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Un interview de Laurent Dumortier pour le site Plaisirs et Découvertes

Publié le par christine brunet /aloys

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Plaisirs & Découvertes :

 

Salut Laurent,

Tout d'abord merci d'avoir accepté cette interview pour "Plaisirs & Découvertes".
Bon, la plupart des personnes savent que nous nous connaissons depuis de nombreuses années, que nous avons fait (et continuons d'ailleurs ....) les 400 coups ensemble, mais cette fois nous allons rester sérieux pour faire découvrir aux lecteurs les deux facettes d'un "Laurent Dumortier" peu connu ... c'est-à-dire l'auteur mais aussi le directeur de la maison d'éditions Chloé des Lys".
Donc on pourrait presque parler d'un dédoublement de personnalité ? Le "Laurent" disjoncté qui n'a peur de rien et le "
Laurent" sérieux, calme et posé qui est auteur/directeur ....

 

Laurent Dumortier

 

Double casquette oui.  Ca permet en quelque sorte de voir aussi ce qui se passe de l'autre côté : l'édition, c'est de la gestion, de la direction; l'écriture (poésie, nouvelles et romans), c'est le mode créatif.
Dans le cadre de l'édition, diverses collaborations ont été menées un peu partout dans la Fédération Wallonie-Bruxelles (Arts et Lettre à Bruxelles, co-organisation de salons du livre, Hôpital Notre-Dame à la Rose à Lessines, Centre culturel à Mouscron, etc.. etc..) mais également en France.  Nous disposons d'une émission de télé mensuelle, d'une revue etc..
Dans 
le cadre de l'écriture, c'est un travail en solitaire, limite monacal.

 

Nous reviendrons au monde de l'édition un peu plus tard ..... car je pense qu'avant deVertiges t'être lancé dans le domaine de l'édition, ta passion initiale était et est toujours l'écriture. Tu as écris sous divers pseudos et ce, dans des styles différents. Mais "le fantastique" reste toujours ton domaine de prédilection, je me trompe ?

 

Oui, j'ai commencé dans le domaine fantastique : d'abord des nouvelles, puis des romans.  Plusieurs nouvelles ont été publiées en revues, certaines illustrées.  Je me suis lancé ensuite en poésie où j'ai obtenu quelques prix.  Depuis lors, j'alterne les deux et je sors un nouveau titre chaque année.
Actuellement, je travaille sur un nouveau recueil de nouvelles, avant de boucler le dernier tome de ma trilogie "Les chroniques de Baltus" (héroïc fantasy).

 

Dans le monde du fantastique il y a un auteur dont tu es "accro", c'est Stephen King.
Pour les personnes qui ne connaissent pas ton style d'écriture, peut-on dire que tu te rapproches de sa plume ? Et justement, n'est-il pas difficile de ne pas tomber dans la trace d'un auteur dont tu es lecteur inconditionnel ?

 

Difficile de dire si je me rapproche de son style, ce serait très prétentieux je trouve. Par contre, voici un avis d'une blogueuse :
http://leschroniquesdemadoka.over-blog.com/article-bruines-fantastique-117306918.html
Concernant l'influence de Stephen King ou d'autres auteurs, oui je crois qu'il y a une influence certaine à certains niveaux, tout comme je crois que chaque auteur est influencé par son environnement, les personnes qu'ils croisent, etc..  Ceci dit, il est impossible de faire du neuf puisque tout a déjà été écrit : on ne peut que recycler les thèmes fondamentaux (monstres, folie, dérives de la science) et les remettre au goût du jour.


bruinesDes romans, l'écriture de nouvelles, la clôture de la Trilogie, etc ...... écrire c'est bien, mais se faire publier c'est mieux .... est-ce pour cela, à l'origine, que tu as créé ta propre maison d'éditions "Chloé des Lys" ? 

 

A la base oui, parce que se faire éditer est extrêmement difficile, parce que certains éditeurs demandent de payer pour se faire éditer etc..  Le plus difficile n'est pas de sortir le livre mais de le faire connaître et là, il faut une structure derrière, un réseau.

 

Mais, au vu de l'ampleur que prend "Chloé des Lys", ta position de directeur laisse-t-elle encore du temps à l'auteur ? (Non pas pour l'écriture mais pour la promotion des ouvrages ....)

 

Pour la promotion de mes livres, disons que c'est le service minimum : essentiellement parce que le temps est limité et parce qu'en ce qui concerne mes textes, je suis un très mauvais vendeur...

 

Pour donner une idée de l'ampleur que prend "Chloé des Lys", peux-tu nous dire approximativement, pour l'année 2013, combien d'auteurs y sont répertoriés et le nombre de livres édités ?

 

Il y a actuellement +/- 700 titres édités et un peu plus de 300 auteurs.  Les genres publiés vont de la poésie au roman, en passant par les nouvelles, les contes pour enfants, le fantastique, le polar etc.. Les livres commencent également à sortir en format ebook.

 

Bref, une "belle machine", à la mécanique bien rodée. 
Un auteur qui est accepté chez vous (et peu sont rejetés je crois ...) se fait publier GRATUITEMENT, c'est bien cela ? Mais vous imposez quand même certaines obligations ou pas du tout ?

