Deux cloche art... textes de Carl Chaboum, alias Carol Trottier
Lecture, écriture, une passion... Un partage... La littérature dans tous ses états !
ISBN 978-2-87459-592-9
Editions Chloé des lys
Voilà un autre livre que j'attendais... Après A un détail près dévoré en un clin d'oeil, Walter Macchi propose à ses lecteurs impatients La Vieille toujours édité aux Editions Chloé des lys.
Serait-ce un autre roman policier ? Clairement non.
Euh... Un roman historique, alors ? Non plus. Une histoire d'amour ? Et bien oui, d'amour et de haine, de bêtise, de mesquinerie et d'avidité, une étude de l'âme humaine sur une étude de cas... une histoire d'héritage, une histoire de famille, une histoire d'émancipation, et de découverte de la vie aussi.
Walter Macchi nous propose un journal intime, une tranche de vie et, quelque part, un parcours initiatique, celui de l'héroïne que le décès brutal de sa grand-mère précipite dans sa vie d'adulte.
Une écriture fluide, cinématographique, très naturelle qui colle aux personnages superbement croqués. Une histoire passionnante et très vivante qui fait sourire ou grincer des dents et jubiler à la fin ! Un livre et un talent à découvrir.
Christine Brunet
www.christine-brunet.com
www.aloys.me
www.passion-creatrice.com
Reviendras-tu ?
Au bout de la rue, cette lumière jaune des lampes tempête, cette joie, ces appels, ces chants, ces rires, c’est en effet le fleuve. Le Mékong. C’est un village de jonques. C’est le commencement du delta. De la fin du fleuve.
Je suis ici depuis mon premier jour, piétinant le bois humide d’un sampan, au milieu des fruits et des légumes du marché flottant. En attente. En attente de quelqu’un. De toi, je crois. De qui d’autre ?
Je te regarde.
Autour de moi, j’ai vu des sourires, et une alternance de vitesses et de lenteurs. J’ai grandi comme ça. Sans connaître le reste du monde. J’ignorais jusqu’où, vers quelles villes, vers quels pays, les eaux subtiles du Mékong conduisaient les poissons géants…Je savais qu’il existait des terres et des hommes dessus, quelque part, loin, plus loin. Tu viens de là-bas. On le dit. Je les crois, tous ces gens qui parlent de toi et de tes amis. Vous n’êtes pas les premiers. Sous cette chaleur humide.
Je te regarde.
Autour de moi, les hommes, les femmes, les enfants sont sur des planches qui flottent, des petits morceaux de bois qui se laissent vivre et mourir au gré des enfilades de gouttes de pluie. La pluie doit venir, tu comprends. Cette phrase, je l’entends mille fois par jour, la pluie doit venir. Le sort de milliers de familles est suspendu à ces gouttes de pluie. Qui viennent gonfler les eaux du grand fleuve aux couleurs de terres argileuses. Et quand elles rient trop et trop souvent, les eaux du fleuve se gonflent et dévastent toutes ces choses qui nous restent.
Je te regarde.
Les miens savent ce que tu cherches. Eux aussi ont cherché. Tu t’agites. Depuis des lunes. Combien au juste ? Dix lunes, vingt lunes, je l’ignore. Tu me parles parfois. Est-ce bien à moi que tu t’adresses ? Est-ce possible ? Je ne te comprends pas. Et toi, comprends-tu le sourire que je te glisse, entre deux murmures du vent ?
Tes gestes, je les connais par cœur, comme une chanson qui ne cesse de tourner dans la tête. Tu arrives tôt, le matin. Tu déposes sur la berge un grand sac de toile noire. Tu l’ouvres, tu plonges la main et tu en ressors une espèce de bouteille de plastique. Tu bois quelques gorgées. Tu observes le ciel, le soleil. Tu souffles des mots à tes amis. Eux aussi ont chacun un grand sac de toile qu’ils déposent tout à côté du tien. Ils traînent derrière eux, outre leur sac, un épais bagage monté sur roulettes, avec dedans des outils métalliques. Il n’y a que toi qui m’intéresses. Je ne sais pas pourquoi. Je me laisse tanguer. Par le fleuve. Par la vie. Personne ne s’occupe de moi, personne ne me voit, je suis transparente. A part toi, qui relèves la tête de temps en temps. De la berge, tu me vois, assise sur le plancher humide de ce sampan. Et tu me souris. Que vois-tu ? Quel reflet de moi te donnent tes yeux ?
Je te regarde.
Je sens soudain des doutes qui m’envahissent, des craintes qui se tortillent, dégoupillant mes poussières d’espoir. Et si le sampan filait ? C’est régulier, un sampan qui s’éloigne, plus loin. Ces marchés n’ont rien de statique. Une semaine par ici, une autre un peu plus loin. De ne plus te voir, de ne plus mesurer tes mouvements, je souffrirais. D’y penser, mon cœur cogne plus vite, je frissonne. Ton visage, c’est mon paysage, mon horizon.
