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Texte n°4 du concours "Les petits papiers de Chloé"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

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LES CHAUSSURES BEIGES

 

 

 

 

"Je ne dois pas faire de bruit en marchant."

"Je ne dois pas faire de bruit en marchant."

"Je ne dois pas faire de bruit en marchant."……..

 

Ma mère passe derrière moi. "Mais qu'est-ce que tu fais là ?"

 

"J'ai été punie. Je montais l'escalier. La sœur directrice m'a prise par le bras. Elle m'a dit : "Vous en faites du bruit ! Vous marchez comme un soldat." J'ai réagi : "Mais ma sœur…" "En plus, vous me répondez !  Vous me copierez cinquante fois : je ne dois pas faire de bruit en marchant."

 

Je me lève et je continue avec aplomb : "Mais je n'en peux rien. Ce sont mes nouvelles chaussures. Écoute, Maman. Quand je marche ici sur le parquet, elles font aussi beaucoup de bruit."

 

"Oui, c'est vrai. Puisque c'est ainsi, on les gardera pour le dimanche…"

 

Ouf, ma stratégie a fonctionné ! Maman n'y a vu que du feu !

 

"Maintenant, termine cette punition, même si elle n'est pas juste !"

 

En fait, ces chaussures neuves, offertes par mes grands-parents à l'occasion de la braderie, m'ont valu quelques critiques désagréables de copines. "C'est pas beau cette couleur…", "Et puis le petit talon, c'est laid…"

 

À mes yeux, le verdict de mes copines condamnait ces souliers beiges qui, du coup, ne me plaisaient plus ! C'était des "salomés" un modèle qui faisait fureur dans les années cinquante, des souliers décolletés, à lanière, fermés par une boucle. J'en avais eu des noirs vernis, des blancs, des bleus, des bruns qui ne m'avaient valu aucune remarque. Il fallait, oui il fallait, que je n'aille plus en classe avec ceux-ci ! 

 

Quand je rencontrais un problème, j'avais pour habitude de le retourner dans tous les sens pour le résoudre. Je n'étais satisfaite que lorsque j'avais trouvé plusieurs moyens de parvenir à mes fins et que l'un d'eux s'imposait clairement à moi. Alors j'ai cherché, cherché encore… J'aurais pu, par exemple, abîmer mes chaussures en les frottant contre des pierres. Un jour, en jouant à l'équilibriste dans le jardin de bon-papa, cela m'était arrivé mais je me souvenais parfaitement du regard sombre de ma mère et de son flot de paroles ! Si j'adoptais cette solution, je m'exposerais à sa colère. Je n'y tenais vraiment pas. J'aurais pu aussi marcher dans des flaques d'eau. Mais là encore, gare aux représailles !

 

Comment faire pour ne plus porter ces chaussures ?

 

Une remarque de mon institutrice allait me donner la solution…

 

"Les enfants, cessez de faire un tel bruit dans les escaliers. On dirait le défilé militaire de la fête nationale ! Si cela continue, il y aura des punitions dans l'air !"

 

Eurêka ! Il me restait juste à imaginer comment mettre mon plan à exécution ! 

 

À l'école, pour un fou rire, pour une faute d'orthographe, pour un "merci" ou un "pardon" oublié, pour une bagarre dans la cour de récréation, il y avait souvent une sanction : verbes à conjuguer à différents temps, phrases ou mots à recopier cinquante fois ou, pour les plus grandes, petite dissertation sur le sujet. À chaque âge, son type de punition. J'avais un peu plus de neuf ans. Il suffisait de m'inspirer des châtiments infligés à des amies.

 

J'ai réfléchi et soupesé chaque mot de cette fausse punition. Fausse punition certes mais vrai remède !

 

 

Mes chaussures beiges ont été réservées pour le dimanche. En ce temps-là, on distinguait en effet les habits et accessoires du dimanche et ceux de la semaine. Pour aller à l'église, à un dîner dans la famille ou chez bon-papa, je m'habillais avec plus de recherche ! Il m'arrivait même de porter un chapeau, des gants en crochet et de prendre un petit sac à main. Ces fichues chaussures beiges s'assortissaient à mes plus jolies robes. Et puis les adultes sont moins spontanés que les enfants. Ils ont appris à se taire et à mentir à bon escient ! Qui parmi eux aurait osé dire que mes chaussures étaient laides ?

Publié dans concours

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Texte n°3 du concours "Les petits papiers de Chloé"

Publié le par christine brunet /aloys

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La naissance d’une passion.

 

Souvenir d’école,

Souvenir d’enfance ou souvenir d’il y a quelques jours,

Souvenirs heureux ou nostalgiques,

Souvenirs précieux ou anecdotiques.

 

Fin des années de primaire.

Fin de l’été.

 

Mes parents m’ont inscrite pour un long chemin en pension, chez les sœurs de la Doctrine Chrétienne.

