Nid page 1

 

Publié dans Fiche de lecture

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Christine brunet a lu "le bonheur est dans le conte" d'Anne-Marie Jarret-Musso

Publié le par christine brunet /aloys

 

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J'ai lu "Le bonheur est dans le conte" d'Anne-Marie Jarret-Musso

Ed. Chloé des lys

ISBN : 978-2-87459-520-2

 

 

 

Je viens de recevoir ma commande de livres... Mais où est "Le bonheur est dans le conte" ? Un oubli ?

Je soulève les deux pavés du dessus et me voilà rassurée... Il est là, tout petit opus de 41 pages. Un peu surprise, je m'installe et me voilà projetée dans l'univers magique de la fée Fata.

Quatre contes philosophiques en première partie et deux belles histoires...http://www.bandbsa.be/contes3/bonheurconterecto.jpg Un style facile, à la portée de tous pour nous faire rêver l'instant de quelques pages. 

 
Voilà que Fata nous fait réfléchir sur nos envies, notre vie. Un comble !

J'ai fait ensuite le test avec mon fils de dix ans. Il l'a lu d'une traite... Bon signe ! Puis les remarques ont fusé... sur sa vision de la vie, de son futur, ce qu'il veut et pourquoi.

Je pense que "le bonheur est dans le conte" est un recueil destiné en priorité aux enfants, une excellente approche très pédagogique de la façon d'atteindre un idéal de vie.

 
Un petit recueil qui ne paie pas de mine... et que j'ai offert à la bibliothèque de l'école de mon fils... J'ai envie que d'autres enfants se plongent dans l'univers de la fée Fata et celui, plus sérieux d"Anne-Marie Jarret-Musso.

 

Vous désirez en savoir plus ? http://www.am-jarretmusso.venez.fr/

 

 

Christine Brunet

www.christine-brunet.com

Couverture Nid page 1

Publié dans Fiche de lecture

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Christine Brunet a lu "Bizarreries en stock" d'Alain Magerotte

Publié le par christine brunet /aloys

ma photo

 

Bizarreries en stock, Alain Magerotte,

ISBN 978-2-87459-081-8

Editions Chloé des lys

 

 

Je suis une inconditionnelle des nouvelles douces amères d'Alain Magerotte, tantôt policières, tantôt fantastiques mais toutes, études de l'âme humaine. Pourtant, je dois avouer que la couverture de cet opus freinait mon envie d'en découvrir le contenu. 


Mais ouf ! Alain Magerotte en a changé et celle-ci a immédiatement attisée ma curiositéhttp://www.bandbsa.be/contes3/bizarreries.jpg déjà titillée par quelques nouvelles publiées sur le blog aloys. Quoi, vous ne vous en souvenez pas ? Allons bon... les goûts gastronomiques d'Achille Lépine de vous rappellent rien ? Ou encore "un pied dans la tombe", "La file d'attente" ? "Le bureau au fond du couloir" non plus ? 

 

Bizarreries en stock, bizarreries humaines... Les textes sont acides, moqueurs, marrants, nous amènent encore et toujours à une introspection, le sourire aux lèvres. Les personnages, magnifiquement campés, sont toujours atypiques mais, finalement, proches de nous. On rit, on grince des dents, on applaudit aux jeux de mots, et on en redemande.

 

Et le style, me direz-vous ? Riche, une écriture facile qui attire inéluctablement le lecteur dans la toile de l'auteur et le piège bel et bien. 

 

Une nouvelle préférée ? Le choix est compliqué mais "je suis mort le..." est un petit bijou.

 

Un mot, un seul : bravo ! 

 

Christine Brunet

www.christine-brunet.com

Couverture Nid page 1


 

 

 

Publié dans Fiche de lecture

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L'auteur de cette nouvelle n'est autre que... Nadine Groenecke !

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

nadine groenecke

 

 

Forever

 

 

 

L’amour est une catastrophe magnifique : savoir que l’on fonce dans un mur, et accélérer quand même. L’amour dure trois ans - Frédéric BEIGBEDER

 

Samedi 11 février 2012

 

Bientôt trois ans que mon histoire d’amour avec Valentin a débuté et, d’après les spécialistes du couple, nous atteignons la date de péremption. En d’autres termes, nous entrons dans la phase critique, celle où la passion commence à s’émousser. J’ai du mal à le croire étant donné que ma relation avec cet homme est toujours aussi intense que lors des premiers jours de notre rencontre. J’en veux pour preuve notre dernière partie de jambes en l’air, ce matin même, sur le fauteuil de dentiste vert pomme de Valentin. Il était tellement heureux d’emménager dans les locaux de son nouveau cabinet qu’il a voulu fêter ça à sa manière ! Sous prétexte de me les faire découvrir, il m’a demandé d’être là avant l’arrivée des premiers patients. J’ai compris quelles étaient ses véritables intentions lorsque j’ai constaté qu’il était nu sous sa blouse…

 

D’un ton détaché, il m’a d’abord prié de m’asseoir. Démonstration à l’appui, il m’a ensuite expliqué que le siège sur lequel je me trouvais pouvait être commandé à partir de plusieurs endroits : du pied, du clavier de la console, ou encore, du clavier du support aspiration, et il a précisé qu’une carte électronique permettait d’enregistrer quatre positions : la montée de l’assise du fauteuil monocoque, la descente de la coque et le basculement de cette dernière vers le haut ou vers le bas. Un vrai discours de commercial ! « Pour vous madame, j’opte pour la dernière position qui correspond à l’allongement du patient », a-t-il fini par déclarer, aussi sérieux qu’un pape en pleine bénédiction urbi et orbi. Un scénario nourri de ses fantasmes et dans lequel l’emploi du vouvoiement, censé m’assimiler à une parfaite inconnue, m’a beaucoup amusée. Rien qu’un avant-goût de plaisir…