La nuit, sous ma couverture de laine rouge, les paupières closes, je te cherche. Ton visage est loin, très loin. Je cherche tes traits, tes rides d’hommes, tes manies. Alors, j’aspire être demain. Pour te voir et enfin respirer. Et espérer, aussi.
Voilà, nous sommes demain. Nous sommes aujourd’hui. Les rayons du soleil sont en effervescence. Moi aussi. Dans quelques minutes, je le devine, tu seras là.
Tu vois, je ne me trompe pas. Te voilà, au milieu de ce groupe d’hommes. Je ne vois que toi. Pourrais-tu me dire le pourquoi, la raison pour laquelle c’est toi qui a attiré mon regard ?
Ton sourire. C’est ça, ton sourire. Tu as un sourire comme on en voit sur les dessins, dans les livres d’école. Un sourire bon. Et puis cette chemise. Chaque matin, une chemise propre. Vieille, chiffonnée, mais propre. Et puis ton pantalon, une espèce de jeans tout usé, rapiécé avec de multiples morceaux qui ressemblent à des poches. Peut-être que ce sont des poches, après tout. D’ici, on ne voit pas trop bien, tous ces rapiècements. Tu portes une large ceinture, je la devine en cuir. Tu ressembles à ces cow-boys, ceux qui s’acharnaient sur les bandits, pour recevoir les rançons. J’ai souvent vu ces scènes, dans les films américains. Toi aussi, d’une certaine façon, tu cours après les rançons.
Du moins, je l’imagine.
De te voir là, comme un dieu, entre le ciel et le long fleuve, je ressens quelque chose d’agréable qui me traverse. Avant toi, j’ignorais ces picotements dans ma poitrine, ces rougeurs que je sens monter en moi comme des feux. Mes doigts effleurent mes joues et je les devine colorées, déjà. J’ai conscience de vivre des journées dont je me souviendrai plus tard, quand tu seras reparti, quand je serai restée ici, au milieu de ces bruits, de ces gens, de ces jours difficiles.
Et toi, pendant tout ce temps que les pensées se chamaillent en moi et que mes interrogations s’engloutissent dans les eaux, trouves-tu ce que tu cherches ?
Des fleurs de lotus et quelques épices, voilà l’offrande que j’offre chaque matin. Pour toi. Je dépose ces espoirs sur une boîte en carton, tout près de ma couverture rouge. Mon désir, c’est d’allumer quelques bâtonnets d’encens. Mais je ne peux pas. Tu es mon secret. Tu dois le rester.
Les gens du village n’ont pas grande amitié envers toi et tes hommes. Juste ce qu’il faut de politesse, sans plus. Les eaux du fleuve appartiennent à tout le monde, pourtant. Et donc ce qu’on y trouve aussi. Je le croyais.
Il paraît que le soir, toi et tes hommes, vous descendez dans les bars, vous buvez des alcools, vous prenez des filles de chez madame Liu et vous les emmenez dans vos chambres. Est-ce vrai ? Et toi aussi, serais-tu comme un autre, comme tous les autres ? Je te sais différent. Tes yeux, je le devine, me disent que tu n’es pas comme ça, que tu es doux, toi.
J’entends ta voix, tu viens de crier quelques mots. Tes amis t’entourent. Ils crient aussi. Tous, vous vous mettez à genoux. Je ne te distingue plus. Tu es un parmi les autres. Un de tes amis lève son bras en agitant quelque chose de souple. Ah, oui, je vois, il vient d’enlever sa chemise et il fait de grands gestes. Il me semble que tous, vous vous réjouissez. Il se passe donc quelque chose d’important, sur les rives du Mékong. Ce matin. L’air est plus léger que d’habitude, il me semble. Ou bien est-ce cette joie que je perçois de vous, qui s’exalterait jusque sur mon visage. Les vents ondulent plus vite dans la bonne humeur, quand on croit aux sourires des étoiles.
Vos grands gestes et tous vos cris ameutent les gens des sampans. Ce n’est pas tous les jours qu’on entend des bruits de réjouissance, ici.
Tout à coup, je sens que j’étouffe. Je suffoque. Je ferme les yeux en grimaçant. La peur m’envahit. Mes prières auraient-elles été entendues ? Alors, pourquoi des frissons d’effroi assombrissent-ils mes pensées ?
J’ouvre les yeux et devant moi, là où toi et tes amis étaient tout heureux voici quelques secondes, je ne vois plus personne, plus rien, un creux dans le matin. Que les terres humides et vidées de leur trésor, je suppose.
Que ce fleuve me paraît mort, tout maintenant.
Le lendemain et le lendemain du lendemain, toi et tes amis n’êtes pas revenus. La journée entière, je regardais, j’attendais, j’espérais. J’avais faim et soif de toi. Je sentais mes membres qui se ramollissaient. Je ne voyais plus les fleurs de lotus, ni les couleurs du ciel, au-dessus du Mékong. Sans toi, je me sentais malade. La fièvre m’envahissait. Je ne regardais presque plus de ce côté-là du fleuve. C’est si vide sans ton visage et tes grands gestes, tous ces mouvements saccadés qui faisaient que tu étais toi. Et que je t’aimais, toi.