 

Quelques remarques : "peu sont rejetés" : oui et non : il y a des critères de sélection, cechloe qui fait qu'actuellement un auteur sur trois est accepté, avec à chaque fois un avis motivé.
L'auteur n'a rien à débourser, n'a aucune obligation.  Mais c'est bien clair que si l'auteur ne se bouge pas un minimum, il vendra peu.  Il y a donc toute une série de choses que l'auteur est invité à faire, et qui peuvent se faire tout en restant derrière son écran : des interviews, de la promotion, l'envoi de textes aux revues
 etc.. etc..  Le fait que nos auteurs engrangent des prix est également une belle reconnaissance : je pense notamment au prix Victor Hugo en France (avec à la clé un chèque de 1.000 Eur) par exemple.


Vous êtes, si je ne me trompe, la seule maison d'éditions en Belgique à fonctionner comme cela. Le succès est au rendez-vous, on parle de plus en plus de C.D.L. dans les médias, dans le monde littéraire .... les autres maisons d'éditions, quant à elles, font payer les auteurs pour les publier. C.D.L. qui innove en bouleversant le système doit forcément déranger non ?

 

Toutes les maisons d'édition ne font pas nécessairement payer mais elles demandent à ce10planeterecto que les auteurs soient "ambitieux" (autrement dit, qu'ils s'engagent à vendre et de préférence beaucoup), sélectionnent les manuscrits sur base de critères commerciaux et pas nécessairement littéraires.  C'est plus facile d'éditer un auteur disposant d'une certaine notoriété qu'un auteur démarrant à zéro et pour lequel tout reste à faire.
Donc, oui, forcément on dérange.  Surtout les personnes ayant des postes-clés (certaines bibliothèques nous boycottent par exemple) parce qu'en quelque sorte, on "tape dans la fourmilière": avec Chloé 
des Lys, il ne faut pas l'appui de monsieur le Bourgmestre ou d'un responsable culturel pour être édité : c'est la qualité du texte qui prime.

 

Je pense que c'est ce qui fait votre force. C.D.L. a fait ses preuves et fonctionne parfaitement.
Parlons un peu pratique : un auteur a envie de se faire éditer chez vous, quelles démarches doit-il entreprendre ? Y-a-t-il une page sur le net où il peut retrouver toutes les explications ? Bref, que
doit-il faire concrètement ?

 

La première chose à faire est de nous envoyer le manuscrit par courrier uniquement, selon ce qui est indiqué sur notre site (www.editionschloedeslys.be)
La seconde chose, c'est de s'armer de patience : vu l'afflux de manuscrits, ça prend au minimum un an pour une réponse, positive ou négative...
Enfin, je conseillerai à l'auteur de prendre contact avec quelques auteurs de la maison pour prendre la température : ça lui donnera une vue de l'intérieur :-)
 

 

Terminons sur une jolie collaboration : "Chloé des Lys" et "Plaisirs & Découvertes" partent à la recherche de personnes aimant lire (chose importante) et ayant un esprit critique (positif ou négatif). Les personnes correspondantes à ce profil peuvent me contacter via mon adresse mail  vdumouli@gmail.com, ils recevront un livre de leur choix (dans le panel proposé et ce, par catégorie) et devront en échange, me faire parvenir leurs critiques. Celles-ci seront transmises à C.D.L. C'est bien cela ? 

Tout à fait : c'est du win-win : ça permet de faire découvrir de nouveaux auteurs, en-dehors des sentiers battus, et pour l'auteur, ça lui permet d'avoir un avis d'un lecteur.

 

Merci Laurent,

 

P.S. : Les personnes intéressées par le projet « lecture/critique », peuvent dès maintenant me faire parvenir leur postulation (nom, prénom, adresse mail et postale sans oublier le genre de lecture préféré) survdumouli@gmail.com

Publié dans interview

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TAUTOGRAMME EN "M", un exercice signé Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

Petites et grandes histoires

 

 

TAUTOGRAMME EN "M"

Un tautogramme (du grec ταυτό, "le même" et γράμμα, "lettre")

est un texte dont tous les mots commencent par la même lettre.

 

 

Mireille m'invite mystérieusement au milieu des miroirs.

 

Malgré mes mains moites, Mamy Marie m'initie au macramé.

 

Marius mange ma maman. Macabre matinée.

 

Manières malignes, maléfices magiques… Marre des mauvais moments.

 

Mort mystérieux mérite médaille malgré mes manœuvres maladroites.

 

Mauvais mardi, Michael menace Marylin. Mercredi meilleur ?

 

Mérite méconnu, message menaçant. Mal mineur, maintenant malade !

 

Mathusalem malade, mort malgré mes médicaments.

 

 

Louis Delville

http://louis-quenpensez-vous.blogspot.be/

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Publié dans Textes

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La chronique poétique de Salvatore Gucciardo

Publié le par christine brunet /aloys

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Voyage intemporel

 

 

 

Le rêve s’enferme

Dans les méandres

Du labyrinthe

Parcourt le Styx

 

S’envole sur les hauteurs

Plonge dans le vide

 

Navigue vers les astres

S’oublie dans la semence

Du temps

 

 

 

Salvatore Gucciardo

www.salvatoregucciardo.be

 

 

VIAGGIO ATEMPORALE

 

 

Il sogno si rinchiude

Nei meandri

Del labirinto

Percorso lo Stige

 

S’alza in volo sulle altezze

Piomba nel vuoto

 

Naviga verso gli astri

Perde coscienza di sé nell’origine

Del tempo

 

Salvatore Gucciardo

Tradotto dalla Poetessa Maria Teresa Epifani Furno

Publié dans Poésie

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Christine Brunet a lu "Vue sur ténèbres" de Romano Vlad Janulewicz

Publié le par christine brunet /aloys

Vue sur ténèbres

 

 

Le premier mot qui me vient à l'esprit en refermant le livre de Romano Vlad Janulewics serait, plutôt, un borborygme... BRRRRRRRRRRR......... Les frissons sont encore bien présents... Je regarde autour de moi... Il fait nuit... 


