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Bob Boutique: j'suis pas un écrivain, j'suis un conteur !

Publié le par christine brunet /aloys

bobclin.jpgJ'ai beaucoup hésité avant de demander à Bob de me raconter sa manière  d'écrire...  J'ai lu les critiques de son bouquin, l'interview donné pour Monde du Livre... Je l'ai regardé interroger avec brio des auteurs pour l'Actu TV... link

 

On sent son regard affûté. Son site est éclectique... Un regard particulier sur le monde de la culture qu'il développe avec toute l'équipe enthousiaste de l'Actu TV...link

 

Un humour à fleur de peau, piquant, déstabilisant qui intimide... 

 

J'ai tergiversé et puis le titre du livre, la personnalité de Bob m'ont convaincue... Contes bizarres...  J'aime les contes, tous les contes... J'avais donc envie de les lire mais un peu peur aussi... Le monde de Bob me paraissait si... bizarre...

 

Et voilà, c'est fait: pas déçue un instant ! J'en ai encore le sourire aux lèvres en repensant aux textes que j'ai dévorés, aux héros qui les traversent comme une claque à l'uniformité ! Et dans la foulée de l'enthousiasme, j'ai osé... Je ne lui ai pas posé des dizaines de questions, juste trois...

 

Je vous livre texto ses réponses... Rien à ajouter... Enfin, pas encore...http://www.bandbsa.be/contes/actu.jpg

 

« Tu gères ton texte comme tu veux », qu’elle m’a dit la p’tit Brunet. Je l’ai jamais vue, ni même entendue, rien que des mails échangés, mais j’ai sa photo et ma foi… elle est plutôt jolie. Une auvergnate qui vient en réalité d’Aubagne, le pays de Pagnol.

 

Moi je suis de Belgique, avec des parents hollandais. C’est très différent. Mais on a quand même un point commun. On adore les voyages. J’ai pas mal bourlingué avant de devenir « sache comme une imache » . Qui sait ? P’têt que je l’ai croisée sur un sentier de l’Everest ou au détour d’une piste kenyanne ?

 

Bon, c’est pas tout ça.

 

http://www.bandbsa.be/contes2/actutvcarre.jpg« J'aimerais que tu me parles de ta façon d'imaginer tes histoires et de les écrire. Comment t'est venue l'envie, où tu prends ton inspiration… » et tous ces trucs qu’on raconte dans les conférences de presse pour faire l’important.

 

Mais qu’est-ce que j’en sais Christine ? Quand j’entame un conte bizarre, je ne sais même pas comment il va se terminer. Et pour commencer, j’écris pas… je raconte. J’suis pas un écrivain, mais un conteur. J’ai une copine qui habite près de new-York et publie des textes que tous on peut les lire dans le grand auditoire de l’université, même qu’il faut prendre des notes pour en discuter après. Elle aligne deux mots, et elle a le prix Concours.

 

Moi, j’ai une image qui me saute aux yeux, comme ça, un truc qui m’émeut… et zou… c’est parti. J’en fais une histoire et je papote et je papote, comme on raconte un truc qui vient de vous arriver, à table à des amis, entre la poire et le fromage.

 

La syntaxe en prend un coup bien sûr, le vocabulaire aussi, car lorsque je ne trouve pas le mot qu’il faut, je l’invente et puis, comme j’ai commencé ma vie en allemand et en flamand, de temps en temps, je dérape et je mélange. Mais en général, on comprend. Voilà.

 

On comprend, c'est sûr... On s'amuse, on apprend... On fronce parfois les sourcils, on relit et on sourit un peu plus à l'humour fin, presqu'ironique du conteur...

 

« Je me demande pourquoi tes histoires finissent toujours mal... » qu’elle insiste mon interviouweuse… comme si j’étais le mec ravagé qui répand sa bile et son fiel autour de lui. 

 

(Ni bile, ni fiel, Bob... un juste retour des choses lorsque les méchants 's'en prennent un coup derrière les oreilles', comme on dit chez moi!).

 

Faux mam’selle. Faux. Mes contes sont plein de mecs tordus, de crapaudes et de pauv’types… mais je les aime tous, tous, parce qu’ils sont lamentables comme la plupart d’entre nous… parce que le monde est un univers de fous qui n’est lucide que quelques jours par an, pendant la période du carnaval ! Même que c’est dans ma préface.

 

Et tac, dans les dents ! pensais-je... J'entends la petite voix de Bob m'avertir qu'il faut toujours lire les préfaces... Bon... Mais je préfère sauter à pieds joints dans les textes, sans les avertissements de l'auteur... Son univers, je veux le découvrir seule pour le savourer tout à loisir... 


cover.gifMon monde à moi,- poursuit-il, c’est celui de Breugel ou mieux … celui de Bosch, avec des tas de personnages ridicules qui gigotent comme des marionnettes au bout de leurs fils et tout au fond du tableau, dans le lointain, tout petit, un berger immobile au milieu de ses moutons, qui observe en s’appuyant sur un long bâton.

 

Non, non, je ne suis pas le berger… moi, je danse avec les paysans et les madames aux gros seins et je suis (du verbe suivre)  leur procession qui mène tout droit vers l’enfer. M’en fous, j’y crois pas.

 

Des histoires qui finissent mal ?  Mon petit vieux qui tchate avec une gamine de treize ans ne l’a jamais agressée que je sache… et la jeune folle qui s’envole vers la Suède pour y rejoindre un correspondant du net… bon je vais pas tout dévoiler, mais… ça finit… bon vous verrez bien. Et le grand connard qui rate son suicide…

 

D’accord. Parfois mes personnages s’énervent un peu et assassinent ou se flinguent. Mais jamais gratuitement, par folie, par désespoir, par vengeance…  et tous iront au paradis comme dans la chanson de Polnareff, car tous (sans exception) ont été des petits bébés à leur maman avant de virer adultes. Je vous interdis de les juger.

 

bobdk5

 

Sur ce, j’ vais me faire un p’tit café. Elle m’a énervée la Brunet…

 

ça va, Bob, je m'incline devant la force... même si je n'ai pas encore dit mon dernier mot... 

 

 

 

Vrai que tes personnages, on ne peut que les aimer, les plaindre, les comprendre... Moi, je les trouve profondément humains, complexes... et très modernes... tellement éloignés des caricatures de Breugel ou de Bosch, trop restrictifs à mon sens... 

 

 

Situations cocasses, grinçantes, cruelles se succèdent au fil de tes contes dans un délire éminemment humain  qui tire les personnages hors de leur statut d'êtres sensés. C'est sans doute ça, l'art du conteur ! Non ?

 

Mais je vous laisse seuls juges...

 

Christine Brunet


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Publié dans interview

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La malédiction de la Main... Une nouvelle d'Edmée De Xhavée

Publié le par aloys.over-blog.com

Edmee-chapeauLa malédiction de la Main – Edmée De Xhavée

 

Alors qu’elle était prête à accoucher de moi, ma mère s’est vue conseiller par le personnel de l’hôpital d’aller au cinéma pour se distraire. Mon père l’a donc emmenée se détendre dans une salle où on donnait un film d’horreur, La main avec Peter Lore. Ella adoré mais bon, je voulais vraiment sortir de là et une fois le film fini, elle est retournée à l’hôpital où je suis née à 2h45 du matin. Il paraît que je ressemblais à Peter Lore, ce qui n’est pas flatteur comme je l’ai constaté il y a peu.  