Et puis hier soir, tu étais là. Seul. Tu n’as pas dit grand-chose, tes yeux parlaient pour toi. A ma famille, tu as donné un petit sac rempli de pépites d’or. Ils ont pris ce troc, en silence.
A moi non plus, tu n’as pas dit grand-chose…C’est comme si entre nous s’étaient glissées des réponses, des certitudes, et que durant tous ces jours passés à nous regarder, nous avions fait connaissance. Toi et moi.
Ma couverture rouge, je l’ai emportée. J’ai laissé les fleurs de lotus et les épices, sur le tout petit autel devant lequel je déposais toutes mes espérances.
Tu m’as souri. Le fleuve a remué plus fort que d’habitude. Un signe, sans doute. Et puis tous les deux, on est partis. Tu avais de l’or, tu m’avais aussi, moi. J’ai levé la tête. Juste pour regarder le ciel.
Carine-Laure Desguin
http://carinelauredesguin.over-blog.com/
( Texte écrit pour un concours ; les premières lignes d’un roman de Marguerite Duras étaient données ; il s’agissait d’imaginer une suite )
Reviendras-tu ?
Au bout de la rue, cette lumière jaune des lampes tempête, cette joie, ces appels, ces chants, ces rires, c’est en effet le fleuve. Le Mékong. C’est un village de jonques. C’est le commencement du delta. De la fin du fleuve.
Je suis ici depuis mon premier jour, piétinant le bois humide d’un sampan, au milieu des fruits et des légumes du marché flottant. En attente. En attente de quelqu’un. De toi, je crois. De qui d’autre ?
Je te regarde.
Autour de moi, j’ai vu des sourires, et une alternance de vitesses et de lenteurs. J’ai grandi comme ça. Sans connaître le reste du monde. J’ignorais jusqu’où, vers quelles villes, vers quels pays, les eaux subtiles du Mékong conduisaient les poissons géants…Je savais qu’il existait des terres et des hommes dessus, quelque part, loin, plus loin. Tu viens de là-bas. On le dit. Je les crois, tous ces gens qui parlent de toi et de tes amis. Vous n’êtes pas les premiers. Sous cette chaleur humide.
Je te regarde.
Autour de moi, les hommes, les femmes, les enfants sont sur des planches qui flottent, des petits morceaux de bois qui se laissent vivre et mourir au gré des enfilades de gouttes de pluie. La pluie doit venir, tu comprends. Cette phrase, je l’entends mille fois par jour, la pluie doit venir. Le sort de milliers de familles est suspendu à ces gouttes de pluie. Qui viennent gonfler les eaux du grand fleuve aux couleurs de terres argileuses. Et quand elles rient trop et trop souvent, les eaux du fleuve se gonflent et dévastent toutes ces choses qui nous restent.
Je te regarde.
Les miens savent ce que tu cherches. Eux aussi ont cherché. Tu t’agites. Depuis des lunes. Combien au juste ? Dix lunes, vingt lunes, je l’ignore. Tu me parles parfois. Est-ce bien à moi que tu t’adresses ? Est-ce possible ? Je ne te comprends pas. Et toi, comprends-tu le sourire que je te glisse, entre deux murmures du vent ?
Tes gestes, je les connais par cœur, comme une chanson qui ne cesse de tourner dans la tête. Tu arrives tôt, le matin. Tu déposes sur la berge un grand sac de toile noire. Tu l’ouvres, tu plonges la main et tu en ressors une espèce de bouteille de plastique. Tu bois quelques gorgées. Tu observes le ciel, le soleil. Tu souffles des mots à tes amis. Eux aussi ont chacun un grand sac de toile qu’ils déposent tout à côté du tien. Ils traînent derrière eux, outre leur sac, un épais bagage monté sur roulettes, avec dedans des outils métalliques. Il n’y a que toi qui m’intéresses. Je ne sais pas pourquoi. Je me laisse tanguer. Par le fleuve. Par la vie. Personne ne s’occupe de moi, personne ne me voit, je suis transparente. A part toi, qui relèves la tête de temps en temps. De la berge, tu me vois, assise sur le plancher humide de ce sampan. Et tu me souris. Que vois-tu ? Quel reflet de moi te donnent tes yeux ?
Je te regarde.
Je sens soudain des doutes qui m’envahissent, des craintes qui se tortillent, dégoupillant mes poussières d’espoir. Et si le sampan filait ? C’est régulier, un sampan qui s’éloigne, plus loin. Ces marchés n’ont rien de statique. Une semaine par ici, une autre un peu plus loin. De ne plus te voir, de ne plus mesurer tes mouvements, je souffrirais. D’y penser, mon cœur cogne plus vite, je frissonne. Ton visage, c’est mon paysage, mon horizon.
La nuit, sous ma couverture de laine rouge, les paupières closes, je te cherche. Ton visage est loin, très loin. Je cherche tes traits, tes rides d’hommes, tes manies. Alors, j’aspire être demain. Pour te voir et enfin respirer. Et espérer, aussi.