 

Voilà longtemps que ce livre me faisait envie : la couverture, le titre, les extraits que nous avait proposés Romano lors de sa sortie. J'aime les histoires de vampires, le fantastique, les démons... Ce livre semblait fait pour moi, donc. 

Vrai ou faux ?

"Vue sur ténèbres" est un recueil de nouvelles toutes plus noires les unes que les autres. Les gouttes de sang sur la tranche nous laissent penser qu'il y a, sans doute plus... Bingo !

Les personnages nous ressemblent et c'est bien là-dessus que l'auteur compte pour nous transporter dans son univers, une normalité qui bascule dans le paranormal, le fantastique, le surprenant, la folie meurtrière. 

Attendez-vous à être surpris, provoqués, poussés dans vos retranchements par une écriture très fluide, imagée, précise même. 

Attendez-vous à l'improbable au fil des pages et à laisser la lumière allumée pour aller vous coucher. 

Je regrette d'avoir tarder à lire ce recueil... Voilà un excellent livre à ne pas lire la nuit !


Il fait nuit depuis un long moment et je dois me résoudre à trouver le sommeil malgré les images qui continuent à tourbillonner dans ma tête...

Euh... "Ce bruit près de la porte, c'était quoi ? Un grattement ?" (..) "Un bruissement. Quelque chose n'a-t-il pas bougé de façon presque imperceptible près du placard ? N'ai-je pas entendu comme un souffle rauque dans la pièce ?"

 

Christine Brunet

www.christine-brunet.com

Nid vipères

 

 

Publié dans Fiche de lecture

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La terre nous dit A DIEU, de Silvana Minchela dans le blog LIMAGINARIA

Publié le par christine brunet /aloys

limaginaria

http://limaginaria.wordpress.com/

 

 


La Terre nous dit à Dieu, de Silvana Minchella (one shot, éditions Chloé des Lys)

Martial est un extra-terrestre envoyé sur Terre pour étudier l’évolution de l’Humanité et savoir si elle est prête à accepter le grand changement à venir. Là, il fera la connaissance de Justyna, une jeune femme qui va changer sa vie et bouleverser le destin du monde.

Le dos du livre est prometteur et présente l’ouvrage comme "un cri d’amour pour la planète Terre". C’est avec cette promesse que j’ai entamé la lecture de ce petit ouvrage à la couverture sobre mais intéressante.
J’avais tout pour être séduite avec ce livre. Une couverture agréable, un résumé alléchant, un sujet intéressant… mais il m’a manqué quelque chose pour apprécier comme il se doit ce récit aux allures engagées.
L’écriture de Silvana Minchella est sincèrement agréable à lire. J’ai pris beaucoup de plaisir à parcourir les descriptions détaillées et très sensuelles, notamment lorsque Martial découvre la vie sur Terre. L’auteur manie incontestablement sa plume et offre un texte poétique, émouvant, et finalement très humain. La seule chose que je n’ai pas compris est l’écriture en deux parties de "A Dieu" au lieu de "adieu". Il doit y avoir une subtilité que je n’ai pas ressentie car il me paraissait plus évident d’écrire "adieu" à la manière des au-revoir éternels.
Car il n’est absolument pas question de religion dans le roman. Au contraire, on y traite plutôt deLa Terre nous dit à dieu sujets très concrets tels que la préservation de la planète, l’utilisation (et le gaspillage) des ressources, le comportement des hommes et le respect de l’environnement.
Malheureusement, c’est à ce niveau qu’il m’a manqué quelque chose pour véritablement plonger dans le récit. Comme on peut le voir au premier coup d’œil, l’ouvrage est relativement court (moins de 200 pages). Cela est problématique dans la mesure où les sujets abordés ne le sont qu’en surface. J’ai trouvé que l’ensemble manquait de profondeur. Je m’attendais à un discours à la fois poétique et militant, une mise en garde sur les dérives qui nous attendent, un texte qui alerte sans alarmer… bref, "un cri d’amour pour la planète Terre" comme on peut en voir dans les émissions de Nicolas Hulot ou Yann Arthus Bertrand. Je suis restée en surface, buvant ce texte trop léger à mon goût.
Les personnages participent à cette impression de légèreté du roman à cause de leur trop grand manichéisme. Les personnalités ne sont pas nuancées, ou très peu, si bien que l’on a immédiatement affaire à des gentils et des méchants, qui le resteront le temps de quelques chapitres.
Le rythme du livre est de ce fait très rapide, les événements se passe très rapidement et l’attachement aux personnages n’est pas très fort. Cela est d’autant plus dommage que j’ai trouvé les idées du roman très bonnes et intéressantes. Il manquait simplement de profondeur. Dans un prochain récit peut-être ? La plume de Silvana Minchella n’en reste pas moins prometteuse et toute en poésie féminine. Une auteur à suivre, donc.

Découvrez notre interview de Silvana Minchella.

Pour qui : Les lecteurs qui aiment les récits poétiques et légers dans lesquels la fiction et la réalité se côtoient.

Les + : Une vraie bonne plume, poétique, agréable à lire, qui manie l’art des descriptions et des émotions. De bonnes idées, un sujet intéressant.

Les – : Le manque de profondeur de l’ouvrage laisse le lecteur en surface de l’histoire et des partis-pris de l’auteur.