 

Bien des années ont passé… et  je suis arrivée en 2001 (comme vous tous d’ailleurs….). Mon mari et moi avions une imprimerie, et…

 

Pauvre petit chat de rue ! Pauvre, mais pauvre petit ! Nous avions le cœur brisé de devoir jeter « Voyou » à la porte chaque soir alors qu’il avait passé la journée sur des boîtes de carton dans l’imprimerie. Il s’y détendait et surtout s’y goinfrait tout le jour, et on le restituait aux tiques, puces, matous couverts de croûtes et ventre creux chaque soir. Puis on a découvert, en y regardant mieux, qu’il s’agissait d’une Voyelle… pauvre, mais pauvre petite chatte vouée à une mort certaine dans la rue … Alors … eh bien, on a décidé d’en faire une heureuse bestiole, et de la capturer pour y arriver.

 

Elle n’a pas du tout aimé ce plan, et m’a mordue avec la vigueur et la précision d’un douanier qui vous prend pour un terroriste. J’ai tenu bon. Surtout pas lâcher. Aïe-aïe-aïe-aïe pas lâcher ! C’était pour son bien, on penserait au mien après. Nous l’avons conduite chez le vétérinaire pour la faire stériliser, et  sommes rentrés travailler le cœur gros – pauvre petite chose effrayée !

 

Pendant ce temps-là, ma main – la malédiction de Peter Lore – faisait si mal que je l’aurais volontiers coupée. En fin d’après-midi elle avait le volume de la main de King-Kong, et j’ai décidé d’aller effrayer notre médecin traitant en la lui agitant sous le nez. Il s’agissait d’une ravissante Asiatique qui aurait eu sa place au concours de Miss Philippines, mais pas ailleurs. Elle a regardé la chose et a calmement dessiné les contours de la partie gonflée avec un marqueur noir, et m’a dit de revenir le lendemain si ça avait empiré. Et m’a prescrit des anti-douleurs qui auraient permis que l’on me coupe en morceaux sans que je cesse de chanter.

 

Le lendemain, la main de King-Kong avait changé – franchement, Peter Lore, je n’avais rien fait, moi ! C’était ma mère qui voulait voir le film, pas moi ! – et ressemblait à une pastèque de la couleur d’une pomme au sucre : un vermillon luisant du plus bel effet. Les lignes tracées par Miss Philippines n’étaient plus qu’une bouée dans une mer de lave. « Je vous envoie chez le docteur Bond » me dit-elle avec un sourire éblouissant. Mais le docteur Bond n’a pas de rendez-vous avant le lendemain après-midi.

 

Sa salle d’attente ravirait Barbie si elle était malade : fleurs artificielles, tableaux romantiques avec des champs plus fleuris que Keukenhof et des rivières si brillantes qu’on dirait une coulée de glycérine. Et arrive le docteur Bond qui est UNE docteur Bond. Une noire hautaine qui s’avance vers moi comme si j’étais enchaînée au mur et elle armée de bistouris trempés dans du venin de serpent. Et en effet, j’ai beau ne pas être enchaînée, elle s’empare de ma main gigantesque et tente d’enfoncer un bâtonnet là où les quenottes de Voyelle – la pauvre petite – ont fait leur entrée dans mes chairs. « Pour voir s’il y a un abcès » dit-elle avec une férocité satisfaite, tandis que je serre les dents, car je ne prenais plus de la potion magique anti-douleur. Elle constate que non, pas d’abcès, et m’informe enfin de ce qu’elle ne peut rien pour moi de toute façon car elle, son rayon, c’est la chirurgie esthétique de la main ! Magnanime quand même elle me conseille d’aller voir le docteur *&^)_%$ (oui, c’est aussi difficile à prononcer que ça !) qui lui, est spécialiste des maladies infectieuses.

 

Cher docteur *&^)_%$ … en voyant la chose qui termine mon bras (car elle ne me sert même plus de main, à ce stade-là…) il s’écrie : Mais vous devriez être à l’hôpital depuis deux jours ! Vous n’avez plus de sensibilité dans la paume ! Hop ! Hôpital !

 

Et j’y suis restée trois jours avec un antibiotique en intra-veineuse que l’on changeait toutes les 4 heures, grelottant de froid en plein mois de juillet. Pendant ce temps là, Voyelle prenait possession de ses confortables nouveaux quartiers…

 

Plus tard j’ai reçu par erreur les papiers de l’assurance médicale destinés au Dr Bond. L’espionne au bâtonnet réclamait $250 pour la visite (5 minutes….) et $285 pour avoir nettoyé mon abcès… Armée de l’indignation du JUSTE, j’ai bondi sur le téléphone pour informer la compagnie d’assurance de la fraude commise, pour m’entendre dire … « qu’est-ce que ça peut vous faire ? Ce n’est pas vous mais nous qui payons ! » Non, cruche, c’est moi qui paye une assurance trop cher pour couvrir les fraudes et les galanteries que les médecins se font entre eux : Miss Philippines a envoyé à l’espionne au bâtonnet une cliente qui n’en avait pas besoin mais qui lui rapporte plus de $500. L’espionne lui rendra la pareille ou  l’invitera à un dîner de gala quelconque. Et je paye.

 

Voyelle va bien. Le docteur *&^)_%$ a presque volé mon cœur, car il m’a bel et bien sauvé la main, celle que Peter Lore voulait me prendre.

 

Edmée de Xhavée

edmee.de.xhavee.over-blog.com

 

 

Publié dans Nouvelle

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Hugues Draye : Entre maladresse et agressivité

Publié le par aloys.over-blog.com

H.drayeENTRE MALADRESSE ET AGRESSIVITE

  
entre maladresse et agressivité, c'est pas toujours facile d'y voir très clair
 
rares sont peut-être ceux ou celles qui font mal intentionnellement
 
par contre, sans l'faire exprès
ça m'arrive vis-à-vis des autres
ça arrive aux autrees vis-à-vis de moi
 
évidemment, c'est plus facile de le pointer du doigt quand ce sont les autres qui 'nous" le font
 
ici, j'ai deux exemples vécus sur une journée, enfin sur un après-midi, où je chantais dans l'métro
 
"faut pas être agressif !", me dit une personne qui s'arrête, pour m'écouter chanter
elle aurait pu tout me dire, mais pas ça
enfin
elle aurait pu tout me dire, mais pas ça, au moment où elle l'a dit
évidemment
je lui suis volé dans les plumes
 
non pas, parce qu'elle avait tort de le dire
je ne suis pas con au point de ne pas comprendre un propos
 
mais le moment où elle l'a dit, là ...
oui, quand vous chantez avec tout votre souffle, et que vous êtes carrément au coeur de l'action
et que la personne vous lance "faut pas être agressif"
déjà, les "faut pas" (ces obligations !)
et puis, qui aime qu'on lui dicte ce qu'il doit faire ou pas ?
 
il est tout à fait que j'interpelais assez viv'ment les gens qui passaient dans la rame de métro
je leur disais "ah ils n'ont pas l'temps, mais s'il ya deux connards, deux saoûlards qui s'bagarent un peu plus loin, ils ralentissent ..."
bon, c'est vrai, je pourrais me passer de ce type de commentaire (après tout, les gens font ce qu'ils veulent)
mais voilà, je l'ai lancé, j'étais parti dans un trip
 
un trip qui avait démarré ainsi
cette dame interpelait, par sa présence, tous les gens qui passaient, afin que ceux-ci m'écoutent ... et aucun ne semblait entendre
et ensuite, elle me regardait, désolée (avec ce regard, ce jug'ment : "ah, les gens, quand même !")
en fait
j'embrayais dans l'même sens
d'accord !
 