L’école est splendide. Immense et blanche. D’un sinistre achevé.

Le murmure affirme que dans une grotte à un jet de pierres de cette école pour jeunes filles de bonnes familles, est apparue la Vierge à de petites paysannes.

Que ce soit vrai ou que ce soit une histoire inventée, ce murmure donne une idée du décor : grands couloirs qui résonnent de pas, escaliers majestueux, plafonds hauts, boiseries encaustiquées, chapelle romane… et Sœur Saint-Adrien qui hante le hall et les réfectoires de sa présence.

Drôle de spectre faisant deux pas en avant. Un arrêt à mi-route. Demi-tour. Deux pas en arrière. Et bla bla bla…

Deux pas en avant. Un arrêt à mi-route. Demi-tour. Deux pas en arrière.

Sœur Saint-Adrien. Tout un poème appelée Miroute par de nombreuses générations de potaches aux jupes plissées !

De hauts murs entourent les cours et les jardins.

Je suis égarée dans ce nouveau monde. J’y prends mon envol dans la vie.

Un peu pivert et tourterelle,

Un moineau tombé du nid,

Un perdreau de la dernière pluie,

Une colombe déguisée en rapace,

Un peu reine de la voltige au cœur qui bat de l’aile.

Rien n’est gravé dans le marbre.

Rien n’est écrit sur des feuille.

Et pourtant, c’est là que j’ai découvert ma passion des mots.

Les livres sont bannis. Seuls les manuels scolaires et les ouvrages pieux reçoivent la bénédiction de ces Dames.

Moi, je rêve d’aventures…

« L’inactivité est la mère de tous les vices ! ». L’horaire est donc bien draconien avec si peu de moments de répits. Je prends donc l’habitude de tricher durant les heures d’études : mon livre de grammaire cache l’enquête en cours ou alors, est-ce celui de math qui me sert d’abri à rêves.

La brièveté de ces moments me frustre…

Que n’aurais-je pas donné pour qu’on me fiche la paix une journée entière !

Il reste la nuit et la lampe de poche sous les draps.

Les histoires sont fantomatiques.

Je suis Alice, une ombre menant l’enquête sur les murs de mon alcôve.

Je suis une aventurière pratiquante, et pas que le dimanche et les jours de confesse !

La lampe. Les livres. La journée, bien rangés dans ma valise attendant l’extinction des feux avec impatience.

Et de valises, toute ma scolarité je les aie portées sous les yeux !

 

Ecrits sur un mur virtuel, avec les amis perdus et retrouvés, une certitude : tous ces souvenirs d’enfance nous construisent et nous relient !

Publié dans concours

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Texte n°2 du concours "Les petits papiers de Chloé"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

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SUBSTITUTION

 

 

 

"Marie-Christine, vous ne savez pas vous servir d'une paire de ciseaux ?"

 

La question perturbe le silence délicieux de notre cours de couture, juste troublé par les petits déplacements.  Mon cœur se serre. Une fois de plus, notre institutrice, Mademoiselle Thérèse, s'adresse à ma voisine de banc. Sait-elle que la mère de la fillette passe la moitié du temps à l'hôpital ? Sait-elle que son père se débrouille comme il peut pour que Marie-Christine et son frère ne manquent de rien ? De mon point de vue, mon amie Marie-Christine n'est ni plus bruyante ni plus dissipée que les autres. Et pourtant, combien de réprimandes n'encaisse-t-elle pas à longueur d'année ? Est-il donc si vrai que son écriture n'est que patte de mouche, que ses jeux ne sont que dangereux et que son comportement n'est que désobéissance ? Si elle est si nerveuse, n'est-ce pas que sa vie est loin d'être un jeu de société sans anicroche ?

 

Sur le banc, à droite, des ciseaux qui ne coupent guère. Propriétaire : Marie-Christine. De l'autre côté de la rangée, les mêmes ciseaux efficaces, fiables et performants, eux ! Ceux de Sonia…Marie-Christine s'évertue à couper un fil qui résiste. Quand elle y arrive enfin, le résultat n'est guère fameux… Elle va sûrement avoir des problèmes pour enfiler son aiguille ! Elle va encore perdre un temps précieux et se faire réprimander.

 

Je désire que mon amie soit aussi bien considérée que les autres. Elle et moi, nous vivons souvent dans une même bulle, celle où le réel est enjolivé. J'ai raconté que j'avais vu sa poupée à la magnifique robe rose et sa machine à coudre, comme celle de Maman. Elle a décrit ma salle de jeux et mon dernier cadeau de Noël, un petit magasin presque aussi grand que celui de Madame Rita, l'épicière, a-t-elle prétendu ! Pour les autres élèves, nous sommes les témoins mutuels de nos réussites et de nos exploits.

 

Nous habitons le même quartier et pourtant nos parents se connaissent à peine. Sur le chemin de l'école, nous nous confions nos chagrins et nos projets. Quand nous nous retrouvons en tête-à-tête, pas besoin de tricher !