 

Valentin a ensuite recouvert mes yeux d’un des masques protecteurs dont il se sert au quotidien, puis a entrepris de m’effeuiller avec une délicatesse des plus voluptueuses. Je n’avais encore jamais rien connu d’aussi excitant ! Mais je n’étais pas au bout de mes surprises…

 

Une fois débarrassée de mes vêtements, j’ai senti un souffle me parcourir le corps, comme si un escadron d’anges m’effleurait de la pointe de ses ailes. La caresse aérienne m’a fait frémir et a vite cédé la place à une sensation bien plus vive qui s’est chargée de faire monter le désir d’un cran. Sensation s’apparentant, cette fois, à des picotements de becs d’oiseaux…

 

Lorsque le dentiste nouvelle version a daigné me rendre la vue, j’ai constaté qu’il venait tout simplement d’expérimenter un usage inédit de la soufflette et du foret ! Des préliminaires complètement inattendus et qui n’ont pas tardé à produire leurs effets. Au moment de l’extase, j’ai envoyé valdinguer une ribambelle d’instruments et Valentin a déclenché par inadvertance la fontaine du crachoir rotatif. Intriguée par le bruit, son assistante, qui venait d’arriver, a ouvert précipitamment la porte et l’a refermée encore plus vite. J’ai éclaté d’un rire tonitruant tandis que mon partenaire esquissait un petit sourire coincé.

 

Comme vous venez de le comprendre, notre appétit sexuel et notre complicité sont loin d’être en berne. Ces quelques confidences sur notre intimité démentent toute idée reçue en matière de pérennité du couple. Et je pense que nous réussirons à repousser les limites de l’ennui bien au-delà des trois ans. Peut-être même finirons-nous nos jours ensemble.

 

 

Dimanche 12 février 2012

 

Nous sommes allés voir « L’amour dure trois ans » au cinéma. Le nôtre franchira le cap sans problème, j’en suis désormais entièrement convaincue.

 

 

Lundi 13 février 2012

 

            Après le travail, retrouvailles à la salle de sport. Valentin a un corps d’athlète et l’entretient. Les autres femmes le dévoraient des yeux mais il ne leur a pas accordé la moindre attention.

 

 

Mardi 14 février 2012

 

Dîner aux chandelles au restaurant gastronomique du château des Monthairons. Quoi de plus classique en ce jour de Saint-Valentin, me direz-vous, mais mon Valentin à moi sait bien qu’il n’y a rien de tel qu’un bon repas pour me faire plaisir. J’ai particulièrement aimé le duo de foie gras des Landes et son paleron du Limousin cuit fondant, servi avec de la rhubarbe confite au caramel balsamique. Et pas moins apprécié la fin de la soirée chez lui, aussi piquante que notre récente expérience au cabinet puisque Valentin avait eu la bonne idée de glisser un de ses forets dans sa poche.

 

 

Mercredi 15 février 2012

 

            Nous séjournons à Londres jusqu’à demain soir. Jamais capitale ne m’a parue si encombrée ! Face à ce ballet incessant de bus et de cabs, Boileau n’aurait plus qu’à réviser ses « embarras de Paris », en comparaison bien dérisoires.

 

Avant de filer à un congrès dentaire, Valentin m’a remis sa Gold Mastercard : « Tiens, fais-toi plaisir », a-t-il balbutié d’un air gêné, car il s’en voulait de m’abandonner, ne fut-ce que quelques heures. Pour compenser son absence, rien de mieux qu’une séance de shopping à ses frais, avait-il alors décrété. Il est comme ça, généreux et attentionné, Valentin ! Je n’ai eu aucun mal à faire bon usage de son argent dans les boutiques branchées du quartier de Covent Garden.

 

Existe-il un autre homme capable de me combler autant ? Un autre homme avec autant de qualités ?

En soirée, il m’a invitée au Shaftesbury Theatre où nous avons passé un excellent moment en compagnie des interprètes de la comédie musicale Rock Of Ages. A la fin du spectacle, nous nous sommes engouffrés dans un taxi pour rejoindre notre hôtel. Par la fenêtre, j’ai aperçu un renard qui traversait la route. Constatant mon étonnement, Valentin m’a appris que dix mille de ces petites boules de poils ont trouvé refuge dans la capitale britannique. Il a ensuite désigné une tour en construction, avant d’ajouter : « C’est dans ce gratte-ciel, bientôt le plus haut d’Europe, qu’un de ces goupils s’est introduit il y a quelques mois. Il a grimpé jusqu’au soixante-douzième étage où il est resté piégé durant deux semaines. »

 

 De telles anecdotes, Valentin en a plus d’une en tête et je me délecte à leur écoute. En riant, j’ai suggéré d’adopter un renard. Idée à laquelle j’ai vite renoncé lorsque mon compagnon m’a fait part d’une autre histoire plus du tout attendrissante : celle de deux gosses salement amochés par un de ces canidés alors qu’ils dormaient tranquillement dans leur chambre.