mais final'ment, elle aussi, en s'y prenant comme elle s'y prenait, vis-à-vis des gens, elle se montrait ... agressive
 
maladresse, sûr'ment
 
plus tard, une autre passante, très sympa, le sourire systématique
elle s'arrête
je la félicite pour le maintien qu'elle a de ses vêt'ments
 
je lui manifeste mon plaisir de la voir
elle me répond que c'est réciproque
 
jusqu'au moment où
dans ma joie
je lui dis
"et ça fait surtout plaisir qu'on sache qu'on va revoir des copains, des copines ..."
il a fallu qu'elle me balance : "le bonheur commence avant tout par soi-même"
merde, alors !
cette phrase-là, OK, je la comprends, je la connais, j' l'approuve
 
mais, s'il vous plaît
arrêtez de me faire des l'çons
l'enthousiasme, le plaisir dee r'voir quelqu'un, c'est si lourd que ça ?
il faut absolument ajouter des phrases toutes faites ?
Hugues Draye
huguesdraye.over-blog.com
 

Publié dans Réflexions

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Patrick Benoit se présente...

Publié le par aloys.over-blog.com

tete-patrick-benoit.JPGIdentité

 

Patrick (= prénom) et Benoit (= nom avec un point sur le « i » et non un accent)

 

De moi-même

 

Tantôt publicitaire comme consultant en marketing et communication, tantôt enseignant comme passeur de modestes connaissances et expériences, j’écris sous mon nom réel, car je considère qu’un auteur n'est pas une star qui a besoin de gardes du corps. Il a juste besoin de garde-fous pour ne pas se faire intoxiquer par les lettres.

 

En effet, écrire est une faiblesse : je n'ai pas eu le courage ni la force d'y résister. J'écris aussi parce que je ne sais ni peindre, ni dessiner, ni sculpter, ni jouer d'un instrument de musique. Cela reste une souffrance salvatrice. J'avance des mots l'un derrière l'autre pour construire un sens sans en chercher.

 

De mon livre

 

J'ai écrit ce premier texte entre avril 1987 et décembre 1989, à la sortie de mes études en philologie romane. Je n'ai pas pu résister aux mots. Ils m'ont aliéné avec jouissance, fait souffrir dans la félicité. En fin d'écriture, ce fut un véritable orgasme.

 

Titre : Je, tu, il. Genre hermaphrodite où les mots s'enchaînent et se multiplient pour écrire une histoire de lettres. Ni masculin, ni féminin, juste une illusion d'avoir écrit quelque chose pour donner l'illusion au lecteur d'avoir lu quelque part.

 

De mon écriture

 

L’autocritique est un genre trop dangereux pour moi. Pour en parler, je préfère donc laisser la parole à deux personnes à qui j’avais osé demander une lecture en fin d’écriture, soit en 1990. Pour info, la critique d’André Schmitz se retrouvera très probablement sur la quatrième de couverture.

 

« Je vous ai lu avec intérêt. Et je me suis laissé prendre au jeu de votre récit. Je me suis mis « dedans » (non piégé, mais consentant). Votre écriture n’a pas besoin d’appréciations ; elle contient sa propre « vision » et sa propre « folie » qui justifie bien des choses. Laissez-la vivre son aventure. Laissez votre « fiction » créer ses propres fictions, se prolonger en fiction pour le lecteur, lequel devient peut-être votre personnage, ou celui qui se présente pour mettre en page (et être mis en page). Car elle est tellement libre , votre écriture, et libératrice. Cette quête du livre à écrire qui s’écrit, cette dérive-en-ville (ville de pierres, ville de mots) possède ironie, sens de la dérision, rendu par un style alerte, léger, souple. Illusionniste, l’écrivain ? Peut-être ! Illusion, l’écriture ? Pourquoi pas ! En tous cas, on se surprend à applaudir, en sachant que cette dérive ludique en prend à son aise ! Je, tu, il : avec eux, j’ai passé un bon moment, vraiment. »

André Schmitz, poète

 

« Façade après façade, je me suis amusé, dans cette préhistoire d’un roman à paraître, à poursuivre la révélation d’une écriture photogénétique. »

Alain Wathy, journaliste

 

 

PATRICK BENOIT

 

Publié dans Textes

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Journal de bord...

Publié le par aloys.over-blog.com

H.draye

journal de bord, samedi 8 janvier 2011

 

Un rideau rose (ou mauve), transparent, nouveau, ouvre ses portes. Une route pavée, qui se prolonge, au loin, sans grosse flaque d'eau apparente, s'y rallie.

Et le PC est lent ... à faire démarrer, ce matin.

A vol d'oiseau, derrière les champs, derrière les sentiers, la France somnole.

Trois buches sommeillent sur les carr'lages.

Et le PC est lent. La "base virale" a pourtant été mise à jour.

A vol d'oiseau, un bistro (devant lequel les courses cyclistes ont lieu en été) a pris feu. Depuis quelques mois, déjà. Du rouge et du bleu (dans des espèces de sachets en plastique élargis) recouvrent encore le toit.

Tiens ! Une lampe de mineur (miniature) accrochée sur un fil.

Tiens ! Des femmes chauffeurs de poids lourds coupent leurs cheveux pour ne pas être la cible des "mâles" qui pratiquent le même boulot qu'elles. Des aires d'autoroute en sont témoins.

Tiens ! Un sapin qui danse ... sous la folie du vent.

Tiens ! Dans un appart', à Ganshoren (ou Wahington), résidence Mozart, là où le bus passe tous les matins (ou toutes les sept minutes), un homme ne supporte pas son voisin, qui ne remarque pas sa femme (à l'arrêt de bus) et dont les beuv'ries, le sam'di, sont loin d'être reluisantes.

Tiens ! La nuit dernière, je voyageais dans une fusée. Trois secondes plus tard, un compère astronaute, qui s'était laissé pousser le collier de barbe, me croisait, rue du Grand Central, Charleroi, et me ... tirait la gueule.

Tiens ! La nuit dernière, j'ai croisé une petite fille, en train d'engueuler, en compagnie d'un de ses p'tits frères, son autre petit frère ... qui pleurait à gros bouillons et qui (apparemment) le f'sait exprès.

Tiens ! Dans un appart' moderne, intérieur américain, je marchais à vide, j'avais peur de la réaction de mes proches et j'avais peur de recommencer la s'maine (lundi approche déjà).

Tiens ! A Dour, ville de Belgique, où un festival célèbre a lieu en été, les rues se perdent ... malgré l'échafaudage vert (à peine flagrant) au dessus de l'église.

 

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Pluie d'un jour, pluie d'amour.
 
Temps plus doux que la veille, quand même. Ma factrice me l'a confirmé.
 
J'ai ... mon youkoulélé, chez moi. Je me l'étais promis. Le moins cher était à ... soixante euros (selon le vendeur, il était déjà de qualité). Allez, je pouvais aller jusque ... 200 euros, et j'ai pris celui à 165. Bien.
 
Paraît que le fonctionnement, la disposition des doigts, est celui (ou celle) de la guitare. La seule différence, c'est que, sur le youkoulélé, y a que quatre cordes (contre six à la guitare). Simple question d'habitude. On a juste retiré les deux cordes graves de la guitare. Bon : quand on a déjà les mécanismes de départ, je suppose que ça aide.
 
Grâce au vendeur de guitares ...
 