 

Pour cette histoire de ciseaux récalcitrants, ma décision est prise. J'éviterai une nouvelle humiliation à Marie-Christine ! Tout le monde est penché sur son napperon. Subrepticement, je vais demander conseil à l'institutrice et en passant, je permute discrètement les ciseaux. Bien malin qui pourrait dire quelle paire appartient à qui ! Le père de Sonia n'aura qu'à aiguiser et à réparer s'il le faut ! Le problème est dans l'autre camp, celui d'une gamine choyée et appréciée de tous ! Le temps passe et plus il passe, plus je me réjouis de mon astuce. L'atmosphère est tranquille. Personne ne saura rien de ma malice…  

 

- Sonia, que faites-vous avec vos ciseaux ?

 

- Ils ne vont plus, Mademoiselle.

 

- Essayez encore…

 

Brève tentative et constat affligé : "Un bon ouvrier a de bons outils, Sonia. Tenez, voici les miens !" Silence dans la classe… Mademoiselle Thérèse fait les cent pas. D'une voix douce, elle recommande : "Faites de plus petits points… Soyez fières de votre ouvrage !"

 

Quelques minutes plus tard, elle constate : "Tiens, Sonia, vous avez les mêmes ciseaux que ceux de Marie-Christine. Marie-Christine, c'est vous qui avez pris les ciseaux de votre compagne ?"

 

"Mais non, Mademoiselle."

 

Ah, cet accent de sincérité, ce cri du cœur !

 

"C'est bien,  je vous crois. C'est peut-être un défaut de fabrication après tout."

 

Qui a remarqué ma substitution ? Qui a jugé que l'institutrice avait été injuste en dépannant l'une et pas l'autre ? Qui, plus tard, fera comme moi le rapport avec "Les animaux malades de la peste", une fable de La Fontaine ?

 

 

Marie-Christine n'a jamais su ce que j'avais fait pour elle. Après l'école primaire, nous nous sommes perdues de vue mais je sais qu'elle a réussi des études universitaires. Ses problèmes familiaux ne s'étaient pas estompés, son père et sa mère sont morts relativement jeunes mais elle avait manifesté ténacité et volonté.

Publié dans concours

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Texte n°1 du concours pour "Les petits papiers de Chloé"

Publié le par christine brunet /aloys

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Le premier soir des vacances

 

 

Enfin ! On peut dire qu'on les aura attendues. Longtemps. Ce soir, c'est les vacances ! Pour un moment, on peut remiser dans un lointain recoin de sa tête tous les soucis de la journée passée comme des précédentes. On prend son temps. Le soleil est déjà bas dans le ciel, mais ce soir, pas d'urgence. On rassemble tranquillement, lentement, toutes ses affaires, en écoutant le silence d'une salle vide et calme. Le même que tous les soirs à vrai dire.

Pourtant, aujourd'hui, on y prête davantage attention. Cela pourrait presque sembler triste mais, au contraire, une profonde sérénité emplit l'atmosphère. L'avait-on seulement remarquée, cette odeur légèrement grisante dans l'air ambiant ? Les senteurs des arbres en fleurs à travers la fenêtre entrouverte, sans doute. Il fait bon, et les rayons obliques du soleil donnent aux ombres des formes insolites et amusantes, comme lorsque l'on regarde des nuages dans le ciel. On traîne encore un peu, puis finalement, on rentre. On continue de ne pas se presser.

Oh, non, surtout pas ! On sait déjà que cette heure où le temps est comme suspendu n'est que trop éphémère et que, demain, ce ne sera plus qu'un lointain et agréable souvenir, à demi effacé par le rythme du quotidien. Alors on respire de toutes ses forces, à pleins poumons. Et on savoure.

Dans la voiture, on choisit un disque avec soin : c'est que ce dernier sera notre précieux compagnon de voyage, pendant toute la durée de notre retour en douceur à la réalité. Bientôt, la routine reprendra sa place rassurante entre le ronronnement sourd de la machine à laver et le monologue berçant de la télévision. On soupire une dernière fois, on hésite à peine, puis on sort de sa voiture en baillant.

On arrive chez soi. En fait, on est bien content ! On va pouvoir souffler, se reposer, se laisser aller. Comme pour nous conforter dans cette idée, le chat s'approche à pas de velours du fauteuil dans lequel on s'est installé et vient frotter tout doucement sa tête contre le bas de notre pantalon, en quête de caresses. Et dans ce début de nuit, seul continue d'exister, pendant quelques trop courtes minutes encore, l'instant présent.

 

 

Publié dans concours

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Philippe Desterbecq a lu E16 de Christine Brunet

Publié le par christine brunet /aloys

 

Phil D

 

E16, non, ce n'est pas une route européenne, ce n'est pas non plus un colorant alimentaire mais le nouveau roman de Christine Brunet. Après "Nid de vipères", "Dégâts collatéraux" et "Dragon bleu", voici le 4e opus de la série des aventures de la désormais célèbre enquêtrice Axelle de Montfermy et de son boy friend, Nils Sheridan. 