Voilà, nous sommes demain. Nous sommes aujourd’hui. Les rayons du soleil sont en effervescence. Moi aussi. Dans quelques minutes, je le devine, tu seras là.
Tu vois, je ne me trompe pas. Te voilà, au milieu de ce groupe d’hommes. Je ne vois que toi. Pourrais-tu me dire le pourquoi, la raison pour laquelle c’est toi qui a attiré mon regard ?
Ton sourire. C’est ça, ton sourire. Tu as un sourire comme on en voit sur les dessins, dans les livres d’école. Un sourire bon. Et puis cette chemise. Chaque matin, une chemise propre. Vieille, chiffonnée, mais propre. Et puis ton pantalon, une espèce de jeans tout usé, rapiécé avec de multiples morceaux qui ressemblent à des poches. Peut-être que ce sont des poches, après tout. D’ici, on ne voit pas trop bien, tous ces rapiècements. Tu portes une large ceinture, je la devine en cuir. Tu ressembles à ces cow-boys, ceux qui s’acharnaient sur les bandits, pour recevoir les rançons. J’ai souvent vu ces scènes, dans les films américains. Toi aussi, d’une certaine façon, tu cours après les rançons.
Du moins, je l’imagine.
De te voir là, comme un dieu, entre le ciel et le long fleuve, je ressens quelque chose d’agréable qui me traverse. Avant toi, j’ignorais ces picotements dans ma poitrine, ces rougeurs que je sens monter en moi comme des feux. Mes doigts effleurent mes joues et je les devine colorées, déjà. J’ai conscience de vivre des journées dont je me souviendrai plus tard, quand tu seras reparti, quand je serai restée ici, au milieu de ces bruits, de ces gens, de ces jours difficiles.
Et toi, pendant tout ce temps que les pensées se chamaillent en moi et que mes interrogations s’engloutissent dans les eaux, trouves-tu ce que tu cherches ?
Des fleurs de lotus et quelques épices, voilà l’offrande que j’offre chaque matin. Pour toi. Je dépose ces espoirs sur une boîte en carton, tout près de ma couverture rouge. Mon désir, c’est d’allumer quelques bâtonnets d’encens. Mais je ne peux pas. Tu es mon secret. Tu dois le rester.
Les gens du village n’ont pas grande amitié envers toi et tes hommes. Juste ce qu’il faut de politesse, sans plus. Les eaux du fleuve appartiennent à tout le monde, pourtant. Et donc ce qu’on y trouve aussi. Je le croyais.
Il paraît que le soir, toi et tes hommes, vous descendez dans les bars, vous buvez des alcools, vous prenez des filles de chez madame Liu et vous les emmenez dans vos chambres. Est-ce vrai ? Et toi aussi, serais-tu comme un autre, comme tous les autres ? Je te sais différent. Tes yeux, je le devine, me disent que tu n’es pas comme ça, que tu es doux, toi.
J’entends ta voix, tu viens de crier quelques mots. Tes amis t’entourent. Ils crient aussi. Tous, vous vous mettez à genoux. Je ne te distingue plus. Tu es un parmi les autres. Un de tes amis lève son bras en agitant quelque chose de souple. Ah, oui, je vois, il vient d’enlever sa chemise et il fait de grands gestes. Il me semble que tous, vous vous réjouissez. Il se passe donc quelque chose d’important, sur les rives du Mékong. Ce matin. L’air est plus léger que d’habitude, il me semble. Ou bien est-ce cette joie que je perçois de vous, qui s’exalterait jusque sur mon visage. Les vents ondulent plus vite dans la bonne humeur, quand on croit aux sourires des étoiles.
Vos grands gestes et tous vos cris ameutent les gens des sampans. Ce n’est pas tous les jours qu’on entend des bruits de réjouissance, ici.
Tout à coup, je sens que j’étouffe. Je suffoque. Je ferme les yeux en grimaçant. La peur m’envahit. Mes prières auraient-elles été entendues ? Alors, pourquoi des frissons d’effroi assombrissent-ils mes pensées ?
J’ouvre les yeux et devant moi, là où toi et tes amis étaient tout heureux voici quelques secondes, je ne vois plus personne, plus rien, un creux dans le matin. Que les terres humides et vidées de leur trésor, je suppose.
Que ce fleuve me paraît mort, tout maintenant.
Le lendemain et le lendemain du lendemain, toi et tes amis n’êtes pas revenus. La journée entière, je regardais, j’attendais, j’espérais. J’avais faim et soif de toi. Je sentais mes membres qui se ramollissaient. Je ne voyais plus les fleurs de lotus, ni les couleurs du ciel, au-dessus du Mékong. Sans toi, je me sentais malade. La fièvre m’envahissait. Je ne regardais presque plus de ce côté-là du fleuve. C’est si vide sans ton visage et tes grands gestes, tous ces mouvements saccadés qui faisaient que tu étais toi. Et que je t’aimais, toi.
Et puis hier soir, tu étais là. Seul. Tu n’as pas dit grand-chose, tes yeux parlaient pour toi. A ma famille, tu as donné un petit sac rempli de pépites d’or. Ils ont pris ce troc, en silence.