J'ai obtenu une autre adresse : rue d'Artois, pas loin du boul'vard du Midi et de la Place Annesseens.
 
Là, y a un spécialiste en ... accordéon. Ca me tente, aussi.
 
Arrivé sur place (après avoir quand même cherché) ...
 
On m'a dit que l'accordéon diatonique le moins cher se chiffrait à ... un peu plus de six cents euros. Evidemment. Bien sûr, on peut payer par parties mensuelles. Déjà ça. Mais ... tant qu'on n'est pas arrivé à l'échéance finale, on ne peut pas emporter l'instrument.
 
Et pendant ce temps, rue de la Gouttière ...
 
Geneviève étudiait probablement. Aux dernières nouvelles, elle a reçu mes voeux de Nouvel An et elle aurait aimé les dessins que j'avais inséré dans mon courrier.
 
Deux heures du matin.
 
Je n'arrive pas à trouver le sommeil.
 
 
à l'Imaige Notre Dame, estaminet bien connu, pas loin de la Grand'Place, on retapisse
 


 

Hugues Draye

huguesdraye.over-blog.com

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Journal de bord 22 janvier 2011 


 

Comme j'ai initié cette rubrique, je vais vous y raconter une rencontre qui me fait encore sourire quelques heures après...


Nous avons une bibliothèque dans notre village ouverte quelques heures par semaine. Flambant neuve. Les bénévoles qui s'en occupent sont franchement sympas, très enthousiastes... peut-être un peu décontenancés lorsque j'arrive. Pourquoi, me demanderez-vous ? Disons que je fais office d'extraterrestre et à plus d'un titre, surtout depuis que le bruit court que je suis éditée.

 

Donc, aujourd'hui, je m'y rends pour leur donner quelques livres. Deux personnes en train de référencer les nouveautés dont un homme d'une cinquantaine d'année peut-être, que je n'ai jamais vu. Il est grand, mal rasé, élancé, la bouche un peu dédaigneuse.

 

Sa collègue me présente:

- Madame... euh...

 

Mon nom lui échappe sur le coup. Voilà qui augure bien. Du coup, je supplée à son trou de mémoire de bonne grâce. Elle reprend :

...Tu sais... Elle écrit... Tu as forcément entendu parlé d'elle !

- Euh oui, vaguement, je crois...


Tu parles qu'il connaît au moins mon nom ! Dans ce village, comme dans tous les villages de France et de Navarre, tout le monde sait tout avant même que ça se soit passé ! Il me toise, me déshabille quasiment du regard, puis grimace vaguement:

- Alors vous écrivez... Quoi ?


Peut-être s'attendait-il à ce que je lui parle poésie ou roman sentimental, quoique... Il doit savoir ça aussi...

Je réplique sans sourciller:

- Des polars.

- Des policiers ? Ah bon !


Il me dévisage à nouveau et poursuit:

... genre Agatha Christie ?

- Ah non... genre...

 

Je cherche une réponse qui, de toute façon, est évidente et je la lui livre avec un sourire:

... Genre moi... 

- Ah... Avec des meurtres ?

- Ben, un polar sans meurtre... C'est compliqué...

- Avec du sang ? complète-t-il alors que je le sens mal à l'aise.

- Oui... Des meurtres, du sang, enfin la totale...

- Ah... Alors pas mon genre... murmure-t-il en reprenant son petit air dédaigneux.

 

Sa collègue, pour désamorcer la tension qu'elle croit sentir soudain, fait dévier la conversation sur le monde de l'édition. Une lectrice entre pour ramener ses bouquins. Je m'esquive alors sur la promesse d'une nouvelle visite.

J'aimerais bien savoir ce que mon interlocuteur pense de moi, à présent...

Me voilà peut-être haussée au rang d'extra-terrestre sanguinaire, qui sait...

 

www.aloys.me


 

 

****************************** AVIS *********************************************

1282193-1681385 Jacques de Paoli présente son livre, Après Tout, ed. chloé des lys,  le 13/02 à Amay (Belgique) Chaussée Roosevelt 65, dans le cadre de la Saint Valentin (Heure à fixer) et le 19/03 à Evere à la Bibliothèque Romain Rolland, Square Hoedemaekers, 10, 1140 Bruxelles. (Dix heures trente à douze heures trente) et le 26/03  à 11 heures cabaret littéraire à Morlanwelz.
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Cathy Bonte a lu "Nouvelles à fleur de peau" de Micheline Boland

Publié le par aloys.over-blog.com

http://idata.over-blog.com/0/51/93/56//Cathy-2.jpg"Nouvelles à fleur de peau", critique de Cathy Bonte

 

Elle m'a bien eue la petite dame ! J'avais déjà eu l'occasion de lire un de ses livres "Nouvelles à travers les saisons" et j'avais bien aimé. Des personnages simples, un peu Monsieur et Madame tout-le-monde auxquels nous pourrions nous apparenter facilement, des histoires de tous les jours que nous pourrions vivre un jour ou l'autre. Oh, il y a bien un petit meurtre de temps en temps dont Micheline a le secret, histoire de bousculer un peu l'univers petit bourgeois de certains héros, et puis une écriture tout en finesse, facile, gaie, alliant une description intelligente de l'état psychologique des protagonistes.

 

C'est donc dans le même esprit que je m'apprêtais à lire son dernier recueil "Nouvelles à fleur de peau". Belle surprise !

 

Dès la première histoire ("La chaise vide"), la belle-mère m'énerve ! Je meurs d'envie de lui mettre une claque ou de lui faire un croche-pied… à moins que… ?

 

L'histoire suivante ("La porte") m'envoie dans un monde où les peluches et les poupées s'aiment… Et si c'était vrai ?

 

La troisième ("Rencontre de vacances") me plonge carrément dans un univers étrange quihttp://www.bandbsa.be/contes2/nouvellepeaurecto.jpg me fait tout de suite penser aux "Petits contes cruels pour mal dormir" de Dominique Leruth. De même que "La statue" qui me glace un peu.

 

"L'ange" me fait penser à cette photo en noir et blanc représentant un socle vide, une échelle posée dessus, et des pas qui s'éloignent dans la neige… *

 

Une larmichette d'émotion pour "Les ballons" ou encore pour "Critique et vengeance" car je sens et je sais ce qu'il y a derrière…

 

21 nouvelles viennent ainsi étoffer le quatrième recueil de Micheline. Du suspens dans chacune d'entre-elles, une écriture qui a mûri, qui s'est affirmée, une bonne dose de psychologique qui nous fait glisser dans la peau des autres : Comment se sent-on quand on devient retraité du jour au lendemain ? Que sommes-nous prêts à faire devant une statue qui nous trouble ? En pleine canicule, face à un mari qui nous énerve, que fait-on avec le couteau à viande qu'on a justement en main ? Etc… À chaque fin d'histoire, l'envie de poursuivre le recueil pour savoir comment sera la suivante.

 

Un magnifique travail, Micheline, bravo !

 

Un petit bémol ? Quelques fins m'ont laissée sur ma faim… Je m'attendais à plus de meurtres Il y en a, bien sûr, mais je vous laisse deviner dans lesquels…

 

* Après avoir écrit cet article, je suis allée sur le blog de Micheline et j'ai découvert la fameuse photo. Micheline s'en est bien inspirée pour écrire cette nouvelle !