Dans le 3e volume de la série, Axelle devenait maman et faisait une pause dans sa carrière.

Au début du 4e opus, la voilà de retour car Nils est accusé de meurtres multiples. Sa mission : mener l'enquête et découvrir la vérité. Son ex-amant est-il coupable de tout ce qu'on lui reproche? Ne serait-ce pas plutôt un coup monté pour le faire tomber?

Axelle se rend à Londres où l'attend son équipe pour reprendre le flambeau etE16 (2) innocenter Nils si, comme il le clame haut et fort, il est pleinement innocent.

Mais si Nils n'était pas Nils...

Il est vrai que cet homme lui a fait beaucoup de mal mais est-il possible que cet ancien membre de l'IRA soit un meurtrier, un dealer, un pervers qui viole et séquestre de jeunes femmes, un  esprit machiavélique? 

Et voilà que le dragon bleu, drogue mortelle, refait surface. Restait-il des stocks de cette substance illicite ou quelqu'un a-t-il trouvé le moyen de recréer ces pilules de mort? Encore une question à laquelle Axelle devra répondre. 

Si je me perds un peu dans les différents services de police (SPIE, FSE), je n'en suis pas gêné pour suivre la super woman dans ses enquêtes ô combien dangereuses. Mais Axelle n'a peur de rien et elle est prête à tout pour faire surgir la vérité.

A plusieurs reprises, l'auteure met son lecteur sur ce qu'il croit être la bonne piste pour découvrir la vérité mais, comme dans les trois premiers volumes, le suspense est présent jusqu'aux dernières lignes du récit. 

Arrivé au bout du roman, le lecteur se dit "encore" et attend avec impatience la suite, déjà écrite, qui s'intitulera "Non Nobis Domine" dont la sortie est prévue le 15 mai. 

 

Philippe Desterbecq

philippedester.canalblog.com

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Publié dans Fiche de lecture

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Alexandra Coenraets : "Ecrire, c'est se dire avec un filtre."

Publié le par christine brunet /aloys

100 1665 style rétroAlexandra Coenraets, c'est d'abord une couverture qui accroche le regard et attise la curiosité. Ce sont ensuite quelques mots lâchés lors d'un interview donné à Bob Boutique pour l'Actu Mag (cf www.bandbsa.be). Jugez plutôt...

A la question "Quel ouvrage vas-tu publier ?" elle répond ainsi :

"C’est particulier. C’est un roman dans lequel des éléments autobiographiques et fictionnels se mêlent.

« Naissance », c’est son titre. C’est l’histoire d’une femme, trentenaire, qui apprend à vivre après un inceste subi enfant. On suit les différentes étapes de sa reconstruction. Cette femme me ressemble, mais ce n’est pas moi, elle a une existence propre, des expériences à elle. 
J’aimerais que ce livre parle aux survivants de ces agressions insupportables, mais aussi aux autres, à l’entourage, à la société, qu’ils en saisissent l’ampleur des conséquences sur l’être humain, et puissent, dès lors, agir de manière appropriée."

 

De quoi vouloir en savoir plus !

Alexandra, depuis quand écris-tu ? Un déclencheur ? 

 

J'ai 37 ans et suis traductrice de formation. J’ai travaillé dans l’industrie pharmaceutique pendant près d’une dizaine d’années, comme assistante en recherche & développement et recherche clinique. Je me suis réorientée vers la relation d’aide et suis formée en Analyse Transactionnelle et à la pratique de la médiation (accompagnement et gestion de conflit).

J'ai commencé à écrire vers neuf, dix ans. Impossible de dire pourquoi, c’était en moi, c’était naturel, ça coulait de source. J’ai commencé par réaliser de petits journaux avec mes deux frères, qu’on allait vendre vingt francs belges aux commerçants du coin. Au même âge, j’ai demandé et reçu ma première machine à écrire. Je me souviendrai toujours de l’émerveillement que j’ai ressenti en la découvrant...

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Définis le mot écriture...

L'écriture... J'ai une préférence pour la sonorité du mot "écrire". Ecrire, c'est se dire avec un filtre. Voilà ce qui me vient spontanément. Ecrire, c'est partir. Dans l'imaginaire. Ecrire, c'est aussi revenir. A soi, à l'essentiel. Quelqu'un a dit "l'écriture est l'expression de l'âme", non ? Je compléterais: écrire ouvre une porte à l'expression des mouvements du corps et du coeur. Ceci n'est pas une définition définitive, tant il me semble difficile de définir l'écriture ! En donner une définition résonne en moi comme de tenter d'en cerner les contours, or elle me paraît mouvante, infinie, évolutive, bref indéfinissable (rire).