LIMAGINARIA

http://limaginaria.wordpress.com/2014/01/04/la-terre-nous-dit-a-dieu-de-silvana-minchella/

Publié dans avis de blogs

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Un texte terrible signé Jean-Louis Gillessen : CRI

Publié le par christine brunet /aloys

C R I

 

Le café fume. Maman aussi. L’enfant hurle. Cinq heures et demie.

 

Maman crie. Les sirènes strident la nuit. Papa est rentré. Il a vomi sur le plancher.

 

Maman a pleuré. Papa l’a tabassée. Est ressorti. Pas assez. De tabac.

 

Trop. De fumée. Sans feu. Il fait froid. Décembre. Plus de chauffage.

 

Quand il reviendra avec ses cigarettes, elle dormira. L’enfant pas. Papa. Pas chaud.

 

Dans les bras. Tu vas, tais-toi. Sanglots. Du père. Alcool, bouteilles, par terre. Vides.

 

Pleins parents dans le rien réunis. Rien du « tout » de leur vie. Néant même désempli.

 

Comble. Grenier. Pièce. Arrangée. Remise. En état de fonctionner, ils survivent.

 

Au sommet. Paradoxe. Toxicos comblés de bar bondé. Suffocants d’intox,

 

ils montent chaque jour sept étages d’escaliers. Volées. Raclées.

 

Tu m’en mets, je les prends, mais t’en rends. Rangs plumés. De sentiments, avalés,

 

disparus, même plus mélangés. Bien triés, case «  absents ». Cas absents pour les autres,

 

voisins de palier, papa et maman sont abonnés dérangés. Dérangeants.

 

Depuis longtemps, mais nul ne sait le danger. Ne voit. Ne veut. Tout du moins suffisamment.

 

Sauf bébé. « Alertez , alertez  … » , chante Higelin. Jacques a dit. Pas assez écouté.

 

Redondance, et des mots, et des sanglots. Mi-longs. Plus étendus. Toujours. Plus encore.

 

Du père. Alcool, bouteilles, sur le sol. Vides. Papa. Pas chaud. Dans les bras.

 

Qui enserrent. Trop ... trop … trop … Tu t’agites, te débats, tu rejettes.

 

En arrière. Ta tête, ton p’tit corps, ton presque trépas.

 

Tu es là, maintenant, par terre, gisant, tombé, lâché.

 

Sur les vidanges papa a roulé. Maman est réveillée. Qui le frappe. Et te secoue.

 

Lui alors tape. Fort. Sa tête. Contre le mur. Plusieurs fois il recommence et son arcade éclate.

 

Sourcilière. Souricière. Toi cependant, sans sourcilier, sourdement tu entends comateux.

 

Nuages. C’est du bleu que tu vois. Ambulance. Lumières. Blouses blanches.

 

L’odeur que tu sens t’apaise autant que les mains qui te touchent.


Expertes, à la fois vives et douces. Blanc. Rouge. Pourquoi ne peux-tu boire ?

 

Pas avant le diagnostic. Goûte en attente sur papilles ce seul parfum de sang salivé

 

que l’on a quand on sait l’autre blessé. Toi, pupilles dilatées, tu ne saignes pas.

 

Miracle. Petit, tu es sain, tu vivras.  Ecoute-les te le dire, les hommes en blanc.

 

Mais dans la salle aux éclairages trop puissants,

 

ils découvrent alors encore sur ton corps rougeurs, brûlures, blessures.

 

Ils ne voulaient pas, maman, papa. Ils disent aussi qu’ils n’en pouvaient rien.

 

Ils n’auraient jamais cru non plus, eux,  les voisins.

 

Ce soir il fera tout à fait très froid et très vide au sommet de la Rue Haute dans la ville basse.

 

Impasse. Maldonne. Impair. Rouge et noir perd, manque et ne gagne pas sans tapis vert.

 

Deniers. Ce soir, au café, pour mieux louer « Grenier aménagé »,

 

la propriétaire dira qu’elle rouvrira la cheminée. Sans feu. Mais l’on peut y amener son poêle.

 

Ce soir, papa et maman n’y seront plus.

 

Toi tu dors maintenant tout nu dans lit douillet coton 27° hôpital surchauffé.

 

Tu auras tout vu, tout connu, de cela tout vécu et vaincu, puisque sans le vouloir tu es venu.

 

Au monde. Souris seulement si dans 20 ans quelque chercheur en boniments te fera dire

 

que l’embryon déjà décide du choix de ses parents. Sciemment, « foetusant ».

 

Balivernes de divan ! N’institue jamais tes neurones, petit, même si d’institution en institution,

 

qui pour toi feront quête de parents de location, parfois tu te ressens loque à terre.

 

Solitaire. Sol. Bouteille. Vide. A la mer. Taire, mère, père, vagues, océan de divagations.

 

Vidange non consignée, retour bidon, ton ange est périmé, mais nous irons.

 

Oui, toi et moi, éducateur, y écouter ton message. In a bottle. A la mer.

 

Et  pour mieux apprendre à pleinement jouir ensuite de son silence,

 

dans l’écho de l’immensité tu pourras d’abord, très fort et sans que nul ne te fasse violence,

tu pourras  … crier,

rire et crier.

 

 

Jean - Louis  Gillessen

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Christine Brunet a lu "OFF", une pièce de Gaëtan Faucer

Publié le par christine brunet /aloys

off

 

J'adore les pièces de théâtre... et j'aime les couvertures remplies de mystère... OFF allie les deux ! Même la quatrième de couverture donne envie de se plonger dans cette pièce en un acte.