A moi non plus, tu n’as pas dit grand-chose…C’est comme si entre nous s’étaient glissées des réponses, des certitudes, et que durant tous ces jours passés à nous regarder, nous avions fait connaissance. Toi et moi.
Ma couverture rouge, je l’ai emportée. J’ai laissé les fleurs de lotus et les épices, sur le tout petit autel devant lequel je déposais toutes mes espérances.
Tu m’as souri. Le fleuve a remué plus fort que d’habitude. Un signe, sans doute. Et puis tous les deux, on est partis. Tu avais de l’or, tu m’avais aussi, moi. J’ai levé la tête. Juste pour regarder le ciel.
J’ai consacré ma vie à ma famille avant de me mettre à écrire vers trente-cinq, trente-six ans, participant à des concours, souvent primée, sans être publiée pour autant. Romans, nouvelles, contes, poèmes, essais, pièces de théâtre, humour et textes pour enfants. – Pour le détail des œuvres, distinctions, publications, activités et autres infos – et le poème de la semaine, vous pouvez consulter mon site : www.fable.be
Je suis membre de l’AEB, membre du conseil d’administration et secrétaire de l’AREAW, membre du Grenier Jane Tony.
Je fais des comptes-rendus de livres pour le Reflets Wallonie-Bruxelles.
J’interviewe des auteurs et présente leurs livres à la Maison des Ecrivains ou au Grenier Jane Tony.
Il m’arrive d’être moi-même membre de jury pour des concours (l’autre côté de la barrière !)
Je suis également lectrice bénévole pour la Ligue Braille et membre d’Help Animals.
J’apporte aussi mon aide à la correction de textes d’étudiants ou autres.
J’ai publié quelques trucs, souvent suite à des prix remportés lors de concours.
Pour les œuvres en solitaire :
- Un roman, Carambole du diable (éd. Société des Ecrivains)- Prix Rotary
- Un recueil de poèmes, Femmes en souffrance (éd. Le Coudrier) – Prix Delaby
- Un recueil de haïkus, Sur les ailes des lucioles (éd. du Cygne)
Pour les œuvres en collectif de lauréats, des contes et des nouvelles. Par exemple :
* Le dernier papillon
* Un amour de papier – Prix de Belgique Loisirs
* La petite sorcière de la colline
* Le crabe et la poupée
* La nuit d’Ophélie
* L’avis du chat – Prix Louis Delattre
* Et vous encore mineurs… -Prix de la Revue générale
* Le loup qui avait peur de son ombre
* Drame au château des Dames – Prix de la Nouvelle historique
* Le jour de la marelle
* Bambolina
* Nuit et jour
* Etangs noirs – Prix du Parlement francophone bruxellois
* Alarme à l’œil – Publié chez Luce Wilquin
* A quoi tient le destin
* L’oiseau-mouche
Et beaucoup de poèmes lauréats publiés en recueils collectifs ou anthologies.
J’ai aussi publié moi-même en quelques exemplaires des recueils de contes et de nouvelles, nouvelles érotiques, nouvelles à suspense… qui n’attendent que le bon plaisir d’un éditeur pour s’épanouir au soleil du public !
Je vais publier chez Chloé des Lys un ouvrage parlant de l’école au début du XXe siècle, sous forme de fiction romanesque - (Ecole et coquelicots ). Cela s’adresse aux jeunes comme aux moins jeunes.
Le rêve serait de voir publier mes œuvres passées, présentes et à venir !!
La grosse difficulté est de se faire connaître et de se faire reconnaître. Tant qu’on n’est pas édité, on n’est pas lu, ou si peu ! Et quand on n’est pas connu, on a peu de chances de se voir édité ! Cercle vicieux. Il faut continuer à chanter comme une cigale tout en travaillant comme une fourmi. Mais il est bien difficile de faire sa promotion soi-même ! On a l’air de se vanter, pire, de se vendre. C’est plus logique de se voir encensé et poussé en avant par l’éditeur ou par les critiques littéraires. Mais pour cela, il faut être édité et diffusé. On tourne en rond !
SECRETS DE FAMILLE
Chaque mercredi après-midi, Lina gardait Théo, son petit-fils. Elle mettait à profit ce temps pour aller se promener dans les campagnes avec lui et lui apprendre les noms des arbres, des oiseaux et des fleurs sauvages ainsi que pour ramasser l'un ou l'autre plume, l'une ou l'autre feuille dont ils feraient des bricolages, les jours de mauvais temps.
Ce mercredi-là, alors qu'ils avaient, comme à leur habitude, emprunté un chemin de traverse, ils virent une bête blanche de forme allongée se diriger vers une fermette isolée au milieu des prés. Depuis le décès de son dernier occupant, Jules Martin, elle était à vendre et personne n'en voulait. Qui, en effet, aurait voulu de cette bâtisse qui nécessitait un sérieux travail de restauration et n'était accessible que par un sentier ?