 

Je rebondis sur ta phrase "J'ai une préférence pour la sonorité du mot "écrire""... puis sur la suite de ta définition (qui me paraît être la plus belle qu'on m'ait donné :

 Ah bon ? Merci, je suis flattée !

 

Es-tu une auteur attentive aux mots et surtout aux sonorités qu'ils engendrent ? Un gros travail sur le style et les sonorités ?

 Oui, en effet, je travaille beaucoup sur la sonorité des mots, leur symbolique aussi, et le rythme des phrases. Je peux passer un bon moment sur une seule phrase...Juste pour trouver le mot qui sonne bien, qui va avec les autres, qui décrit la sensation ou l'émotion exacte que je veux transmettre.

 

Revenons au sujet de ton livre... Tu m'en parles un peu plus ?

Ce roman raconte le chemin d’une femme, trentenaire, son parcours semé d'embûches pour apprendre à vivre après un inceste subi enfant. Le lecteur ou la lectrice l'accompagne dans sa reconstruction. J'ai vécu un inceste, j'ai été abusée par mon géniteur lorsque j'étais enfant et j'en ai fait un roman. Je voulais mêler le témoignage et le littéraire, j'ai voulu que ce soit un mélange des deux. J'ai été en contrat avec une autre maison d'édition, en 2009-2010, qui m'a finalement priée de transformer mon roman en témoignage "pur et dur". Je n'ai pas voulu, ça ne m'aurait pas ressemblé, dès lors, je n'en voyais pas l'intérêt. Je suis reconnaissante à Chloé des Lys de laisser aux auteurs cette liberté dans le contenu et la forme. 

Laurence me ressemble, mais elle n’est pas moi, elle a une existence propre, des expériences à elle. J’aimerais que ce livre parle aux survivants de ces agressions insupportables, et aux autres, à l’entourage, à la société, qu’ils en saisissent l’ampleur des conséquences sur l’être humain, et puissent agir de manière appropriée. Souvent, la méconnaissance du traumatisme et de ses séquelles induit un comportement inadéquat. C'est le tabou sur les crimes d'inceste que je m'attache aussi à dénoncer: on ne touche pas à la famille, c'est sacré. Or, on sait bien que la majorité des abus - qui sont nombreux - se déroulent dans les familles. La société, consciemment ou inconsciemment, renvoie beaucoup de honte et de culpabilité aux victimes, c'est exactement le même mode d'action que celui de l'agresseur. Tout est fait pour réduire les victimes de viol, et évidemment, d'inceste, au silence. Heureusement, quelques voix s'élèvent, il y a des survivants qui écrivent, des gens qui veulent porter haut et fort cette parole, dont Clémentine Autain, et son livre "Viol, elles se manifestent", paru au mois de mars, dans lequel je témoigne aussi. Qu'il y en ait qui en parlent est primordial. Je me rends compte que c'est plus facile de passer par le mot "viol" pour se faire entendre auprès d'un large public. Le terme "inceste" est encore plus tabou, du fait même, me semble-t-il, qu'il renvoie à l'un des tabous fondateurs de l'humanité ! La preuve en est qu'il n'est pas mentionné dans le code pénal belge. En France, il y a fait son entrée en 2010, pour qu'ensuite sa définition soit abrogée, car déclarée inconstitutionnelle ! Il est frappant de voir le nombre de témoignages d'incestes commis sur des mineurs qui se retrouvent dans le livre que je viens de citer. 

 

L'écriture t'a-t-elle aidée à te reconstruire ? (écriture "thérapeutique"- je n'aime pas le terme) ou as-tu décidé d'écrire après être parvenue à 'surmonter' ton traumatisme ? (peut-on jamais surmonter pareille chose ?)

 

Je n'aime pas trop non plus le terme "thérapeutique", lorsqu'il se rapporte à l'écriture. Je suis depuis plus de dix ans dans une démarche thérapeutique pour me reconstruire, mais à l'écriture, j'aime mieux associer le terme "artistique". Cela dit, l'écriture de ce livre est intimement mêlée à mon parcours de reconstruction. L'écriture m'a aidée à me reconstruire, de même que me reconstruire a aidé l'écriture ! Si j'ai commencé vers neuf-dix ans, j'ai passé plusieurs années sans pratiquement rien écrire, dans la vingtaine. J'étais absorbée par beaucoup d'autres choses, travail, couple, amis, etc. et je ne laissais pas s'épanouir cette dimension artistique tellement vitale pour moi, elle n'apparaissait que par bribes, n'avait pas sa juste place. J'y avais très peu accès. Mon agresseur, en me violant, a voulu détruire la richesse que j'avais, et je l'ai refoulée au fond de moi pour survivre. J'imagine que les gens qui m'ont connue il y a dix, quinze ans, diraient qu'ils sentaient déjà chez moi ce côté un peu artiste...Mais je dirais moi que tout cela restait en surface, en attente d'être vraiment pris à bras-le-corps, approprié, ancré, comme je le fais depuis qu'entre autres, j'ai recommencé à écrire. J'ai vécu une période bouleversante quand j'ai pris conscience que mon géniteur m'avait abusée (dans tous les sens du mot: trompée, trahie, salie), et j'ai eu besoin de sortir de moi cette douleur, d'exprimer ces ressentis nouveaux, pénibles et merveilleux en même temps, car je m'autorisais à les ressentir. L'écriture étant pour moi quelque chose de presque animal, l'envie d'écrire s'est réveillée avec ce bouleversement, comme si elle sortait d'anesthésie. Ce sont ces ressentis nouveaux qui m'ont donné la force et l'envie nécessaire pour commencer, continuer et terminer d'écrire ce roman. Je suis très contente de voir aboutir ce projet, d'autant plus que je le porte depuis plusieurs années. C'est un accouchement : l'accouchement d'une partie de moi qui était morte, l'accouchement d'un "bébé", à qui je souhaite la plus belle des vies.

