Carine-Laure Desguin nous propose le poème 24 du recueil : Le vieux de la zéro/vingt-trois
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24
un nuage de lait
avance les bras
cogne les bords
de
la tasse de café
tout autour du nuage
de ses flancs cotonneux
et chauds
des voyages en Afrique
épices et parfums exotiques à gogo
suspendent le quotidien
du vieux de la zéro /vingt-trois
Alger et sa casba
Delacroix et ses femmes
aux chaires orientales
il aime tout ça
le vieux qui n’oublie rien
respirer l’aventure
et se reposer sous le palmier
d’une oasis
l’attente déjà
Carine-Laure Desguin
In recueil Le vieux de la zéro/vingt-trois
Christine Brunet a lu "La septième vague" de Gauthier Hiernaux
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La septième vague
Voilà longtemps que je n’avais pas lu du « Gauthier Hiernaux » : son style est toujours aussi précis, imagé. Ses personnages sont inhumains, à la recherche de quelque chose qu’ils ont perdu : le bonheur et la liberté.
Ce recueil de huit nouvelles plutôt courtes nous présente un panel de héros plutôt « gris »… vous voyez, de ces êtes sans volonté propres, manipulables à souhait, mesquins juste ce qu’il faut, idiots juste ce qu’il faut également pour se retrouver dans des situations inextricables.
L’auteur jette un œil acéré voire acide sur notre monde, ses travers, son possible devenir et nous propose une galerie de portraits qui interpelle le lecteur plongé dans une ambiance pesante, où le calcul prime sur tout le reste. Il nous décrit des Humains qui sont « tombés sur la tête », bousculés par les effets pervers de décisions a priori logiques, raisonnables, responsables même qui se révèlent a posteriori mortifères.
Quelle(s) société(s) de cauchemar ! J’en frissonne encore. Gauthier Hiernaux aborde des thèmes d’actualité comme le Covid et ses confinements, l’écologie poussée à son paroxysme, le « non-choix » de vie au sein d’une société sclérosée, dévoyée : Ces Humains ne vivent pas, ils survivent.
Le lecteur se sent oppressé, surveillé, manipulé… On est horrifié, choqué… On se dit que ce futur ne peut être le nôtre… Quoique…
Christine Brunet
www.christine-brunet.com
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Carine-Laure Desguin nous propose une nouvelle " Ils se sont tant aimés"
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Ils se sont tant aimés
Son miroir lui renvoie l’image d’un visage transparent hyper-fatigué, des cernes lui tombent jusqu’à mi-joues et il lui semble que de jour en jour, les rides se multiplient et creusent de véritables sillons juste là, sur le front. Marjolaine Laviolette est épuisée. Vaisselle, nettoyage de l’appart, lessives, repassage, etc. Et, lorsque son Pino Lapipe sent monter en lui un désir irrésistible, bien souvent trois fois par jour juste au moment où sa belle remplit le barboteur de l'oxyconcentrateur, c'est obligation sine qua non de passer à la casserole. Ce qui se traduit par changer la protection urinaire du Pino, l'aider à s’extirper de sa chaise roulante, allonger sa carcasse décharnée sur le divan du salon et puis pom pom pom pom. Marjolaine en a ras-le-bol de tout ce cirque qui n'en finit pas. Plus de dix ans que le Pino est dans cet état cadavérique. Depuis ce jeudi de l’Ascension où cette garce de Rosarosarosam a sectionné les freins du Solex de son amant. Pino et son engin ont alors traversé la rambarde du pont des Amourettes et se sont écrasés contre la proue d’une péniche de passage. Aujourd’hui, Marjolaine se dit que Rosarosarosam devait elle aussi en avoir marre des folies sexuelles du Pino. Et si sa maîtresse ne le supportait plus, mettez-vous à la place de l’officielle …
On annonce une météo du tonnerre, trente degrés à l’ombre. Idéal pour se payer une journée à la mer et profiter de la douceur d’une brise marine. Marjolaine se met donc sur son trente et un. Maquillage à outrance, parfum à gogo, minijupette, tee-shirt ultra-collant et talons-aiguilles.
- Tu me quittes ? demande Pino, l’air inquiet.
- Oui Pino, je pars.
- Et ma bouffe ?
- Tout est prêt mon amour. Tu allumes le micro-ondes, tu attends
dix minutes et tu sors le plat. Ensuite, seul devant ton assiette, tu dégustes. C’est le reste des spaghetti bolo d’hier soir, continue Marjolaine sur un ton dégagé. Elle s’attend à une scène de ménage et est décidée à ne pas céder.
- Et ma gnôle ?
- La bouteille est là sur la table et le verre est tout à côté.