D'un regard, la femme et l'enfant se comprirent… Ils suivirent l'animal. Celui-ci avançait vite, bien trop vite pour que Théo et Lina puissent le suivre. Mais ils l'avaient suivie des yeux et ce qui était sûr, c'est que la bête était allée jusque la fermette. Lina se contenta d'expliquer : "On dirait une sorte de belette si ce n'était cette longue queue et ce pelage tellement blanc… Vraiment, Théo, il faudra qu'on regarde dans mon gros livre."
Lorsqu'ils atteignirent le seuil de la maison, la femme et l'enfant constatèrent que la porte d'entrée était entrebâillée. Lina la poussa un peu… Théo qui serrait la main de sa grand-mère, laissa échapper un cri d'admiration lorsqu'une bête blanche s'approcha de lui et le regarda de ses petits yeux bruns. Des voix se faisaient entendre. Pas de doute, Lina reconnut celle de Jules et de Mariette, son épouse. Animée par la curiosité et au mépris de toute prudence, elle poussa plus encore la porte et vit. Il n'y avait aucun être humain mais quantité de bêtes blanches installées sur le manteau de la cheminée, les vieux bancs et la vieille table et qui parlaient entre elles.
Dans le rocking-chair, il n'y avait qu'une seule bête. Et cette bête dont la voix ressemblait tellement à celle de Jules, c'était elle qui tenait le crachoir. Elle parlait du passé, racontait des secrets de famille, détaillant qui parmi ses ancêtres avait fait de la résistance, qui avait joué aux dés, qui s'était amouraché d'une servante. Et la bête installée sur le coin de feu, celle qui avait la voix de Mariette se contentait d'approuver d'un sempiternel : "C'est bien vrai…".
Théo lâcha la main de sa grand-mère et fit un pas vers la bête la plus proche mais Lina le retint. Elle l'entraîna vers le dehors, repoussa la porte et l'emmena sur le sentier. Théo ne cessait de dire : "Oh les jolies bêtes. On aurait pu en ramener une chez toi, Mamy…"
Lina répondit : "C'est impossible, mon trésor, ce sont des bêtes sauvages. Dis, tu les as entendues ?"
"Oui, Mamy, on aurait dit qu'elles ronronnaient comme Minou, chez Tatie…"
Lina n'en demanda pas davantage. Sans doute, le long monologue entendu n'était-il que l'œuvre de son imagination. En rentrant chez elle, elle sortit l'album de photos et le parcourut avec l'enfant. Elle commenta qui était vraiment tonton Henri parti un jour tenter sa chance à Paris et détailla aussi qui était telle et telle personne qui avait fait de mauvaises affaires, était morte au combat ou avait eu une passion secrète.
Des mois plus tard, la fermette fut vendue, puis rasée. On construisit un chemin menant du terrain à la grand-route. On bâtit une villa. Plus jamais, Lina et Théo ne rencontrèrent de bêtes à la fourrure blanche dans la campagne avoisinante.
Micheline Boland
Son site : http://homeusers.brutele.be/bolandecrits/
Son blog : http://micheline-ecrit.blogspot.com/
L'étoile magique est un joli conte pour enfants que les adultes liront aussi avec beaucoup de plaisir, comme ce fut mon cas. On y retrouve les ingrédients traditionnels : le mystère, la magie, la tendresse, l'humour et l'émotion. Le tout, habilement dosé par l'auteur. Pas facile pourtant d'écrire pour la jeunesse ! Je m'y suis essayée sans grand succès. Philippe Desterbecq a, quant à lui, su relever le défi avec talent.
L'histoire débute dans la chambre du héros, un jeune garçon de dix ans surnommé Pierrot, qui vient de se voir offrir des lunettes astronomiques pour son anniversaire. Il est loin de se douter que le cadeau dont il rêvait depuis longtemps va lui faire vivre des aventures extraordinaires. Car, avec sa longue vue, Pierrot découvre une étoile magique grâce à laquelle il a la possibilité de réaliser sept voeux : Tout à coup, Pierrot découvrit une étoile dont il n'avait jamais entendu parler. C'était une étoile particulière, à 7 branches et qui brillait d'un curieux éclat. Il l'observa longuement, se demandant de quel astre il pouvait bien s'agir. Il ne se souvenait pas avoir lu quoi que ce soit à son sujet.
Des pouvoirs dont il n'a d'abord pas conscience, et que Jojo, son meilleur ami, se charge de lui révéler. A partir de cet instant, tout devient clair dans la tête de l'enfant. C'est bien lui qui a rendu son père muet et qui est responsable de la métamorphose de son instituteur : Les enfants médusés assistèrent à une étrange transformation de leur maître d'école. En quelques minutes, sa figure n'était plus qu'un énorme bouton. Plus un centimètre carré de sa peau n'était lisse et nu. Constrastant avec la couleur rouge de son visage, son crâne chauve luisait au soleil. Des cheveux recouvraient ses épaules et son bureau. En l'espace de quelques minutes, Monsieur Ansiau était devenu Frankenstein !