 

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Non, on ne se remet pas d'un inceste, on vit avec les séquelles. Aller mieux est possible, se reconstruire est possible, mais ça prend énormément de temps, surtout dans une société où le tabou pèse encore. Pour ne parler que de mon expérience, ce n'est pas linéaire, ce sont des vagues. C'est un travail de longue haleine.  Il y a des paliers. Un jour après l'autre, je rajoute quelques mailles supplémentaires à ces nouveaux liens qui remplacent ceux qui ont été bousillés par des parents destructeurs. Je resterai toute ma vie marquée au fer rouge, la trace de cette destruction physique et psychique est indélébile. Comme le numéro sur le bras d'un survivant des camps de concentration. Cette comparaison a du sens, les lecteurs et lectrices le verront en lisant le roman. Pour terminer, je suis mitigée quant à l'emploi du mot "résilience": je trouve qu'il est bradé, servi à toutes les sauces et commercial. Ça devient une étiquette, et ça me gêne.

 

 

Comment définirais-tu ton style ?

Mon style ? Je pense qu'il fait la part belle aux émotions, aux sensations, en tout cas c'est ce que je tente de transmettre. On m'a dit aussi qu'il était subtil et rigoureux. Nuancé. Et donc, je fais très attention aux sonorités. A chacun-e de se faire son idée selon sa propre sensibilité !

 

Ton rapport avec les lecteurs : facile ou compliqué d'être lue ?

Facile ET compliqué d'être lue. Facile, parce que j'ai envie de partager, de transmettre, il y a ce désir très fort en moi. Compliqué, parce que c'est accepter de se mettre à nu, du moins partiellement, c'est prendre un risque et l'émotion que je ressens est tellement intense quand je sais que je suis lue: la boule dans la gorge, le ventre noué (ou l'inverse ;-) à chaque fois. En même temps qu'une intense libération! La joie du rêve d'enfant qui devient réalité et la confrontation à cette réalité, justement. Mettre un point final à mes récits ? ça dépend de ce que tu entends par là...(Nuancée, voyez !). Je suis très intuitive, quand c'est la fin du récit, c'est la fin, elle s'impose à moi, je le sens, point final. Par contre, après, il y a le retravail qui commence. Et là, c'est beaucoup plus difficile de s'arrêter. Je suis aussi très exigeante, perfectionniste. Il y a un moment où je me force à ne plus relire, pour ne plus rien modifier. Il y a quand-même un moment où il faut savoir s'arrêter (que voilà une parole sensée !).

 

As-tu pensé au moment où tu devras présenter ton roman (d'abord, est-ce un roman? Une grosse nouvelle?)à tes lecteurs ?Je veux dire, face à face ? TU dis ne pas avoir de mal à mettre ton point final... IL s'impose à toi => ton histoire terminée, tu penses déjà à une autre ?

 C'est bien un roman (il fait près de 300 pages). Pour être sincère, j'appréhende un peu le moment où je devrai présenter "Naissance" aux lecteurs, en face à face. Il traite d'un sujet intime, ce n'est forcément pas facile d'en parler. Mais je l'ai voulu, l'envie est là, et je m'en sens capable. On verra !

Je constate que j'ai besoin d'une période de sevrage entre deux romans (rire!). Donc, non, même si la fin d'une histoire s'impose à moi, je ne pense pas directement à une autre. Il y a bien des idées qui me traversent, mais elles ne font que passer et ne s'accrochent pas : je ne suis pas prête et n'ai pas l'énergie disponible. Actuellement, je suis en plein dans cette période: j'ai terminé mon second roman il y a quelques mois et suis en train de le digérer. C'est curieux, mais je décrirais le processus comme suit: après avoir expulsé tous ces mots hors de moi, parfois dans la douleur, j'ai besoin de réingérer le produit fini, de le laisser s'installer puis s'ancrer en moi, prendre une assise, et me remplir.