 

 

Jeudi 16 février 2012

 

            Débarrassé de ses obligations professionnelles, Valentin s’est révélé un cicérone hors pair durant cette deuxième journée à Londres. Ses connaissances culturelles n’ont eu de cesse de m’éblouir. Grâce à elles, cette ville n’a plus aucun secret pour moi. Mais le meilleur restait à venir…

 

A la nuit tombée, alors que mes jambes criaient grâce et que je n’aspirais donc qu’à retrouver le lit douillet de notre hôtel, mon guide d’un jour m’a pressé de le suivre dans le London Eye, la grande roue qui surplombe la Tamise. J’ai eu beau le supplier de renoncer à son projet, il est resté inflexible. A ce moment-là, je me suis dis que j’avais trouvé la faille. L’homme que je parais de toutes les qualités était sans doute un brin égoïste ou alors plus têtu qu’une mule. Comme j’ai regretté telles élucubrations ! Car, tenez-vous bien : alors que nous étions suspendus à 135 m de haut, il s’est soudainement agenouillé à mes pieds pour me demander en mariage ! Vous vous rendez compte ! Impossible de réfréner les battements démesurés de mon cœur, j’ai cru mourir de bonheur et ma fatigue s’est envolée d’un coup ! Quand je vous disais qu’il n’arrêtait pas de me surprendre…

 

 

Vendredi 17 février 2012

 

De retour en France, j’ai encore du mal à croire que je n’ai pas rêvé la soirée d’hier.  Cette demande en mariage, c’était tellement incroyable et tellement romantique !!! J’ai vécu le plus beau moment de mon existence. Et ce diamant de la taille d’une noisette qui orne mon doigt, combien de filles rêveraient d’avoir le même !

 

Demain soir, nous fêterons le troisième anniversaire de notre rencontre. J’ai demandé à Valentin de venir chez moi. En fait, je lui réserve à mon tour une surprise et ce, dès le matin, sur son lieu de travail.

 

 

Samedi 18 février 2012

 

Je suis arrivée au cabinet aussi émoustillée qu’une adolescente à son premier rendez-vous galant. La voiture de Valentin, garée juste devant le bâtiment, attestait de sa présence. Ses premiers patients ne débouleraient pas avant une bonne demi-heure, un laps de temps suffisant pour mettre mon plan à exécution…

 

Histoire de saluer comme il se doit l’entrée de notre couple dans sa quatrième année d’existence, j’avais décidé de me transformer en assistante dentaire ultra sexy, c’était ça ma surprise. Sous un manteau des plus austères, tout ce qu’il fallait pour faire perdre la tête à un homme : bas noirs,  talons vertigineux et décolleté à faire damner un saint, comme on dit. De quoi chambouler même le plus récalcitrant aux galipettes.

 

Un fois à l’intérieur du local, je me suis faite aussi discrète qu’une souris en trottinant sur la pointe des pieds. Encore un peu de patience et j’allais lire la stupéfaction sur le visage de mon amant puis voir naître le désir dans ses yeux…

 

Mais ce n’est pas vraiment ainsi que les choses se sont produites ! Jugez vous-même…

 

Lorsque j’ai ouvert la porte, Valentin était nu comme un ver sur son fauteuil de dentiste. Les yeux bandés, chevauché par son assistante, « la vraie », il subissait ses coups de reins répétés avec un bonheur manifeste. Je l’ai vu ensuite brandir un foret au moyen duquel il a éperonné la partie la plus charnue de l’anatomie de sa cavalière, laquelle, en retour, a utilisé la soufflette pour balayer d’un puissant jet d’air la ceinture abdominale irréprochable de sa monture.

 

***

 

Dans le box des accusés, Chloé était arrivée au bout de sa lecture. Elle releva les yeux pour adresser un regard anxieux à son avocat. Lorsque ce dernier lui avait signifié que son cas relevait du crime passionnel et que le jour de son procès, il lui suffirait d’évoquer quelques moments forts de sa vie de couple pour attendrir les jurés, elle avait eu l’idée de rédiger cette sorte de micro journal intime. Un condensé de la dernière semaine de son histoire d’amour qui, elle l’espérait, permettrait à la Cour d’assises de comprendre les raisons qui l’avaient poussée à planter un foret dans le cœur de Valentin, le jour où elle avait découvert qu’il la trompait.

 

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Publié le par christine brunet /aloys

point d'interrogation

Forever

 

 

 

L’amour est une catastrophe magnifique : savoir que l’on fonce dans un mur, et accélérer quand même. L’amour dure trois ans - Frédéric BEIGBEDER

 

Samedi 11 février 2012

 

Bientôt trois ans que mon histoire d’amour avec Valentin a débuté et, d’après les spécialistes du couple, nous atteignons la date de péremption. En d’autres termes, nous entrons dans la phase critique, celle où la passion commence à s’émousser. J’ai du mal à le croire étant donné que ma relation avec cet homme est toujours aussi intense que lors des premiers jours de notre rencontre. J’en veux pour preuve notre dernière partie de jambes en l’air, ce matin même, sur le fauteuil de dentiste vert pomme de Valentin. Il était tellement heureux d’emménager dans les locaux de son nouveau cabinet qu’il a voulu fêter ça à sa manière ! Sous prétexte de me les faire découvrir, il m’a demandé d’être là avant l’arrivée des premiers patients. J’ai compris quelles étaient ses véritables intentions lorsque j’ai constaté qu’il était nu sous sa blouse…

 

D’un ton détaché, il m’a d’abord prié de m’asseoir. Démonstration à l’appui, il m’a ensuite expliqué que le siège sur lequel je me trouvais pouvait être commandé à partir de plusieurs endroits : du pied, du clavier de la console, ou encore, du clavier du support aspiration, et il a précisé qu’une carte électronique permettait d’enregistrer quatre positions : la montée de l’assise du fauteuil monocoque, la descente de la coque et le basculement de cette dernière vers le haut ou vers le bas. Un vrai discours de commercial ! « Pour vous madame, j’opte pour la dernière position qui correspond à l’allongement du patient », a-t-il fini par déclarer, aussi sérieux qu’un pape en pleine bénédiction urbi et orbi. Un scénario nourri de ses fantasmes et dans lequel l’emploi du vouvoiement, censé m’assimiler à une parfaite inconnue, m’a beaucoup amusée. Rien qu’un avant-goût de plaisir…

 