 

 

Cathy Bonte

cathybonte.over-blog.com


Publié dans Fiche de lecture

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Dans mon pays... Une poésie de Carine-Laure Desguin

Publié le par aloys.over-blog.com

 

desguin

 

 

Dans mon pays …

 

Il y a dans mon pays des soleils

Amis avec tous les enfants du monde

Des soleils des sourires éclipses des pénombres

Couleurs sans sacrifices pardons aux fruits vermeils

 

Il y a dans mon pays des jardins

Des enfants au visage sans larmes

Des jardins des oasis des parfums

Senteurs vagabondes essences d’oriflammes

 

Il y a dans mon pays des lumières

Des arcs-en - ciel des faisceaux volcaniques

Des lignes sans artifices sans cailloux sans ornières

Des courbes diaprées et des cœurs pacifiques

 

Il y a dans mon pays des prières

Des chants murmurés des notes salvatrices

Des cœurs d’anges chus sans nulle cicatrice

Il y a dans mon pays des mystères

Des lampes d’Aladin et des fleurs éclatantes

Calices de la paix cimes primesautières

Des roses aux bords des routes

Gps éternels elles pétalent d’insolence

Il y a dans mon pays des trésors

Des consonnes d’amour des voyelles de tendresse

Elles fleurent elles rivièrent du Sud jusqu’au Nord

Elles étoilent des mers elles tissent elles caressent

Elles soufflent aux enfants des phrases et des gestes

En majuscules en capitales elles inscrivent dans le ciel

 

Il y a dans mon pays …

 

 

Carine-Laure Desguin

carinelauredesguin.over-blog.com

Publié dans Poésie

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Réflexions tout à trac de Claude Colson: Le voyage

Publié le par aloys.over-blog.com

claude-colson-copie-2.jpgTreize heures.


On roule depuis une heure et demie. Le TGV traverse au grand ralenti une gare importante. J’ignore totalement où je suis, je n’ai pas eu la curiosité de m’intéresser par avance au parcours. Vaguement curieux, pour tuer le temps, je guette les panneaux indicateurs. Ah ! enfin en voilà un : P...Un choc ! Le passé resurgit. Gare de P… Quatre ans et demi déjà. Je n’y étais pas revenu depuis.


On ne remonte pas le temps si ce n’est en rêve, et encore ! Le train a maintenant oublié P… Moi, j’ai été un instant rattrapé par le passé. Brièvement.


Le trajet est très long, impression de monotonie.


Petit assoupissement post-prandial.


Quatorze heures. Le train fonce toujours. Je suis assis à l’inverse du sens de la marche. Par la large baie je regarde et découvre sous un autre aspect ces morceaux de France qui défilent. Dans les roux de l’automne, ce sont campagnes, vallons et bois plaisants, sous un ciel à son bas encore couleur d’été. Plus haut s’accumulent des ouates en dégradé, du gris cendre au marron foncé. Je n’avais d’abord pas aperçu ces menaces farouches, si hautes qu’elles se font oublier.


Elles resteront menaces car – déjà plus loin – le convoi a retrouvé un soleil plus pâle par endroits. La lumière faiblit. Le TGV est entré en saison.


Une heure plus tard. C’est effectivement, à présent, la grisaille et la pluie. Elle vient frapper la vitre comme du grésil et cela m’a tiré de ma lecture. C’est sans doute local car revoici un ciel tout bleu et ensoleillé. Pourtant, dessous, la nature est restée en automne.


La tuile du midi, sans son  éclat, est dépourvue de la gaieté qui, dans mon esprit, lui est consubstantielle.


Trop tôt parlé car, deux minutes après, elle a retrouvé ses feux, sous un soleil d’orage indécis.


Les façades blanches de maisons serrées là-bas sur la hauteur ont comme un air breton.
Quatre heures que je suis dans ce train lancé à vive allure : la France est vaste.
Les gens, pourtant très proches, ne se parlent pas ou, s’ils se connaissent, très peu. Les heures s’entassent, nombre de passagers s’assoupissent. Je « fatigue» moi aussi et laisse errer mes yeux : des collines roussissantes, quelques ifs ou cyprès – je ne sais – puis, plus loin, soudain sur un éperon une croix austère contre le ciel sombre engendre le frisson. Bientôt les douces arcades d’un pont enjambent une rivière. Presque à l’horizon quelques maisons forment le collier d’ un clocher : le spectacle est infini.


Seize heures : soleil aveuglant.
 
   En une demi-journée j’aurai traversé les régions, les climats et presque les saisons. ! Merveille de la technique et également… cadeau de mon agenda.

 

Claude Colson

claude-colson.monsite-orange.fr

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Christian Van Moer a lu "Grand père va mourir" de Didier FOND

Publié le par aloys.over-blog.com

http://www.bandbsa.be/contes/chrismellone.jpgGRAND-PÈRE VA MOURIR

De Didier FOND, aux éditions Chloé des Lys

 

J’ai lu Grand-père va mourir, le roman de Didier Fond édité chez Chloé des Lys.

 

L’INTRIGUE

 

Cherche le bonheur : tu ne le trouveras pas. 

 

Depuis vingt ans, cet oracle mine sournoisement l’existence d’Alex Thomas, le héros central du roman, pour qui les nombreux succès littéraires et une vie mondaine plaisante compensent mal le fiasco conjugal.

Un coup de fil de son frère Marco va le ramener vers un passé qu’il a vainement tenté d’effacer : dans sa Sicile natale, son père, à l’article de la mort, le réclame à son chevet. Voilà notre écrivain français qui retrouve, le temps d’un bref mais éprouvant retour au pays, son rang de noble sicilien et son nom de baptême : Alessandro Tolomei.

La Sicile !... Ses traditions obsolètes toujours bien enracinées dans les esprits, ses crimes d’honneur, son omertà… Le feu des passions, que les cendres de l’Etna ne parviennent jamais à étouffer et qui couve des années durant avant de refaire surface, de réveiller de vieux démons, de rouvrir d’anciennes blessures, comme une ordalie conditionnant l’apaisement des âmes.

Depuis vingt ans, dans le village natal d’Alessandro, deux familles jadis très liées semblent définitivement brouillées : les Tolomei, qui perchent dans « la forteresse », et les Angelotti qui se cloîtrent dans « la grande maison ».

Ce n’est pas de gaîté de cœur, mais bien mal à l’aise, qu’Alessandro retrouve deux lieux9782874594823_1_75.jpg clos, hantés par ses fantômes.

La « forteresse », ancrée tel un nid d’aigle sur son éperon rocheux, surplombe et domine le village ; bastide séculaire des comtes Tolomei, elle abrite les personnages principaux du roman, garde leurs lourds secrets, leur impose l’omerta.

La « grande maison », en contrebas, derrière ses hauts murs, ses fenêtres et son imposant portail toujours clos, enveloppant de mystère des blessures que le lecteur pressent profondes, est le refuge des derniers Angelotti.

Si Dona Lucrezia et le comte Lorenzo ne s’étaient pas aimés, si Fabrizio n’avait pas séduit Estella, si Alex n’avait pas fui son destin… 

 

 

Si… Voilà, vous en savez déjà presque trop, je n’en dévoilerai pas davantage, pour ne pas écorner le suspense qui rend le récit de Didier captivant.

 

EXTRAITS : LE RETOUR DU DÉSERTEUR

 

C’est une sorte de chemin de Damas que Didier Fond fait suivre à son héros. Et paradoxalement, c’est la mort qui va remettre celui-ci sur les rails de la vie, le réconcilier avec l’existence. La mort effrayante qui l’a poussé à fuir le bercail l’y ramène péremptoirement lorsque « Grand-père (son père, en réalité) va mourir »

Au travers de quelques passages révélateurs de son cheminement douloureux, accompagnons-le jusqu’à sa reviviscence.