 

Comment voit-on ton travail d'écriture autour de toi ?

 Autour de moi, je n'ai que des réactions remplies d'énergie positive sur mon travail d'écriture, c'est très gai, ça fait du bien, je m'en nourris beaucoup.

 

Parle-moi de tes personnages pour terminer...

Laurence, c'est la femme dont j'ai parlé plus haut. Loïc et Sylvain sont deux hommes qui croisent sa route. Elle les confronte à leurs limites, leurs peurs, leurs désirs, ils la confrontent à tout cela également. C'est le penseur indien Krishnamurti qui a dit "les relations sont sûrement le miroir dans lequel on se découvre soi-même", je trouve que cela illustre bien ce que j'ai voulu explorer. Et quand il y a l'inceste en fil rouge, chacun de nous se trouve confronté à ce qu'il y a de plus intime en soi.

 

Sans aucun doute. Donc, Laurence, c'est un peu toi. Mais tes autres personnages sont-ils inspirés de ton entourage ? Sont-ils totalement fictifs ?

Je préfère laisser planer le mystère et garder ça pour moi... En tout cas, il me semble que même dans le cas de personnages fictifs, on s'inspire toujours bien de quelqu'un, non ?  Me concernant, ça peut être quelqu'un que j'ai connu ou que je croise dans la rue. Après, c'est la plume créative qui prend le relais ! 

 

Un auteur s'expose fatalement lorsqu'il décide d'être publié. Dans la plupart des cas, la fiction est prépondérante et camoufle l'auteur mais dans d'autres, l'auteur est "en première ligne". Je ne sais pas si je serais capable de gérer ça. Cette histoire est certes romancée mais extrêmement personnelle. Tu m'as donné envie de découvrir "Naissance" et je me demande comment la lectrice que je suis va réagir en tentant de faire cohabiter fiction et vécu ! Plus d'infos au sujet de l'auteur ?

Vous la retrouverez sur son blog  http://quandilnaitdusens.wordpress.com.

 

Christine Brunet

www.christine-brunet.com

Publié dans interview

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Elisabeth Berthéol se présente et présente son livre, Histoires de Vies

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

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Histoires de vies parle de moments agréables ou difficiles à vivre, évoque un parcours, un métier, aborde des questions sociales ou touchant à l’environnement en jouant avec les mots, en introduisant parfois une note d’humour, en contenant les émotions : tel est le but de ce recueil. Elisabeth transcrit dans son langage ces évènements, petits ou grands, qui parsèment des vies et dont nous sommes les héritiers, les témoins ou les protagonistes.

 

Qui est Elisabteh Berthéol ?

Née dans les Monts du Lyonnais, Elisabeth Berthéol a passé son enfance et son adolescence dans la banlieue de l’Est lyonnais. Après des études en Sciences économiques, elle est partie dans le Sud-ouest. Ses pérégrinations l’ont amenée à se déplacer, de Toulouse à Paris, en Provence, en Rhône-Alpes, en Franche-Comté. 

Diplômée en sciences humaines et sociales, en économie et en informatique, elle s’est reconvertie dans la formation et dans l’accompagnement professionnel, après une carrière dans le monde des sociétés de services informatiques.

Nourrissant la passion des livres, elle a rassemblé quelques poèmes dans ce recueil afin de faire partager son plaisir de jouer avec les mots et les sonorités.

 

Un petit aperçu !

 

Chevauchée

 

Il était une fois un cheval

Que l’on appelait Arrabal

Une jeune fille se promène

Elle se prénomme Célimène

 

Chevelure au vent se lancer

Dans une folle chevauchée

Effluves et essences à foison

Pour la bête en adoration

 

[…]

 

Elle s’en retourne fatiguée

Avance en rêvant d’un café

Par la bride le cheval tiré

De respect veut être entouré

 

Il va prendre un bon avocat

De ce pas faire valoir ses droits

Invoquant la législation

Défendre son émancipation. 

 

 

 

Elisabeth Berthéol

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Edmée De Xhavée a lu... Sauvetages, de Nadine Groenecke

Publié le par christine brunet /aloys

 

Edmee-chapeau

Edmée De Xhavée a lu...

Sauvetages, de Nadine Groenecke

 

Voilà, ça fait deux ans qu’il est sorti, ce livre, et deux ans que je me promet de le lire. Promesse enfin tenue et pas regrettée ! Une histoire qui ferait un excellent film, Sébastien Japrisot avec sa dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil serait d’accord. En tout cas je le suis…

Un cocktail explosif :

Un dépressif qui n’aime plus autant la vie que le sommeil et la bouteille, et est sorti en sursaut de sa torpeur par une nouvelle stupéfiante à la TV : il s’est donné la mort ! Rien de moins !