Valentin a ensuite recouvert mes yeux d’un des masques protecteurs dont il se sert au quotidien, puis a entrepris de m’effeuiller avec une délicatesse des plus voluptueuses. Je n’avais encore jamais rien connu d’aussi excitant ! Mais je n’étais pas au bout de mes surprises…

 

Une fois débarrassée de mes vêtements, j’ai senti un souffle me parcourir le corps, comme si un escadron d’anges m’effleurait de la pointe de ses ailes. La caresse aérienne m’a fait frémir et a vite cédé la place à une sensation bien plus vive qui s’est chargée de faire monter le désir d’un cran. Sensation s’apparentant, cette fois, à des picotements de becs d’oiseaux…

 

Lorsque le dentiste nouvelle version a daigné me rendre la vue, j’ai constaté qu’il venait tout simplement d’expérimenter un usage inédit de la soufflette et du foret ! Des préliminaires complètement inattendus et qui n’ont pas tardé à produire leurs effets. Au moment de l’extase, j’ai envoyé valdinguer une ribambelle d’instruments et Valentin a déclenché par inadvertance la fontaine du crachoir rotatif. Intriguée par le bruit, son assistante, qui venait d’arriver, a ouvert précipitamment la porte et l’a refermée encore plus vite. J’ai éclaté d’un rire tonitruant tandis que mon partenaire esquissait un petit sourire coincé.

 

Comme vous venez de le comprendre, notre appétit sexuel et notre complicité sont loin d’être en berne. Ces quelques confidences sur notre intimité démentent toute idée reçue en matière de pérennité du couple. Et je pense que nous réussirons à repousser les limites de l’ennui bien au-delà des trois ans. Peut-être même finirons-nous nos jours ensemble.

 

 

Dimanche 12 février 2012

 

Nous sommes allés voir « L’amour dure trois ans » au cinéma. Le nôtre franchira le cap sans problème, j’en suis désormais entièrement convaincue.

 

 

Lundi 13 février 2012

 

            Après le travail, retrouvailles à la salle de sport. Valentin a un corps d’athlète et l’entretient. Les autres femmes le dévoraient des yeux mais il ne leur a pas accordé la moindre attention.

 

 

Mardi 14 février 2012

 

Dîner aux chandelles au restaurant gastronomique du château des Monthairons. Quoi de plus classique en ce jour de Saint-Valentin, me direz-vous, mais mon Valentin à moi sait bien qu’il n’y a rien de tel qu’un bon repas pour me faire plaisir. J’ai particulièrement aimé le duo de foie gras des Landes et son paleron du Limousin cuit fondant, servi avec de la rhubarbe confite au caramel balsamique. Et pas moins apprécié la fin de la soirée chez lui, aussi piquante que notre récente expérience au cabinet puisque Valentin avait eu la bonne idée de glisser un de ses forets dans sa poche.

 

 

Mercredi 15 février 2012

 

            Nous séjournons à Londres jusqu’à demain soir. Jamais capitale ne m’a parue si encombrée ! Face à ce ballet incessant de bus et de cabs, Boileau n’aurait plus qu’à réviser ses « embarras de Paris », en comparaison bien dérisoires.

 

Avant de filer à un congrès dentaire, Valentin m’a remis sa Gold Mastercard : « Tiens, fais-toi plaisir », a-t-il balbutié d’un air gêné, car il s’en voulait de m’abandonner, ne fut-ce que quelques heures. Pour compenser son absence, rien de mieux qu’une séance de shopping à ses frais, avait-il alors décrété. Il est comme ça, généreux et attentionné, Valentin ! Je n’ai eu aucun mal à faire bon usage de son argent dans les boutiques branchées du quartier de Covent Garden.

 

Existe-il un autre homme capable de me combler autant ? Un autre homme avec autant de qualités ?

En soirée, il m’a invitée au Shaftesbury Theatre où nous avons passé un excellent moment en compagnie des interprètes de la comédie musicale Rock Of Ages. A la fin du spectacle, nous nous sommes engouffrés dans un taxi pour rejoindre notre hôtel. Par la fenêtre, j’ai aperçu un renard qui traversait la route. Constatant mon étonnement, Valentin m’a appris que dix mille de ces petites boules de poils ont trouvé refuge dans la capitale britannique. Il a ensuite désigné une tour en construction, avant d’ajouter : « C’est dans ce gratte-ciel, bientôt le plus haut d’Europe, qu’un de ces goupils s’est introduit il y a quelques mois. Il a grimpé jusqu’au soixante-douzième étage où il est resté piégé durant deux semaines. »

 

 De telles anecdotes, Valentin en a plus d’une en tête et je me délecte à leur écoute. En riant, j’ai suggéré d’adopter un renard. Idée à laquelle j’ai vite renoncé lorsque mon compagnon m’a fait part d’une autre histoire plus du tout attendrissante : celle de deux gosses salement amochés par un de ces canidés alors qu’ils dormaient tranquillement dans leur chambre.