 

- La décision « irrévocable » du jeune Tolomei : fuir à jamais.

 

« Je partirai », affirma le jeune homme en se redressant. L’angoisse avait quitté son visage, une farouche résolution se lisait dans ses yeux.

 

« Tu auras beau essayer, tu n’oublieras jamais tes racines (…) Il te faudra bien un jour y retourner. Ne serait-ce que pour exorciser les démons. »

« Jamais, avait-il répondu avec force et conviction. Jamais la forteresse ne me reverra. »

 

- Le retour au bercail : force du souvenir.

 

Et maintenant il était là, dans ce train ; de nouveau habité par cet étrange amour qui ressemblait tant – et cependant si peu – à la haine…

 

Le train qui l’emmenait à Raguse traversait une campagne verdoyante, couverte d’amandiers, d’orangers, de citronniers en fleurs. Avril éclatait de mille couleurs et Alex, fasciné, se sentait envahi par un sentiment soigneusement refoulé depuis vingt ans, une sorte de nostalgie du pays natal qui lui fit tout à coup monter les larmes aux yeux. Qu’elle était belle, cette Sicile d’autrefois… Bien qu’absente de sa pensée pendant si longtemps, elle n’avait pas changé : toujours aussi fière, majestueuse, sauvage, même si cette sauvagerie était, par la grâce de cette matinée printanière, dissimulée sous une parure rose et blanche.

 

- L’arrivée à la forteresse : persistance du malaise redouté.

 

Alex était seul, avec ses fantômes.

Il sut presque immédiatement qu’il ne pourrait pas les apprivoiser. Surtout celui de l’adolescent qu’il avait été. Il allait se dresser contre lui, nuit après nuit, lui reprocher d’avoir, par peur ou par désespoir, renoncé à ce qui aurait pu être le bonheur. « Je voulais vivre, murmura-t-il à voix haute. Es-tu capable de comprendre cela ? » Il lui sembla entendre un écho étrange, à mi-chemin du rire et du sanglot, comme si son double se moquait de lui. Vivre. Qu’est-ce que cela signifiait ? Qu’était devenu, entre ses doigts, ce futur incertain qui se dessinait alors dans l’aurore naissante dont les premières lueurs éclairaient faiblement la forteresse ? « Cherche le bonheur, tu ne le trouveras jamais. » Ce n’était plus la Comtessa Elena qui prononçait ces mots terribles. C’était l’autre, celui qui l’attendait depuis vingt ans, cloîtré dans cette chambre à l’odeur de moisi, malgré la présence d’un bouquet de fleurs sur la table de chevet.

 

- Les retrouvailles du père et du fils : l’abcès enfin crevé.

 

La voix du Comte était presque inaudible mais elle tremblait d’une férocité inouïe. Alex écoutait, hors de lui, ces paroles qui sonnaient comme autant de malédictions. Jamais, comme à cet instant-là, le père et le fils ne s’étaient autant haïs. Et puis, chez l’un comme chez l’autre, ce fut soudain le reflux de cette marée de violence barbare. Elle se retira aussi vite qu’elle était montée et ces deux âmes sœurs, si semblables dans leur orgueil farouche, cessèrent cette lutte inutile. La main du vieil homme s’empara de celle d’Alex, la serra longuement. Les ténèbres de la chambre s’étaient tout à coup dissipées, ne laissant que la douce et ardente lumière de la tendresse qui unissait ces deux mains encastrées l’une dans l’autre.

 

- Le cimetière familial : la sève des ancêtres, les racines dont on ne peut se couper.

 

Quelle tranquillité, ici, songea-t-il. Quel repos ! (...) 

Il alla s’asseoir sous l’arbre, appuya son dos contre le tronc. Avec un peu d’imagination, il aurait pu sentir le frémissement de la sève qui montait de la terre vers la cime, parcourant les branches, les rameaux, à l’instar de ce sang si chaud qui coulait dans ses veines. Comme il était étrange de se sentir aussi vivant à cet endroit où seuls régnaient la mort, le silence et l’immobilité. (…)

A ce moment-là, Alex sut, au plus profond de lui-même, ce qu’était l’éternité.

 

Il comprit alors qu’il ne pourrait jamais reposer définitivement ailleurs qu’en haut de ce pic, dans ce qui était le jardin de ses racines.

« Je reviendrai, dit-il à voix haute. Je reviendrai ici pour y mourir, et je serai enterré à cet endroit, avec les miens… » (…) Cette certitude le réconfortait. Non, tous les liens avec la forteresse n’avaient pas été rompus. Il en restait un, plus fort que toutes les tempêtes, que tous les orages, inaltérable, indestructible : celui qui l’attachait au jardin des morts, à ses ancêtres, à ceux qui l’avaient fait tel qu’il était, humble maillon d’une chaîne qui ne s’achèverait jamais…

 

- Le retour en France : retour d’Alex ou d’Alessandro ?

 

« Crois-tu être le même que celui qui est arrivé il y a quelques jours, Sandro ? »

« Non, reconnut-il. Je pense que j’ai enfin mûri, ce qui, à mon âge, est assez ridicule. Mais mieux vaut tard que jamais. »

Non, Alessandro rentré en France n’est pas redevenu Alex pour autant. Car s’il regagne son pays d’adoption soulagé d’un grand poids, avec les réponses à pratiquement toutes les questions qui l’ont taraudé durant vingt ans, une surprise de taille l’attendait en Sicile, et il ramène dans ses bagages une charge affective inattendue, bien lourde à porter et à gérer.

 

L’ÉCRITURE

 

L’auteur fait démarrer son récit après la tourmente passionnelle qui a emporté et meurtri tant les maîtres de la forteresse que les gens de la grande maison. Ne vous attendez donc pas à un style ardent, emporté et pathétique. Le feu qui a dévoré les personnages est déjà recouvert de cendres et sommeille. Lorsqu’il se réveille, il ravive la flamme et la souffrance, mais ne dévore plus, ne détruit pas davantage ce qu’il n’a déjà que trop consumé. Il cautérise, même. Et il retourne bien vite couver sous la cendre. Et l’écriture de Didier, tour à tour calme ou vive, épouse les mouvements du feu.

Les descriptions, jamais didactiques, jamais fastidieuses, lourdes ou malvenues, éclairent le lecteur sur l’état d’esprit du personnage, lui permettant de suivre les méandres de ses sentiments et de sa pensée. Les dialogues, vivants et bien menés, rythment le récit avec bonheur. La progression dramatique maintient le suspense jusqu’à la fin.

Didier Fond écrit en bon français : sa syntaxe sûre, son vocabulaire précis, imagé, rendent la lecture de son roman vraiment plaisante et captivante.

Oui, j’ai bien aimé ce Grand-père va mourir, Didier, et je n’hésite pas à en recommander la lecture.

 


 

Christian VAN MOER 

11-12-2010


 

 

http://christianvanmoer.skynetblogs.be

 

 

Publié dans Fiche de lecture

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Prologue de Nid de Vipères... Christine Brunet

Publié le par christine brunet /aloys

Couverture-Nid-page-1.jpg

 

 

Hallucinations

 

 

Il rentra en taxi chez lui, prit une douche et s'allongea pensivement dans le hamac installé sur la terrasse de son chalet. Il avait pensé, un moment, se mettre à la recherche de la fille aux yeux bleus qu'il avait entraperçue quelques heures plus tôt mais il y avait renoncé : elle ne représentait que le visage de son fantasme. Il ferma les paupières et rappela l'image devant ses yeux... Impossible... Déjà son drôle de rêve s'effaçait comme tous les rêves... Il se concentra sur le souvenir lointain, en vain... Il se rassit et agacé, se prit la tête entre les mains et se laissa aller au désespoir de la perte. Peut-être que quelques verres de whisky...