Avec cette étrange étoile, n'importe quel souhait est donc exhaussé. Comment ne pas profiter de l'aubaine ! Béret bleu, le surveillant de l'école, sera la prochaine victime. Pour avoir osé punir Lulu, le frère de Pierrot, il deviendra aussi poilu qu'un singe ! Quant à Monsieur Cournebuche, remplaçant de Monsieur Ansiau, il devra affronter une bande de garnements invisibles ! De quoi faire tourner le pauvre homme en bourrique. Après les bêtises, il faudra tout de même penser à se racheter. Pierrot n'y manquera pas et l'histoire se terminera donc comme il se doit.
J'ai suivi avec bonheur les tribulations de ce jeune héros sympathique et espiègle auquel de nombreux petits diables pourront s'identifier. C'est bien écrit, c'est drôle et les chapitres s'enchaînent à merveille. Alors, si vous avez gardé votre âme d'enfant ou si vous souhaitez faire plaisir à un petit garçon ou à une petite fille, n'hésitez pas à commander le livre de Philippe.
Philippe Desterbecq est également l'auteur d'un recueil de nouvelles intitulé "Textes et nouvelles de moi" paru aux éditions Elzévir. C'est aussi un excellent photographe et un amoureux de la nature comme vous pourrez le constater si vous vous rendez sur ses blogs :
http://philippedester.canalblog.com/
http://philibertphotos.over-blog.com/
http://phildes.canalblog.com/
CONTE D’HIVER
Réveillez-vous Seigneur Hiver !
Votre ami Blizzard frappe à la porte de votre château. Bise l’accompagne, pour vous ramener ici d’un baiser piquant sur vos lèvres gelées.
Venez, Sire, votre règne est arrivé !
La dernière feuille a été emportée par les vents de Dame Automne.
Le sol s’est refermé et est entré en méditation.
Réveillez-vous Seigneur Hiver !
Sortez de vos coffres les neiges immaculées, polissez les glaces, affûtez les vents, convoquez les tempêtes, vérifiez les éclairs, ne laissez rien aux mains de l’incontrôlable Hasard , ce troubadour faiseur de pétards mouillés et de vents qui tournent mal.
Que votre règne soit impitoyable ! Et que jamais ne parviennent à vos royales oreilles les mots offensants : « L’hiver est doux cette année ».
Prenez, Majesté, les clés que Blizzard a arrachées des mains de votre cousine, la reine Automnia. Regardez-la s’enfuir épouvantée, dans son carrosse aux couleurs rutilantes…
Les bruits de couloirs glacés vous conteront, Sire, que votre cousine s’est laissée séduire par un bel été indien… écoutez les portes qui claquent vous raconter qu’il y eut plus de soleil que d’ondées, plus de chants d’oiseaux que de bises mouillées…
Ridicule ! dites-vous ?
Il semblerait pourtant, selon mes sources encore vives, que ce fut très apprécié par toutes les créatures vivantes…
Lors de vos inspections des forêts, chaque craquement de bois vous contera les charmants détails de cette idylle , vantera le charme de cet indien qui a embrasé les rousseurs de sa belle…
Non, non, ne me raccompagnez pas, Sire, je sors !
Silvana Minchella
CONTE D’HIVER
Réveillez-vous Seigneur Hiver !
Votre ami Blizzard frappe à la porte de votre château. Bise l’accompagne, pour vous ramener ici d’un baiser piquant sur vos lèvres gelées.
Venez, Sire, votre règne est arrivé !
La dernière feuille a été emportée par les vents de Dame Automne.
Le sol s’est refermé et est entré en méditation.
Réveillez-vous Seigneur Hiver !
Sortez de vos coffres les neiges immaculées, polissez les glaces, affûtez les vents, convoquez les tempêtes, vérifiez les éclairs, ne laissez rien aux mains de l’incontrôlable Hasard , ce troubadour faiseur de pétards mouillés et de vents qui tournent mal.
Que votre règne soit impitoyable ! Et que jamais ne parviennent à vos royales oreilles les mots offensants : « L’hiver est doux cette année ».
Prenez, Majesté, les clés que Blizzard a arrachées des mains de votre cousine, la reine Automnia. Regardez-la s’enfuir épouvantée, dans son carrosse aux couleurs rutilantes…
Les bruits de couloirs glacés vous conteront, Sire, que votre cousine s’est laissée séduire par un bel été indien… écoutez les portes qui claquent vous raconter qu’il y eut plus de soleil que d’ondées, plus de chants d’oiseaux que de bises mouillées…
Ridicule ! dites-vous ?
Il semblerait pourtant, selon mes sources encore vives, que ce fut très apprécié par toutes les créatures vivantes…
Lors de vos inspections des forêts, chaque craquement de bois vous contera les charmants détails de cette idylle , vantera le charme de cet indien qui a embrasé les rousseurs de sa belle…
Non, non, ne me raccompagnez pas, Sire, je sors !