 

 

Jeudi 16 février 2012

 

            Débarrassé de ses obligations professionnelles, Valentin s’est révélé un cicérone hors pair durant cette deuxième journée à Londres. Ses connaissances culturelles n’ont eu de cesse de m’éblouir. Grâce à elles, cette ville n’a plus aucun secret pour moi. Mais le meilleur restait à venir…

 

A la nuit tombée, alors que mes jambes criaient grâce et que je n’aspirais donc qu’à retrouver le lit douillet de notre hôtel, mon guide d’un jour m’a pressé de le suivre dans le London Eye, la grande roue qui surplombe la Tamise. J’ai eu beau le supplier de renoncer à son projet, il est resté inflexible. A ce moment-là, je me suis dis que j’avais trouvé la faille. L’homme que je parais de toutes les qualités était sans doute un brin égoïste ou alors plus têtu qu’une mule. Comme j’ai regretté telles élucubrations ! Car, tenez-vous bien : alors que nous étions suspendus à 135 m de haut, il s’est soudainement agenouillé à mes pieds pour me demander en mariage ! Vous vous rendez compte ! Impossible de réfréner les battements démesurés de mon cœur, j’ai cru mourir de bonheur et ma fatigue s’est envolée d’un coup ! Quand je vous disais qu’il n’arrêtait pas de me surprendre…

 

 

Vendredi 17 février 2012

 

De retour en France, j’ai encore du mal à croire que je n’ai pas rêvé la soirée d’hier.  Cette demande en mariage, c’était tellement incroyable et tellement romantique !!! J’ai vécu le plus beau moment de mon existence. Et ce diamant de la taille d’une noisette qui orne mon doigt, combien de filles rêveraient d’avoir le même !

 

Demain soir, nous fêterons le troisième anniversaire de notre rencontre. J’ai demandé à Valentin de venir chez moi. En fait, je lui réserve à mon tour une surprise et ce, dès le matin, sur son lieu de travail.

 

 

Samedi 18 février 2012

 

Je suis arrivée au cabinet aussi émoustillée qu’une adolescente à son premier rendez-vous galant. La voiture de Valentin, garée juste devant le bâtiment, attestait de sa présence. Ses premiers patients ne débouleraient pas avant une bonne demi-heure, un laps de temps suffisant pour mettre mon plan à exécution…

 

Histoire de saluer comme il se doit l’entrée de notre couple dans sa quatrième année d’existence, j’avais décidé de me transformer en assistante dentaire ultra sexy, c’était ça ma surprise. Sous un manteau des plus austères, tout ce qu’il fallait pour faire perdre la tête à un homme : bas noirs,  talons vertigineux et décolleté à faire damner un saint, comme on dit. De quoi chambouler même le plus récalcitrant aux galipettes.

 

Un fois à l’intérieur du local, je me suis faite aussi discrète qu’une souris en trottinant sur la pointe des pieds. Encore un peu de patience et j’allais lire la stupéfaction sur le visage de mon amant puis voir naître le désir dans ses yeux…

 

Mais ce n’est pas vraiment ainsi que les choses se sont produites ! Jugez vous-même…

 

Lorsque j’ai ouvert la porte, Valentin était nu comme un ver sur son fauteuil de dentiste. Les yeux bandés, chevauché par son assistante, « la vraie », il subissait ses coups de reins répétés avec un bonheur manifeste. Je l’ai vu ensuite brandir un foret au moyen duquel il a éperonné la partie la plus charnue de l’anatomie de sa cavalière, laquelle, en retour, a utilisé la soufflette pour balayer d’un puissant jet d’air la ceinture abdominale irréprochable de sa monture.

 

***

 

Dans le box des accusés, Chloé était arrivée au bout de sa lecture. Elle releva les yeux pour adresser un regard anxieux à son avocat. Lorsque ce dernier lui avait signifié que son cas relevait du crime passionnel et que le jour de son procès, il lui suffirait d’évoquer quelques moments forts de sa vie de couple pour attendrir les jurés, elle avait eu l’idée de rédiger cette sorte de micro journal intime. Un condensé de la dernière semaine de son histoire d’amour qui, elle l’espérait, permettrait à la Cour d’assises de comprendre les raisons qui l’avaient poussée à planter un foret dans le cœur de Valentin, le jour où elle avait découvert qu’il la trompait.

 

Publié dans auteur mystère

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Fluctuat nec mergitur, une nouvelle d'Alain Magerotte

Publié le par christine brunet /aloys

FLUCTUAT  NEC  MERGITUR

 

Le bois du bol d’air longe une rue pavée où s’érige une église du douzième siècle, un monument restauré, classé, qui a ouvert ses portes aux amateurs d’art et d’histoire.

A l’entrée du bois, un écriteau invite les passants à découvrir un lieu enchanteur: Maintes fois remodelé, le site bénéficie aujourd’hui d’une option d’aménagement qui préserve sa valeur écologique : bois de vieux saules, massifs d’épineux et de ronces, cognassiers, prairies fleuries, friches et bords de chemins odorants, mare aux batraciens, sous-bois rafraîchissants, petits potagers, verger, ruisseau. La pergola et les rampes de bois qui jalonnent le chemin sont réalisées en robinier.

Sans oublier les petits pensionnaires comme la grenouille rousse, le colvert, ou le pic épeiche.

Ce havre de paix unanimement apprécié par les amoureux du calme et de la nature fait la Une des journaux depuis quelques jours. Sur le pont de bois qui surplombe la mare aux batraciens, plusieurs corps sans vie ont été découverts. Une bien étrange affaire que celle-là. Le Nunc est bibendum, nom du bistrot qui jouxte «le bois de l’enfer» ainsi surnommé par une presse avide de sensation, ne désemplit pas. La gargote est devenue le quartier général d’une foule de curieux, des journalistes et de la police.

«Ne cherchez plus le coupable ! A qui profite le crime ? Ben à moi, tiens !» aurait pu déclarer, avec son esprit frondeur, Pol, le patron du bibendum, un gros bonhomme jovial, féru d’auteurs grecs et latins, à un point tel, qu’il a donné à ses deux fils, issus d’un mariage heureux avec Hélène, les prénoms de Virgile et d’Homère. Drôlement accro, Pol !

Mais, l’homme n’a pas trop le cœur à rire. L’hécatombe du petit bois l’affecte d’autant plus que la première victime était un de ses meilleurs clients : René Cuzan, dit cul sec ou, pour parodier Lucky Luke, «l’homme qui levait le coude plus vite que son ombre». Cul sec cultivait un potager situé non loin du bistrot. Tous les jours, vers dix-sept heures, il venait s’enfiler quelques p’tits blancs en guise d’apéro, pendant que son épouse, la patiente Adèle, l’attendait pour le dîner.