 

Allez, je vous la livre : " Quelque part dans les confins de l'univers, trois dames ont pour mission de créer un monde.

Quel monde vont-elles modeler ? Qui a demandé à Torat, Flamme et Euclidis de s'emparer d'une telle mission?

L'ampleur de la tâche est d'autant plus complexe que le laps de temps est très court.

Ces trois grâces (ou garces, c'est selon...) s'embarquent vers un voyage palpitant "

 

Tout un programme, n'est-ce pas ?

 

Un texte court, 57 pages, pour un regard à la fois acide et réaliste sur l'être humain et sa mécanique d'autodestruction.

La pièce démarre à deux voix et se poursuit à trois avec l'omniprésence d'un être suprême, celui-là même qui a demandé aux Grâces ce travail ardu.

Trois femmes au visage d'ange (on le subodore) mais à l'esprit fertile et quelque peu machiavélique.

Racisme, haine, religion, sexisme... de courtes dissections de l'Humain. 

Aurions-nous affaire à une pièce triste voire noire ? Etrangement la satire apporte le sourire, certes froid mais complice. Quelques réflexions originales... Savez-vous d'où vient le TAROT ??? Et pourquoi Euclide a été afflublé de ce nom ?... Ah, ah ! Vous donnez votre langue au chat ? Lisez !

 

Et le titre alors ? OFF... Un titre bizarre pour un processus étrange. Une fois de plus, si vous voulez une réponse, je vous invite à parcourir les répliques des trois personnage!!! 

 

Voilà un texte à découvrir : que j'aimerais assister à une représentation de cette pièce ! 

Une seule critique : voilà un livre qu'on aimerait plus long tant l'auteur touche juste.

 

Christine Brunet

www.christine-brunet.com

E16

Publié dans Fiche de lecture

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Françoise Lison parle de "Ethers noirs" de Michel Westrade dans l'Avenir

Publié le par christine brunet /aloys

westrade

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Rolande Michel a lu Lovebirds d'Edmée de Xhavée

Publié le par christine brunet /aloys

lovebirds
Rolande Michel a lu Lovebirds d'Edmée de Xhavée

Dans un style fluide, d'une indéniable élégance, où perce, ici et là, un zeste d'humour, Edmée De Xavée nous entraîne, à travers huit nouvelles superbement écrites, dans un face à face avec l'Amour.

L'Amour ! Sentiment complexe, direz-vous !

Sans doute est-ce cette complexité même qui empêche de le définir.

Amours fugaces, illusoires, amours passions, amours prisons, amours brisés qui se réveillent soudain de manière inattendue, amours pardon, amours renoncement, le grand amour: celui pour lequel on balaie les tabous, les interdits, les convenances : autant de facettes de ce sentiment que l'auteur nous dévoile avec brio, par le biais de personnages qu'elle parvient à rendre touchants, en dépit ou à cause de leurs faiblesses.
Voici, certes un livre qui ne peut décevoir le lecteur et qui mériterait de figurer parmi les classiques de notre littérature !
Rolande Michel
Jeanne

Publié dans Fiche de lecture

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L'auteur de ce texte est Gauthier HIERNAUX

Publié le par christine brunet /aloys

 

Une pie dans le ciel de Saïgon

 

 

 

Ça avait commencé tout bêtement, par hasard. Le hasard… comme il haïssait ce mot ! Depuis, il se sentait comme un animal traqué par le Destin.

Il savait pourtant que c’était stupide, qu’il n’avait pas demandé ça et qu’on ne pourrait pas lui reprocher de s’être fait mousser pour le plaisir d’un peu de publicité. Il n’était pas comme le voisin de ses parents, qui aurait appelé la presse uniquement parce qu’il venait de s’acheter un tracteur pour tondre son gazon.

John-John, en l’honneur des Kennedy, Sizeman était un garçon timoré, à la limite de l’autisme. Sa vie était pourrie de petites manies de vieux garçon – qu’il était déjà à trente et un ans – du lever au coucher, chaque jour de la semaine, année après année. Jamais il ne dérogeait à ses habitudes.

Jusqu’à ce jour terrible où il avait fait un pas de travers. Le pas fatal, comme l’équilibriste qui avait décidé de tenter le grand saut. Cette erreur, il la regretterait encore longtemps.

John-John Sizeman allongea le pas en direction du parc et pria pour que son banc ne soit pas pris. Il avait besoin de s'asseoir et de réfléchir, sur SON banc et pas un autre. Il l'avait choisi dix ans auparavant quand il n'était encore qu'un simple étudiant en informatique. Il ne réussissait à prendre des décisions que les fesses posées sur ce bois peint. En avait-il essayé un autre ? À quoi bon si celui-ci avait toujours fait ses preuves.

Le garçon s'engagea du côté gauche de l'allée

(toujours remonter du côté gauche et redescendre du côté droit, c'était un dogme)

et avança, sans regarder devant lui. Aux autres de s'écarter après tout! John-John avait le poids pour lui.

Depuis ses quinze ans, il ne se nourrissait que de quelques aliments, tous triés sur le volet pour lui apporter de quoi survivre. Il savait que, où qu'il aille aux États-Unis, ces produits seraient là. Il pouvait les conserver pendant des années, à l'abri de leur enveloppe de métal, sans craindre la rupture de stock. Car si John-John venait à manquer de ces denrées que d'aucuns auraient nommé "malbouffe", il ne saurait pas sur quoi se rabattre quitte à... modifier le PLAN. Or, on ne pouvait, sous aucun prétexte en dévier. John-John Sizeman, moins que quiconque, n'en n'avait le droit.