Il se rallongea, hésitant, et s'endormit enfin.

 

Une douce caresse sur sa joue barbue le tira avec un gémissement de son sommeil lourd. Il ouvrit les yeux et découvrit le regard de son fantasme penché sur lui, visiblement baigné d'inquiétude. Il s'assit d'un bond, sans croire à ce retour et faillit tomber tant il fit tanguer la toile suspendue. Elle sourit en le stabilisant, le front plissé.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? lui demanda-t-elle d'une voix intriguée.

 

Assis sur le bord du filet, elle hésita un instant et lui prit la main à sa portée.

- C'est toi ? Vraiment ?

- Bien sûr, lui répondit-elle avec douceur. Ton appel m'a surprise... Après tout ce temps... 


Il passa outre la dernière remarque.

- Est-ce que tu es vraie ?


En constatant sa surprise, il ajouta :

... Je veux dire... Est-ce que ceci est la réalité ou... un autre rêve... 


Elle leva un sourcil.

- Nils, pourquoi m'avoir rappelée après toutes ces années de silence ?

 

Totalement perdu, il porta la main à ses lèvres et baisa un à un les longs doigts brûlants.

- Je ne sais plus où est la réalité et où est le rêve... Il y a quelques jours, ton nom était celui d’un homme, et...


Il se tut soudain, suspicieux. Et s'il était en fait sous le coup d'une drogue quelconque, prisonnier, victime d'une machination perfide pour le faire parler ? Le procédé n'était pas nouveau. Lui-même était passé maître en manipulation mentale... Il contempla la main qu'il tenait toujours avec une drôle d'impression dans la gorge. Un coup, il était chez lui, un coup chez elle... Ses yeux se fixèrent sur ses doigts à lui puis sur le visage de la femme à ses côtés et le paysage derrière. Il blêmit, serra les mâchoires et se rallongea.

- Nils... Dis-moi ce qui ne va pas...

- Je... Je ne sais plus qui je suis... Je... murmura-t-il d'une voix faible. Je ne comprends plus... Je... Aide-moi...


Il ferma les yeux, sa tête se déporta mollement sur le côté. Il relâcha la pression sur la main qu'il tenait toujours. Elle la lui retira sans qu'il tente de la retenir. 


Des bruits tout près : on approchait, on l'observait...

- Alors, qu'est-ce qu'on fait ? chuchota une voix féminine, celle qui lui parlait sans relâche dans ses rêves. Ça fait des jours qu'il nous balade en nous racontant des inepties sur Oswald.

- C'est un agent surentraîné, voilà tout... remarqua une voix d'homme, celle que, dans son fantasme, il avait attribuée à son équipier, John. Il ne dira jamais où est le second carnet...

- S'il le sait… On est allé avec lui plus loin qu'avec n'importe qui... Et il a joué le jeu... Il nous l'aurait avoué s’il savait quoi que ce soit...

- Encore quelques doses et...

- Son cerveau ne tiendra pas le choc... Regarde ce qui est arrivé à son chef de section... Déjà, tout s’emmêle, le vrai et le faux... Non... Notre seule chance, c'est de le ramener chez lui et de le mettre sous surveillance. S'il sait quelque chose ou s’il est impliqué, il se découvrira forcément. Dans le cas contraire, on trouvera bien une autre piste à creuser... L'un ou l'autre de ces anciens collègues, par exemple... Le fameux Mac dont il nous a parlé... 


Un bref silence suivit tandis que le cobaye, toujours immobile, tous ses muscles parfaitement relâchés, ne perdait pas une miette de la conversation.

- Je vais en référer à Meyers... Peut-être exigera-t-il son élimination... En attendant, il ne doit pas émerger...


Son corps sous contrôle total, il ralentit son rythme cardiaque lentement mais inexorablement : il devait à tout prix éviter une autre injection et reprendre en mains le cours des événements.

- Je ne crois pas que ça soit utile... Regarde le tracé...

- C'est pas la première fois que le cœur flanche... Mais cette fois, peut-être... Qu'est-ce que tu en dis ?

- Laissons-le mourir... De toute façon, il ne nous est plus d'aucune utilité... 


Le cœur s'arrêta et les électrodes fixées sur la poitrine nue lancèrent leur signal continu repris par un sifflement d'alerte. Les doigts virils appuyèrent sur la carotide puis retirèrent les électrodes sans ménagement... Il en avait partout, sur les bras, les jambes, les testicules, le visage et le crâne.


S'il n'avait pas été aussi bien entraîné, il se serait trahi lors du retrait des aiguilles implantées à même le cerveau. On l'enferma dans un sac plastique. Son cœur reprit très lentement ses battements tandis que la respiration restait contrôlée pour optimiser la maigre réserve d'air. On le transportait dans un hélicoptère... Il entendait distinctement le bruit sourd les pales...


Ean MacLeod, son chef de section, était mort, sans doute sous la torture... Même chose pour son équipier. De quoi se souvenait-il, au juste ? De la mission de sous-marin auprès de Nicolas Oswald, une grosse légume de la côte Est des Etats Unis, a priori en cheville avec les Triades chinoises. Des mecs qui leur étaient tombés dessus dans le parking souterrain de leur hôtel. Ensuite, que s'était-il donc passé ?


Il sentit qu'on empoignait le sac... Et on le balançait dans le vide... Un choc rude qui le sonna quelques instants puis une descente lente... Il était dans l’eau... Sa prison de plastique lestée. Déjà le liquide suintait dans la poche non hermétique. Son cœur retrouva un rythme normal. Il se força à attendre encore quelques secondes puis chercha l'ouverture... Une fermeture Eclair qu'il parvint à faire coulisser en retenant sa respiration. Il passa à l'extérieur et chercha des réponses sur sa situation exacte. Il était peut-être en pleine mer à plusieurs mètres de profondeur. Au-dessus, aucune trace de bateau ou d'agitation de surface. Souhaitant que ses ravisseurs n'aient pas demandé leur reste, il remonta et creva la surface avec un vrai soulagement, en manque d'air.


Il regarda autour de lui, surpris. Il était au milieu d'un vaste lac volcanique, sans doute le plus profond du coin. Transis, il se secoua et nagea jusqu'à un accès plat à une centaine de mètres. Il se hissa tant bien que mal sur le basalte en grimaçant sous les coups de griffes de la roche dans sa chair nue.


Epuisé par les efforts successifs, il perdit connaissance quelques instants et ce sont les rayons brûlants du soleil qui le ramenèrent à la vie. Il se mit tant bien que mal sur ses pieds et dut s'accrocher à une branche couverte d'épines pour ne pas tomber. Les blessures infligées le ramenèrent tout à fait à la réalité. Il contempla sa main couverte de sang puis regarda autour de lui et se mit à marcher. Les roches tranchantes lui tailladaient la plante des pieds. Mais qu'importait ? La douleur lui rappelait qu'il était vivant et avait, selon toute vraisemblance, échappé à ses tortionnaires.