«Allons donc, comment pourrait-elle en vouloir à un homme si câlin, si attentionné, qui n’avait pas hésité à délier les cordons de la bourse pour lui offrir un four à micro-ondes… fort pratique en somme pour réchauffer son repas quand il rentrait tard le soir, éméché…»

Le jour fatal, René était tellement bourré, qu’il était repassé par le bois, pensant que le bon air de l’endroit le ragaillardirait. En fait de retapage, il fut retrouvé avec l’intérieur du corps calciné, comme s’il avait inhalé un puissant insecticide par le biais d’un aérosol. Les cadavres suivants allaient présenter le même symptôme.

 

L’os est particulièrement dur à ronger pour le commissaire Didier Leclebs car, il n’y a pas de lien entre les victimes qui se différencient tant au niveau de l’âge, que du sexe ou du statut social. Dans son bureau où s’entassent en piles compactes procès-verbaux et dossiers en attente, il médite sur l’opportunité qu’il a d’épater les hautes instances s’il mène à terme cette enquête difficile. Une occasion de redorer un blason quelque peu terni.

Mais, pour l’instant, les inspecteurs Mireau et Lelouche, qui le secondent, piétinent dans leurs recherches. Il les convoque d’urgence. Les mains croisées derrière le dos, il arpente le bureau de long en large. L’absence de résultats dans l’enquête lui donne une humeur de chien. Ces deux-là risquent de lui faire louper LE COUP de sa carrière.

L’aboiement n’est pas une exclusivité canine, le commissaire Leclebs en fait une démonstration éclatante :

« JE NE VOUDRAIS PAS ÊTRE À LA PLACE DE CE FILS DE P... LE JOUR OÙ IL TOMBERA ENTRE MES PATTES ! »

Le ton est toujours agressif lorsqu’il s’adresse à ses subalternes :

« Alors, vous deux, quoi de neuf ?

- Euh... s’enhardit Mireau, nous avons un onzième macchabée sur les bras... ce matin...

- Quoi ! braille Leclebs, encore un ! Je suppose qu’il n’existe aucun lien, si ce n’est... »

Il s’interrompt, fusillant du regard un Lelouche penaud, qui avance timidement :

« ... Brûlé de l’intérieur ! Il s’agit d’un fonctionnaire, je vous rappelle que les autres...

- Oh, ça va, je connais la liste par cœur. Dites-moi, mes gaillards, faudrait peut-être enclencher le turbo... j’ai des comptes à rendre, moi ! Jusqu’à présent, pas le moindre indice, pas la plus petite piste. Vous passez votre temps à compter les morts… vous êtes pas engagés comme comptables !

- On fait ce qu’on peut, commissaire... répond Mireau, déconfit.

- Ce n’est pas assez ! »

Afin d’atténuer le feu de la colère de son supérieur, Lelouche intervient à nouveau. Son air de conspirateur fait penser à un joueur de cartes prêt à abattre un atout dans une partie tendue à l’extrême.

« A propos, Pol, le patron du bistrot, m’a signalé avoir entendu un curieux remue-ménage durant la nuit précédant la découverte du premier cadavre...

- Quoi ? Qu’est-ce que… pourquoi pas me l’avoir dit plus tôt ? s’irrite le chef.

- Ben, le gars ne s’est pas levé, il était trop fatigué. Donc, il a entendu, mais rien vu… il m’a cependant assuré qu’il y avait du monde dans le bois…

- Ouais, encore une fois, on n’avance pas ! » Leclebs continue de faire les cent pas en maugréant.

Lelouche insiste, tenant absolument à faire l’intéressant :

« Notez, commissaire, que je ne le sens pas vraiment ce gars-là. C’est un faux jeton. Il emploie des mots à double sens et s’exprime dans un jargon incompréhensible. M’étonnerait qu’à moitié qu’il ait des choses à cacher. Tiens, le jour où je l’ai cuisiné, je l’ai entendu causer en étranger à un de ses copains. Il parlait d’un client... qui était heureux d’avoir fait un grand voyage... un certain... Ulysse, je crois... ça, il l’a dit dans notre langue, c’est peut-être un indice... affaire à suivre ?

- Qu’est-ce que vous me chantez là ?

- Ben... l’Ulysse en question... c’est peut-être la clé de l’énigme... sinon pour quelle raison aurait-il parlé de lui dans un drôle de charabia ? D’abord, va falloir vérifier si c’est son véritable nom, ensuite...

-… Assez de blabla, allez me surveiller ça de plus près... »

 

L’air s’est enveloppé des fragrances d’un printemps cédant volontiers au renouveau d’une nature en ébullition. Une résurrection qui contraste avec la mort rôdant dans les environs.

Les inspecteurs sont en faction, dans une voiture banalisée, près des entrées principales du bois. Ils communiquent au moyen de talkies-walkies hauts de gamme. Mireau au sud, grille une énième cigarette tandis qu’au nord, Lelouche se coule dans la quiétude ambiante. Il est tiré de sa léthargie par l’arrivée inopinée de Pol.

« Alors inspecteur, on s’endort dans les délices de Capoue ?

- ...?... Hein, qui c’est celle-là ? Et d’abord, que faites-vous ici ?

- J’éprouve le besoin de respirer un peu, fessus sum laborando...

- ...?...

- Mon épouse a pris le relais pour quelques instants. Ex quo tempore ibi estis ?

- Ecoutez mon vieux, je ne comprends rien à votre baratin...

- C’est du latin. Une langue prétendument morte, pourtant…

- Ouais, ça suffit, dégagez maintenant, je bosse, moi !