Il atteignit enfin la fontaine

(il avait reconnu le dessin des pavés qui en délimitaient le périmètre)

et osa enfin un regard en direction du banc. Un couple d'adolescents s'y bécotait sans vergogne. Il leur lança son regard des ténèbres, pourtant, ces deux là étaient trop affairés pour prêter attention au petit gros à casquette qui prenait l’ombre sous le platane.

John-John devait réagir. Mais que faire dans une telle situation ? Il n’avait même pas sa place dédicacée pour réfléchir ! Il lui fallait prendre une décision, coûte que coûte.

Pris d’une soudaine rage, il fonça vers le couple enlacé et leur hurla dessus jusqu’à ce qu’ils prennent peur et s’égaient comme des moineaux suite à un coup de fusil.

Soulagé, le garçon s’écroula sur le banc pour songer à ce qu’il devait faire, à comment réparer sa bourde. Le PLAN pourrait être à jamais compromis s’il acceptait de son plein gré ce terrible coup du sort.

Tout s’était mal enchaîné. D’ordinaire, il s’arrêtait à cette librairie uniquement  pour s’acheter un paquet de chewing gums à la chlorophylle

(encore quelque chose qui ne disparaitrait pas de sitôt !)

mais ce matin, poussé par quelque démon, le libraire l’avait tenté comme le Serpent l’avait fait pour Ève .

John-John n’était pas un joueur

(trop de probabilités, trop de possibilités de sortir du PLAN).

Il fuyait tous les hasards, quels qu’ils soient puisque la vie n’était qu’une suite d’événements programmés à l’avance. Mais cet homme, Mister Miller, qu’il connaissait depuis tant d’années – cet infâme salopard devrait-il dire – lui avait tendu un billet de loterie, de ceux que l’on gratte avec une pièce ou l’ongle du pouce. Prétextant un oubli d’un client précédent, il avait essayé de le lui refiler. John-John avait d’abord catégoriquement refusé, mais Mister Miller s’était montré persuasif.

Allons, John-John, ce client a payé ce billet. Je ne peux pas le remettre sur le présentoir ! Ce serait… du vol.

Mais pourquoi vous ne le lui rendez pas à ce monsieur ? avait bredouillé le jeune homme, en sueur.

Tout bonnement parce que je ne sais pas de qui il s’agit ! avait rétorqué l’autre, vaguement agacé. Quelqu’un m’a acheté hier avant la fermeture une bonne dizaine de billets, un journal et deux ou trois bricoles comme un paquet de cigarettes, du briquet et des allumettes. Il en a oublié un sur le comptoir ! La belle affaire ! Autant que quelqu’un en profite !

Pourquoi pas vous, Monsieur Miller ?

Le vieux libraire avait pris un air gêné et écarté les bras de son gilet de mauvais goût avant de bredouiller un truc totalement incompréhensible où il était question d’éthique. En gros, il ne pouvait pas garder le billet car, s’il gagnait une grosse somme, il ne pourrait tout bonnement pas la garder. Autant que le bénéficiaire soit un client aussi régulier que Mr. Sizeman.

Le gras garçon avait noté un drôle de sourire sur la face ravinée du libraire, mais il était tellement perdu dans ses atermoiements qu’il l’enregistra sans l’analyser. Cela avait été là sa première erreur. Il connaissait bien Mr Miller et l’appréciait beaucoup car, s’il avait compris comment fonctionnait le gamin, il ne lui avait jamais fait la moindre remarque, contrairement aux autres personnes, famille et « amis » de l’entourage de John-John. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, alors que sa raison s’y opposait farouchement, la main de John-John Sizeman s’empara du billet.

Il était onze heures moins le quart et, il n’avait pas encore entamé son paquet de chewing gums.      

***

Arnie Miller, libraire depuis l’invention de l’imprimerie, chaussa ses nouvelles lunettes ultralégères que sa femme l’avait convaincu d’acheter et se dit que, décidemment, elles ne lui allaient pas. Il avait abandonné une monture qu’il trimballait sur son nez depuis vingt ans et qui ne se seraient jamais démodées pour la simple et bonne raison qu’elles n’avaient jamais été à la mode. Il avait fixé un petit miroir sur le mur droit de son comptoir, invisible pour autrui, car Arnie avait la hantise de servir ses clients avec le nez sale. C’était une manie qui datait du début de sa carrière et qui le poursuivait encore, d’autant plus que les poils clairsemés de son nez étaient devenus une véritable forêt dense depuis que ceux de son crâne l’avaient déserté.

Toutes les heures, surtout pendant l’hiver et les périodes d’allergie, Arnie s’observait les fosses nasales quand il n’avait personne à servir.

Il était en pleine exploration quand la clochette de la porte d’entrée l’avertit que son intimité était momentanément terminée. Il fit semblant de remettre de l’ordre dans ses billets de loterie le temps que le nouveau venu se plante devant le comptoir. Il attendait généralement le « bonjour » de l’individu pour faire semblant de se sortir la tête du travail, celui-ci ne venant cependant pas, le libraire feignit de reporter tout à fait incidemment son attention vers le client.

Il y vit cette grosse limace de John-John Sizeman qui faisait tellement honte à ses parents. Arnie Miller en avait pitié – même si la première image qui venait à lui quand il le voyait était « gastéropode » – et  faisait tout pour le traiter comme un habitué de son petit commerce. Depuis quatre ans, cinq  peut-être, ce type venait lui acheter tous les jours un paquet de chewing gums à la chlorophylle qui devait soit vider en une journée, soit collectionner depuis l’enfance. Il n’entrait qu’une seule fois dans sa boutique, à neuf heures pile et jamais, au grand jamais, une seconde fois.