Une maman de dépressif bien perplexe, minée par l’éternel « que deviendra-t-il quand je ne serai plus là, mon petit ? »

Une jeune muette courant un sein au vent sur une route, poursuivie par un fou-furieux.

Une sympathique dame qui a aimé tout son saoûl dans la vie et aime l’amour des autres.sauvetages

Un mystérieux assassin qui complique la vie de tout ce petit monde.

Et des apparences on ne peut plus trompeuses.

La belle imagination de Nadine Groenecke nous mène en bateau (normal, on passe par l’île d’Oléron !) avec brio durant 164 pages que l’on tourne en plongeant délicieusement dans un embrouillamini de situations. L’histoire d’une mort qui rend vie à un mourant de l’âme.

J’avais aimé « Trop plein » paru en 2009 du même auteur, des nouvelles prenantes et bien écrites. Nous voici avec un roman et oui, l’auteure a du style dans les deux disciplines, et on a bien envie de la suivre.

 

 

EDmée de Xhavée

edmee.de.xhavee.over-blog.com

lovebirds finish (1)

Publié dans Fiche de lecture

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Avis de blog pour Bruines, de Laurent Dumortier dans Les Chroniques de madoka

Publié le par christine brunet /aloys

 

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http://leschroniquesdemadoka.over-blog.com/article-bruines-fantastique-117306918.html

 

Bruines

 

Laurent Dumortier

 

Chloé des Lys Editions

 

 

Résumé :


Brumes, brouillards, bruines… La pluie et ses déclinaisons multiples réservent de temps à autre
l’une ou l’autre surprise particulièrement désagréable : une
maison réputée hantée, un auto-stoppeur qui voit la situation se
retourner contre lui, la mort en personne qui dépose ses cartes de
visite, ou encore plusieurs mails ô combien attirants… Si la pluie
peut se faire entendre, elle peut également se montrer acide…


 

Mon avis : ****


Bruines réuni 20 petites nouvelles toutes aussi intrigantes les unes que les autres. Tantôt dramatiques mais surtout fantastiques, ces minis nouvelles sont accrocheuses et vous entraînent avec elles dans les bruines du néant.

Les nouvelles font une page et demi à onze pages pour la plus longue, elles vous fascinent ou vous déconcertent face à la situation qui se présente... mais d'une efficacité redoutable...

 

Bien écrit, avec toujours autant d'imagination, l'auteur a encore su nous emmener dans son monde où l'étrange flirte souvent avec le mystère qui se tapit dans l'ombre...

 

Très bon moment de lecture, à découvrir absolument.

 

106 pages / 12,50€ ou 4,99€ en ebook

 

Publié dans avis de blogs

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Un crime, une nouvelle de Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

Le but du jeu était de choisir une photo de bandits australiens

et d'écrire un texte à propos de cette photo.

 

UN CRIME

 

photo-police-sydney-australie-mugshot-1920-19.jpg

 

En moi, Élise Rolfell, il n'y a que la honte : la honte de ma jalousie dévoilée, la honte de n'avoir pas été préférée à une femme si ordinaire, la honte d'être rongée par la haine. Je garde les yeux fixés sur mes mains comme je le faisais lorsque ma mère me grondait.

 

Je suis seule comme le chien égaré et l'arbre malingre dans la forêt. Seule et coupable puisque j'ai tué Nelly au premier étage du Grand Hôtel de Vittel où nous séjournions. Hier matin, je l'ai attendue. Quand elle est sortie de sa chambre, je l'ai saluée, je l'ai suivie dans le couloir. Elle est passée dans le petit salon. J'ai saisi la statuette en bronze sur le guéridon et de toutes mes forces, j'ai frappé. Le premier coup m'a libérée. J'ai frappé encore et encore… Toute la nuit, j'avais rêvé de ce moment. À présent, les scènes de mon théâtre intérieur et la réalité se ressemblent étrangement.

 

Paul, mon mari, avait rencontré Nelly au Pavillon de la Grande Source. J'avais été le témoin des premiers mots échangés. Tandis qu'elle buvait à petites gorgées, Nelly avait lancé à la cantonade : "Je n'y crois plus. Cette eau n'a aucun effet sur moi." C'était d'un vulgaire de s'adresser ainsi à des inconnus ! Paul avait réagi : "Continuez la cure. Au petit déjeuner, on m'a parlé de gens débarrassés de leurs maux en quelques jours." Elle avait minaudé : "Merci Monsieur".

 

Depuis lors, nous la croisions partout : à l'hôtel, dans le parc, dans la galerie thermale, en ville ! Chaque sourire et chaque parole que Paul lui adressait, chaque baisemain m'étaient un crève-coeur. Je sentais que Paul commençait à m'échapper ! Et puis, un matin, je les ai surpris qui s'embrassaient dans la roseraie. C'en était trop.

 

Je n'éprouve aucun remords, j'ai seulement honte.

 

Micheline Boland

micheline-ecrit.blogspot.com

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Publié dans Nouvelle

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