- D’accord, d’accord… en fait, je voulais vous avertir, inspecteur, que, malgré les appels à la prudence lancés par les médias, j’ai aperçu deux jeunes gens pénétrer dans le bois... je ne voudrais pas qu’il leur arrive malheur...

- Y a longtemps ?

- Une bonne heure... j’espère qu’ils ne seront pas expédiés ad patres... je veux dire... j’espère qu’on ne les retrouvera pas morts, comme les autres !

- ... Ou morts... comme votre latin ! »

«Et toc ! Je l’ai mouché cette fois » jubile Lelouche.

 

Suzon et Charles-Ferdinand forment des projets d’avenir. En fin d’études d’option professionnelle, la belle se destine à la couture. Le jeune homme, issu d’un milieu bourgeois aisé, termine des études d’assistant social afin d’aider les plus démunis. L’attrait de l’inconnu le pousse vers cette voie.

Main dans la main, ils foulent le sentier de terre battue qui mène au pont de bois. Passant devant un cognassier, le garçon tombe en arrêt, admiratif.

« Oh, des coings ! J’en cueillais dans le parc qui ceinturait l’immense propriété de grand-mère... hum... j’en ramenais des seaux entiers pour qu’elle fasse des confitures. Bon sang, ils ont le même effet, sur moi, que la madeleine de... »

« ... Brel !... coupe Suzon, fière d’étaler ses connaissances.

- Mais non, de Proust, ma chérie. Charles-Ferdinand lui pose un tendre baiser sur les lèvres. «Cognasse» pense, en même temps, le petit pète sec en s’emparant d’un coing qu’il roule entre ses doigts.

« ... Il y a toujours un coing qui me rappelle…

- Ah ça, c’est Eddy Mitchell ! » dit-elle spontanément, certaine cette fois, de ne pas se tromper.

Leur balade les conduit jusqu’au pont où ils s’enlacent, perdus dans un océan de bonheur. Ensuite, accoudés sur la rambarde, ils admirent le magnifique spectacle qu’offre le soleil couchant qu’ils prennent à témoin pour susurrer les promesses éternelles.

Soudain, une odeur âcre se répand, devenant vite insoutenable. Elle provient d’un tuyau qui, tel le périscope d’un sous-marin, émerge du centre de la mare aux batraciens.

Cette pestilence provoque chez les tourtereaux des quintes de toux, suivies de vomissements. Les yeux rougis, ils portent la main à la gorge, la bouche grande ouverte comme pour mieux happer l’air, si nécessaire à la vie. Un air subitement devenu un ennemi mortel piquant, brûlant, tuant...

Suzon et Charles-Ferdinand s’affalent sur le pont et, aussitôt, l’odeur se dissipe dans la douceur de cette soirée printanière, en même temps que le tube disparaît au fond de la mare.

 

« Allô requin bleu... allô requin bleu... insiste Lelouche en hurlant dans son appareil.

- Voilà, voilà, pas de panique, je suis là, poisson d’avril... si on ne peut plus aller pisser en paix... que se passe-t-il ? répond Mireau, excédé.

- Le patron du Bibendum m’a signalé la présence d’un homme et d’une femme dans le bois... tu ne les aurais pas vus sortir ? s’inquiète Lelouche.

- Wabada bada, wabada bada…

- Tu te crois malin ?

- Si on peut plus détendre l’atmosphère…

- C’est vraiment le moment…

- Bon… ceci dit, j’ai vu personne… y a longtemps ?

 - Une bonne heure environ… »

Lorsqu’ils découvrent les corps de Suzon et de Charles-Ferdinand, les inspecteurs sentent une chape de plomb s’abattre sur leurs épaules, un sentiment d’impuissance les envahir. Rompus de longue date à affronter le pire, ils craignent cependant les foudres à venir du commissaire Leclebs.

« J’en connais un qui va être content... soupire Mireau.

- Tu parles... » lâche presque en choeur Lelouche.

 

« Monsieur le Ministre vous attend » fait la jeune secrétaire de cabinet. Elle arbore un large sourire ainsi qu’un cardigan en cachemire.

Le Ministre de l’Intérieur, Jean Dorant, s’avance, une main franche tendue vers le commissaire Didier Leclebs.

« Monsieur le commissaire général de la PJ, bonjour !

- Euh... pardon, Monsieur le Ministre,... commissaire tout court... balbutie le roquet.

La secrétaire s’éclipse, refermant la porte derrière elle.

« Comment donc ? Malgré vos états de service, vous n’êtes encore que commissaire… » Il se met à compulser sommairement un dossier épais qui repose sur un sous-main défraîchi.

«Il se paye ma tête, après les fleurs, je vais avoir droit au pot» pense Leclebs.

Sachant que l’attaque est la meilleure défense, il prend les devants.

« Au sujet de l’affaire du bol d’air, Monsieur le Ministre, nous sommes arrivés dans une phase dissuasive importante. Après cinq jours au cours desquels on ne pouvait plus compter les morts sur les doigts des... deux mains, j’ai décidé de modifier le système de surveillance. Les résultats se sont avérés au-delà de toute espérance : plus de maccha... euh... plus de cadavres sur les bras depuis quarante-huit heures… »

Le Ministre répond, évasif :

« C’est bien Leclebs, c’est bien. J’ai pris connaissance de cela dès mon retour d’un grand voyage dont je reviens très content... »

Le commissaire questionne à brûle-pourpoint :

« ... Comme Ulysse ? Monsieur le Ministre...

- ... Je constate mon cher Didier, vous permettez que je vous appelle Didier, que vous ne manquez point de références culturelles. »

L’autre, confus :

« Oh, vous savez, Monsieur le Ministre, je ne fais que mon boulot, c’est mon job de savoir... euh, vous permettez... une petite question... voyagez-vous toujours sous votre véritable identité ?