- Et si je pisse et que je …
- Tu appelles l’infirmière et tu essaies de ne pas la violer. Les douze précédentes ont capitulé, rappelle-toi mon amour.
- Je te préviens, Marjolaine, si tu me quittes, tu ne me reverras jamais !
- Alors je te quitte, rétorque Marjolaine en ricanant. Et elle sort en prenant soin de claquer la porte avec tout ce qu’il lui reste de force.
Une heure plus tard, Marjolaine est assise dans le train. En première car après tout, elle le vaut bien. Elle a pris soin de subtiliser la carte bancaire du Pino. Pour tous les services rendus, il lui doit bien ça. Les paysages défilent et Marjolaine ressent une profonde sérénité l’envahir. Il y a bien longtemps qu’elle n’avait plus vécu une telle plénitude.
Arrivée à Ostende la touriste d’un jour se paie un p’tit-dèj de reine à l'hôtel Burlington. Trois fois elle se colore les lèvres d'un rouge éclatant. Un charmant monsieur très BCBG ne cesse de la lorgner. Elle lui plaît. Ah comme c'est beau de se sentir aimée pour ce qu’on est vraiment, une femme belle et désirable.
Cette journée est un cadeau, un gros bonbon en sucre d’orge. Ah quelles heures de réel bonheur ! La promenade sur la digue, la tomate-crevettes au casino, et tutti quanti. Déjà le soir arrive et Marjolaine se résigne à rentrer.
À cent mètres de chez elle, elle aperçoit gyrophares, combi de police, ambulance et tout le toin-toin. Angoissée, elle accélère le pas. Oui, tous ces machins sont garés devant chez elle. Elle devine sur la civière le corps de son Pino. Elle court et hurle, Oh non, pas toi, mon Pino d’amour. Elle s’évanouit et lorsqu’elle ouvre les yeux, elle se retrouve allongée sur le divan « aux souvenirs ». Une infirmière lui explique les circonstances et la réconforte. Un flic s’excuse, il est obligé de lui poser quelques questions d’usage. Mais il en est certain, c’est une mort inopinée. C’est l’infirmière qui a découvert le corps gisant par terre, raide mort. À ces mots ravageurs, Marjolaine feint un second évanouissement en murmurant, Pinoooo, mon Pinoooo.
- Madame Marjolaine, madame Marjolaine, souhaitez-vous que je reste avec vous ce soir ? La situation est tellement pénible. Je compatis.
- Merci Mirabelle, ça ira, merci, répond Marjolaine, bien certaine d’assumer.
Une fois tout ce petit monde sorti de l’appart, Marjolaine ramassa illico mais néanmoins du bout des doigts assiette, plat et couverts. Elle plongea toute cette vaisselle dans une bassine d’eau et ajouta une belle rasade d’eau de Javel.
En ce qui concerne l’emballage du produit raticide, elle peut dormir tranquille, elle l’a jeté dans une poubelle d’Ostende.
CARINE-LAURE DESGUIN
Christine Brunet a lu "Lovely Brunette, tout simplement" d'Edmée de Xhavée
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Lovely Brunette, tout simplement
Voilà un autre ouvrage que j’ai voulu lire dès sa parution mais ma PAL, géante, m’en a empêchée… Mais voilà qui est fait ! Et je le termine avec le sourire aux lèvres.
Edmée de Xhavée nous raconte… non, nous fait partager une histoire d’amour, une histoire de complicité, celle qui la liait… la lie à « Lovely Brunette ». J’ai n’ai aucune envie d’employer le passé pour cette relation si particulière tant elle est présente au fil de la rédaction.
Il ne s’agit pas d’une autobiographie mais d’un récit rempli de tendresse. J’ai du mal à parler de personnage pour cette personnalité hors-norme, si pétillante, si attachante, à la fois profondément humaine, courageuse face aux soubresauts de son existence mais aussi, quelque part d’une joyeuse insouciance, non pas de celle qui caractérise les « ravissantes idiotes » des bouquins à l’eau de rose mais de celle qui permet de surmonter tous les obstacles et de donner un élan nouveau à sa vie. Elle donne sans compter mais reçoit aussi et s’abreuve à ces échanges qui la construisent.
Inutile de vous parler du style d’Edmée de Xhavée : c’est tout simplement de la belle écriture qui emporte le lecteur sans difficulté, qui sait traduire les émotions et en fait un puissant levier pour nous entraîner, au fil des mots, des lignes et des pages dans la vie d’une héroïne de notre temps.
Ce livre est un hymne à l’amour filial… J’ai tout simplement adoré !
Christine Brunet
www.christine-brunet.com
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