Pourtant, il avait devant les yeux en cet instant même un John-John Sizeman blême et tremblant qui lui tendait un billet de loterie un peu froissé, le même sans doute que celui qu’il lui avait donné de bon cœur tout à l’heure.

Je vous le rends, Mister Miller. Je n’en veux pas.   

Arnie se gratta le lobe de l’oreille et essaya un sourire, un clin d’œil et un haussement d’épaules dans un même mouvement.

Quand il avait réussi à refourguer ce billet à cet ersatz d’être humain quelque heures auparavant, il avait été partagé entre deux sentiments contradictoires. Il s’était senti l’âme d’un boy scout et d’un tentateur. À la fois, il souhaitait aider ce garçon à sortir de sa spirale infernale et, en même temps, il s’était rendu compte que le moyen n’était sans doute pas le bon. Un électrochoc d’être humain adulte pour ranimer un mulot. Il en avait la preuve de visu.

Rebonjour, John-John, chantonna-t-il. Que puis-je faire pour toi ? À nouveau…

Il grimaça intérieurement. Ces deux mots étaient de trop.

Le jeune Sizeman secoua le morceau de papier qu’il tenait fermement entre ses doigts boudinés avant de le plaquer sur le comptoir, pile entre le lecteur de cartes et les boîtes d’Oreo.

Arnie Miller remarqua qu’il n’avait même pas été gratté.

Je vous demande de reprendre ce billet, Mister Miller. S’il vous plaît… j’en veux pas.

Le commerçant s’éclaircit la gorge avant de faire la moue.

Bien. Bien. Comme tu voudras. Je le donnerai à quelqu’un d’autre en ce cas…

Et avant qu’il ait pu ajouter le moindre mot, Sizeman avait jaillit de la boutique, laissant le vieux libraire comme deux ronds de flanc.

Il revenait à peine de sa surprise quand la cloche tintinnabula de nouveau et la porte s’ouvrit sur la silhouette légèrement voûtée, mais encore alerte, de Mr Alberts.

Elmore Alberts avait passé sa vie sur les routes. Représentant de commerce retraité, il n’aspirait désormais plus qu’à profiter de sa villa, durement gagnée par des années de sacrifices. De ce qu’Arnie en savait, il n’avait ni femme ni enfant et vivait seul malgré son âge.

Comme le fils Sizeman, il venait tous les jours à la boutique, à la seule différence près que ses achats variaient.

Ils se saluèrent aimablement, prenant des nouvelles de l’un et de l’autre, puis le vieillard réclama son journal et un paquet de pastilles à la menthe. Le libraire profita de sa présence pour tenter de se débarrasser du billet refusé par John-John Sizeman. Comme son prédécesseur, il montrait une certaine méfiance à l’égard d’un cadeau qu’il jugeait injustifié. Miller et lui-même n’étaient pas si proches pour qu’il lui fasse pareil présent. Le commerçant eut beau argumenter, le représentant retraité se montra inflexible et quitta la boutique un peu irrité.

  Hé ben… merde alors ! souffla Arnie Miller de plus en plus dépité. 

Il avait passé sa vie à vendre des tonnes de trucs (parfois inutiles) et c’était bien la première fois qu’on lui refusait un machin gratuit.

Il se mit à fourrager furieusement dans son nez jusqu’à ce que la clochette retentisse une troisième fois. C’était cet imbécile de facteur. S’il y avait bien un quidam à qui il n’avait aucune envie de filer un billet de loterie c’était bien lui !

Les clients se succédèrent et plus aucun ne trouva grâce à ses yeux. Le fils Sizeman et le vieux représentant l’avaient mis dans une humeur telle qu’il ne desserra pratiquement plus les lèvres de la journée.

***

Il était sept heures passées de cinq minutes quand Arnie Miller ouvra le volet métallique qui condamnait pour la nuit l’entrée de sa boutique.

Son caractère s’était à peine radouci car la nuit ne lui avait pas porté conseil. Sa double rebuffade lui avait véritablement porté sur les nerfs. Pourtant, alors qu’il ouvrait le rideau de fer de sa boutique, le libraire tentait de relativiser. Après tout, il s’était fait remettre à sa place par un vieux solitaire un peu grincheux et un gamin taré. Il n’avait pas à s’en faire. Il n’était pas mis en cause. D’ailleurs, pour quelle raison ces refus lui tenaient-ils tellement à cœur ?

Tu te retournes pas, OK ?

Arnie eut un hoquet de surprise. La voix assurée, quoique juvénile, avait éclaté à quelques centimètres de son oreille. Il ne voyait pas son agresseur, il ne sentait que l’odeur du cuir qui émanait de sa veste et son haleine de Red Bull.

Ne fais pas de conneries, p’tit ! Tu veux quoi ?

M’appelle pas « p’tit », vieux con !

Tu veux quoi ? La caisse ? Je commence ma journée, il n’y a rien dedans, tu sais. En tous cas, pas grand-chose…

Il y eut un long silence à l’arrière. Le gamin avait l’air de mesurer l’étendue de sa bêtise. Quant au libraire, il se demandait s’il n’avait pas donné un tuyau à ce garçon. Il devrait se montrer prudent ce soir. Peut-être devrait-il investir dans un spray de défense en plus de la barre à mine placée en-dessous du comptoir.