- Dites-moi, cher ami, je suis, me semble-t-il, soumis à un interrogatoire serré. Je ne vois pas où vous voulez en venir, quelle question saugrenue... bien entendu, je voyage toujours sous ma véritable identité, pourquoi en irait-il autrement ?... Qu’importe, je ne peux vous en vouloir de conserver constamment l’esprit en éveil. N’est-ce pas l’apanage d’un bon flic ? D’ailleurs, je pense que votre dossier se trouvera en ordre utile pour cette promotion au grade de commissaire général de la PJ… »

Le brave Leclebs n’en croit pas ses oreilles. Mais il est à cent mille lieues d’imaginer que le meilleur reste à venir.

Jean Dorant prend un air grave. Il pose les coudes sur son bureau et joint l’extrémité de ses doigts, signes annonciateurs qu’il se prépare à tenir un discours, une spécialité des gens de sa corporation.

« Didier... par votre occupation professionnelle, vous êtes bien placé pour savoir que nous évoluons dans un monde de brutes où le pouvoir et l’argent sont intimement liés. La guerre économique que nous livrons à d’autres nations fera un jour ou l’autre, c’est une certitude, des perdants. Il n’est pas question de nous retrouver dans la peau de ceux-ci. Evoluant dans un pays aux ressources naturelles limitées, pour ne pas dire inexistantes, il nous faut dès lors user d’astuces, d’esprit d’entreprise, de créativité... vous me suivez ?

- Tout à fait, Monsieur le Ministre...

- Alors, aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous vendons la mort pour... garder la vie. » Il marque un temps d’arrêt afin de ménager ses effets, puis reprend :

« ... Des contrats sont en passe d’être signés avec des pays lointains où les dirigeants, très riches par la grâce des ressources naturelles dont le sous-sol de leur territoire regorge, sont confrontés aux nombreux problèmes inhérents à une surpopulation engendrant pauvreté et conflits ethniques... c’est de l’une de ces régions que je reviens. J’y suis allé négocier le nouvel équipement que nous venons de mettre au point. Restant en contact permanent avec le directeur de mon cabinet, celui-ci m’a tenu au courant de l’évolution des effets positifs de cette expérience capitale… mais je parle, je parle jusqu’à la déshydratation… Didier, désirez-vous boire quelque chose ?

- Non, merci, Monsieur le Ministre. »

Le flic se dit qu’il a bien affaire au prototype du politicien. Jean Dorant emprunte le chemin des écoliers au lieu d’aller droit au but.

Le Ministre se sert un verre d’eau qu’il vide d’un trait.

«... Nous avons donc mis sur pied, avec la collaboration de nos plus éminents savants, un système d’élimination sournois, silencieux, mais terriblement efficace, qu’il fallait, bien entendu, tester. Pensez donc : la propagation d’un produit toxique qui ne laisserait aucune trace. Un de nos chercheurs, le professeur Hopplynus, a ainsi concocté un insecticide à l’échelle humaine dont voici la composition... »

Il tire un papier de sa poche sur lequel sont griffonnés quelques mots.

«... Du dichlorvos, ester phosphoré avec action anticholoinestérasque et du chlorure de méthylène. Des techniciens de premier choix, je vous ferai grâce des détails, ont donc expérimenté cette arme redoutable dans le bois du bol d’air. La mise en place de ce système sophistiqué a duré toute une nuit. Un laps de temps de cinq jours s’avérait nécessaire pour vérifier l’efficacité du produit. »

Leclebs est atomisé.

« Enfin, Monsieur le futur commissaire général de la PJ... si, si, j’y tiens plus que jamais… sachez que j’ai exigé que cette enquête soit menée par vos bons soins. Je m’étais souvenu qu’un éditorialiste vous avait joliment défini en une formule : fluctuat nec mergitur… vous le champion incontesté des affaires classées sans suite… alors, une de plus ! N’ayez crainte, le bon peuple se lassera vite, comme toujours. Aujourd’hui, il descend dans la rue, demain chacun vaquera à ses occupations quotidiennes. Pour résister à la pression immédiate, dites que, comme pour l’assassinat d’Albert Loos, le président du parti de l’opposition, l’affaire suit son cours. Sur ce, au revoir et merci, Monsieur le futur commissaire général de la PJ… »

 

Didier Leclebs et Jean Dorant se serrent la main. Finalement, la fatuité du premier s’accommode plutôt bien de l’orgueil du second.

Vanitas vanitatum et omnia vanitas... dirait Pol.

 

 

Alain Magerotte

Nouvelle extraite de "Tous les crimes sont dans la nature"

 

A. Magerotte Tous les crimes sont dans la nature

Publié dans Nouvelle

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Le chemin, un poème de Claude Colson

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

claude colson-copie-2

 

Le Chemin

Et tout comme le reste

Février a passé.

Au vingt-neuf, son rare zeste,

Il a tenté de s'accrocher.

 

En vain. Malgré la froidure,

Les brouillards du premier,

Soubresauts de morsure,

Présents en matinée,

 

Mars traîne avec lui

L'embellie attendue,

Dans le mot déjà, qui luit,

Telle une promesse, voire un dû.

 

Les frimas du matin

Devront céder la place

À la tiédeur d'un air fin

Que midi diffuse, en masse.

 

Et les oiseaux de criailler,

De piailler en tournoyant,

Un peu comme enivrés

Par lumière et douceur du vent.

 

Tout comme la nature

Demeure en évoluant,

Tu vis le temps qui dure

Et te meurs, chaque instant.

 

Claude Colson



http://claude-colson.monsite-orange.fr

Lena C. Colson

Publié dans Poésie

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