Il grimpa les contreforts du volcan et s'enfonça dans une jungle inextricable. Il devait être sur une île tropicale sans pouvoir se figurer laquelle. A la nuit tombée, il s'assit enfin sur une pierre, incapable de faire un pas de plus... Un petit répit pour faire le point : de quoi se souvenait-il ? Pas de grand-chose, a priori... Son vrai nom... Sheridan... Son métier...Médecin et agent infiltré attaché au MI6, pour l’heure sous les ordres exclusifs de Meyers. Et c'était lui qui avait ordonné l'interrogatoire... Il serra les dents : pourquoi ? Avaient-ils découverts le but véritable de sa mission, ses enjeux ? D’après les bribes de conversations, sans doute pas, heureusement. Quant aux dossiers, il ne se souvenait plus... Tout comme des circonstances de son enlèvement. Le black-out total... Il jura en silence et tenta de penser à la suite. A priori, ils le croyaient mort, un atout évident sinon décisif.


Maintenant, sans vêtement, ni papiers, ni arme, il ne pourrait pas aller bien loin. Pourtant, mieux valait qu'il disparaisse pour de bon, qu’il quitte cette île pour un ailleurs lointain, plus sûr... Peut-être qu'en embarquant clandestinement sur un cargo ou, ni vu ni connu, sur un voilier battant pavillon étranger... Ensuite, à l’abri, il chercherait un moyen pour reprendre sa mission et utiliser au mieux les informations qu’il avait déjà.


D'abord, les fringues... Il se remit sur ses pieds et reprit sa marche sans y voir grand-chose mais persuadé qu'il tomberait nécessairement sur une habitation. De fait, le jour était sur le point de se lever lorsqu'il déboucha sur une zone déboisée. Une cabane en bois passablement déglinguée en occupait une toute petite portion. Portes et volets étaient clos. Pas de chien... Une vieille guimbarde d'origine américaine finissait de rouiller devant et du linge battait mollement sur une corde. L’œil aux aguets, il traversa l'espace à découvert, contempla le linge en lambeaux, inutilisable, puis sur le capot du véhicule, une combinaison trouée, raide de graisse qu'il enfila avec déplaisir. Trop petite, les manches trop courtes et les jambes aux genoux, il avait l'air d'un clown mais c'était toujours mieux que rien.


Il s'éloigna rapidement et s'engagea sur le chemin de terre qui le conduisit jusqu'à un parking en bout d'une petite route goudronnée. Trois véhicules y étaient garés : une conduite intérieure grise couverte de boue, un 4x4 grand luxe et un autre plus modeste sans capote. A l'arrière de celui-ci, du matériel de camping, une glacière et un sac de nourriture. Alentour, tout était calme. Il ouvrit la portière puis la boîte à gants et y découvrit un contrat de location au nom d'une société hawaïenne établie pour une certaine Aloys Seigner, 28 ans, de nationalité française. Il fronça les sourcils, passablement interloqué puis sourit : la chance était avec lui, cette fois…


Du bruit... Il referma précipitamment le compartiment, sauta à l'arrière en se couvrant de la bâche. Il était plus que temps... Des éclats de rire approchaient.

- Sympa, cette excursion, s'exclama une voix féminine claire en français. J'ai une de ces faims... Pas vous, les filles ?

- Tu l'as dit, surenchérit une autre, plus chantante, légèrement plus grave. Vous avez vu dans quel état nous sommes ! Pour la fête de ce soir, nous allons avoir du mal à nous refaire une beauté... Nicole, tu as prévenu les garçons ?

- Tu parles ! On a rendez-vous à minuit, au Palace... Ça va être chaud... Alie, tu viens avec nous, n’est-ce pas ?

- Désolée, les filles, mais ce sera sans moi...

- Tu es désespérante, tu le sais, ça ! On fait tout ce qu'on peut pour te changer les idées et toi, tu rumines encore...

- Lâchez-moi un peu, vous voulez... De toute façon, je repars... J'ai besoin d'un peu de tranquillité.

- Tu reprends la mer ?

- Je recommence à bosser dans un mois, je vous rappelle... J'ai envie d'en profiter encore un peu...

- T'es pas marrante... se plaignit la dénommée Nicole.

- Sûr, mais profitez-en bien...

 

Quelques bruits signalèrent au témoin fortuit qu'elles s'embrassaient et la fille monta dans le 4x4. Deux minutes plus tard, ils roulaient sur l'asphalte en direction du port. Si elle prenait la mer, c'était là, sans doute, une autre opportunité à saisir.

 

Le soleil avait largement passé le zénith lorsque la voiture s'arrêta. A l'odeur d'iode et au claquement des haubans, ils étaient au port. La fille descendit et commença à décharger. Dès qu'elle s'éloigna suffisamment, il souleva légèrement la bâche pour se rendre compte de la situation : ils étaient en bout de ponton, le voilier sans doute amarré dans la zone des mouillages temporaires. Le gros des passants restait éloigné de l'endroit à l'écart des bars et des restaurants. Pour le moment, personne...


Il se glissa hors de son abri puis hors de la voiture en restant courbé pour ne pas se faire remarquer. Un coup d’œil vers la femme…. Elle montait sur le pont d'un voilier blanc en bois… puis disparut par l'écoutille. C'est le moment qu'il choisit pour se glisser à l'eau et rejoindre la chaîne d'ancrage. En haut, elle redescendait sur le quai, déchargeait la glacière et le matériel d'escalade. De l'endroit où il se trouvait, il pouvait la regarder tout à loisir : grande, mince, des formes élégantes, la chevelure ondulée châtain clair aux épaules, un visage agréable, une peau dorée, de grands yeux d'un marron très lumineux, les lèvres bien ourlées, à l'évidence métissée, elle était plus que jolie.


Un homme s'approcha d'elle, visiblement le loueur. A cet instant, elle lui tournait le dos, et le bonhomme ne s'occupait que du 4x4 et de son état général. Il en profita pour se glisser par l'amarre jusque sur le pont. D'habitude très en forme, il aurait accompli cette formalité sans même y penser mais cette fois, l'estomac vide, les plaies à vif, tout son être endolori par les perfusions et les électrodes, il eut bien du mal à atteindre le pont en bois.


Haletant, la tête dans le coton, il se dévêtit pour ne laisser aucune trace d'eau sur le bois sec puis se traîna vers l'écoutille, se glissa à l'intérieur et chercha des yeux un endroit où se cacher. Une sorte de petit coffre vide à l'avant aménagé sous des coussins, c'est tout ce qu'il trouva alors qu'au-dessus, les pas feutrés de la propriétaire résonnaient un peu.


Plié en quatre dans l'espace confiné, il ne bougea plus, le cœur battant. Elle posa quelque chose au-dessus, sur la banquette puis ressortit. Par acquit de conscience, il pesa sur le couvercle du coffre sans parvenir à l'ouvrir. Il était bloqué dans cette minuscule prison de bois sans nourriture ni eau et si peu d'air... Pris au piège comme un rat dans une ratière.


Un bruit sourd retentit : elle levait l'ancre. Le moteur gronda et il sentit le bateau glisser sur l'eau. Plus rapidement qu'il ne s'y attendait, il ressentit le ressac de la mer au milieu des craquements de la coque sous la contrainte du vent.


La fatigue, le manque d'air, la faim et le roulis eurent raison de lui et il s'évanouit.

 

 

Photo-Christine-Brunet-NB.pngChristine Brunet,

Nid de vipères, Ed. Chloé des Lys ©

ISBN : 978-2-87459-531-8

 

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