Il n’y avait pas un chat dans la rue. Il n’y avait jamais personne quand un vieux type ou une fille se faisait agresser. Ses collègues des autres boutiques avaient tous été au moins une fois braqués, mais le vieil Arnie se vantait la semaine dernière encore de ne pas encore avoir fait les frais de la petite criminalité. Sans doute sa boutique faisait-elle plus pitié qu’envie, un constat qui le rassurait, mais ne l’enchantait guère. Aujourd’hui, il pouvait se rassurer. Ce constat, amer, était loin de le porter aux nues.

L’odeur de Red Bull se fit plus forte quand le gamin approcha ses lèvres de l’oreille velue du commerçant. Il sentit la pointe d’une lame presser le bas de son dos.

Tu me files ton ‘larfeuille’ alors.

Arnie sentit des doigts s’introduire dans la poche de son pantalon de velours côtelé, puis en ressortir aussitôt pour se faufiler dans celle de son veston. Ils en ressortirent cette fois avec le butin. Il n’essaya pas de se défendre. Outre le fait que son agresseur avait la force et la jeunesse pour lui, il savait que son cuir élimé n’abritait qu’un peu de mitraille et quelques billets pour démarrer sa caisse. Il entendit le gamin farfouiller dans son bien et le bruit caractéristique des coupures qu’on fourre sans ménagement dans la poche d’un pantalon.

« Pourquoi t’as pas gratté ton billet ?

Hein ?

Le jeune type soupira et lui donna une petite bourrade dans le dos.

Ton billet à gratter, putain ! Tu le gardes sur toi parce que c’est joli ?

Le fameux billet doublement refusé oublié par le client d’hier matin. La veille, sans réfléchir, Arnie l’avait plié en deux et glissé dans son portefeuille fatigué. Il ne savait pas ce qui l’avait poussé à faire ça, mais il ne trouvait pas honnête de le remettre dans le présentoir avec ceux qui n’avaient pas encore trouvé acquéreur.

Il s’éclaircit la gorge avant de proposer :

Prends-le si tu veux.

Je veux, ouais, grogna le braqueur.

Le libraire laissa le gamin gratter la couche protectrice du billet, résigné.

BORDEL !

Le commerçant se retourna à demi.

Quoi ? Quoi ?

N’obtenant aucune réponse, il poursuivit sa rotation. Il se retrouva bientôt face à un adolescent – seize ans, peut-être – portant un blouson en cuir brun fermé jusqu’au cou, jeans troué aux genoux et casquette enfoncée jusqu’aux oreilles. Une moustache – de celles qu’on peine à laisser pousser entre les boutons d’acné – garnissait le dessus de sa lèvre supérieure. Le gamin louchait sur le billet qu’il tenait fermement à deux mains. Arnie remarqua que le cran d’arrêt gisait sur le sol. Le gamin ne paraissait pas s’en soucier.

Quoi ? redemanda le vieux monsieur en arrachant le billet des mains de son vis-à-vis. Qu’est-ce que tu v…

Il n’acheva pas sa question. Devant ses yeux écarquillés s’étalaient plus de zéros que le commerçant n’avait jamais vus de toute sa vie.

Holly shit !   

Putain, ouais ! répliqua le petit loubard qui retira sa casquette pour s’éponger le front de sa manche.

Ils restèrent muets un instant avant de se regarder au même moment. Arnie vit dans les yeux du gamin une franche résolution qui l’effraya. Il n’avait pas le choix, il devait jouer le tout pour le tout.

Ecoute, fils, je sais à quoi tu penses. C’est de la folie et je vais t’expliquer pourquoi. Rentre un instant dans ma boutique s’il te plaît. Il fait froid ce matin…  

Le jeune homme ne voulait pas. Revenant peu à peu de sa surprise, il redevenait crâne et demandait à son aîné ce qui l’empêchait de le poinçonner pour lui piquer le billet. La face ridée d’Arnie Miller s’émailla d’un sourire.

« Tu n’y connais pas grand-chose à la vie, hein ? Fils, tu peux faire valider ton billet uniquement dans la librairie où tu l’as acheté… ça limite la fraude, tu comprends ? Si tu me tranches la gorge comme tu prévois de le faire, ma boutique sera fermée en attendant un repreneur. Ça peut prendre des mois, des années peut-être. En attendant, la somme aura été remise en jeu.

Le petit caïd hochait la tête, convaincu. Il venait de ramasser et de ranger son couteau dans la poche de son manteau de cuir et suivait docilement le vieux type dans sa librairie. Miller n’arrêtait pas de pérorer, ravi que son mensonge prenne, lui qui n’avait jamais été filou dans l’âme.

« Voilà ce que je te propose, poursuivit-il en refermant le volet derrière eux, je valide ton billet et on partage les gains. Bien sûr, tu es obligé de me faire confiance, mais je pense que je suis dans le même cas…  

Il s’approcha du comptoir et le contourna pour se retrouver de l’autre côté, près du tiroir-caisse encore vide dans lequel il faillit y déverser la mitraille et les coupures contenues dans son portefeuille. Il prit un air d’excuse et tendit la main en direction du garçon.

« Pourrais-tu me rendre l’argent, fils ? J’aimerais mon fond de caisse pour ouvrir la boutique.

Heu… ouais, ouais, fit le jeune homme en retirant de sa poche revolver l’objet de son larcin.

Allez, viens ! Approche, je ne vais pas te manger, ricana le vieil Arnie tandis que sa main agrippait sous le comptoir la barre à mine.

 

 

 

 

Gauthier HIERNAUX

grandeuretdecadence.wordpress.com

Publié dans auteur mystère

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