![]() Elle m’énerve, elle m’énerve ! C’est le deuxième bouquin que je lis d’elle et ça poisse les mains ! L’émotion suinte par toutes les pages, ça coule à mes pieds… moi qui ai horreur d’étaler mes sentiments et pourtant… hé bien je lis, je lis d’une traite, sans m’arrêter, en gribouillant fiévreusement des commentaires et des signes cabalistiques sur les 200 pages du livre. Comme d’habitude chez Céline, l’ histoire tient en quelques mots. C’est pas ça l’important. Comme d’habitude les personnages n’ont quasi pas de nom ni de passé. Seuls importent les sentiments, les émois, les vibrations et soupirs qu’elle décortique minute après minute, heure après heure… en démontant les ressorts psychologiques de son héroïne avec une telle minutie de détails qu’on se demande si en fin de compte, elle ne raconte pas sa propre vie. C’est pas possible d’être si juste ! Elle s’appelle Chloe, elle a vingt ans et tient un journal pour passer le temps qui s’étire et s’étire dans la clinque psychiatrique où on l’a placée. Pourquoi, comment, suite à quoi ? Peu importe. |
Elle habite un placard de 4 m² avec une fenêtre qui ne s’ouvre pas et donne sur une grande route où elle peut suivre les allées et venues des petites boites de métal qui vont quelque part. Car elle, elle reste immobile. Tous les jours se ressemblent. Elle n’a pas de futur.
Tout est blanc, les murs, le plafond, le lit et les fourmis qui font claquer leurs sabots sur l’autoroute du couloir et apparaissent deux fois par jour pour déposer sur un meuble blanc un plateau qu’elle ne mangera pas, car elle est anorexique et pèse trente ou trente-cinq kilos toute mouillée. Aucun contact. Ces infirmières lui font peur et sont trop occupées…
Il y a Clochette (parce qu’elle sourit et frappe à la porte avant d’entrer), Bulldog, Sœur Soupir et le docteur Caramel (rapport au parfum de son thé) qu’elle va consulter de temps à autre (attention, toujours sauter un carrelage sur deux pour conjurer le sort) pour s’entendre poser la même question… « Et alors, Chloe, comment ça se passe aujourd’hui ? »
Il y a aussi Nestor, une peluche de son enfance qu’elle a perdue en cours de vie, mais qu’elle remplace par un bout de drap de lit ou d’oreiller et serre très fort contre son cœur.
Il y a enfin quelques autres patients aussi silencieux et enfermés dans leur tête qu’elle, mais avec qui elle échange des regards. Que soit dans la partie du parc où les plantes ne sont pas politiquement correctes ou à l’atelier de mosaïques : Thomas qui compose de grands tableaux représentant des volcans et des galaxies. Paula au sourire troué, qui est déjà passé sur l’autre rive, trimballe un grand sac dans lequel elle enfourne toutes sortes d’objets hétéroclites et occupe une bonne partie de sa journée à regarder Sisyphe, un hamster, tourner à toute vitesse dans la roue en bois de sa cage.
Ah j’oubliais… Van Gogh, un chat pouilleux couvert de cicatrices qui traîne dans les buissons…
C’est tout ? Oui.
Mais alors il ne se passe rien ?
Si, tout le temps. Mais ça se déroule à l’intérieur de leurs têtes, il faut fermer les yeux pour le voir ou avoir une sensibilité exacerbée, au delà des normes, pour s’en apercevoir.
Parfois ça débouche quand même sur le monde des fourmis. Lorsque Chloe enlève les lamelles du store de sa fenêtre pour fabriquer un grand oiseau (qu’elle retrouvera dans le container derrière l’hôpital), ou se coupe les cheveux pour attirer l’attention du docteur Caramel qui ne s’en rendra même pas compte… « Et alors, Chloe, comment ça se passe aujourd’hui ? »
Et enfin, deux ou trois évènements dérangeants que je ne vous révèlerai pas, pour ménager le suspense…
Et ça se termine, comme toujours chez Céline, sans vraiment clore la boucle. Parce que la vie continue et se fiche de nos petites personnes.
« Autrefois j’ai vu un film qui s’appelait ‘un jour sans fin’. Ce jour était le 2 février, jour de la Chandeleur où l’on fête la marmotte en Amérique du Nord. Selon la tradition, ce jour-là, on doit observer l’entrée du terrier d’une marmotte. Si elle émerge et ne voit pas son ombre parce que le temps est nuageux, l’hiver finira bientôt. Par contre si elle voit son ombre parce que le temps est lumineux et clair, elle sera effrayée et se réfugiera de nouveau dans son trou et l’hiver continuera pendant six semaines supplémentaires. »
C’est très très fort. Poignant. Ecrit avec des phrases courtes et choquantes, d’autant plus dures qu’on sent l’infinie, que dis-je, l’infinitésimale besoin de tendresse qui sourd de ce troupeau d’aveugles volontaires qu’on enferme dans des boîtes blanches parce qu’on ne sait pas quoi en faire.
Je vous le dis comme je le pense. Céline est une des auteurs les plus originales que j’aie lus depuis que je suis chez Chloe des Lys. C’est une grande… et j’attends déjà son troisième roman avec gourmandise et un peu d’angoisse.
Bob Boutique
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